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21/11/2007 | FRANCE | N°05/08213

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 21 novembre 2007, 05/08213


3ème chambre 3ème section
Assignation du : 22 Avril 2005

JUGEMENT rendu le 21 Novembre 2007

DEMANDEURS
Société LEGENDE LLC 606 1220 New Market Street, Wilmington County of Newcastle, DELAWARE- 19 801 ETATS- UNIS

Monsieur Patrick X...... 31260 MANE

Madame Diana Evangelina Y..., fille de Mr Alberto Z..., dit " B... ",...... CUBA

représentés par Me Randy YALOZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 766
DÉFENDEURS
Monsieur Harald C......... ALLEMAGNE

représenté par Me Martin HAUSER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.

216
Monsieur Jörg D......... ALLEMAGNE

défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice-...

3ème chambre 3ème section
Assignation du : 22 Avril 2005

JUGEMENT rendu le 21 Novembre 2007

DEMANDEURS
Société LEGENDE LLC 606 1220 New Market Street, Wilmington County of Newcastle, DELAWARE- 19 801 ETATS- UNIS

Monsieur Patrick X...... 31260 MANE

Madame Diana Evangelina Y..., fille de Mr Alberto Z..., dit " B... ",...... CUBA

représentés par Me Randy YALOZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 766
DÉFENDEURS
Monsieur Harald C......... ALLEMAGNE

représenté par Me Martin HAUSER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R. 216
Monsieur Jörg D......... ALLEMAGNE

défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice- Président Michèle PICARD, Vice- Président,

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l' audience du 11 Septembre 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Réputé contradictoire en premier ressort

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. Alberto Z..., dit B..., est l' auteur de la photographie représentant CHE GUEVARA intitulé " GUERILLERO HEROICO " et mondialement connue comme la " photo du Che au béret et à l' étoile ".
Cette photographie a été réalisée le 6 mars 1960 à....
Par contrat en date du 25 mai 1995, B... a cédé les droits d' exploitation sur cette oeuvre à M. Patrick X... pour une durée de 10 ans. Ce dernier a accordé une licence d' exploitation à la société LEGEND LCC selon acte du 14 avril 2002.
M. B... est décédé le 25 mai 2001 et a par testament du 5 février 1999, désigné sa fille Diana Evangelina Y... comme légataire universel de sa succession. Cet acte a été homologué par jugement définitif en date du 29 mars 2002 du tribunal de La Havane.
Cette photographie a été déposée par M. X... à titre de marque communautaire le 18 janvier 2002.
Mme Y..., M. Patrick X... et la société LEGEND LCC ont reproché à la société CLOSE UP POSTERS d' avoir utilisé sans leur autorisation le cliché photographique précité pour commercialiser différents articles sur internet.
Par un précédent jugement en date du 8 juin 2004, le présent tribunal a reconnu la société CLOSE UP POSTERS, société de droit allemand, responsable d' actes de contrefaçon de la photographie du Ché dont M. B... est l' auteur et l' a condamnée à payer à :
- M. X... et à la société LEGEND LCC une somme de 58 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice patrimonial,
- Mme Y... une somme de 38000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- à ces mêmes demandeurs une somme de 6000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
cette décision étant assortie de l' exécution provisoire et de l' autorisation de publication du dispositif de celle- ci dans la presse.
Le jugement a été signifié le 7 juillet 2004 et une déclaration d' appel a été formée à son encontre le 26 octobre 2004 au nom de M. Hérald C... en sa qualité de commerçant exerçant sous l' enseigne " CLOSE UP POSTERS ".
Le 14 février 2007, la Cour d' Appel de Paris a jugé cet appel irrecevable et le jugement du 8 juin 2004 est devenu définitif.
Par assignation du 22 avril 2005, la société LEGEND LCC, M. Patrick X... et Mme Y... ont assigné M. C... et M. D... aux fins de voir :
- dire que les défendeurs ont créé l' apparence d' une société CLOSE UP POSTERS,
- dire qu' à leur égard cette société est une société de fait ;
- dire que les défendeurs doivent être déclarés solidairement responsables de l' ensemble des actes accomplis par la dite société créée de fait et des conséquences financières et juridiques y afférent et en particulier des actes de contrefaçon découlant de son activité ;
- rendre tous les effets et conséquences du jugement du 8 juin 2004 opposables aux défendeurs et les condamner personnellement et solidairement au paiement de toutes les sommes auxquelles la société CLOSE UP POSTERS a été condamnée en vertu du jugement du 8 juin 2004 ainsi que de toutes autres condamnations découlant de ce jugement ;
- dire que les défendeurs ont délibéremment dissimulé aux demandeurs et au tribunal avant, pendant et après la procédure de 1ère instance leur soit- disant " véritable identité " et ont adopté un comportement fautif et trompeur en effectuant des actes de procédure sous une identité erronée jusqu' au terme de la procédure de 1re instance et au prononcé du jugement du 8 juin 2004 et ce, afin de se soustraire aux mesures d' exécution du dit jugement en Allemagne ;
- dire qu' un tel comportement fautif et trompeur est constitutif d' un abus de droit d' agir en justice ;
- condamner solidairement MM. C... et D... sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil à payer collectivement aux demandeurs à titre de dommages et intérêts la somme de 5000 euros et celle de 10. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
le tout sous le bénéfice de l' exécution provisoire et de l' autorisation de publication de la décision à intervenir.
Une ordonnance du juge de la mise en état du 25 avril 2007 a :
- rejeté la demande de sursis à statuer en l' attente de la décision de la 1ère chambre du tribunal de céans dans l' action engagée par M. C... à l' encontre de ses conseils, la demande de suspension de l' exécution provisoire du jugement du 8 juin 2004 attaquée en tierce opposition par M. C... et les moyens tenant à l' abandon et à l' irrecevabilité de la dite tierce opposition,
- condamné M. C... à payer à la société LEGEND LLC, à Mme Y... et à M. X... une indemnité provisionnelle de 100. 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi par eux du fait de la procédure ayant conduit au jugement du 8 juin 2004 rendu à l' encontre d' une personne morale inexistante et la somme de 10. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- dit que cette somme de 100. 000 euros devra être versée entre les mains de M. Le Bâtonnier de l' Ordre des avocats de Paris sous séquestre auprès de la CARPA dans la quinze jours de la décision et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai,
- dit que cette somme sera ainsi séquestrée jusqu' au jugement du tribunal statuant au fond,
- liquidé l' astreinte à laquelle était tenue M. C... par une précédente ordonnance de mise en état lui enjoignant de produire certaines pièces, pour un montant de 51 150 euros et condamné M. C... à payer ce montant aux demandeurs.
Dans ses dernières écritures signifiées le 7 septembre 2007, M. C... demande au tribunal, au visa des articles 31, 32- 1, 122, 378, 582 et suivants, 648 du Nouveau Code de Procédure Civile de :
- surseoir à statuer dans l' attente du jugement de la 1ère chambre 1ère section dans l' instance RG 1993 06 / 10886 dans un souci de bonne administration de la justice ;
- suspendre l' exécution du jugement rendu le 8 juin 2004 et ce, en application de l' article 590 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- à titre principal juger recevable la tierce opposition incidente qu' il forme et rétracter voire réformer le jugement du 8 juin 2004 sauf en ce qu' il a rejeté la demande en contrefaçon de la marque communautaire no 002550036 de Mme Y... M. X... et la société LEGEND ;
- déclarer irrecevables ces parties faute de qualité et d' intérêt à agir et les débouter de leurs demandes ;
- dire que la photographie du Ché n' est pas protégeable au titre du droit cubain et est tombée dans le domaine public et à tout le moins n' est pas protégée au titre du droit français, sa durée de protection étant expirée en application de l' article L 123- 12 du Code de Propriété Intellectuelle ;
- dire qu' à supposer le droit français applicable, la photographie en cause n' est pas originale,
- dire que les faits de contrefaçon ne sont pas établis, les documents produits étant dépourvus de toute force probante, le site " www. closeup. de " ne visant pas le public français et les produits litigieux ayant été uniquement commandés dans le cadre de la présente procédure ; en tout état de cause, les produits litigieux sont couverts par une licence tacite et gratuite ;
- dire que les préjudices allégués sont inexistants et fantaisistes et ne saurait dépasser 88, 66 euros à M. X... et une même somme à la société LEGEND ;
- à titre subsidiaire, dire que compte- tenu du jugement du 9 août 2007 du Landgericht de Stuttgart ayant condamné M C... à titre personnel à payer la somme de 123. 373, 15 euros (somme correspondant aux condamnations du jugement du 8 juin 2004), les demandes d' opposabilité sont devenues sans objet ;
- dire qu' il appartenait aux demandeurs préalablement à la délivrance de l' assignation de vérifier la personnalité juridique de M. C... en commandant un extrait du registre du commerce allemand territorialement compétent,
- dire que l' appréciation d' une éventuelle " société de fait " relève de l' appréciation du droit allemand et des tribunaux allemands,
- constater que les pièces produites à cet effet ne sont pas probantes et l' absence de manoeuvres de M. C... ;
- dire que l' abus de droit n' est pas caractérisé et débouter les demandeurs de leur demande d' indemnisation de ce chef ;
- en tout état de cause, débouter les demandeurs de leurs demandes, fins et conclusions ;
- à titre reconventionnel, condamner les défendeurs in solidum à lui payer la somme de 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 34 488, 25 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu' aux dépens dont distraction au profit de Maître Martin HAUSER, avocat aux offres de droit en application de l' article 699 du même code.
La société LEGEND LCC, M. X... et Mme Y... dans leurs dernières conclusions signifiées le 29 août 2007 demandent au tribunal de :
- juger irrecevables les demandes de sursis à statuer, de suspension d' exécution du jugement du 8 juin 2004 et de tierce opposition formées par M. C... ;
- dire que MM. C... et D... ont manoeuvré au cours de la procédure de 1ère instance pour échapper à une condamnation personnelle ; qu' ils ont créé une société de fait et fraudé la justice française ;
- juger que MM. C... et D... doivent être déclarés responsables de tous les actes accomplis par la dite société de fait et des conséquences juridiques et financières y afférentes ; qu' ainsi, ils doivent supporter personnellement le paiement des condamnations définitives du jugement du 8 juin 2004 et de l' ordonnance du 27 mars 2006 ;
- dire que sur une période de cinq ans, le comportement de ces parties constitue un abus du droit d' agir en justice grave et répété et qu' à ce titre ils doivent être condamnés à leur payer une somme de 50. 000 euros ;
- dire que malgré l' astreinte liquidée le 25 avril 2007, M. C... n' a pas produit les éléments ordonnés et qu' il convient de liquider l' astreinte à la somme de 26400 euros soit 176 jours à 150 euros ;
- dire que M. C... n' a pas mis sous séquestre l' indemnité de 100. 000 euros et qu' en conséquence l' astreinte concernant celle- ci doit être liquidée à hauteur de 18750 euros (125 jours à 150 euros).
A titre subsidiaire, la société LEGEND LCC, Mme Y... et M. X... répliquent aux moyens de défense tant au titre de leur qualité et intérêt à agir qu' au titre de la preuve de la contrefaçon et demandent que le tribunal maintiennent la décision prise le 8 juin 2004, étant précisé que cette tierce opposition ne peut avoir aucun effet sur les montants des condamnations du jugement définitif du 27 mars 2006 passé en autorité de chose jugée.
En tout état de cause, les demandeurs concluent au débouté des demandes et sollicitent à titre complémentaire la publication de la décision à intervenir sur le site internet de M. C... et dans trois journaux ainsi que la condamnation solidaire de MM. C... et D... à leur payer la somme de 34 488, 25 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et l' exécution provisoire de la décision à intervenir.
SUR CE,
*sur le sursis à statuer :
M. C... a assigné en responsabilité, le 18 juillet 2006, ses deux conseils dans l' instance ayant donné lieu au jugement du 8 juin 2004, Maître K... et Maître L... ; il reproche à Maître L... de s' être constitué pour une société CLOSE UP POSTERS qui n' existait pas et à ses deux conseils d' avoir maintenu cette constitution pendant 18 mois alors que la procédure était nulle. M C... demande principalement que Maître L... et Maître K... le garantissent de toutes les condamnations du jugement du 8 juin 2004 qui seraient mises à sa charge dans l' hypothèse où elles lui seraient rendues opposables et que ces conseils soient condamnés à lui payer différentes sommes à titre de dommages et intérêts.
Dès lors que les demandes de garantie intentées contre Maître L... et Maître K... sont conditionnées par l' issue de la présente instance, les demandeurs sollicitant que le jugement du 8 juin 2004 soit rendu opposable à M. C... à titre personnel, il n' y a pas lieu à surseoir à statuer, sauf à paralyser la procédure engagée devant la 1ère chambre de ce tribunal.
*sur la suspension de l' exécution du jugement de première instance :
M. C... sollicite la suspension de l' exécution du jugement du 8 juin 2004 en application de l' article 590 du Nouveau Code de Procédure Civile qui dispose que le juge saisi de la tierce opposition à titre principal ou incident peut suspendre l' exécution du jugement attaqué.
Dès lors que par le présent jugement, le tribunal tranche de la tierce opposition incidente formée par M. C..., la suspension de l' exécution du jugement du 8 juin 2004 n' a plus d' objet, l' article 590 précité ayant vocation à s' appliquer pendant la procédure d' instruction de la tierce opposition.
Dans ces conditions, cette demande est rejetée.
*sur la recevabilité de la tierce opposition incidente introduite par M. C... :
L' article 583 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose qu' est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu' elle n' est été ni partie, ni représentée au jugement qu' elle attaque.
Il ressort des termes même de l' assignation du 18 juillet 2006 délivrée par M. C... à l' encontre de Maître L... et Maître K... que M. C... était représenté lors de l' instance ayant donné lieu au jugement du 8 juin 2004.
En effet, M. C... expose que :
- il exerce depuis 1998 sous l' enseigne CLOSE UP POSTERS une activité commerciale de production et de distribution de posters, cartes postales, tasses, boîtes, pins, drapeaux, vêtements, chapeaux et autres produits sur un site internet " www. closeup. de " ;
- le 13 septembre 2002, CLOSE UP a été assignée devant le tribunal de grande instance de Paris par la société LEGEND LLC, M. X... et Mme Y... ;
- CLOSE UP (donc M. C...) a confié ses intérêts à Maître L... qui s' est constitué pour une société CLOSE UP POSTERS après avoir sollicité auprès de M. D... un extrait Kbis de la société et un mandat ;
- Maître L... a représenté pendant toute l' instance la société CLOSE UP et a déposé cinq jeux d' écritures.
Si effectivement Maître L... n' a pas indiqué qu' il se constituait pour un commerçant exerçant sous l' enseigne " CLOSE UP POSTERS ", il n' en demeure pas moins que ses mandants étaient MM. C... et D... qui pendant toute la procédure ont pu développer leur défense. D' ailleurs, M. C... a toujours considéré être partie à ce jugement puisqu' une fois cette décision signifiée à sa personne, il en a fait appel.
De plus, le tribunal relève que dans le protocole d' accord conclu en 2005 entre les parties suite à l' exécution forcée du jugement du 8 juin 2004, protocole soumis au droit allemand et rédigé par un conseil allemand, ce dernier se présente également comme le mandataire de Close Up Posters, sans plus de précision sur la forme juridique de cette partie. Toutefois, celle- ci a une existence juridique puisqu' elle a émis un chèque de garantie d' un montant de 113. 373, 15 euros sur un compte bancaire dont elle est titulaire au nom de " Close Up Posters Harald C... auprès de la Dresdner Bank " (cf attestation de celle- ci en date du 5 septembre 2007).
Dans ces conditions, le tribunal considère que la tierce opposition formée par M. C... est irrecevable, ce dernier ayant constitué avocat dans l' instance ayant donné lieu au jugement du 8 juin 2006 et étant le responsable de l' entreprise individuelle dont le nom commercial est " CLOSE UP POSTERS ".
*sur l' opposabilité à M. C... et à M. D... du jugement du 8 juin 2004 :
- à l' égard de M. C... :
Dès lors qu' il n' est pas contesté que le Landgericht de Stuttgart a condamné par un jugement du 9 août 2007 M. C... à titre personnel au paiement de la somme de 113. 373, 15 euros correspondant au montant des condamnations figurant au dispositif du jugement du 8 juin 2004, la présente demande d' opposabilité des causes de cette décision à M. C... au motif de la création par ce dernier aux yeux des tiers de l' apparence d' une société n' est pas fondée, le juge allemand ayant reconnu que M. C... était tenu des condamnations prononcées à l' encontre de la société CLOSE UP POSTERS en raison de son activité de commerçant sous la dénomination CLOSE UP POSTERS.
- à l' égard de M. D... :
Dès lors que M. C... a été reconnu par les juridictions allemandes tenu à titre personnel des causes du jugement du 8 juin 2004, les demandeurs sont mal- fondés à soutenir que M. D... et M. C... ont créé l' apparence d' une société de fait afin d' échapper à la justice française, la décision française étant exécutable à l' encontre de M. C..., commerçant inscrit au registre du commerce allemand comme titulaire de l' entreprise " CLOSE UP POSTERS ".
*sur l' opposabilité à M. C... et à M. D... du jugement du 27 mars 2006 du juge de l' exécution :
Dès lors que le juge allemand a décidé que le jugement du 8 juin 2004 était opposable à M. C..., il appartient aux demandeurs d' obtenir une décision d' exequatur de la décision du 27 mars 2006 à l' encontre de M. C... et de saisir de toutes difficultés d' exécution les juridictions allemandes, seules compétentes s' agissant de l' exécution en Allemagne de la décision précitée et ce, en application de l' article 22 5o) du Règlement CE no 44 du 22 décembre 2000.
*sur l' abus de droit :
Il est constant que l' exercice d' une action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une demande en dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d' erreur grossière équipollente au dol.
Il est établi par les pièces produites aux débats que :
- M. C... a personnellement mandaté dans l' affaire ayant donné lieu au jugement du 8 juin 2004, un avocat, Maître L..., sans lui préciser la forme juridique de son entreprise (cf assignation en responsabilité du 18 juillet 2006 introduite à l' encontre de ce dernier) ;
- M. C... a laissé son conseil se constituer le 15 novembre 2002 et conclure pour le compte d' une société CLOSE UP POSTERS, société de droit allemand avec comme mandataires sociaux M. C... et M. D... (cf sommation interpellative du 28 mai 2003, conclusions d' incident, conclusions de la société CLOSE UP POSTERS du 10 juin 2003...) ;
- M. C... a formé personnellement un recours dans un litige d' honoraires avec Maître L... devant le Bâtonnier de Paris au nom de la société CLOSE UP POSTERS, une sentence arbitrale ayant été rendue à l' encontre de cette dernière entité et non à l' encontre de M. C... ;
- lors de la procédure devant le juge de l' exécution intervenu en septembre 2004 où il avait été attrait en défense pour la liquidation de l' astreinte prononcée par jugement du 8 juin 2004, M. C... a soutenu qu' il n' était pas partie au jugement de 1ère instance tout en soulevant des arguments en faveur de la société CLOSE UP POSTERS ; M. C... n' a pas fait appel du jugement déclarant la demande de liquidation d' astreinte à son égard irrecevable et condamnant la société CLOSE UP POSTERS à payer aux demandeurs la somme de 128. 500 euros au titre de cette même demande.
- dans le cadre de l' accord intervenu le 18 janvier 2005 qui a permis à M. C... de voir l' exécution forcée du jugement du 8 juin 2004 à son encontre stoppée, ce dernier a maintenu la confusion sur sa qualité, se présentant comme " CLOSE UP " sans plus de précision sur la forme juridique de cette entité ;
- le 25 février 2005 dans ses conclusions d' appel du jugement du 18 janvier 2005, M. C... indique que la société CLOSE UP POSTERS n' existe pas, ce qui conduit la Cour d' Appel à juger le 14 février 2007 son appel irrecevable, M. C... n' ayant pas été partie à la première instance (!) ;
- à la suite de la décision d' appel, M. C... a retiré toute provision de son compte bancaire pour échapper à l' encaissement du chèque qu' il avait déposé dans le cadre de l' accord du 18 janvier 2005 pour stopper les poursuites intentées à son encontre dans le cadre de la mise à exécution de la décision d' exequatur du jugement du 8 juin 2004 par les juridictions allemandes ;
- à la suite d' une nouvelle procédure engagée en Allemagne par M. C... contre les demandeurs et ayant donné lieu à une suspension de l' exécution provisoire de l' ordonnance d' exequatur du 22 mars 2007 en contrepartie d' une constitution de garantie d' une somme de 130. 000 euros à la charge de M. C..., le tribunal de grande instance de Stuttgart dans une décision du 9 août 2007 a rejeté le recours de ce dernier, jugé qu' il avait fait délibérément et de mauvaise foi obstacle à l' encaissement du chèque séquestre de 113. 373, 15 euros et a condamné M. C... au paiement de cette somme ainsi qu' à celle de 10. 000 euros pour procédure abusive.
- au vu des formalités de signification de l' ordonnance du juge du mise en état du 25 avril 2007 ayant condamné M. C... à mettre sous séquestre une somme de 100. 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi par eux du fait de la procédure ayant conduit au jugement du 8 juin 2004 rendu à l' encontre d' une personne morale inexistante, il apparaît que cette décision signifiée à M. C... a été remise à M. D... se présentant encore en 2007 comme " représentant statutaire de la société CLOSE UP POSTERS ".
Le tribunal considère :
*qu' il est ainsi démontré que M. C... a volontairement laissé croire tant aux demandeurs qu' aux différentes instances judiciaires françaises à l' existence d' une société CLOSE UP POSTERS, ne révélant la véritable forme juridique de son entreprise commerciale que pour arrêter l' exécution des décisions judiciaires et échapper ainsi aux condamnations prononcées du fait de l' activité de son entreprise (appel de la décision du 8 juin 2004, défense devant le juge de l' exécution, accord pour l' arrêt des poursuites du 18 janvier 2005...) ;
*que M. C... est de particulière mauvaise foi : il n' exécute jamais les engagements qu' il prend (pas de provision aux différents chèques remis en garantie aux demandeurs ; pas de remise de chèque suite à l' engagement pris devant le juge de la mise en état le 29 mars 2006...) et il introduit des procédures visant à paralyser celles tendant à le rendre personnellement responsable des agissements de l' entreprise (introduction d' une instance en responsabilité à l' encontre de Maître L... et demande de sursis à statuer dans la présente instance, procédures d' exécution en Allemagne visant à stopper les poursuites...).
Ce comportement particulièrement dolosif et déloyal de M. C... a conduit les demandeurs à supporter des frais importants par la multiplicité et la durée des procédures engagées tant en France qu' en Allemagne, lieu de l' activité commerciale de M. C....
Aussi, le tribunal considère que le préjudice résultant de ces agissements gravement fautifs sera justement indemnisé par l' allocation aux demandeurs de la somme de 50. 000 euros qui sera supportée par M. C..., la responsabilité directe de M. D... n' étant pas démontrée. S' il est certain que la qualité affichée de M. D... de " gérant ou de représentant statuaire de la société CLOSE UP POSTERS " a participé à accréditer la réalité de l' existence d' une société CLOSE UP POSTERS, personne morale distincte de celle de l' entreprise individuelle de M. C..., il n' est toutefois pas acquis que M. D... a participé sciemment à cette " mystification ", son rôle étant celui d' un gérant de fait ainsi qu' il ressort de ses propres déclarations (cf email adressé le 29 novembre 2002 à Maître L...).
A titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication du dispositif de la présente décision est autorisée dans les conditions définies au présent dispositif.
*sur la liquidation des astreintes :
Le juge de la mise en état a :
- par une ordonnance du 29 mars 2006 ordonné à M. C... de produire aux débats la déclaration d' appel qu' il a formée dans le litige l' opposant à Maître L... ainsi que l' en- tête de la sentence arbitrale, objet de cet appel et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours après la décision ;
- par une ordonnance du 25 avril 2007 ordonné à M. C... de verser entre les mains du Bâtonnier de l' Ordre des avocats de Paris sous séquestre auprès de la CARPA dans les quinze jours de la décision et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, la somme de 100. 000 euros.
M. C... n' a exécuté aucune de ces deux décisions dont il n' a pas fait appel.
Dès lors, il appartient au tribunal de liquider les astreintes ainsi ordonnées à la somme de 26400 euros au titre du non- respect de la décision du 29 mars 2006 entre le 20 mars 2007 et le 11 septembre 2007 et à la somme de 18750 euros au titre du non- respect de la décision du 25 avril 2007 entre les 10 mai 2007 et le 11 septembre 2007 étant relevé que M. C... n' articule aucun moyen de défense pour expliquer son inexécution.
*sur les autres demandes :
L' équité commande d' allouer aux demandeurs une indemnité de 34 488, 25 euros au titre des frais exposés dans la présente procédure.
Eu égard à la nature de l' affaire, il y a lieu d' ordonner l' exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, statuant par décision en premier ressort, réputée contradictoire et remise au greffe, sous le bénéfice de l' exécution provisoire,

Rejette les demandes de M. C... de sursis à statuer et de suspension de l' exécution du jugement du 8 juin 2004,
Déboute M. C... de sa tierce opposition à l' encontre de cette même décision,
Déboute la société LEGEND LCC, M. X... et Mme Y... de leurs demandes d' opposabilité du jugement du 8 juin 2004 à M. C... et à M. D...,
Dit que M. C..., en laissant croire à l' existence d' une société CLOSE UP POSTERS, personne morale distincte de celle de son entreprise individuelle exerçant sous cette même dénomination, a eu un comportement procédural dolosif et déloyal à l' encontre de la société LEGEND LCC, de M. X... et de Mme Y... et le condamne à payer à ces demandeurs une indemnité de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Ordonne la liquidation de l' astreinte prévue dans l' ordonnance du juge de la mise en état du 29 mars 2006 à la somme de 26400 euros que M. C... est condamné à payer aux demandeurs précités,
Ordonne la liquidation de l' astreinte prévue dans l' ordonnance du juge de la mise en état du 25 avril 2007 à la somme de 18750 euros que M. C... est condamné à payer aux demandeurs précités,
Ordonne que le dispositif du jugement soit affiché dans son intégralité sur la page d' accueil du site internet de M. C... (www. closeup. de) ou de tout autre site internet sur lequel il exerce son activité commerciale et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours après la signification de la présente décision,
Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues aux choix des demandeurs aux frais de M. C... et ce, dans la limite de 4500 euros HT par insertion,
Condamne M. C... à payer aux demandeurs une indemnité de 34 488, 25 euros en application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens qui comprendront les frais de traduction de l' assignation et des pièces relatives à la procédure,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Fait et Jugé à Paris, le 21 novembre 2007.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/08213
Date de la décision : 21/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-11-21;05.08213 ?
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