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06/11/2007 | FRANCE | N°06/07898

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 06 novembre 2007, 06/07898


3ème chambre 1ère section
Assignation du : 16 Mai 2006

JUGEMENT rendu le 06 Novembre 2007

DEMANDEUR
Monsieur Abdo X... ... 93230 ROMAINVILLE

représenté par Me Jean- Louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D. 127
DÉFENDERESSE
S. A. PARFUMS CHRISTIAN DIOR 33 avenue Hoche 75008 PARIS

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 329
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice Présidente Florence GOUACHE, Juge Cécile VITON, Juge

assistées de Léoncia BELLON, Greffier
DEBAT

S
A l' audience du 25 Septembre 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition ...

3ème chambre 1ère section
Assignation du : 16 Mai 2006

JUGEMENT rendu le 06 Novembre 2007

DEMANDEUR
Monsieur Abdo X... ... 93230 ROMAINVILLE

représenté par Me Jean- Louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D. 127
DÉFENDERESSE
S. A. PARFUMS CHRISTIAN DIOR 33 avenue Hoche 75008 PARIS

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E. 329
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice Présidente Florence GOUACHE, Juge Cécile VITON, Juge

assistées de Léoncia BELLON, Greffier
DEBATS
A l' audience du 25 Septembre 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE
Au mois de septembre 2004, Monsieur Abdo X... a photographié pour la société Parfums Christian Dior le flacon du parfum Miss Dior Chérie.
Estimant que la société Parfums Christian Dior utilisait sans son accord cette photographie et sans indiquer son nom, Monsieur X... l' a fait assigner en référé, par acte du 28 juillet 2005, afin d' obtenir une provision sur son préjudice, la cessation de l' utilisation de sa photographie ainsi que la communication sous astreinte du plan média de la campagne. Par ordonnance de référé du 31 août 2005, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris s' est déclaré incompétent compte tenu de l' existence d' une contestation sérieuse.
C' est dans ces conditions que par acte du 16 mai 2006, Monsieur X... a fait assigner la société Parfums Christian Dior afin d' obtenir l' indemnisation de son préjudice d' auteur et du préjudice résultant de la brusque rupture de leur relation commerciale établie.
Dans ses dernières conclusions du 23 janvier 2007, Monsieur Abdo X... demande au Tribunal, sous le bénéfice de l' exécution provisoire : de condamner la société Parfums Christian Dior, outre aux entiers dépens, à lui payer les sommes suivantes :- 190. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial,- 85. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l' atteinte à son droit moral de paternité,- 36. 263 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la rupture brusque et sans préavis de leur relation d' affaire,- 10. 000 euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

d' ordonner à titre de réparation complémentaire la publication en entier ou par extraits du dispositif du jugement à intervenir dans trois publications quotidiennes ou périodiques de son choix et aux frais avancés de la société Parfums Christian Dior sans que le coût total excède la somme de 15. 000 euros HT.
Il estime que sa photographie du flacon du parfum Miss Dior Chérie révèle son empreinte personnelle de création justifiant la protection accordée par le Code de la propriété intellectuelle, puisqu' il a fait des choix quant à l' angle de prise de vue et l' éclairage sur le flacon pour le transformer en écrin de cristal, cette recherche s' étant portée plus particulièrement sur le noeud ou la faveur en métal enserrant le goulot et serti à la base du bouchon. Il soutient que la société Parfums Christian Dior ne peut contester l' originalité de son oeuvre puisqu' elle en a sollicité la cession des droits.
Il dément avoir donné son autorisation pour la reproduction ou la représentation de cette photographie du flacon réalisée en septembre 2004 puisqu' il n' en a facturé ni les honoraires de prise de vue ni les droits. Il soutient que la facture du 30 mars 2005 porte sur la cession de droits de différentes photographies autres que le flacon Miss Dior Chérie et que celle du 4 avril 2005 porte sur la cession des droits de photographie de la chemise Miss Dior Chérie, les commandes des photographies du flacon et de son emballage ayant été passées à des dates différentes. Il souligne que la société Parfums Christian Dior aurait dû solliciter son accord pour l' utilisation de la photographie sur des espaces publicitaires qui donnent aux oeuvres de l' esprit une diffusion considérable.
Il fait valoir que la société Parfums Christian Dior a illicitement reproduit et fait reproduire la photographie originale dont il est l' auteur et qui représente le flacon de parfum Miss Dior Chérie à au moins 5768 reprises dans les reproductions publicitaires avec achat d' espaces en France et dans le monde, dans la presse, sur internet et en affichage public, outre des exploitations sur des dépliants commerciaux, des échantillons sur des publicités sur lieux de vente, et une bâche monumentale rue de Passy à Paris où le flacon de parfum lui- même atteint une taille de 3x4 mètres.
Il soutient que la société Parfums Christian Dior a porté atteinte :- à son droit moral de paternité en omettant de faire figurer son nom et sa qualité d' auteur sur les publicités, aucun usage n' existant quant à l' absence de signature des photographies publicitaires,- à son droit patrimonial,- à son droit moral au respect de ses oeuvres en retouchant sa photographie sans son accord puisque les couleurs rose et ocre du flacon ont été renforcées et les caractères de Miss Dior Chérie ont été ombrés.

Il estime que son oeuvre représente 5 % de la publicité globale et est exploitée isolément si bien qu' il peut prétendre à une rémunération proportionnelle.
Il considère que la rupture en mai 2005 de leur relation commerciale, établie depuis 2000 et représentant une part prépondérante de son chiffre d' affaire, a été brutale puisque les commandes se sont immédiatement arrêtées avec la reprise concomitante des objets confiés à photographier.
Aux termes de ses dernières écritures du 21 novembre 2006, la société Parfums Christian Dior demande au Tribunal de déclarer Monsieur X... irrecevable et mal fondé en ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 10. 000 euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu' aux entiers dépens.
Elle soutient que la photographie de Monsieur X... ne constitue pas une oeuvre protégée par le droit d' auteur en l' absence d' originalité puisque Monsieur X... s' est contenté de représenter le flacon tel qu' il est, de face, sans originalité, l' éclairage n' étant destiné qu' à faire apparaître le relief du flacon, le fait qu' elle en ait acquis les droits d' utilisation publicitaire ne lui interdisant pas de contester l' originalité de cette photographie.
Elle fait valoir que Monsieur X... l' a autorisé à procéder à l' utilisation litigieuse en lui adressant le 4 avril 2005 une facture pour le pack détouré Miss Dior Chérie, les droits d' utilisation de la photographie de l' emballage ayant été cédé selon facture du 30 mars 2005.
Elle estime que Monsieur X... ne saurait prétendre qu' à une rémunération forfaitaire en application de l' article L. 132- 31 du Code de la propriété intellectuelle puisque la photographie litigieuse présente un caractère accessoire par rapport aux annonces publicitaires dans lesquelles elle est reproduite.
Elle relève que les photographies publicitaires de produits ne sont jamais signées surtout lorsqu' elles sont accessoirement reproduites, ce que Monsieur X... n' a jamais demandé tout au long de leur collaboration.
Invoquant les dispositions de l' article L. 442- 6 du Code de commerce, la société Parfums Christian Dior estime régulière la rupture de leurs relations commerciales puisqu' en s' opposant à l' utilisation d' une photographie qu' il l' avait autorisée à exploiter, Monsieur X... a manqué à ses obligations contractuelles.
L' ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2007.
EXPOSE DES MOTIFS
1 sur les demandes de Monsieur X... au titre de la photographie du flacon du parfum Miss Dior Chérie
Les photographies sont d' après l' article L. 112- 2 du Code de la propriété intellectuelle une oeuvre de l' esprit dès lors qu' elles sont originales et portent l' empreinte de la personnalité de leur auteur.
L' éventuelle cession des droits d' utilisation d' une création ne saurait interdire d' en contester ultérieurement l' originalité.
En l' espèce, la photographie prise par Monsieur X... représente le flacon du parfum Miss Dior Chérie de face, en totalité, hors de tout décor et sans recherche de composition si bien qu' il n' en ressort aucun choix d' un angle de vue, d' un cadrage particulier ou d' une mise en scène.
Le choix de l' éclairage qui fait apparaître le relief du flacon et des ombres sur le noeud entourant la base du bouchon répond à des impératifs techniques visant uniquement la représentation du flacon du parfum.
La photographie litigieuse restitue une image fidèle du flacon du parfum Miss Dior Chérie permettant aux public de l' identifier. Elle n' est dès lors que la mise en oeuvre d' un savoir faire technique et ne porte pas l' empreinte de la personnalité de son auteur.
Le fait que cette photographie ait été utilisée par la société Parfums Christian Dior pour illustrer ses annonces publicitaires ne saurait suffire à lui conférer un caractère original.
Etant dépourvue d' originalité, la photographie du flacon du parfum Miss Dior Chérie prise par Monsieur X... n' est pas une oeuvre de l' esprit protégeable par le droit d' auteur.
Il convient donc de débouter Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial et moral.
2 sur les demandes de Monsieur X... au titre de la rupture de leur relation commerciale :
Aux termes de l' article L. 442- 6 du code du commerce, tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice causé par le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Cet article précise in fine que les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d' inexécution par l' autre partie de ses obligations.
En l' espèce, la société Parfums Dior ne conteste pas avoir cessé, à partir du mois de mai 2005, de confier du travail à Monsieur X... qui avait contesté l' utilisation par cette société de sa photographie du flacon du parfum Miss Dior Chérie à la fin du mois de mai 2005 et par courrier du 14 juin 2005.
Le fait de s' opposer à la divulgation de sa photographie ne constitue par un manquement par Monsieur X... à ses obligations contractuelles.
La société Parfums Christian Dior ne pouvait dès lors rompre brutalement leur relation commerciale suite à l' opposition de Monsieur X... à l' utilisation de sa photographie dans une campagne publicitaire.
La société Parfums Christian Dior ne conteste pas que sa relation commerciale avec Monsieur X... était établie depuis l' année 2000. Ce dernier indique qu' elle représentait une part prépondérante de son chiffre d' affaire.
Ladite société aurait dès lors dû respecter un préavis de deux mois qui aurait pu permettre à Monsieur X... de démarcher de nouveaux clients. Au vu des éléments produits aux débats par Monsieur X..., il convient de lui allouer la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture brutale de leur relation commerciale.
3 sur les autres demandes :
Les circonstances de l' affaire n' imposent pas la publication du dispositif du présent jugement à titre de réparation complémentaire. Monsieur X... sera débouté de cette demande.
En application des dispositions de l' article 515 du Nouveau code de procédure civil, il convient d' ordonner l' exécution provisoire de la présente décision qui est compatible avec la nature de l' affaire, s' agissant du paiement de sommes d' argent, et nécessaire compte tenu de l' ancienneté de la demande.
Conformément aux dispositions de l' article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, la société Parfums Christian Dior sera condamnée aux entiers dépens.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... l' intégralité des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. La société Parfums Christian Dior sera condamnée à lui payer la somme de 3. 000 euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à la disposition au public,
Condamne la société Parfums Christian Dior à payer à Monsieur Abdo X... la somme de DIX MILLE EUROS (10. 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture brutale de leur relation commerciale,
Déboute Monsieur Abdo X... de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial et moral, et de publication du dispositif du jugement à titre de réparation complémentaire,
Condamne la société Parfums Christian Dior à payer à Monsieur Abdo X... la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 euros) au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Ordonne l' exécution provisoire de la présente décision,
Condamne la société Parfums Christian Dior aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Jean- Louis LAGARDE, Avocat, conformément aux dispositions de l' article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
FAIT ET JUGÉ À PARIS LE SIX NOVEMBRE 2007
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/07898
Date de la décision : 06/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-11-06;06.07898 ?
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