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06/11/2007 | FRANCE | N°04/03229

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 06 novembre 2007, 04/03229


3ème chambre 1ère section

JUGEMENT rendu le 06 Novembre 2007

DEMANDERESSE

Société AGENCEMENT MAGASINS COORDINATION - AMCRue Joseph Cugnot54300 CHANTEHEUX

représentée par la SCP SIKSOUS FRIEDMANN et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.425
DÉFENDERESSE
Société R.G.R12 Allée de l'Europe67960 ENTZHEIM

représentée par Me Yves BAKRA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E.973 et par Me André BEAUCHEZ avocat au barreau de STRASBOURG - 1 a rue Oberlin - 67000 STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL

lors des débats et du délibéré
Marie-Claude APELLE, Vice-PrésidenteMarie COURBOULAY, Vice-Présidente...

3ème chambre 1ère section

JUGEMENT rendu le 06 Novembre 2007

DEMANDERESSE

Société AGENCEMENT MAGASINS COORDINATION - AMCRue Joseph Cugnot54300 CHANTEHEUX

représentée par la SCP SIKSOUS FRIEDMANN et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.425
DÉFENDERESSE
Société R.G.R12 Allée de l'Europe67960 ENTZHEIM

représentée par Me Yves BAKRA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E.973 et par Me André BEAUCHEZ avocat au barreau de STRASBOURG - 1 a rue Oberlin - 67000 STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Marie-Claude APELLE, Vice-PrésidenteMarie COURBOULAY, Vice-PrésidenteCarole CHEGARAY, Juge

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors du prononcé

Marie COURBOULAY, Vice-PrésidenteFlorence GOUACHE, JugeCécile VITON, Juge

GREFFIER lors des débats et du prononcé

Léoncia BELLON
DEBATS
A l'audience du 06 Juin 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société AMC a pour activité la fabrication et la commercialisation de vitrines réfrigérées destinées aux professionnels des métiers de la bouche et principalement aux boulangers pâtissiers.

En 1997, elle a mis au point de nouveaux modèles dont une dénommée NANCY qu'elle a exposé à la Foire de la Boulangerie qui se tenait à Paris du 6 au 10 février 1998.
Elle a déposé à l'INPI un brevet portant sur l'aspect innovant de vitrine le 9 février 1998 enregistré sous le no 98 01 656, délivré le 28 juillet 2000 et son modèle le 4 septembre 1998.
Le 9 février 1999, elle a déposé une demande de brevet européen qui ne porte que sur les améliorations du brevet français enregistrée sous le no 99 470.003.7.
Elle a fait dresser un procès-verbal de saisie-contrefaçon le 4 février 2004 sur le stand de la société RGR lors du salon de la Boulangerie 2004.

Par acte du 17 février 2004, la société AMC a fait assigner la société RGR en contrefaçon de son modèle et de ses deux brevets, indiquant que l'invention du brevet français faisait l'objet d'un dépôt européen et en paiement de la somme de 1.700.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Dans ses dernières écritures du 15 septembre 2006, la société AMC a demandé au tribunal de:-prendre acte de ce que la société RGR n'entend plus solliciter le sursis à statuer dans l'attente de la délivrance du brevet européen de la société AMC.-prendre acte de ce que la société RGR n'entend plus soutenir l'incompétence du tribunal de grande instance de Paris.Pour le surplus, -dire que la société RGR a présenté sa demande de nullité de l'assignation après avoir conclu au fond.-rejeter l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société RGR.Au principal,-dire que la société RGR a contrefait le modèle de vitrine réfrigérée et le brevet français de la société AMC.En conséquence,-condamner la société RGR à payer à la société AMC la somme de 1.700.000 euros à titre de dommages et intérêts.-interdire à la société RGR de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte de 20.000 euros par infraction constatée, à compter de la quinzaine suivant la signification de la décision à intervenir.-ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société AMC et aux frais de la société RGR, dans la limite de 5.000 Euros HT par insertion,-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.-condamner !a société RGR sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à verser à la société AMC la somme de 10.000 € pour les frais irrépétibles;Condamner la société RGR aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP SIKSOUS FRIEDMANN, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 8 novembre 2006, la société RGR a sollicité du tribunal de:Sur le fond,-dire les actions en contrefaçon de brevet et de modèles infondées.-en débouter la société AMC.-la condamner aux dépens dont distraction au profit de Mo BAKRA.Sur les demandes reconventionnelles.-constater que le brevet français no 98 01 656 a cessé de produire ses effets du fait de sa substitution par le brevet européen no 0 934 717.-constater que le brevet français pris dans ses revendications 1 et 4 est nul pour défaut de nouveauté et à tout le moins pour défaut d'activité inventive.

-ordonner la transmission du jugement à intervenir à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription auprès du Registre National des Brevets,-constater que les modèles faisant l'objet des dépôts français no 98 2475 et no 99 5926 sont nuls en raison du caractère fonctionnel des caractéristiques invoquées et en tut état de cause pour défaut de nouveauté et d'originalité.-ordonner la transmission du jugement à intervenir à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription auprès du Registre National des Dessins et Modèles.Dire que la société AMC a commis un abus de droit en agissant à l'encontre de la société RGR avec une évidente légèreté blâmable et dans le seul but de nuire.En conséquence, -condamner la société AMC à payer à la société RGR la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.-condamner la société AMC à payer à la société RGR la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à sa réputation et à son image.-ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société RGR et aux frais de la société AMC, dans la limite de 5.000 Euros HT par insertion,-condamner la société AMC à payer à la société RGR la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.-la condamner en tous les dépens.-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La clôture a été prononcée le 20 décembre 2006.

MOTIFS

A titre préliminaire, il convient de prendre acte de ce que la société RGR a abandonné toutes ses exceptions de procédure, d'une part parce que la société AMC n'a plus fondé sa demande que sur le brevet français et d'autre part, car les autres exceptions auraient dû être soumises au juge de la mise en état désormais seul compétent

- Sur la nullité du brevet français.

*au visa de l'article L 614-13 du Code de la propriété intellectuelle.
La société RGR soutient au visa de l'article L 614-13 du Code de la propriété intellectuelle que le brevet français de la société AMC est nul car son brevet européen contient toutes les caractéristiques du brevet français.

Or pour que le brevet français cesse de produite tout effet en France du fait de la délivrance d'un brevet européen au même inventeur, encore faut-il qu'il mentionne la même date de dépôt ou qu'il revendique le brevet français comme une priorité.

En l'espèce, le brevet européen no 0 934 717 de la société AMC n'a pas été délivré sous priorité du brevet français no 98 01 656 et il ne protège que les améliorations du brevet français qui n'est considéré que comme art antérieur.
La nullité du brevet français au regard de l'article L 614-13 du Code de la propriété intellectuelle sera rejetée.

*pour défaut de nouveauté.

La revendication 1 du brevet français no 98 01 656 dispose:"vitrine réfrigérée du type comportant essentiellement une cuve montée sur un châssis, une glace frontale abattant fixée pivotante à l'avant de la cuve et un plateau de chargement unique recouvrant sensiblement la surface d'ouverture de la cuvecaractérisée en ce que la cuve comporte un élément déflecteur orientable de soufflage permettant de créer une zone limitée de froid s'étendant légèrement au dessus des produits en présentation sur le plateau de chargement".La revendication 4 enseigne :"une vitrine réfrigérée selon l'une quelconque des revendications 1 à 3 caractérisée en ce que le plateau de chargement est un plateau abattant relevable à l'arrière de la vitrine".

La société RGR prétend que la société AMC a divulgué elle-même son invention lors de la Foire de la Boulangerie de février 1998 qui s'est tenue du 6 au 10 février 1998, alors que le dépôt du brevet date du 9 février 1998.
La société AMC répond que la vitrine exposée lors de cette foire était une vitrine sèche sans que le mécanisme de refroidissement ne soit installé dans la partie basse de la vitrine, que seul l'aspect extérieur de la vitrine était montré, le mécanisme de refroidissement interne étant tenu secret.
Dans son assignation, la société AMC avait déjà précisé ce fait et avait ajouté que le plateau technique pouvait en outre être relevé depuis l'arrière de la vitrine.
L'article L 611-11 alinéa 2 dispose :"L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date du dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen".

Ainsi pour que la divulgation soit retenue, il faut établir que les éléments de l'invention ont été livrés à la connaissance du public avant le dépôt du brevet et font en conséquence partie intégrante de l'art antérieur.
Ainsi, il ressort des explications des parties que la revendication 4 qui est compréhensible par tout professionnel de la boulangerie pâtisserie dès qu'il voit la vitrine, a été divulguée lors du salon de la Boulangerie de 1998 soit 3 jours avant le dépôt et doit être annulée pour défaut de nouveauté.
Pour ce qui est de la revendication 1, seule la partie caractérisante peut prétendre à être nouvelle ou inventive, le préambule décrivant l'art antérieur connu de tous.
Or l'invention consiste en un élément déflecteur orientable de soufflage qui permet de créer une zone délimitée de froid ; cet élément déflecteur est nécessairement visible de l'extérieur ainsi que son emplacement qui détermine la zone de froid et qui constitue la nouveauté revendiquée.
Le fait que le mécanisme de froid soit tenu secret est inopérant puisque le système de refroidissement n'est pas l'objet de l'invention, seul le déflecteur orientable de soufflage est l'objet de l'invention et il a été vu par tous les visiteurs du salon que la vitrine ait été exposée avec ou sans son système de refroidissement intégré.
En conséquence, le brevet français no 98 01 656 est nul pour défaut de nouveauté et la société AMC sera déboutée de l'intégralité de ses demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet.

-Sur la contrefaçon de modèles.

Il ressort des pièces versées au débat par la société RGR que le modèle NANCY fait l'objet de plusieurs dépôts portant tous le même numéro 98 2475 pour l'année 1998 pour 4 vitrines, numéro 99 5926 pour l'année 1999 pour 7 vitrines et le même nom "NANCY".
La société AMC ne prend pas la peine d'indiquer quel est le modèle précis qui est argué de contrefaçon mettant le tribunal dans l'impossibilité de comparer le modèle argué de contrefaçon et le modèle revendiqué par la société AMC.
Néanmoins, il ressort de la description jointe aux photographies des modèles publiés, qu'il n'est pas fait état des poteaux centraux pour les modèles de 1998 qui n'apparaissent que dans les dépôts de 1999.
La lecture des descriptions montre au contraire qu'est revendiquée dans ces dépôts de 1998 la combinaison des formes des glaces et des matériaux choisis (frêne, granit, aluminium, rétro éclairage), ce qui n'est pas le cas dans les écritures de la société AMC.
En effet, la société AMC décrit, dans ses conclusions, son modèle comme suit :"deux montants latéraux verticaux, une traverse horizontale reliant le sommet des deux dits montants et formant une rampe d'éclairage,deux panneaux transparents latéraux fixes à proximité des dits montants,deux éléments de vitrines bombés.... articulés sur la face avant du châssis".

Force est de constater que cette description ne concerne aucun des modèles de 1998 .
En conséquence, les demandes de contrefaçon la société AMC fondées sur ces modèles seront rejetées comme mal fondées.
Cette description reprend celle des modèles déposés en 1999 mais dans le dépôt, elle est complétée par les photographies qui précisent la combinaison revendiquée par la société AMC.
En effet, celle-ci ne peut s'approprier des éléments fonctionnels nécessaires à l'architecture des vitrines sans les associer précisément à des éléments esthétiques ou à une combinaison spéciale qui en garantit l'originalité ou la nouveauté.
La société AMC reconnaît elle-même dans ses écritures que la réalisation de la structure interne revendiquée par cette description a permis de se libérer de certaines contraintes structurelles, reconnaissant ainsi le caractère fonctionnel de son modèle;
Les documents versés au débat par la société RGR établissent qu'elle commercialisait déjà en 1992 des vitrines présentant des poteaux centraux et des tablettes reliant les deux poteaux, des vitres latérales et une glace frontale bombée.
En conséquence, ces modèles ne présentent aucun caractère original ni nouveau et ne revendiquent que des formes imposées par leurs fonctions.
En conséquence, il convient de déclarer nuls les modèles de 1999 qui ne revendiquent qu'une combinaison d'éléments fonctionnels sans aucune originalité ni nouveauté.
La société AMC sera en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes de contrefaçon de modèles.
- Sur les demandes reconventionnelles.
Les modèles no 99 5926 et le brevet 98 01 656 ayant été déclarés nuls plus haut, il sera fait droit à la demande de transcription du jugement auprès du registres des modèles et dessins et auprès du registre des brevets formée par la société RGR.
La société RGR ne démontre pas que la société AMC a commis un abus du droit d'agir en défendant les titres de propriété qu'elle croyait détenir tant en matière de brevet qu'en matière de modèles.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle n'établit pas davantage avoir subi un préjudice d'image ou de notoriété du fait de cette action, elle sera également déboutée de cette demande de dommages et intérêts.
La publication judiciaire étant une réparation complémentaire à une indemnisation pécuniaire, et celle-ci n'ayant pas été accordée, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication du jugement.

- Sur les autres demandes.

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle sera ordonnée .
Les conditions sont réunies pour allouer à la société RGR la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
- Déclare nul le brevet d'invention français no 98 01 656 détenu par la société AMC pour défaut de nouveauté .
- Dit que le présent jugement, une fois devenu définitif, sera transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription auprès du Registre National des Brevets, par le greffe du présent tribunal ou à la diligence de la société RGR.
En conséquence, - Déboute la société AMC de sa demande en contrefaçon de brevet formée à l'encontre de la société RGR.

- Déclare nuls les dépôts de modèles no 99 5926 effectués par la société AMC.

- Dit que le présent jugement, une fois devenu définitif, sera transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription auprès du Registre National des Modèles et Dessins, par le greffe du présent tribunal ou à la diligence de la société RGR.

En conséquence, -Déboute la société AMC de sa demande en contrefaçon des modèles no 99 5926.

- Déclare mal fondées la demande en contrefaçon des modèles no 98 2475 formée par la société AMC à l'encontre de la société RGR.
- L'en déboute.
- Déboute la société RGR de ses demandes de dommages et intérêts et de publication judiciaire.
- Condamne la société AMC à payer à la société RGR la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
-Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement .
-Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
- Condamne la société AMC aux dépens dont distraction au profit de Mo BAKRA, avocat, par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

FAIT A PARIS LE SIX NOVEMBRE DEUX MIL SEPT./.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 04/03229
Date de la décision : 06/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-11-06;04.03229 ?
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