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05/10/2007 | FRANCE | N°06/05137

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 05 octobre 2007, 06/05137


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S

3ème chambre 2ème section
No RG : 06 / 05137

No MINUTE :

Assignation du : 20 Mars 2006

JUGEMENT rendu le 05 Octobre 2007

DEMANDERESSE

Madame Brigitte Z..., ...39012 MERANO

représentée par Me Pierre- Yves MICHEL, avocat au barreau de Paris vestiaire G 341
DÉFENDERESSE
S. A. MICHEL LAFON PUBLISHING 7 boulevard Paul Emile Victor 92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par Me Elisabeth MAISONDIEU- CAMUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D519
COMPOSITION D

U TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice- Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge Guillaume MEUNIER, Jug...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S

3ème chambre 2ème section
No RG : 06 / 05137

No MINUTE :

Assignation du : 20 Mars 2006

JUGEMENT rendu le 05 Octobre 2007

DEMANDERESSE

Madame Brigitte Z..., ...39012 MERANO

représentée par Me Pierre- Yves MICHEL, avocat au barreau de Paris vestiaire G 341
DÉFENDERESSE
S. A. MICHEL LAFON PUBLISHING 7 boulevard Paul Emile Victor 92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par Me Elisabeth MAISONDIEU- CAMUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D519
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique RENARD, Vice- Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l' audience du 07 Septembre 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT
Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort

Faits et Procédure
Madame Brigitte Z... est l' auteur de la photographie " l' Ultima Cena ", réalisée en novembre 2004, et utilisée pour illustrer la campagne publicitaire été 2005 de la marque MARITHE FRANCOIS A....
Par la suite, cette oeuvre a été reproduite sur la couverture de l' autobiographie de Monsieur François A..., intitulé " Ma peau- Street ‘ n' Rock Couture ", éditée au mois de septembre 2005.
Par lettre recommandée dont il a accusé réception le 7 décembre 2005, l' éditeur de l' ouvrage, la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA a été mis en demeure de suspendre l' exploitation du livre litigieux, Madame Brigitte Z... estimant n' avoir pas donné son accord pour une telle utilisation de son oeuvre.
Néanmoins, la commercialisation du livre de Monsieur François A... s' est poursuivie.
Par acte d' huissier de justice en date du 20 mars 2006, la photographe a assigné devant le Tribunal de grande instance de PARIS la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA, afin de voir constater les actes de contrefaçon commis par cette dernière, portant atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux sur l' oeuvre concernée, et obtenir réparation du préjudice subi.
L' ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2007.
L' affaire a été plaidée à l' audience du 7 septembre 2007, et la décision mise en délibéré au 5 octobre 2007.
Prétentions des parties
Par dernières conclusions en date du 24 octobre 2006, Madame Z... demande au Tribunal :
- d' interdire à la société MICHEL LAFON PUBLISHING la poursuite des exploitations contrefaisantes, à savoir la reproduction sous quelque forme et sur quelque support que ce soit, directement ou indirectement, de la photographie de Madame Z...,- d' ordonner le retrait, sans délai, de tout ouvrage contrefaisant, et ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée et par jour de retard, et de dire que cette astreinte pourra être liquidée dans un délai de 15 jours,- d' ordonner la confiscation et la destruction aux frais de la défenderesse de tous les livres litigieux ainsi que des supports commerciaux et publicitaires les représentant,- de condamner la société MICHEL LAFON PUBLISHING à lui payer la somme de 25. 000 € en réparation de son préjudice moral,- de condamner la société MICHEL LAFON PUBLISHING à lui payer la somme de 25. 000 € en réparation de son préjudice patrimonial,- de condamner la société MICHEL LAFON PUBLISHING à lui payer la somme de 5. 000 € au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile,- d' ordonne l' exécution provisoire de la décision à intervenir,- de condamner la société MICHEL LAFON PUBLISHING aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre- Yves MICHEL, avocat au Barreau de Paris.
Réfutant les arguments de l' éditeur, Madame Brigitte Z... expose que par courriel du 28 juin 2005, la directrice de communication de la société MARITHÉ FRANÇOIS A... lui a demandé l' autorisation d' utiliser la photographie litigieuse, pour illustrer la couverture d' un livre écrit par Monsieur François A.... Elle affirme avoir répondu par la négative, avant de constater que le livre, paru quelques mois plus tard, comportait la photographie litigieuse sur sa couverture.

Elle précise avoir cédé ses droits à l' agence publicitaire AIR PARIS, dans le cadre de la campagne publicitaire précitée. Monsieur François A..., n' ayant pas bénéficié d' une telle cession, ne pouvait autoriser son éditeur à reproduire et exploiter la photographie.
Madame Z... estime qu' il a été porté atteinte :
- à son droit de paternité, son nom n' apparaissant que sur la tranche arrière du livre et n' étant pas correctement orthographié,- à l' intégrité de l' oeuvre, celle- ci ayant été dénaturée, coupée, recadrée,- à l' esprit de l' oeuvre, l' utilisation de l' oeuvre en couverture du livre de Monsieur A... laisse à penser au public qu' il existe entre eux une certaine accointance, voire une synergie, ce qui n' est pas le cas,- à son droit de divulgation et de destination, l' oeuvre ayant été exploité à des fins différentes de celles voulues par l' auteur.

Madame Z... argue enfin d' une atteinte à ses droits patrimoniaux, aux motifs que l' exploitation du cliché rattache indûment celui- ci à Monsieur A..., et lui cause une perte de chance de se voir proposer d' autres exploitations.
En défense, par dernières conclusions du 26 juillet 2006, la société MICHEL LAFON PUBLISHING demande à la juridiction :
- de constater la cession des droits de reproduction de l' oeuvre par Madame Z... et de débouter celle- ci de sa demande fondée sur ce chef,- à titre subsidiaire, de ramener les dommages intérêts sollicités du chef de violation des droits patrimoniaux à des proportions conformes aux usages en la matière,- de débouter Madame Z... de sa demande fondée sur la violation du droit à la paternité de l' oeuvre,- de ramener les dommages intérêts sollicités du chef de dénaturation de l' oeuvre à des proportions conformes aux usages en la matière,- de débouter Madame Z... de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l' atteinte au droit de divulgation de l' oeuvre,- de condamner la demanderesse à lui payer la somme de 3. 000 € au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu' aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître MAISONDIEU CAMUS.

La société MICHEL LAFON PUBLISHING expose que la photographie litigieuse lui a été fournie par l' agence de publicité AIR, qui a fait appel aux services de la demanderesse. A cette occasion, un bon de commande du 28 octobre 2004 a fixé la rémunération de la photographe à hauteur de 20. 000 €, contre cession de ses droits " 1 an Monde Tous prints + Internet ". La défenderesse en déduit qu' au jour de la publication de l' ouvrage, les droits de reproduction de l' oeuvre étaient détenus par Monsieur François A..., lequel lui a donné l' autorisation d' utiliser la photographie sur la couverture du livre. Elle précise que les bénéfices de la vente de ce dernier sont reversés à l' ALIS (Association du Locked- In Syndrom).
La société MICHEL LAFON PUBLISHING ajoute que la mention du nom de la demanderesse en quatrième de couverture est conforme aux usages applicables en la matière, et que la seule erreur d' orthographe constatée ne saurait empêcher l' identification de Madame Z....
Elle demande au Tribunal de prendre en compte le fait que le choix d' une reproduction partielle de l' oeuvre répondait à un impératif lié au format de la couverture, et que l' apposition du nom de l' auteur, du logo de l' éditeur et du bandeau, éléments composants la couverture, ne dénature pas l' oeuvre.
De plus, la défenderesse observe que le risque d' accointance évoqué par la demanderesse résulte bien plus de la campagne de publicité à laquelle l' oeuvre se rattache, que de la publication de l' ouvrage concerné.

Enfin, la société MICHEL LAFON PUBLISHING fait valoir que Madame Z... a épuisé son droit de divulgation sur l' oeuvre litigieuse en cédant les droits de reproduction à l' agence publicitaire AIR.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la contrefaçon
Attendu qu' aux termes de l' article L. 122- 4 du Code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l' auteur ou de ses ayants doit ou ayants cause est illicite ;
Attendu que la société MICHEL LAFON PUBLISHING ne conteste pas avoir reproduit partiellement sur la couverture de l' autobiographie de Monsieur François A... la photographie " l' Ultima Cena ", oeuvre de Madame Brigitte Z... ;
Attendu qu' il est constant que cette photographie a fait l' objet d' un bon de commande du 28 octobre 2004, attestant d' une cession des droits de reproduction au profit de l' agence de publicité AIR PARIS ;
Attendu que si ce document doit être analysée comme fixant cette cession à une durée d' un an, pour tout type d' impression, les pièces produites par Madame Brigitte Z..., au premier rang desquelles les attestations émanant d' une part du président de la société AIR PARIS, d' autre part de Monsieur François A... lui- même, démontrent que cette cession était exclusivement destinée à l' illustration de la campagne publicitaire en faveur des vêtements commercialisés sous la marque MARITHE et FRANCOIS A..., et que son bénéficiaire était AIR PARIS ;
Attendu que la société MICHEL LAFON PUBLISHING ne démontre pas avoir bénéficié d' une cession de droits l' autorisant reproduire l' oeuvre, qui plus dans un cadre extérieur à la campagne publicitaire pour laquelle elle a été conçue ;
Attendu que la contrefaçon s' en trouve caractérisée ;
Sur le préjudice en résultant
A. Sur l' atteinte au droit patrimonial
Attendu qu' en utilisant la photographie dans les conditions de l' espèce, sans l' accord de Madame Z..., la société MICHEL LAFON PUBLISHING a porté atteinte au droit patrimonial de la demanderesse, et profité indûment de la forte notoriété acquise par l' oeuvre du fait de la controverse ayant entouré sa première utilisation ;
Attendu qu' une telle atteinte sera réparée par l' octroi d' une somme de 25. 000 € à titre de dommages- intérêts ;
Attendu que la poursuite de la commercialisation du livre illustré par l' oeuvre de Madame Brigitte Z... conduit le Tribunal à interdire à la société MICHEL LAFON PUBLISHING l' exploitation contrefaisante de l' oeuvre dans les conditions fixées par le dispositif de la présente décision ;
Attendu que cette mesure suffisant à mettre fin au fait illicite, la demanderesse sera déboutée de ses demandes tendant à voir ordonner le retrait, la confiscation et la destruction des ouvrages contrefaisant ainsi que des supports commerciaux et publicitaires les représentant.
B. Sur l' atteinte au droit moral
1. Sur l' atteinte au droit à la paternité, à l' esprit et à l' intégrité de l' oeuvre
Attendu qu' aux termes de l' article L. 121- 1 du Code de la propriété intellectuelle, l' auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ;
Attendu que si la mention de l' identité de l' auteur de la photographie litigieuse en quatrième de couverture du livre ainsi illustré paraît conforme aux usages en la matière, l' orthographe erronée du nom patronymique de la demanderesse porte atteinte de façon certaine à son droit de paternité ;
Attendu que le préjudice qui en découle sera réparé par l' octroi d' une somme de 2. 000 € à titre de dommages- intérêts ;
Attendu qu' il n' est pas démontré en quoi l' utilisation de l' oeuvre litigieuse en couverture de l' autobiographie de Monsieur François A... conduit nécessairement le public à penser que Madame Brigitte Z... adhère totalement aux idées du créateur, et constitue en soi une atteinte au droit au respect de l' oeuvre ;
Attendu que la demande fondée sur une telle atteinte doit être rejetée ;
Attendu en revanche qu' il n' est pas contesté par la défenderesse qu' en raison de la taille de la couverture du livre de Monsieur François A..., l' oeuvre litigieuse a fait l' objet d' un recadrage, sans accord exprès de Madame Brigitte Z... ;
Qu' un tel procédé conduit à la dénaturation de l' oeuvre, et constitue de ce fait une violation du droit de Madame Brigitte Z... au respect de son oeuvre ;
Attendu qu' il convient de réparer cette atteinte par l' octroi d' une somme de 2. 500 € à titre de dommages- intérêts ;
2. Sur l' atteinte au droit de divulgation
Attendu que l' article L. 121- 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l' auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre ; que ce droit s' épuise par la première communication au public ;
Attendu qu' en l' espèce, la photographie litigieuse a été porté à la connaissance du public lors de la campagne d' affichage publicitaire de mars 2005 en faveur de la collection d' été de la marque MARITHE et FRANCOIS A..., soit antérieurement à la parution du livre de Monsieur A..., intervenue le 23 septembre 2005 ;
Attendu qu' aucune atteinte au droit de Madame Brigitte Z... de divulguer son oeuvre ne peut donc être caractérisée ;
Attendu qu' il convient en conséquence de débouter la demanderesse de sa demande formulée de ce chef ;
Sur les autres demandes
Attendu que la société MICHEL LAFON PUBLISHING, qui succombe, ne peut voir prospérer sa demande tendant à faire constater par le Tribunal la cession des droits de reproduction de l' oeuvre de Madame Brigitte Z... ;
Attendu que la nature de l' affaire et l' ancienneté du litige justifient l' exécution provisoire de la présente décision ;
Attendu qu' il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse la totalité des frais irrépétibles ; qu' il convient en conséquence de lui allouer la somme de 3. 000 € au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société MICHEL LAFON PUBLISHING, qui succombe, doit être condamné aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre- Yves MICHEL, avocat au Barreau de PARIS ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, Statuant publiquement par mise à disposition de la présente décision au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées conformément aux dispositions de l' article 450 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile Contradictoirement, et en premier ressort :
- DIT qu' en faisant figurer, en couverture du livre intitulé " Ma Peau- Street et Rock Couture ", la photographie intitulée " l' Ultima Cena ", sans l' accord de son auteur, Madame Brigitte Z..., la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA a porté atteinte au droit patrimonial et au droit moral de cette dernière,
- CONDAMNE en conséquence la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA à payer à Madame Brigitte Z... :
- la somme de VINGT CINQ MILLE EUROS (25. 000 €) à titre de dommages intérêts en réparation de l' atteinte portée à son droit patrimonial d' auteur,- la somme de QUATRE MILLE CINQ CENTS EUROS (4. 500 €) à titre de dommages intérêts en réparation de l' atteinte portée à son droit moral d' auteur,

- INTERDIT à la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA la poursuite de ses agissements sous astreinte de 150 € par infraction et par jour de retard, à compter de la signification du présent jugement), le Tribunal se réservant la liquidation de cette astreinte,
- DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- CONDAMNE la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA à payer à Madame Brigitte Z... la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 €) au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- ORDONNE l' exécution provisoire,
- CONDAMNE la société MICHEL LAFON PUBLISHING SA aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Fait et jugé à PARIS le 5 octobre 2007.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/05137
Date de la décision : 05/10/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-10-05;06.05137 ?
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