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05/10/2007 | FRANCE | N°05/16070

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 05 octobre 2007, 05/16070


3ème chambre 2ème section
Assignation du :28 Octobre 2005

JUGEMENT RENDU5 OCTOBRE 2007

DEMANDERESSE
COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE5 rue Henri-Martin51200 EPERNAY

représentée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.266
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. LE CHAMPAGNE5 Place Royale64000 PAU

représentée par Me Frank BROQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P42, et la SCP DISSEZ-MONTAGNE, Plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Claude VALLET, Vice-Président, Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décis

ion Sophie CANAS, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBA...

3ème chambre 2ème section
Assignation du :28 Octobre 2005

JUGEMENT RENDU5 OCTOBRE 2007

DEMANDERESSE
COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE5 rue Henri-Martin51200 EPERNAY

représentée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.266
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. LE CHAMPAGNE5 Place Royale64000 PAU

représentée par Me Frank BROQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P42, et la SCP DISSEZ-MONTAGNE, Plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Claude VALLET, Vice-Président, Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision Sophie CANAS, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBATS
A l'audience du 7 Juin 2007tenue publiquement devant Véronique RENARD, Sophie CANAS juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé en audience publiqueContradictoireen premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE (CIVC), institué par la loi du 12 avril 1941 modifiée, a pour mission d'assurer le protection des intérêts collectifs des groupements de base qu'il représente, lesquels comprennent l'ensemble des professionnels participant à la production et à la commercialisation du vin de Champagne identifié par l'appellation d'origine contrôlée "CHAMPAGNE".
Indiquant avoir été informé de ce que la société LE CHAMPAGNE qui exerce à PAU une activité de brasserie, restaurant, utilise l'expression "LE CHAMPAGNE" à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine, le CIVC a, selon acte d'huissier en date du 28 octobre 2005, fait assigner cette dernière aux fins de voir :
- dire et juger que l'usage de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne LE CHAMPAGNE constituent le détournement illicite et l'affaiblissement de la notoriété de l'appellation d'origine "CHAMPAGNE ", fait qui engage la responsabilité de la société LE CHAMPAGNE ,
- dire et juger que la dénomination sociale, le nom commercial et l'enseigne LE CHAMPAGNE ainsi que le nom de domaine www.auchampagne.com constituent l'appropriation illicite de l'appellation d'origine "CHAMPAGNE", faits qui engagent la responsabilité de son auteur;
En conséquence :
- interdire à la société LE CHAMPAGNE de faire usage de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne "LE CHAMPAGNE " à quel que titre que ce soit sous astreinte de 2.500 euros par infraction constatée à compter du jugement à intervenir ,
- ordonner à la société LE CHAMPAGNE de procéder à la modification de ses statuts, afin de supprimer toute référence au nom CHAMPAGNE au sein de sa dénomination sociale, son non commercial et son enseigne dans les 8 jours du prononcé du jugement à intervenir, sous astreinte de 2.500 euros par jour de retard,
- ordonner à la société LE CHAMPAGNE titulaire du nom de domaine www.auchampagne.com de procéder à la radiation de ce nom de domaine auprès de Network Solutions Inc (NSI) dans les 8 jours du prononcé du jugement à intervenir, sous astreinte de 2.500 euros par jour de retard,
- interdire à la société LE CHAMPAGNE de faire usage de l'appellation d'origine contrôlée "CHAMPAGNE", à quelque titre et sous quelque forme que ce soit;
- dire que le Tribunal se réservera la compétence de liquider lesdites astreintes
- condamner la société LE CHAMPAGNE à. lui payer au la somme de 1.000 euros pour l'atteinte portée à l'appellation d'origine " CHAMPAGNE,
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq revues ou journaux de son et aux frais de la défenderesse, dans la limite d'un plafond hors taxes global de 25.000 euros pour l'ensemble des cinq publications et ce, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires,
- condamner la société LE CHAMPAGNE à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,- condamner la société LE CHAMPAGNE aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières écritures signifiées le 5 janvier 2007, la Sarl LE CHAMPAGNE fait valoir pour s'opposer à l'ensemble des demandes que l'usage de la dénomination incriminée à titre d'enseigne et de dénomination sociale ne constitue pas une appropriation de l'appellation d'origine, qu'elle détient des droits sur la dénomination "LE CHAMPAGNE" depuis 1861, soit antérieurement à la loi du 6 mai 1919 instituant l'organisation et la protection des appellations d'origine, que sa dénomination sociale est indissociable de son enseigne laquelle existe depuis 1856, enfin que la protection de son enseigne doit s'étendre à son nom de domaine ; elle sollicite paiement, à titre reconventionnel, de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que de celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par dernières écritures signifiées le 13 février 2007, le CIVC conclut au rejet des arguments opposés en défense et maintient, en les développant, l'intégralité de ses demandes initiales.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que l'appellation d'origine est définie par l'article L 721-1 du Code de la Propriété Intellectuelle qui renvoie à l'article L 115-1 du Code de la Consommation selon lequel une appellation d'origine est constituée par la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains" ;
que cette définition est désormais reprise par l'article L 641-5 du Code Rural ;
Attendu que les modalités de la protection des appellations d'origine, définies auparavant par l'article L 115-5 du Code de la Consommation, le sont aujourd'hui par l'article L 115-6 du même Code qui renvoie à l'article L 643-1 du Code Rural, lequel dispose que l'appellation d'origine contrôlée ne peut jamais être considérée comme présentant un caractère générique et tomber dans le domaine public.Le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire (...) Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et autre produit ou service lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation" ;

Attendu qu'il ressort de son extrait Kbis que la société défenderesse, qui a été immatriculée le 31 août 2000 au Registre du Commerce et des sociétés de Pau exerce une activité de brasserie restaurant sous la dénomination sociale LE CHAMPAGNE ;
que par ailleurs, les nombreuses pièces versées aux débats révèlent que l'enseigne de l'établissement a été "CAFÉ CHAMPAGNE" dès 1861, que la défenderesse a perdu cette enseigne en 1877 pour la retrouver de 1903 à 1904, puis de 1935 à nos jours ;
qu'en outre la société LE CHAMPAGNE a déposé le 8 juillet 2002 le nom de domaine www.auchampagne.com qui renvoie à un site Internet au sein duquel elle présente ses activités ;
Attendu que la société LE CHAMPAGNE ne conteste pas le droit du CIVC à se prévaloir, en vertu des dispositions susvisées, de l'interdiction de l'utilisation de la dénomination "CHAMPAGNE" constitutive d'une appellation d'origine contrôlée, mais valoir qu'elle détient des droits antérieurs à la loi du 6 mai 1919 instituant l'organisation et la protection des appellations d'origine et que les situations préexistantes à la promulgation de ladite loi ne peuvent être concernées par ses dispositions et précisément par l'interdiction de l'utilisation de la dénomination CHAMPAGNE ;
Mais attendu que le caractère d'ordre public de la protection dont bénéficient les appellations d'origine en interdit toute appropriation privative et s'oppose à l'utilisation de celles-ci à quelque titre que ce soit pour désigner un fonds de commerce de brasserie- restaurant, quelle que soit l'antériorité des droits invoqués, lesquels droits ne sont en tout état de cause pas établis en l'espèce puisque la société défenderesse ne justifie d'un usage continu à titre d'enseigne de la dénomination LE CHAMPAGNE que depuis 1935, soit postérieurement à la loi du 6 mai 1919 instituant l'organisation et la protection des appellations d'origine ;
que l'adoption et l'usage d'une enseigne constituent bien des actes d'appropriation dès lors que cette dénomination est créatrice, au profit de son titulaire, de droits opposables aux tiers ; qu'il en est de même de la dénomination sociale et du nom commercial d'une société ainsi que d'un nom de domaine ;
Attendu qu'en reproduisant ainsi la dénomination CHAMPAGNE dans son enseigne, son nom commercial, sa dénomination sociale pour désigner son établissement ainsi que dans son nom de domaine, dont il n'est pas contesté qu'il reprenne l'appellation, la société défenderesse a entendu s'approprier l'idée de prestige et de raffinement qui s'attache à celle-ci et détourner ainsi à son profit le pouvoir attractif de l'appellation d'origine ;
qu'il en résulte manifestement un affaiblissement de la notoriété de l'appellation CHAMPAGNE, aggravé en l'espèce par la multiplicité des signes utilisés, qui engage la responsabilité de la société LE CHAMPAGNE qui sera condamnée dans les termes ci-après indiqués ;
Sur les mesures réparatrices
Attendu qu'il sera fait droit aux mesures d'interdiction sollicitées dans les termes précisés au dispositif de la présente décision ;
que le préjudice du CIVC, qui à la charge des intérêt collectifs des groupements qu'il représente et de la protection des appellations d'origine, sera intégralement réparé par l'octroi de la somme symbolique de 1 (un) euro à titre de dommages-intérêts ;
qu'enfin à titre de dommages-intérêts supplémentaire il sera fait droit à la mesure de publication sollicitée dans les termes précisés au dispositif de la présente décision ;
Sur les autres demandes.
Attendu que la défenderesse qui succombe ne peut voir prospérer sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que l'exécution provisoire n'apparaît pas nécessaire en l'espèce ; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du CIVC la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de lui allouer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

que la défenderesse sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Dit que l'usage par la société LE CHAMPAGNE de l'expression "LE CHAMPAGNE" à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine porte atteinte à l'appellation d'origine "CHAMPAGNE".
En conséquence,
- Interdit à la société LE CHAMPAGNE de faire usage de l'expression CHAMPAGNE à quelque titre que ce soit, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de 45 jours à compter de la signification du présent jugement.
- Se réserve la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée.
- Condamne la société LE CHAMPAGNE à payer au COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE (CIVC) la somme de 1 (un) euro à titre de dommages-intérêts.
- Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans trois revues ou journaux au choix du demandeur et aux frais de la défenderesse, dans la limite de 3.500 euros HT par insertion.
- Condamne la société LE CHAMPAGNE à payer au COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE (CIVC) la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
- Rejette le surplus des demandes.
- Condamne la société LE CHAMPAGNE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.
Fait et jugé à Paris, le 5 octobre 2006.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 05/16070
Date de la décision : 05/10/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-10-05;05.16070 ?
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