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19/09/2007 | FRANCE | N°06/0008

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 19 septembre 2007, 06/0008


3ème chambre 3ème section

DEMANDERESSE
S.A. MARIAGE FRERES70 avenue des Terroirs de France75012 PARIS

représentée par Me Laurence BOTBOL-LALOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.368

DÉFENDERESSES

Société FAUCHON26 place de la Madeleine75008 PARIS

Société MAGASINS FAUCHON26 place de la Madeleine75008 PARIS

représentées par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 709, et Me Frank SAULNIER Avocat au Barreau de Lyon
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THA

UNAT, Vice-PrésidentMichèle PICARD, Vice-Président,
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire...

3ème chambre 3ème section

DEMANDERESSE
S.A. MARIAGE FRERES70 avenue des Terroirs de France75012 PARIS

représentée par Me Laurence BOTBOL-LALOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.368

DÉFENDERESSES

Société FAUCHON26 place de la Madeleine75008 PARIS

Société MAGASINS FAUCHON26 place de la Madeleine75008 PARIS

représentées par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 709, et Me Frank SAULNIER Avocat au Barreau de Lyon
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-PrésidentMichèle PICARD, Vice-Président,
assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS
A l'audience du 19 Juin 2007 tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publiqueContradictoireen premier ressort

FAITS ET PROCEDURE
La société MARIAGE FRERES a pour activité le commerce des thés, vanilles et denrées coloniales, la dégustation de thé au sein de salon de thé, la vente d'accessoires et l'épicerie fine. Elle a été crée en 1854.

La société MARIAGE FRERES est titulaire des marques suivantes :
-la marque verbale SAKURA enregistrée auprès de l'INPI le 23 juillet 2002 sous le No02 3 175 888,
-la marque verbale WEDDING enregistrée auprès de l'INPI le 30 septembre 1996 sous le no966 43 690,
-la marque semi-figurative THE ST.VALENTIN enregistrée auprès de l'INPI le 26 juillet 1995 sous le numéro 95 582 174 renouvelée le 11 mars 2005,
-la marque semi-figurative THE DE PAQUES, enregistrée auprès de l'INPI le 3 mai 1995 sous le no95 570 062 et renouvelé le 7 décembre 2004;
Ces marques ont été déposées en classe 30 pour désigner notamment " les thés, boissons à base de thé, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles. "
La marque verbale SAKURA désigne également : "les bougies parfumées, bougies d'éclairage et bougies décoratives. Gelées, confitures, compotes ; fruits conservés, séchés et cuits. Thés et boissons à base de thé ;cacao ; chocolat ; pâtisserie, biscuits et confiseries ; glaces comestibles ; sel, moutarde, épices ; assaisonnements, condiments."
La marque verbale WEDDING désigne également : " viande et extraits de viandes, poisson, volaille, gibier, fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, comportes ; oeufs, laits et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles. Cafés, succédanées du café, thé et boissons à base de thé, cacao, sucre ; riz, tapioca, sagou ; farines et préparations à base de céréales ; pain, pâtisserie, biscuits et confiseries ; glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; sel, moutarde ; vinaigre ; sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir. "
Se plaignant du fait que la société FAUCHON commercialisait sur son site "http://fauchon.fr" des pâtisseries ainsi décrites "l'éclair Cherry est dédié au bonheur et décoré de trois délicates fleurs en sucre et pâte d'amande, roses et blanches, comme des fleurs de cerisier. Découvrez son goût unique : une crème au thé vert "Sakura" et à la cerise, douce et généreuse." et que par ailleurs sur ledit site figurait l'annonce suivante :"les derniers nés de cette collection FAUCHON propose le "WEDDING TEA" aux arômes de figues, de clémentines et de muscade, ainsi que d'autres thés de célébration : thé de naissance, d'anniversaire, de Pâques, de St.Valentin ,parfumé d'écorce d'orange et de pétales de roses rouges," la société MARIAGE FRERES a mis en demeure la société Fauchon de cesser ses agissements.
Par acte d'huissier de justice en date du 21 décembre 2005, la société MARIAGE FRERES a assigné la société FAUCHON et la société MAGASINS FAUCHON devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque.
Par dernières conclusions communiquées le 15 février 2007, la société MARIAGE FRERES demande au tribunal de :
au visa des articles L716-1, L713-2 et L713-3 du code de propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil,
constater qu'en reproduisant et utilisant sans son autorisation les marques SAKURA, WEDDING, THE ST VALENTIN et THE DE PAQUES, les sociétés FAUCHON et MAGASINS FAUCHON ont commis des actes constitutifs de contrefaçon,
en conséquence,
leur interdire, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée à compter du jour suivant la signification de la décision à intervenir, d'utiliser les dénominations SAKURA, WEDDING, THE ST. VALENTIN et THE DE PAQUES, seules ou en combinaison avec d'autres mots, lettres, noms, dessins, à quelques titres que ce soit et sur quelque support que ce soit et particulièrement à titre de marque ou de dénomination pour désigner du thé ou des produits dérivés à base de thé, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
enjoindre aux sociétés FAUCHON et MAGASINS FAUCHON de communiquer les quantités commercialisées des produits utilisant les dénominations concernées,
condamner in solidum les défenderesses au paiement d'une somme de 3.000.000 euros au titre des préjudices subis par elle liés aux actes de contrefaçon de marques, ce à titre provisionnel, le surplus des préjudices devant être déterminé dans le cadre d'une expertise,
condamner in solidum les défenderesses au paiement d'une somme de 250 000 euros au titre du préjudice subi par elle lié à la concurrence déloyale afférente à la présentation du thé SAKURA, ce à titre provisionnel, le surplus du préjudice devant être déterminé dans le cadre d'une expertise,
ordonner une expertise afin de déterminer le surplus des préjudices subis,
condamner la société FAUCHON au paiement d'une somme de 150000 euros au titre de la résistance abusive,
débouter les défenderesses de leurs demandes,
ordonner l'exécution provisoire
ordonner, et ce à titre de complément de dommages-intérêts la publication du jugement à intervenir dans cinq revues, magasines ou quotidiens au choix de la demanderesse et aux frais in solidum des défenderesses, sans que le coût de chacune de ces publications ne soit inférieur à la somme de 5000 euros HT,
condamner la société FAUCHON et la société MAGASINS FAUCHON à lui payer la somme de 7.000 Euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamner la société FAUCHON et la société MAGASIN FAUCHON aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Laurence BOTBOL LALOU, avocat, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions communiquées le 11 avril 2007, la société FAUCHON et la société GROUPE FAUCHON venant aux droits de la société MAGASINS FAUCHON, demandent de :
au visa du principe général du droit "fraus omnia corrumpit" et celui de la liberté du commerce, vu l'article 6 de la directive no89 104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques, les articles L711-1, L711-2, L713-3 et L714-5 du code de propriété intellectuelle , l'article 1382 du code civil, les articles 9, 696,699 et 700 du nouveau code de procédure civile ,
A titre principal :
dire et juger que les marques 02 3 175 888, 96 64 36 90, 955821 74 et 95 57 0062 sont nulles,
débouter en conséquence la demanderesse,
A titre subsidiaire,
prononcer la déchéance totale des droits de la société MARIAGE FRERES sur ses marques complexes 95 57 0062 et 95 58 21 74,
la débouter en conséquence de ses demandes fondées sur ces deux marques,
A titre encore plus subsidiaire,
dire et juger que les sociétés défenderesses n'ont commis aucun acte de contrefaçon des marques 02 3 175 888, 96 64 36 90, 95 58 21 74 et 95 57 0062,
dire et juger qu'elles n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire,
dire et juger qu'elles n'ont offert aucune résistance abusive,
débouter en conséquence la demanderesse de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
si par extraordinaire le tribunal devait entrer en voie de condamnation, dire et juger que la société MARIAGE FRERES ne justifie d'aucun préjudice
la débouter en conséquence,
Sur le reste :condamner la demanderesse aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Marine CHOLAY, avocat, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

condamner la demanderesse au paiement de la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la validité des marques
C'est au regard de l'article L711-2 du code de propriété intellectuelle qui dispose que : "Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.Sont dépourvus de caractère distinctif :a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage," que doit être apprécié la validité des marques opposées.
-En ce qui concerne la marque "SAKURA"
Le terme SAKURA signifie en langue japonaise une espèce particulière de cerisier qui produit fleurs et fruits et par extension les "fleurs de cerisier".
Il est constant qu'une expression appartenant à une langue étrangère est distinctive dès lors qu'elle n'est pas entrée dans l'usage courant en France et que la signification qu'elle peut avoir n'est pas perçue par une grande partie du public français.
De plus, pour des thés peuvent être génériques des termes qui servent à désigner leur classification (thés blancs, verts, bleus, noirs) ou le nom des grands pays producteurs ( Chine, Indes, Japon) ou encore leurs crus (Darjeeling, Assam, Yunnan...). Dès lors, le terme SAKURA n'est pas générique pour du thé.
Il n'est pas établi, en l'espèce, que le produit japonais appelé "Sweet Sakura Tea" soit une sorte de thé, le terme "tea" pouvant également désigner des infusions. Il pourrait en fait s'agir d'infusion de fleurs de cerisiers, ainsi que le montrent les photographies issues du site "http://sweetsakuratea.com".
Les défenderesses versent encore aux débats un article de l'Agence France Presse du 28 juillet 1992 qui précise que le menu des astronautes de la mission Atlantis comportera notamment des spécialités japonaises comme les "algues marines et le thé sakura". La demanderesse soutient qu'il est ainsi fait référence à son propre produit dénommé "thé sakura" qu'elle commercialise au Japon. Le tribunal observe qu'il est peu probable que l'on désigne comme typiquement japonais un produit élaboré en France. En revanche, cette expression pourrait renvoyer au produit dénommé "sweet sakura tea"précité.
Elles produisent également :-un article du Figaro du 4 novembre 2003 relatif au gâteau japonais "Sakura-Mochi (délice de cerisier) enveloppé dans une feuille de cerisier salée", qui n'a aucun rapport avec le thé.- un article des "Echos" du 8 décembre 2004 relatif à un voyage de M. E... au Japon, qui indique que celui-ci voulait voir les "fameux sakura, les cerisiers en fleur", sans rapport avec le thé. -un article du 16 mars 2005 de l'agence France Presse qui indique que l'emblème de l'équipe de rugby du Japon est le "sakura ( la fleur de cerisier)", sans rapport avec le thé.
Ces différentes pièces, dans lesquels le mot "sakura " est toujours accompagné de sa traduction en langue française, montre à l'évidence que ce terme est incompréhensible pour un locuteur francophone et n'a pas acquis de signification sur le marché français pour désigner un thé de provenance ou de composition particulière ou pour désigner des fleurs de cerisiers.

Dès lors la marque "sakura" doit être considérée comme étant arbitraire en France pour désigner un thé, même parfumé aux fleurs de cerisiers, et donc suffisamment distinctive pour être déclarée valable.
-En ce qui concerne la marque WEDDING
Les sociétés défenderesses soutiennent que dans le domaine du thé le terme "wedding" est largement compris et répandu pour faire référence au "thé offert par les jeunes époux à leurs invités lors de leur mariage."
Il est constant qu'une expression appartenant à une langue étrangère est distinctive dès lors qu'elle n'est pas entrée dans l'usage courant en France et que la signification qu'elle peut avoir n'est pas perçue par une grande partie du public français.
Il convient de se placer à l'époque de l'enregistrement de la marque française pour établir si le signe était connu du public français.
En l'espèce, le public concerné est le grand public francophone amateur de thé. Il n'est produit aucun élément prouvant que le terme WEDDING, qui signifie mariage en anglais, était connu du grand public pour désigner un thé offert à l'occasion de cet événement.
Dès lors, le signe WEDDING est valable puisqu'il possède en français un caractère distinctif.
-En ce qui concerne les marques THE DE PAQUES et THE ST.VALENTIN :
Il s'agit dans les deux cas de marques complexes comportant un élément verbal et un élément figuratif.
Les sociétés défenderesses soutiennent que la Saint Valentin et Pâques sont des fêtes rythmant l'année aux cours desquels il est traditionnel de consommer du thé, de même que l'on déguste des chocolats à Noël et des oeufs à Pâques, que dès lors un acteur du marché ne peut monopoliser ces dénominations qui ne ferait que désigner la destination du produit.
Le tribunal observe qu'il n'existe aucun lien, qu'il soit liturgique, symbolique ou purement traditionnel, entre les fêtes ou périodes de Pâques et de la Saint Valentin et le thé.

Les sociétés Fauchon n'établissent pas la preuve de l'emploi des expressions Thé de Pâques et Thé St. Valentin avant le dépôt des marques litigieuses pour désigner des thés traditionnellement offerts à l'occasion de ces festivités.
Par ailleurs, le maintien des enregistrements critiqués, n'emporte pas pour les défenderesses l'interdiction d'employer les mots "Pâques" et "Saint Valentin" dans l'exercice de leurs activités. Il est en effet constant qu'une marque portant sur un terme courant, ne fait pas obstacle à l'utilisation de ce dernier, dans son acception normale.
Au surplus, l'élément figuratif est de nature en toute hypothèse à donner aux marques litigieuses leur distinctivité.
Dès lors, les marques "Thé de Pâques" et "Thé St.Valentin" sont valables.
Sur le dépôt frauduleux de la marque "SAKURA"
Les société défenderesses soutiennent qu'elles commercialisaient depuis1992 un thé sakura, et que dès lors le dépôt de la marque par la société demanderesse n'a eu pour but que d'empêcher ses concurrents de continuer à commercialiser un produit.
La société MARIAGE FRERES produit aux débats un extrait de son catalogue édité en novembre 1984, ainsi que les cartes de ses boutiques pour les années 1989, 1992, 1993 et 1994 qui établissent qu'elle commercialisait depuis cette époque un thé Sakura, bien avant le dépôt de la marque correspondante et la commercialisation des thés "sakura" par les défenderesses .

Le tribunal observe en toute hypothèse, que l'utilisation d'une dénomination sakura pour désigner des thés n'est pas constitutive d'un droit sur le signe. Dans ces conditions, le dépôt de la marque Sakura est valable, le terme sakura n'étant pas nécessaire pour désigner le produit et pouvant facilement être remplacé.

Sur la déchéance des marques complexes THE DE PAQUES et THE ST.VALENTIN
L'article L714-5 du code de propriété intellectuelle dispose :" Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.Est assimilé à un tel usage :b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés.L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu."

En l'espèce, la société demanderesse produit une facture du 30 décembre 1999 de la société l'Atelier de l'impression de 2500 étiquettes Saint Valentin et de 2500 étiquettes Thé de Pâques, une attestation de M. BESSON , commissaire aux comptes certifiant que le chiffre d'affaire des deux produits "Thé de Pâques"(référence T942, TE9420 et TE9421) et Thé Saint Valentin (références T937 et TE937) pour les années 2004-2006 a été de 124.401,97 euros en France, le "tarif confidentiel-revendeurs uniquement de Mariage frères international" de janvier 2002, sur lequel figure sous la rubrique "jarres de Thé" le Thé de Pâques référencé TE942 et le Thé Saint Valentin référencé TE937 , deux extraits du site "www.mariagefreres.com" du 13 février 2007, sur lesquels figurent les photographies de deux jarres accompagnées chacune d'une étiquette sur laquelle figure les marques complexes dont s'agit, un tableau statistique des ventes des thés référencés T937, TE 937 et T942 pour les années 2004, 2005, 2006 et 2007, un document intitulé invoice no00048 du 15 janvier 2003 sur lequel figure la mention "boîte et étiquette thé de Pâques". Il se déduit de ces éléments la preuve de l'exploitation des marques en cause pendant une période ininterrompue de cinq ans précédant la demande en déchéance.

En toute hypothèse, le Tribunal observe qu'il est constant que s'agissant de marques complexes peut être pris en compte l'usage de la partie verbale desdites marques, s'agissant de l'exploitation de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas la substance.
En effet, la partie verbale de ces marques complexes leur confère un caractère distinctif propre à remplir auprès des consommateurs la fonction distinctive de la marque.
A supposer que l'on considère que la preuve n'est pas rapportée de l'usage des marques complexes par l'utilisation d'étiquettes reproduisant ces marques jointes à des jarres contenant ces thés, la preuve est néanmoins rapportée de l'utilisation de la partie verbale de ces marques.
Dès lors, la déchéance n'est pas encourue.
Sur la contrefaçon
- Sur la contrefaçon par reproduction
Il est constant que le sociétés défenderesses commercialisent des thés sous les appellations "sakura" et " Wedding tea".
C'est au regard de l'article L713-2 a) du code de propriété intellectuelle qui dispose que :"sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque (...) ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement." que doit être apprécié le grief de contrefaçon par reproduction.

Les sociétés défenderesses font valoir qu'elles n'utilise l'expression thé sakura que pour désigner le parfum du thé, de même l'expression "wedding tea" pour désigner, en application d'une tradition d'origine anglo-saxonne, le thé offert par les époux à l'occasion de leur mariage.
Il est constant que sont reproduits à l'identique les marques déposées, le mot "tea" n'étant pas distinctif pour désigner du thé et devant pas être pris en compte. Les sociétés défenderesses n'établissent pas qu'elles ont utilisé ces expressions comme étant des termes du langage courant étant relevé comme il a été dit précédemment que l'usage du terme "sakura" pour désigner le parfum d'un thé ou celui de "wedding" pour un thé de mariage n'est pas démontré. Dès lors, le grief de contrefaçon par reproduction est établi.
Il est reproché également par la demanderesse aux défenderesses d'avoir lancé au cours de l'année 2005, des "thés de célébration: thé de naissance, d'anniversaire, de Pâques, de St. Valentin."
Il n'est pas démontré par la demanderesse que les sociétés défenderesses commercialisent des thés sous ces appellations. Dès lors, il ne s'agit pas pour les défenderesses d'identifier un produit mais d'utiliser des termes du langage courant faisant référence à des fêtes. Dans ces conditions le grief de contrefaçon par reproduction n'est pas établi.

Sur la contrefaçon par imitation

Il est reconnu par les sociétés défenderesses qu'elles commercialisent des thés sous les appellations "la Passion Valentin" et "Ile de Pâques".
Les signes "Thé St. Valentin" et "la Passion Valentin" d'une part, "Thé de Pâques" et "Ile de Pâques " d'autre part étant différents c'est au regard de l'article L713-3 du code de la propriété industrielle qui dispose que : "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :a)la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement;b)l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." que doit être examiné le grief de contrefaçon par imitation.

Le tribunal observe que dans les signes argués de contrefaçon seuls les termes "Valentin" et "Pâques" sont repris, mais qu'ils sont dans les deux cas précédés d'un mot : "Passion" et "Ile" qui leur confère une signification particulière nettement distincte de celle des marques premières. De la même manière, il n'existe pas de ressemblance phonétique ou visuelle entre les signes premiers et les signes argués de contrefaçon.
Par ailleurs, les produits commercialisés sont identiques s'agissant de thés
Il est constant que le risque de confusion doit s'apprécier globalement en tenant compte des différences et des similitudes, tant des signes que des produits, au regard du public concerné. Il s'agit en l'espèce du grand public amateur de thé.

Dès lors, compte tenu de la similitude très réduite des signes, et bien que les produits soient identiques, il n'existe aucun risque de confusion.
Le grief de contrefaçon de marque n'est pas dans ces conditions établi.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
La société demanderesse se plaint en outre d'actes de concurrence déloyale en ce qui concerne le thé sakura au motif que les sociétés défenderesses reproduisent de façon servile les caractéristiques de présentation de ce thé, la société MARIAGE FRERES présentant ce thé comme "un mélange de thé vert et de jeunes fleurs de cerisier" et l'illustrant par un mélange de thé comportant de façon très visible des fleurs de cerisier et les sociétés défenderesses présentant leur mélange avec les mêmes fleurs de cerisiers et en se prévalant de la même composition.
Le tribunal observe qu'il est constant que le thé commercialisé par les sociétés défenderesses comporte des fleurs de cerisier, ce que n'interdit pas le dépôt de marque de la demanderesse, l'interdiction ne portant que sur la dénomination "sakura". Dans ces conditions, la reprise de cet élément dans la présentation de ce produit, et notamment sur l'emballage, n'est pas fautif. Pour le surplus, le tribunal observe qu'il ne s'agit pas d'un grief distinct de celui résultant de la contrefaçon.
Sur la résistance abusive
La société demanderesse se plaint du fait d'avoir été obligée d'introduire une action en justice, les sociétés défenderesses l'ayant contrainte à les assigner.
La société MARIAGE FRERES succombant partiellement dans ses prétentions, il ne peut être reproché aux défenderesses d'avoir commis une faute en résistant à ses prétentions.
Il y a donc lieu de rejeter ses demandes présentées à ce titre.
Sur les mesures réparatrices
Le tribunal observe tout d'abord que la société MARIAGE FRERES ne produit aucun élément relatif à une perte de chiffre d'affaire du fait des actes de contrefaçon. Dans ces conditions sa demande d'indemnisation de ce chef doit être rejetée.
En revanche, il est certain que les agissements des défenderesses ont eu pour conséquence un avilissement, un affaiblissement et une dilution du caractère distinctif des marques SAKURA et WEDDING de la société MARIAGE FRERES. Pour réparer l'atteinte à ces marques le tribunal possède suffisamment d'éléments pour fixer à 10.000 euros par marque le préjudice subi, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise.
Il convient de faire droit aux mesures d'interdiction selon des modalités précisées au dispositif.
Le préjudice étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages-intérêts il n'y a pas lieu de faire droit aux mesures de publication.
Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société MARIAGE FRERES les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 7000 Euros.
Sur l'exécution provisoire
Il parait nécessaire en l'espèce et compatible avec la nature de l'affaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Sur les dépens
Les sociétés défenderesses succombant dans leurs prétentions doivent être condamnées aux dépens avec distraction au profit de Maître BOTBOL LALOU en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Déclare valables les marques "SAKURA"," WEDDING", "THE DE PAQUES" et "THE ST. VALENTIN",
Déboute les défenderesses de leur action en déchéance des marques complexes "THE DE PAQUES" et "THE ST. VALENTIN",
Dit qu'en commercialisant des thés sous les appellations "thé sakura" et "wedding tea" , les sociétés défenderesses ont commis des actes de contrefaçon par reproduction des marques "sakura"no02 3 175 888 et "wedding"no 966 43 690,
Condamne in solidum les sociétés FAUCHON et GROUPE FAUCHON venant aux droits de la société MAGASINS FAUCHON, à payer à la société MARIAGE FRERES la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à ces marques,
Interdit aux sociétés FAUCHON et GROUPE FAUCHON, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter du délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, d'utiliser les dénominations SAKURA et WEDDING, seules ou en combinaison avec d'autres mots, lettres, noms, dessins, à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit et particulièrement à titre de marque ou de dénomination pour désigner du thé ou des produits dérivés à base de thé,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,
Déboute la société MARIAGE FRERES pour le surplus de ses demandes,
Condamne in solidum les sociétés défenderesses à payer à la société MARIAGE FRERES la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Ordonne l'exécution de la présente décision,
Condamne in solidum les sociétés FAUCHON et GROUPE FAUCHON, aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître BOTBOL LALOU en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Fait à Paris, le 19 septembre 2007

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marie-Aline PIGNOLET Elisabeth BELFORT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/0008
Date de la décision : 19/09/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-09-19;06.0008 ?
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