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06/07/2007 | FRANCE | N°06/12683

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 06 juillet 2007, 06/12683


3ème chambre 2ème section

Assignation du :26 Janvier 2006

JUGEMENT rendu le 06 Juillet 2007

DEMANDERESSE
S.A. RACKHAM44, rue de Lagny93100 MONTREUIL SOUS BOIS

représentée par SCP SHUBERT COLLIN et ASSOCIES, représentée par Me Olivier CUPERLIER, avocat au barreau de PARIS , vestiaire P.168

DÉFENDERESSES
S.A.S. ATARI FRANCE1, place Verrazzano69009 LYON

intervenante volontaire
S.A.S ATARI EUROPE,1 Place Verrazzano69252 LYON CEDEX

représentée par Me Didier LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K.114

COMPOSITION DU

TRIBUNAL

Claude VALLET, Vice-PrésidentVéronique RENARD, Vice-PrésidentSophie CANAS, Juge

assistée de Marie-Alin...

3ème chambre 2ème section

Assignation du :26 Janvier 2006

JUGEMENT rendu le 06 Juillet 2007

DEMANDERESSE
S.A. RACKHAM44, rue de Lagny93100 MONTREUIL SOUS BOIS

représentée par SCP SHUBERT COLLIN et ASSOCIES, représentée par Me Olivier CUPERLIER, avocat au barreau de PARIS , vestiaire P.168

DÉFENDERESSES
S.A.S. ATARI FRANCE1, place Verrazzano69009 LYON

intervenante volontaire
S.A.S ATARI EUROPE,1 Place Verrazzano69252 LYON CEDEX

représentée par Me Didier LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K.114

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Claude VALLET, Vice-PrésidentVéronique RENARD, Vice-PrésidentSophie CANAS, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, lors des débats et Jeanine ROSTAL lors du prononcé, signataire de la décision

DÉBATS

A l'audience du 11 Mai 2007 tenue en audience publique devant , Mme Claude VALLET et Mme Sophie CANAS juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publiqueContradictoireen premier ressort

Faits et procédure
La société RACKAM est spécialisée dans le domaine de la création et de la commercialisation de jeux de stratégie. Elle est notamment à l'origine d'un jeu intitulé " Confrontation" dans lequel s'affrontent plusieurs familles de créatures fantastiques parmi lesquelles celle des "Wolfen d'Illiya".La société RACKAM est titulaire de trois marques nominales françaises " WOLFEN", respectivement enregistrées:- le 26 janvier 1998 sous le no 98 714 636 pour désigner les " disques optiques compacts interactifs de jeux, logiciels; cartonnage, imprimés, livres, journaux, manuels et cartes à jouer, jeux jouets, jeux de société et figurines", produits et services des classes 9, 16 et 28,- le 29 août 2003 sous le no 03 3 243 311 pour désigner les produits et services des classes 6, 16 et 28,- le 26 janvier 2004 sous le no 04 326 9594 pour désigner les produits et services des classes 6, 9, 16, 28, 41 et 42 et notamment les jeux, jouets et figurines.Ayant appris par la presse spécialisée en septembre 2003 que la société ATARI s'apprêtait à éditer un jeu dénommé " Kya Dark Lineage" qui mettait en scène des personnages de loups-garous appelés " WOLFEN", la société RACKAM l'a mise en demeure de cesser tout usage de cette dénomination.Elle constatait cependant en décembre 2003 que si les personnages du jeu en cause ne s'appelaient plus " WOLFEN", il leur avait été attribué le nom de "WOLFUN".Une nouvelle mise en demeure étant demeurée vaine, la société RACKAM a saisi ce tribunal par acte en date du 26 janvier 2006 d'une action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l'encontre de la société ATARI France.Par conclusions en date du 13 juin 2006, la société ATARI Europe SAS est intervenue volontairement à l'instance.

Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 5 avril 2007, la société RACKAM demande, sur le fondement des articles L 713-3, L 716-1 et L 716-13 du Code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil de condamner in solidum les défenderesses à lui payer:- la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des atteintes portées à la valeur de ses marques, et à défaut de les condamner in solidum à lui payer la même somme du chef de concurrence déloyale et/ou parasitaire,

- la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- une provision de 100 000 euros en réparation de son préjudice commercial, soit un euro par jeu " Kya" vendu à ce jour, et condamner in solidum les défenderesses à produire sous astreinte les éléments comptables, certifiés par leur commissaire aux comptes, de nature à établir le nombre de jeux vendus dans le monde depuis le début de la commercialisation.Elle demande en outre de prononcer les mesures d'interdiction sous astreinte et de publication usuelles en pareille matière et de condamner les défenderesses in solidum à lui payer la somme de 12 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Les sociétés ATARI ont signifié leurs conclusions récapitulatives le 26 avril 2007. Elles poursuivent à titre reconventionnel la nullité des marques WOLFEN faute de caractère distinctif pour désigner les produits suivants appliqués à l'univers des loups: " Disques optiques compacts interactifs de jeu, logiciels, logiciels de jeu, cartes à jouer, jeux et jouets, jeux de société, jeux de cartes ou de table, statues et figurines, objets d'art, supports d'enregistrements magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples, cartonnages, imprimés, livres, journaux, manuels, produits de l'imprimerie, photographies, clichés, boîtes, affiches, albums, cartes, prospectus, brochures, calendriers, dessins, sacs et sachets.", ainsi que la nullité des marques no 03 3 243 311 et 04 3 269 594 qu'elles estiment avoir été déposées frauduleusement dans le seul but de les leurs opposer.A titre subsidiaire, elles demandent de prononcer la déchéance de la marque WOLFEN no 98 714 636 à compter du 1er juillet 2003 faute d'usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans pour l'ensemble des produits et services visés au dépôt et en tout état de cause pour tout autre produits que les figurines.Plus subsidiairement, elles concluent au mal fondé de l'action en contrefaçon, le terme "Wolfun" ne constituant pas à leur sens une imitation répréhensible de la dénomination " Wolfen", au rejet de la demande fondée sur la concurrence déloyale et au débouté des demandes indemnitaires en constatant que le préjudice n'est pas démontré que le jeu litigieux n'est plus commercialisé.Elle sollicitent le bénéfice de l'exécution provisoire en ce qui concerne leurs demandes reconventionnelles ainsi que l'allocation de la somme de 6000 euros à chacune d'elles au titre de leurs frais irrépétibles.

A l'audience de plaidoirie, l'ordonnance de clôture a été rabattue sans opposition de la partie défenderesse, pour prendre acte de ce que la société RACKAM ne fondait plus ses demandes que sur la seule marque " Wolfen" no 98 714 636.

Motifs de la décision

Attendu qu'il sera donné acte à la société ATARI EUROPE SAS de son intervention volontaire de même qu'il sera donné acte à la société RACKAM de ce qu'elle n'invoque plus les marques WOLFEN no 03 3 243 311 et 04 326 9594.
Sur la validité de la marque WOLFEN no 98 714 636:
Attendu que selon les dispositions de l'article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle " Sont dépourvus de caractère distinctif:a) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire ou usuelle du produit ou du service;b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique su produit ou du service, et notamment l'espèce...";

Attendu que la partie défenderesse soutient que le terme "wolfen" ne constitue qu'une forme dérivée de "Wolf", qui, tant en dans la langue anglaise que dans la langue allemande signifie "Loup", terme compris par le public pertinent composé des amateurs de jeux interactifs et qui est précisément déposé pour désigner des personnages de loups-garous que l'on nomme traditionnellement "wolfen" dans les jeux de rôle ou le cinéma;
Attendu cependant qu'il convient de rappeler que la distinctivité d'un signe est à considérer au regard des produits désignés, et non pas ainsi que soutenu à "un univers" particulier, de sorte que force est de dire que le terme "Wolfen" est parfaitement arbitraire en lui-même pour désigner les produits des classes 9, 16 visés par la marque 98 714 636 à savoir " disques optiques compacts interactifs de jeux, logiciels, cartonnages, imprimés, livres, journaux, manuels, cartes à jouer";
Attendu par ailleurs que le caractère distinctif d'un signe s'appréciant au jour du dépôt de la marque, les sociétés ATARI ne démontrent pas que ce signe constituait en 1998 une désignation usuelle, voire générique en France pour désigner une catégorie de personnages connus dans le domaine des jeux interactifs pour représenter des être fantastiques mi-hommes, mi-loups;
Qu'ainsi, la demande est-elle également mal fondée en ce qu'elle tend à voir dire que le terme wolfen est usuel pour désigner des figurines ainsi que des jeux, jouets et jeux de société;
Sur la demande de nullité pour dépôt frauduleux:
Attendu que les marques déposées en 2003 et en 2004 n'étant plus invoquées par la société RACKAM, ces demandes sont devenues sans objet dès lors qu'il était soutenu que les dépôts auraient été réalisés dans le seul but de les opposer aux sociétés ATARI.
Sur la demande en déchéance:
Attendu que selon les dispositions de l'article L 714-5 du code de la Propriété Intellectuelle " Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans....La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés....La preuve de l'usage sérieux incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu."

Attendu que l'enregistrement de la marque Wolfen no 98 714 636 ayant été publié le 1er juillet 1998, la période au cours de laquelle la société RACKAM doit justifier d'un usage sérieux pour chacun des produits visés au dépôt s'étend jusqu'au 1er juillet 2003;
Attendu que sont versés aux débats les catalogues 2003 et 2004 de la société RACKAM, des exemplaires de cartes représentant les personnages de Wolfen ainsi que quatre factures;que les sociétés ATARI opposent que ces documents d'une part sont insuffisants à rapporter la preuve exigée et d'autre part que les usages allégués ne sont pas réalisés à titre de marque en ce qu'ils servent à nommer une famille de personnages et non des produits tels que des jeux ou des figurines, la marque n'étant du reste pas apposée sur les produits;

Attendu en premier lieu que ces pièces ne démontrent aucun usage de la marque en cause pour désigner les " disques optiques compacts interactifs de jeu, logiciels, cartonnages, imprimés, livres, journaux et manuels au cours de la période considérée;que la déchéance est donc acquise pour ces produits;

Attendu qu'en ce qui les autres produits, force est de constater que la société RACKHAM ne commercialise aucun jeu qui serait désigné sous le signe WOLFEN, ce qu'elle ne soutient d'ailleurs pas;que la production de photocopie de six cartes à jouer représentant des membres de la famille "WOLFEN" n'est pas de nature à établir un tel usage;

Que les catalogues et les factures montrent la commercialisation de figurines sous la dénomination de WOLFEN; qu'il importe peu que les prix de vente ne soient pas mentionnés sur les catalogues en cause dès lors qu'ils proposent l'envoi de bons de commandes ce qui démontre que l'objet de ces publications est bien de toucher la clientèle, ce que confirment les factures fournies, quand bien même le nombre de pièces vendues n'est pas important;qu'en effet, l'édition d'un catalogue au moins pendant deux années de suite établit suffisamment une offre en vente effective, la loi n'exigeant pas la preuve d'une réussite commerciale;qu'enfin, il importe peu que le nom des figurines ainsi désignées soit identique au nom des personnages qu'elles représentent;Que la demande de déchéance sera donc rejetée en ce qui concerne les figurines;

Sur les actes de contrefaçon:
Attendu que s'il est constant que les sociétés ATARI ont d'abord utilisé le terme WOLFEN pour présenter certains personnages du nouveau jeu KYA, puis ont modifié cette dénomination en WOLFUN dès avant la commercialisation, il est admis par la demanderesse qu'aucune figurine n'est fabriquée ou mise en vente par ces sociétés;qu'il s'en suit que faute de commercialisation d'un quelconque produit par les sociétés ATARI, le grief de contrefaçon n'est pas fondé;

Sur la demande en concurrence déloyale:
Attendu que la société RACKAM reproche subsidiairement aux défenderesses d'avoir repris ses propres études anatomiques pour la création d'une forme humanoïde inspirée du loup et de lui avoir donné un nom phonétiquement identique , opérant ainsi un détournement de ses investissements créatifs;
Attendu cependant qu'aucun élément n'est versé aux débats permettant d'opérer une comparaison entre les différents personnages de chacun des jeux en cause de nature à étayer l'allégation d'une reproduction de leur structure physique laquelle ne résulte pas des seules captures d'écran disponibles;Que par ailleurs, la reprise dans un jeu interactif comportant plusieurs familles d'une dénomination visuellement très proche et phonétiquement identique pour l'une d'entre elles ne suffit pas à caractériser un acte de déloyauté dans les affaires en l'absence de toute autre similarité entre les caractéristiques des jeux considérés;Qu'en conséquence, ce grief n'est pas davantage fondé.

Sur les autres demandes:
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision
Attendu qu'il serait inéquitable que les défenderesses supportent la charge de leurs frais non compris dans les dépens; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme globale de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile;Attendu que la société RACKAM sera condamnée aux dépens de l'instance quiseront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs

Le tribunal, statuant en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
-Donne acte à la société ATARI EUROPE SAS de son intervention volontaire,
- Donne acte à la société RACKAM de ce qu'elle n'invoque plus au soutient de ses demandes que la marque WOLFEN no 98 714 636,
- Déboute les sociétés ATARI de leurs demandes en nullité de ladite marque,
- Prononce la déchéance partielle de la marque " WOLFEN" no 98 714 636 en ce qu'elle désigne les disques optiques compacts interactifs de jeux, logiciels, cartonnages, imprimés, livres, journaux, manuels, jeux et jouets et jeux de société, cartes à jouer" et ce à compter du 1er juillet 2003,
-Dit que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'INPI pour inscription au Registre National des Marques,
- Déboute la société RACKAM de ses demandes fondées tant sur la contrefaçon que sur la concurrence déloyale et/ou parasitaire,
-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- Condamne la société RACKAM à payer aux sociétés ATARI la somme globale de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
Condamne la société RACKAM aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Fait et jugé à Paris Le 6 juillet 2007


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/12683
Date de la décision : 06/07/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-07-06;06.12683 ?
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