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04/07/2007 | FRANCE | N°06/05630

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 04 juillet 2007, 06/05630


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

06/05630

No MINUTE :

Assignation du :

28 Février 2006

JUGEMENT

rendu le 04 Juillet 2007

DEMANDERESSE

S.A.R.L. COEUR DE PRINCESSE

320 rue Saint-honoré

75001 PARIS

représentée par Me Francine WAGNER-EDELMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.1233

DÉFENDERESSE

S.A. MATTEL FRANCE

27/33 rue d'Anthony SILLIC 145

94253 RUNGIS CEDEX

représentée par

Me Arnaud MICHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T 03

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Agnès THAUNAT, Vice-Président

M...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 3ème section

No RG :

06/05630

No MINUTE :

Assignation du :

28 Février 2006

JUGEMENT

rendu le 04 Juillet 2007

DEMANDERESSE

S.A.R.L. COEUR DE PRINCESSE

320 rue Saint-honoré

75001 PARIS

représentée par Me Francine WAGNER-EDELMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.1233

DÉFENDERESSE

S.A. MATTEL FRANCE

27/33 rue d'Anthony SILLIC 145

94253 RUNGIS CEDEX

représentée par Me Arnaud MICHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T 03

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Agnès THAUNAT, Vice-Président

Michèle PICARD, Vice-Président,

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier lors des débats, et Mme BELLON lors du prononcé, signataire de la décision

DEBATS

A l'audience du 22 Mai 2007

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

en premier ressort

I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société Coeur de Princesse a été créée par Mademoiselle Fadila B... en janvier 2003 avec pour objet social à l'origine la conception, création, fabrication, montage, location, diffusion, vente de tous costumes, déguisements destinés aux enfants.

La société Coeur de Princesse est titulaire de la marque française Coeur de Princesse déposée le 27 septembre 2004 et enregistrée sous le no 04 3 314 748 pour désigner les produits et services des classes 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 28, 35, 41, 42 et 43.

La société MATTEL a lancé en 2003 une gamme de produits dérivés d'un film conçu autour de la poupée "BARBIE" intitulé dans les pays francophones "Coeur de Princesse".

La société Coeur de Princesse estimant être victime d'actes de contrefaçon de marque et d'usurpation de sa dénomination sociale a fait assigner la société MATTEL France par acte d'huissier délivré le 28 février 2006. Dans ses dernières conclusions signifiées le 19 mars 2007 elle demande au tribunal au visa des articles L.713-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil d'interdire à la société MATTEL France d'utiliser la dénomination Coeur de Princesse pour désigner tous produits dérivés du film Coeur de Princesse ou faire référence à ce film et l'utilisation du nom Coeur de Princesse pour présenter les produits dérivés du film y compris par Internet, sous astreinte, de la condamner à lui payer à titre de provision une somme de 1.500.000 euros sauf à parfaire après communication des éléments comptables certifiés conformes aux livres comptables de la société MATTEL France pour examiner le chiffre d'affaire réalisé sur les produits dérivés du film, d'ordonner la publication du jugement et de condamner la société MATTEL France à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société MATTEL a signifié ses dernières conclusions le 20 février 2007. Elle demande au tribunal de débouter la société Coeur de Princesse de ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui causent ses agissements, et de la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II- SUR CE :

* Sur le dépôt frauduleux de la marque :

La société MATTEL France fait valoir que la société Coeur de Princesse a frauduleusement déposé la marque Coeur de Princesse alors que la sortie du film et le lancement d'une gamme de produits dérivés était annoncé en France en janvier 2004, notamment sur le site Internet "actukids" et lors de diverses opérations de marketing dès le mois de mars 2004. De même, au mois de juillet elle a proposé à des organes de presse des partenariats basés sur des jeux permettant aux lecteurs de gagner des poupées "Barbie Coeur de Princesse" et au mois de septembre 2004, 400 invitations étaient envoyées pour assister à la projection en avant-première du film.

Le tribunal relève que la marque a été déposée le 27 septembre 2004 et qu'à cette date la société Coeur de Princesse ne pouvait ignorer l'existence du film et des produits dérivés compte tenu de l'ampleur de la communication médiatique faite par la société MATTEL. Il s'avère par ailleurs que la marque désigne de nombreux services et produits qui ne figurent pas dans l'activité de la société telle qu'elle ressort de l'extrait Kbis du Registre du Commerce. Enfin, paradoxalement, la marque ne désigne pas les déguisements alors qu'il s'agit de la principale activité de la société Coeur de Princesse.

L'argument de la société demanderesse selon lequel l'extrait K bis du Registre du Commerce est incomplet car les statuts déposés au moment de l' immatriculation font état d'activités plus larges telles les jouets, livres, produits audiovisuels et services, sera écarté en l'absence de production de ceux ci.

Il ressort de ces éléments que la société Coeur de Princesse a déposé frauduleusement la marque Coeur de Princesse pour désigner notamment les jouets ou les films alors qu'elle savait que la société MATTEL allait sortir un film d'animation du même nom et que de nombreux produits dérivés allaient être commercialisés dont des jouets.

Il convient en conséquence d'annuler la marque Coeur de Princesse pour l'ensemble des produits et services visés à l'enregistrement.

* Sur la dénomination sociale :

La société Coeur de Princesse fait valoir que la société MATTEL France, qui connaissait forcément son existence notamment parce que les deux sociétés avaient le même fournisseur, la société CESAR, a porté atteinte à sa dénomination sociale en utilisant le signe "Coeur de Princesse" pour commercialiser des produits dérivés du film et susciter ainsi un risque de confusion avec ses produits.

La société MATTEL France fait valoir qu'à l'origine l'activité de la société Coeur de Princesse ne concernait que les déguisements pour enfants et non les jouets. Elle aurait modifié son objet social le 25 février 2005 pour les y inclure, soit postérieurement à la sortie du film et à la commercialisation des produits dérivés.

Le tribunal constate que la société Coeur de Princesse a été créé en janvier 2003, soit bien avant l'annonce de la sortie du film Coeur de Princesse et de ses produits dérivés. Son activité, sans qu'il soit besoin de consulter ses statuts ou le Registre du Commerce, est la création et la fabrication de déguisements. Il ressort notamment de ses plaquettes publicitaires et de son site internet qu'elle commercialise des déguisements de princesse ou de fées pour les petites filles.

Il est indéniable que des déguisements pour les petites filles sont des produits similaires aux jouets et notamment aux poupées BARBIE, habillées en princesse et destinées aux petites filles et qu'il existe un réel risque de confusion sur l'origine des produits de la société Coeur de Princesse, le consommateur pertinent pouvant légitimement penser qu'il s'agit encore de produits dérivés du film et des poupées.

Ainsi, en nommant ses poupées Coeur de Princesse la société MATTEL France a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Coeur de Princesse.

* Sur les mesures réparatrices :

La société Coeur de Princesse demande, outre les mesures d'interdiction d'usage qui seront prononcées, le paiement de la somme de 1.500.000 euros à titre provisionnel et la communication des éléments comptables de la défenderesse.

Le tribunal relève que la société Coeur de Princesse est une petite société récente qui n'a pas eu le temps de se développer sur son marché notamment du fait de la sortie du film "Coeur de Princesse" accompagné des produits dérivés et de leur exploitation massive. La société avait par ailleurs, ainsi que cela ressort des pièces produites, tenté de développer sa communication en participant aux salons et en organisant des événements publicitaires destinés à la faire connaître.

Compte tenu de ces éléments il convient de fixer son préjudice à la somme de 100.000 euros.

La société MATTEL France indique qu'elle n'est pas responsable du film "Coeur de Princesse" qui est distribué par les studios UNIVERSAL Pictures, ni des vidéos, vêtements, déguisements qui sont de la responsabilité de la société MATTEL EUROPA. Elle n'est responsable que des jouets.

Le tribunal ayant relevé que les déguisements pour enfants sont des produits similaires aux jouets a retenu la responsabilité de la société MATTEL France pour les actes d'atteinte à la dénomination sociale de la société Coeur de Princesse. La société MATTEL France sera en conséquence condamnée à réparer le préjudice causé par ses actes.

Il convient de rejeter les mesures de publicité sollicitées, le préjudice de la société Coeur de princesse étant entièrement réparé par l'allocation de dommages et intérêts et l'interdiction prononcée.

* Sur la demande reconventionnelle :

La société MATTEL FRANCE demande le paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice résultant du dépôt frauduleux de la marque.

Il y a lieu de constater que s'il est exact que la marque a été déposée frauduleusement par la société Coeur de Princesse à un moment où l'annonce du film et des produits dérivés était en cours, il n'en demeure pas moins qu'à l'origine la faute a été réalisée par la société MATTEL qui a choisi délibérément d'ignorer l'existence de la société et de sa dénomination sociale. La demande reconventionnelle sera en conséquence rejetée.

* Sur l'exécution provisoire :

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire pour faire cesser le trouble né des actes de concurrence déloyale. Elle sera donc ordonnée.

* Sur l'article 700 :

La société Coeur de Princesse sollicite le paiement de la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 8.000 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire,

Dit que la société Coeur de princesse a déposé frauduleusement la marque COEUR DE PRINCESSE no 04 3 314 748,

En conséquence annule la marque no 04 3 314 748 pour l'ensemble des produits visés à son enregistrement,

Dit que la présente décision devenue définitive sera transmise à l'INPI, sur réquisition du greffier par la partie la plus diligente, aux fins d'inscription sur le Registre National des Marques,

Dit que la société MATTEL France a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Coeur de princesse en faisant usage de la dénomination sociale COEUR DE PRINCESSE pour désigner des jouets et produits assimilés,

En conséquence,

Condamne la société MATTEL France à payer à la société Coeur de princesse la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Fait interdiction à la société MATTEL France de faire usage du nom COEUR DE PRINCESSE pour désigner des jouets et des produits similaires sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de 2 mois à compter de la signification du présent jugement,

Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ainsi ordonnée en application de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991,

Déboute la société Coeur de Princesse du surplus de ses demandes,

Déboute la société MATTEL France du surplus de ses demandes,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société MATTEL France à payer à la société Coeur de Princesse la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société MATTEL France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2007

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/05630
Date de la décision : 04/07/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2007-07-04;06.05630 ?
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