TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE
MINUTE N JUGEMENT DU 20 Octobre 2005 AFFAIRE N 03/00253 AFFAIRE :
Jacques X... C/ SA ABEILLE PAIX Y... DEVENUE AVIVA, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM)
APPEL
N°
du Le Copie exécutoire délivrée à Copie à 2 copies service expertises copie dossier
JUGEMENT
JUGEMENT prononcé en audience publique L'AN DEUX MIL CINQ ET LE VINGT OCTOBRE,
LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de NARBONNE (Aude), dans l'affaire pendante : ENTRE : Monsieur Jacques X... né le 04 Décembre 1950 à NARBONNE (11100) de nationalité Française demeurant 5 Rue de Weilhem - 11100 NARBONNE représenté par Me Yves SINSOLLIER, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant ET : SA ABEILLE PAIX Y... DEVENUE AVIVA, prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est sis 52 Rue de la Victoire - 75455 PARIS CEDEX 09 représentée par la SCP PECH DE LACLAUSE-GONI-, avocats au barreau de NARBONNE, avocats postulant, SCP ELKAIM-PAGANI -MONTERET-AMAR,
dans la société qui a pour objet la création et la vente de jeux éducatifs destinés aux écoles.
Les demandeurs concluent à l'exécution provisoire et sollicitent la somme de 5.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans les conclusions signifiées le 14 décembre 2004, la SA ABEILLE PAIX Y..., actuellement dénommée AVIVA, soutient que le litige doit être soumis à la législation espagnole et soulève à titre principal la prescription des demandes en application de la loi espagnole.pagnole.
La Compagnie AVIVA rappelle que l'accident s'étant produit en ESPAGNE et impliquant un seul véhicule, la loi espagnole doit recevoir application conformément à la Convention de LA HAYE. Elle conteste la prétendue option de la loi française qui aurait été faite d'un commun accord entre les parties, seul un accord exprès en ce sens pouvant être retenu. En l'occurrence, elle fait valoir que la saisine des juridictions françaises n'a aucune incidence sur le fond du droit applicable, que les ordonnances de référé ne préjudicient pas au fond et que la transaction de 1991 ne contient aucune référence à la loi applicable, le visa de l'article 2044 du Code civil n'ayant aucune portée au fond.
La Compagnie AVIVA se prévaut de l'article 1968-2 du Code civil espagnol qui fixe une prescription de deux ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance de son état. Elle soutient que
de toute façon l'action est mal fondée, la législation espagnole ne retenant que le lien de causalité adéquat et les contaminations post-transfusionnelles n'étant pas considérées comme des séquelles des accidents de la circulation. Elle ajoute que conformément à l'article 1902 du Code civil espagnol, toute action en réparation est soumise à la démonstration d'une faute.
avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) accident du 14/11/1986, prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est sis 2 Allée de Bezons - 11017 CARCASSONNE représentée par la SCP PINET, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT dont le siège social est sis 5 Rue Papin - 11100 NARBONNE représentée par Me Yves SINSOLLIER, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant
Vu l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Après que la cause eut été débattue en audience publique du 16/06/2005, devant Madame Catherine LELONG, Juge Rapporteur, et en
présence de Madame Monique MARNOT, Juge, assistée de Madame Evelyne Z..., Greffier ;
Le Tribunal, composé de Madame Catherine LELONG, Président du Tribunal de Grande Instance de Narbonne assistée de Madame Monique MARNOT et de Madame Catherine JUVY, Juges, a délibéré et le Jugement a été rédigé par Madame Monique MARNOT et rendu à l'audience publique de ce jour par Madame Catherine LELONG, Président, assistée de Madame Evelyne Z..., Greffier.
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 14 novembre 1986, en ESPAGNE, Jacques X..., gérant de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, passager du véhicule automobile conduit par Jean-Louis PECH, assuré auprès de la Compagnie ABEILLE PAIX Y... a été victime d'un grave accident de la circulation.
Hospitalisé à l'hôpital de FIGUERAS (ESPAGNE) puis rapatrié au CHU de
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'application de la loi française serait retenue, la Compagnie AVIVA conclut au débouté, la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre l'accident de 1986 et la contamination par le virus de l'hépatite C constatée en 2000 n'étant pas rapportée.
Elle relève que ce lien de causalité ne peut pas être présumé et que Jacques X... ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 04 mars 2002 qui ne concernent que les participants au système de santé. Elle soutient que le rapport d'expertise du Docteur A... qui n'a pas répondu à sa mission et se contente de considérations générales ne permet pas d'établir le lien de causalité. Elle rappelle que dans 30% des cas, l'origine de l'hépatite C reste inconnue et souligne que la notion de comportement risque doit être apprécié avec la plus grande prudence. Elle invoque la possibilité d'une contamination par des soins dentaires. Elle ajoute que l'enquête transfusionnelle réalisée sur le produit sanguin utilisé à MONTPELLIER montre que le donneur était négatif en 1988.
A titre infiniment subsidiaire, s'agissant du préjudice subi par Jacques X..., la Compagnie AVIVA relève
que le Docteur A... ne s'est pas adjoint un sapiteur hépatologue ou gastro-entérologue et rappelle que la consolidation n'est pas acquise. Elle offre la somme mensuelle de 400 ç au titre de la gêne dans les actes de la vie courante durant les périodes d'ITT et d'ITP, le préjudice économique n'étant pas établi, Jacques X... ayant perçu des indemnités journalières et son salaire.
La Compagnie AVIVA conclut au débouté de la demande d'indemnisation de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, le rapport d'expertise ne démontrant pas l'existence d'un lien de causalité entre la maladie de MONTPELLIER, son état de santé a nécessité deux transfusions sanguines, l'une le 14 novembre 1986 en ESPAGNE, l'autre le 26 novembre 1986 à MONTPELLIER.
Par ordonnance de référé en date du 22 janvier 1988, une expertise médicale a été ordonnée et confiée au Docteur A... La Compagnie ABEILLE PAIX Y... a été condamnée au paiement de la somme provisionnelle de 1.524,49 ç.
L'expert a déposé son rapport le 27 avril 1988 fixant notamment la date de consolidation avec séquelles au 15 novembre 1987.
Le 19 juin 1991, une transaction a été conclue entre Jacques X... et la Compagnie ABEILLE PAIX Y... au terme de laquelle celui-ci, agissant pour son compte personnel et pour le compte de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT a reçu la somme de 19.193,33 ç pour solde de tout compte, déduction faite des provisions déjà perçues, et ce dans les conditions des articles 2044 et suivants du Code civil.
Courant 1999, Jacques X... a présenté une altération générale de son état de santé.
Le 12 avril 2000, il a été diagnostiqué une hépatite C chronique active avec cirrhose.
Par ordonnance de référé en date du 23 avril 2002, une expertise médicale a été confiée au Docteur A... pour déterminer l'aggravation du préjudice subi par Jacques X... et apporter des précisions quant à la contamination de l'intéressé. La Compagnie ABEILLE a été condamnée au
paiement de la somme provisionnelle de 4.600 ç. Une expertise comptable a également été ordonnée et confiée à Albert B...
Le Docteur A... a déposé son rapport le 30 septembre 2002.
Il retient l'imputabilité de l'hépatite C à l'accident de la circulation, la contamination s'étant faite par les transfusions sanguines.
Jacques X... et la chute du chiffre d'affaires.
La CPAM de l'Aude poursuit la condamnation de la SA ABEILLE PAIX Y... au paiement de la somme de 205.553,75 ç au titre des frais définitifs antérieurs au 31 octobre 2004 et de la somme de 760 ç au titre de l'indemnité forfaitaire. Elle sollicite en outre la somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La CPAM souligne que le relevé des prestations versé aux débats concerne exclusivement les soins qui sont, de manière certaine et
directe, liés à l'hépatite C.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2005.
Le 10 juin 2005, la Compagnie AVIVA a signifié des conclusions récapitulatives avec demande de rabat de l'ordonnance de clôture.
La Compagnie AVIVA reprend ses conclusions antérieures et présente des observations sur la créance de la CPAM de l'Aude. Elle relève que Jacques X... n'étant pas consolidé, la juridiction ne peut procéder à la liquidation du préjudice soumis au recours et conclut au sursis à statuer;
Elle fait valoir que la CPAM ne justifie pas du montant très élevé de sa créance. Elle soutient qu'au titre des frais médicaux sur la période du 1er avril 2000 au 1er septembre 2003 seuls deux cures thérapeutiques peuvent être prises en compte pour un montant maximal de 20.000 ç par cure.
Elle souligne la même exagération pour les soins futurs et les prestations viagères qui ne peuvent dépasser 4.002,80 ç et dont le remboursement ne peut être réclamé qu'au fur et à mesure de leur réalisation effective. Elle évalue la créance de la CPAM à 133.656,38
ç, les frais médicaux et pharmaceutiques devant être justifiés.
Par jugement en date du 16 juin 2005, le Tribunal a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 25 janvier 2005 et fixé la Il évalue le préjudice comme suit :
Incapacité totale de travail (ITT) :
- du 22 au 24 mai 2000
- le 05 juillet 2000
- le 04 mars 2002
Incapacité de temporaire partielle (ITP):
- à 50% du 05 juillet au 30 août 2000
- à 80% du 31 août 2000 à fin février 2003, date prévue de fin de traitement
Consolidation non-acquise ;
Incapacité permanente partielle (IPP) : non-évaluable en l'absence de consolidation ;
Pretium doloris : 3 sur 7 ;
Incidence professionnelle de l'aggravation de santé : 80% (taux provisoire du 31 août 2000 à la fin février 2003 ; taux de 50% du 05
juillet au 30 août 2000 lors du mi-temps thérapeutique).
Par acte d'huissier en date du 13 février 2003, Jacques X... a fait assigner devant la juridiction de céans la SA ABEILLE PAIX Y... et la CPAM de l'Aude pour que, au visa de l'article 3 de la loi du 05 juillet 1985 :
- la Compagnie d'assurances soit condamnée à lui payer les sommes provisionnelles suivantes :
157.886,55 ç au titre de l'ITP à 80% de 32 mois
clôture des débats au 16 juin 2005. MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il y a lieu de donner acte à la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, représentée par son gérant Jacques X..., de son intervention volontaire à la cause.
Attendu que le 14 novembre 1986, en ESPAGNE, Jacques X..., passager d'un véhicule automobile conduit par Jean-Louis PECH, assuré auprès de la Compagnie ABEILLE PAIX Y... devenue AVIVA, a été
gravement blessé dans un accident de la circulation. Que son préjudice initial, ainsi que celui de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT a été indemnisé par la Compagnie d'assurances dans le cadre d'une transaction signée le 19 juin 1991. Que dans le cadre de la présente instance, les demandeurs poursuivent l'indemnisation de l'aggravation de leur préjudice liée à la contamination de Jacques X... par l'hépatite C qu'ils imputent aux transfusions sanguines subies par celui-ci après l'accident. Sur la législation applicable
Attendu que l'accident étant intervenu en ESPAGNE, la Compagnie AVIVA conclut à l'application de la législation espagnole en vertu de la Convention de LA HAYE du 04 mai 1971. Qu'elle soulève en conséquence, sur le fondement de la loi espagnole, la prescription de l'action et son caractère infondé.
Attendu que le principe posé par l'article 3 de la Convention de LA HAYE est celui de l'application de la loi du lieu de l'accident. Que l'article 4 admet une exception lorsque tous les véhicules impliqués dans l'accident sont immatriculés dans un même pays, la loi interne
de l'Etat d'immatriculation étant dès lors applicable.
Attendu qu'en l'espèce, il ressort du rapport technique d'accident versé aux débats que le véhicule automobile conduit par Jean-Louis PECH et immatriculé en FRANCE est entré en collision avec un véhicule automobile circulant dans l'autre sens et immatriculé en ANGLETERRE. Que le principe est donc celui de l'application de la loi espagnole, 1.524,49 ç au titre de l'ITT et de l'ITP à 50 %
3.992 ç au titre du pretium doloris
- il soit ordonné une expertise psychiatrique.
Il sollicite le bénéfice de l'exécution provisoire et la somme de 3.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 10 juillet 2003, Robert C..., désigné en remplacement de Monsieur B... par ordonnance en date du 31 mai 2002 a déposé son rapport d'expertise comptable. Il conclut comme suit : Monsieur X... a continué de diriger la société depuis le 17 avril 2002. Son salaire pris en charge par une assurance
a compensé le déficit qui aurait résulté de la baisse d'activité. Cependant, la société a subi un affaiblissement de son potentiel, ce qui s'est traduit par une baisse de la valeur ajoutée produite. La comparaison de la marge de valeurs ajoutées de 1998 à 2000 comparé à celle obtenue en 2002 fait ressortir une perte de 124.000 ç.
Par ordonnance en date du 04 novembre 2003, le juge de la mise en état a ordonné une expertise psychiatrique de Jacques X... et désigné le Docteur D...
L'expert psychiatre a déposé son rapport le 06 mai 2004. Il retient l'existence d'une asthénie et d'un état dépressif. Il évalue le pretium doloris à 4 sur 7 et retient un préjudice d'agrément léger.
Dans les conclusions signifiées le 21 septembre 2004, la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT intervient volontairement à la cause.
Dans ces mêmes écritures, Jacques X... et la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT concluent à la compétence de la juridiction française et à l'application de la loi française, la Cour de cassation, depuis l'arrêt de principe du 19 avril 1988,
considérant que les parties sont libres d'opter pour une loi différente que celle désignée par la loi du lieu de l'accident.
Attendu cependant que depuis un arrêt du 19 avril 1988, la Cour de cassation admet que la loi française puisse être substituée à celle prévue par la Convention lorsque les parties en sont d'accord.
Attendu qu'en l'espèce, le préjudice initial a été indemnisé dans le cadre d'une transaction signée le 19 juin 1991. Que cet acte vise expressément les articles 2044 et suivants du Code civil et se soumet donc à la législation française.
Attendu qu'en outre cet accord transactionnel est intervenu suite à une ordonnance de référé en date du 22 janvier 1988 ayant confié une expertise médicale au Docteur A... et allouée à Jacques X... la somme provisionnelle de 1.524,49 ç et après le dépôt du rapport d'expertise.
Attendu que lors de l'instance en référé, la Compagnie d'assurances n'a soulevé aucune objection quant à la loi applicable. Qu'il est
manifeste que les parties ont entendu se soumettre à la législation française et que la transaction qui a suivi est intervenue en application de la loi française et plus précisément de la loi du 05 juillet 1985.
Attendu que les parties sont liées par cette transaction relative à l'indemnisation du préjudice initial et que l'indemnisation de l'aggravation ne peut être envisagée qu'au regard de la loi française, désormais seule applicable. Sur le lien de causalité entre l'accident et la contamination par l'hépatite C
Attendu que la date de consolidation suite à l'accident du 14 novembre 1986 a été fixée au 15 novembre 1987. Qu'à partir de 1999, Jacques X... a présenté une altération progressive de son état général et que le 12 avril 2000, il a été diagnostiqué une hépatite C chronique active avec cirrhose. Que l'intéressé impute cette contamination aux transfusions sanguines subies après l'accident.
Convention de LA HAYE. Ils soutiennent qu'en espèce les parties ont choisi d'un commun accord de soumettre le litige à la loi française, la transaction signée le 19 juin 1991 se référant à l'article 1244 du Code civil et faisant suite à deux ordonnances de référé. Ils ajoutent que les parties ont de nouveau opté pour l'application de la loi française lors de l'aggravation du préjudice qui a donné lieu à la saisine des juridictions françaises, la SA ABEILLE ayant accepté l'ordonnance de référé du 23 avril 2002 et versé la provision ce qui constitue un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du Code civil. Les demandeurs rappellent le principe de l'indemnisation automatique du passager en application de l'article 3 de la loi du 05 juillet 1985 et se prévalent de l'article 61 de la loi du 04 mars 2002 qui crée une présomption d'imputabilité de la contamination à la transfusion de produits sanguins en stipulant que le doute profite au demandeur. Ils soutiennent que de toute façon, antérieurement à cette loi, la jurisprudence retenait que l'imputabilité était présumée dès lors qu'il était rapporté la preuve de la maladie et de la transfusion, ce qui est le cas en l'espèce. Ils soulignent à cet égard que le Docteur A... conclut à la liaison directe et certaine entre l'accident et l'état de santé
actuel de Jacques X... Jacques X..., au vu des rapports d'expertise des Docteurs A... et D..., sollicite à l'encontre de la SA ABEILLE PAIX Y... les sommes suivantes :
ITT (5 jours)
610 ç
ITP
270.069,15 ç
Attendu que Jacques X... invoque l'article 102 de la loi du 04 mars 2002, applicable aux instances en cours, qui facilite la tâche du demandeur et renverse la charge de la preuve lorsqu'il existe des présomptions de contamination par transfusion.
Attendu cependant que la loi du 04 mars 2002 est relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Qu'elle est applicable dans les relations entre les malades et les établissements de santé mais n'a pas vocation à s'appliquer dans le cadre d'une
action en indemnisation d'accident de la circulation, régie par la loi du 05 juillet 1985.
Attendu qu'il appartient donc à Jacques X... d'apporter la preuve que la contamination trouve sa cause directe dans les transfusions nécessitées par l'accident; Que cette preuve peut résulter de la réunion concordante de plusieurs éléments probants.
Attendu qu'en l'espèce il est constant que Jacques X... a été transfusé à deux reprises ; qu'une première fois, le 14 novembre 1986, à l'hôpital de FIGUERAS (ESPAGNE), il a reçu lors d'une intervention chirurgicale lourde effectuée en urgence, deux culots globulaires ; qu'ensuite, le 26 novembre 1986, il a reçu à l'hôpital de MONTPELLIER un culot de globules rouges.
Attendu que le Docteur A... rappelle qu'il est impossible de disposer avant 1990 de tests fiables de dépistage de l'hépatite C, ce qui rend impossible toute preuve directe.
Attendu que l'expert, conformément à la mission reçue, rappelle les différents modes de contamination actuellement connus par le virus de l'hépatite C (VHC). Qu'il indique que cette contamination se produit principalement lorsque le sang d'une personne infectée par le VHC entre en contact avec le sang d'une personne indemne, ce qui est le cas dans deux situations : avant 1992, lors de l'administration de produits sanguins (greffe, intervention chirurgicale importante...) ; Il rappelle que l'ITP fixée à 50% puis à 80% jusqu'à fin février 2003, vise à la fois les conditions d'existence au quotidien et l'incidence professionnelle. Ils souligne l'importance du retentissement professionnel à son égard ayant ainsi été classé en invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er septembre 2003.
Il évalue son préjudice à partir de son salaire mensuel moyen avant l'apparition de l'hépatite C qui s'élevait à 4.154,91 ç et soutient qu'il doit être indemnisé sur une période allant de 2000 à mai 2005, soit 65 mois.
IPP
304.898 ç
Jacques X... fait valoir que son état ne pourra jamais être consolidé mais qu'eu égard aux circonstances, il doit être retenu une IPP minimale de 80%.
Pretium doloris
8.841,50 ç
Jacques X... relève que le Docteur D... a revalorisé le pretium doloris de 3 à 4 sur une échelle de 7.
Préjudice d'agrément et psychologique
1.200 ç
La SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, au vu du rapport de Monsieur C... sollicite à l'encontre de la SA ABEILLE PAIX Y... la somme de 124.000 ç en réparation du préjudice subi suite à l'apparition de l'hépatite C affectant son gérant. Elle fait valoir que le rapport d'expertise établit avec précision le lien de causalité existant entre la maladie de Jacques X... et la chute de son chiffre d'affaires. Elle rappelle le rôle déterminant de celui-ci
quel que soit la date, par l'usage de drogue par voie intraveineuse. Qu'il précise que le contact avec le sang infecté peut se produire dans d'autres circonstances : actes invasifs et effractions cutanées ; transmission de la mère à l'enfant. Qu'il ajoute que la transmission par voie sexuelle est très faible.
Attendu que le Docteur A..., à la suite de son étude, compte tenu des actes médicaux subis par Jacques X... suite à l'accident et l'absence de comportement à risque dans sa vie quotidienne, conclut à l'existence d'un lien de causalité direct entre les transfusions et la contamination.
Attendu que cette conclusion correspond à l'analyse faite par le Docteur E..., médecin traitant de l'intéressé, qui dans son certificat médical d'aggravation en date du 19 décembre 2000 retient que l'origine transfusionnelle de l'hépatite C qui affecte Jacques X... est quasi-certaine, aucune autre origine n'ayant été retrouvée. Qu'il relève que la période d'incubation correspond aux études faites au
plan international.
Attendu en outre que postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, l'Etablissement Français du Sang a transmis le résultat définitif de l'enquête post-transfusionnelle établi le 25 février 2003. Qu'il ressort de cette recherche que le test du donneur du produit sanguin no50667 distribué le 26 novembre 1986 à Jacques X... s'est révélé positif le 24 juillet 2002.
Attendu certes que le bilan sérologique de ce donneur précédemment réalisé le 15 juin 1988 s'est avéré négatif. Que cependant l'expert judiciaire a relevé le caractère non-fiable des tests de dépistage réalisés avant 1990. Que de même, le Docteur F... correspondant hémovigilance au CHU de MONTPELLIER, dans son courrier en date du 27 février 2003, adressé à Jacques X..., ne retient de cette enquête post-transfusionnelle que le caractère positif du test de 2002.
Attendu que l'ensemble de ces éléments concordants permettent de retenir le lien de causalité entre les transfusions et la contamination par le virus de l'hépatite C. Qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de l'aggravation du préjudice. Sur l'indemnisation de l'aggravation du préjudice de Jacques X...
Attendu que l'expertise médicale du Docteur A..., complétée sur le plan psychiatrique par l'expertise du Docteur D..., constituent une juste base d'évaluation du préjudice subi par Jacques X... suite à sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Attendu cependant que s'agissant du préjudice corporel soumis à recours, il convient de relever que le Docteur A... a conclu son rapport en date du 30 septembre 2002 par l'impossibilité actuelle de fixer la date de consolidation compte tenu du traitement en cours prévu jusque fin février 2003. Qu'il retient que la consolidation ne pourra être fixée qu'un an après la fin du traitement mis en place.
Attendu que l'expert n'a donc pas pu évaluer le taux d'IPP. Que de même, la fin de la période d'ITP n'est pas fixée de manière certaine. Attendu que la juridiction de céans ne peut, comme le demande Jacques X..., indemniser les périodes d'ITP jusqu'en mai 2005, ni évaluer l'IPP de manière aléatoire.
Attendu que la période d'attente fixée par l'expert étant expirée. Il y a donc lieu d'ordonner une nouvelle expertise de ces chefs et de surseoir à statuer sur les demandes.
Attendu que s'agissant du préjudice corporel personnel, le Docteur A... retient un pretium doloris qui ne peut être inférieur à 3 sur 7. Que le Docteur D..., compte tenu des troubles de personnalité et du sentiment de mal-être permanent généré par l'hépatite C, porte le pretium doloris à 4 sur 7. Que cette
évaluation doit être retenue et qu'il y a lieu d'allouer à ce titre la somme de 8.000 ç.
Attendu que le Docteur D... retient un préjudice d'agrément qu'il qualifie de "léger". Que cependant, Jacques X... n'a pas fait état d'un tel préjudice au Docteur A... et ne verse aux débats aucun justificatif permettant d'établir qu'il a dû interrompre une activité sportive ou de loisirs quelconque. Qu'il y a donc lieu de rejeter la demande à ce titre.
Attendu que compte tenu de la provision de 4.600 ç déjà versée, il y a donc lieu de condamner la Compagnie AVIVA à payer à Jacques X... la somme de 3.400 ç au titre du préjudice personnel. Sur l'action nécessaire de la CPAM de l'Aude
Attendu que suite au sursis à statuer sur les demandes au titre du préjudice corporel soumis à recours, il y a lieu de surseoir à statuer sur l'action de la CPAM de l'Aude. Sur l'indemnisation du préjudice de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT
Attendu qu'il ne peut être fait droit à la demande de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT que dans la mesure où il est établi que l'affection présentée par Jacques X... qui en est le gérant a eu une incidence directe sur l'activité et le chiffre d'affaires de la société et lui a occasionné un préjudice.
Qu'il convient de se référer à cet égard aux éléments contenus dans le rapport d'expertise comptable de Robert C... en date du 10 juillet 2003.
Attendu que la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, dont l'objet social est "la diffusion et la vente d'articles d'édition, librairie, papeterie, jeux éducatifs, travaux manuels et articles annexes", crée, fait fabriquer et vend des jeux éducatifs destinés aux écoles maternelles et aux écoles normales et vend des jeux éducatifs issus du négoce.
Attendu que Jacques X..., outre les fonctions administratives et de
direction assurées en sa qualité de gérant, exerce au sein de la société des activités techniques telles que la création et la conception des jeux éducatifs, l'animation du réseau commercial.
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que le chiffre d'affaires a progressé régulièrement de 1998 à 2000 puis à régressé en 2001 et 2002. Que sur la même période 2001-2002, la marge brute a diminué. Que la part des produits vendus issus du négoce est passée de 53% en 1998 à 75% en 2003 et que la part des produits conçus par la société a diminué dans la même proportion. Que cette évolution a des incidences directes sur les résultats puisque la marge sur les produits conçus par la société est de 90 à 81% alors qu'elle est de 79 à 67% sur les produits issus du négoce.
Attendu que l'expert relève également en 2001 et 2002 des mouvements importants dans l'effectif des représentants commerciaux = 7 arrivées pour compenser 4 départs en 2001 et 5 arrivées en 2002 pour compenser 7 départs qui sont pour la plupart ceux arrivés en 2001. Que ce mouvement important dans la force de vente de la société concorde avec la baisse du chiffre d'affaires.
Attendu que durant cette période Jacques X... a continué à assurer la gérance de la société.
Attendu cependant qu'il est établi par les divers certificats médicaux versés aux débats, dont certains ont été repris par l'expert C..., que les troubles entraînés par l'hépatite C de même que le traitement suivi ont eu un retentissement
sur les capacités de travail de l'intéressé, qui ont été sérieusement diminuées.
Attendu que des courriers des représentants commerciaux, annexés au rapport d'expertise, témoignent du malaise engendré par cette situation au sein de la société. Qu'ils évoquent les absences répétées de Jacques X... devenu quasiment injoignable, l'absence de projet, le manque de création de nouveaux produits et font part de leur inquiétude pour l'avenir.
Attendu qu'il ressort de ces éléments que l'aggravation de l'état de santé de Jacques X... a entraîné un affaiblissement général de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT qui se traduit par une baisse du chiffre d'affaires et de la marge brute, une diminution des créations de produits et une régression de la force de vente. Que l'existence d'un préjudice direct est donc établi.
Attendu que pour évaluer ce préjudice, l'expert a pris pour base la valeur ajoutée produite par la société, la comparaison entre les
années 1998 à 2000 avec l'année 2002 faisant ressortir une dépréciation de 124.000 ç.
Attendu qu'au vu de l'analyse de l'expert et en l'absence de contestation expresse de ce chiffre, il y a lieu de fixer le préjudice subi par la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT à la somme de 124.000 ç au paiement de laquelle
Attendu qu'au vu de l'analyse de l'expert et en l'absence de contestation expresse de ce chiffre, il y a lieu de fixer le préjudice subi par la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT à la somme de 124.000 ç au paiement de laquelle il y a lieu de condamner la Compagnie AVIVA. Sur les demandes annexes
Attendu que compte tenu de l'ancienneté du litige, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs les frais non-compris dans les dépens et qu'il y a lieu de leur allouer la somme de 1000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, DONNE ACTE à la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, prise en la personne de son gérant Jacques X..., de son intervention volontaire à la cause ; DIT que le présent litige doit être soumis à la législation française ; DÉCLARE fondées les demandes de Jacques X... et de la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT ; CONDAMNE la SA ABEILLE PAIX Y... actuellement dénommée AVIVA, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Jacques X... la somme de 3.400 ç (trois mille quatre cents eurso) au titre du préjudice personnel déduction faite de la provision de 4.600 ç (quatre mille six cents euros); AVANT DIRE DROIT sur le préjudice corporel soumis à revenus, ORDONNE une expertise médicale et désigne pour y procéder le Docteur A... avec pour mission de :
- procéder à l'examen de Jacques X...,
- se faire communiquer l'entier dossier médical afin de déterminer
l'aggravation de son préjudice corporel, suite au dépôt des rapports d'expertise du 27 avril 1988 et du 30 septembre 2002, en ce qui concerne :
la durée de l'ITT
la durée de l'ITP
la date de consolidation
le taux de l'IPP
l'incidence professionnelle DIT que l'expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile et qu'il déposera son rapport écrit au greffe du Tribunal de Céans dans le délai de QUATRE MOIS à compter de sa saisine ; FIXE à 400 ç (quatre cents euros) le montant de la provision à consigner au greffe par la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, prise en la personne de son gérant légal, et Jacques X... dans les un mois du présent jugement, faute de quoi, la désignation de l'expert sera caduque ; DIT qu'en cas d'aide juridictionnelle, DISPENSE les consignataires, la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, prise en la personne de son gérant légal
et Jacques X..., du versement de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et DIT que les frais d'expertise seront avancés par le Trésor Public ; DIT que, s'il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l'expert devra, lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ; DIT qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ; DESIGNE le Juge de la Mise en Etat pour surveiller les opérations d'expertise; RENVOIE la cause à l'audience de Mise en Etat du 12 Janvier 2006 à 10 Heures ; SURSEOIT STATUER sur la demande de la CPAM de l'Aude ; CONDAMNE la SA ABEILLE PAIX Y... actuellement dénommée AVIVA, prise en la personne de son représentant légal, à
payer à la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT, la somme de 124.000 ç (cent vingt quatre mille euros) à titre de dommages et intérêts ; ORDONNE l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées ;
CONDAMNE la Compagnie AVIVA, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Jacques X... et la SARL COMPTOIR DE L'ENSEIGNEMENT la somme de 1.000 ç (mille euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE la Compagnie AVIVA, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens dont distraction au profit de Maître SINSOLLIER.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
E. Z...
C. LELONG