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10/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950653

France | France, Tribunal de grande instance de Bordeaux, Chambre civile 1, 10 mai 2006, JURITEXT000006950653


6EME CHAMBRE CIVILE SUR LE FOND TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BORDEAUX 6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 1O MAI 2006 CRRG n 02/05095 AFFAIRE : Fernand X... C/ Daniel Y..., C.P.A.M. DU LOT ET GARONNE Grosse Délivrée le : à

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré Monsieur Z..., Vice-Président, Madame A..., Vice-Président, magistrat rédacteur Madame ESPERBEN, Juge, Greffier : Mademoiselle PASCAL B...: à l'audience publique du 18 Janvier 2006 JUGEMENT: Contradictoire en premier ressort prononcé publiquement et mis à disposition au greffe DEMANDEUR - Mon

sieur Fernand X... né le 25 Décembre 1923 demeurant 4 Avenue de Général ...

6EME CHAMBRE CIVILE SUR LE FOND TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BORDEAUX 6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 1O MAI 2006 CRRG n 02/05095 AFFAIRE : Fernand X... C/ Daniel Y..., C.P.A.M. DU LOT ET GARONNE Grosse Délivrée le : à

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré Monsieur Z..., Vice-Président, Madame A..., Vice-Président, magistrat rédacteur Madame ESPERBEN, Juge, Greffier : Mademoiselle PASCAL B...: à l'audience publique du 18 Janvier 2006 JUGEMENT: Contradictoire en premier ressort prononcé publiquement et mis à disposition au greffe DEMANDEUR - Monsieur Fernand X... né le 25 Décembre 1923 demeurant 4 Avenue de Général de Gaulle 47180 STE BAZEILLE représenté par Me Jean-Christophe COUBRIS, avocat au barreau de BORDEAUX DEFENDEUR - Monsieur Daniel Y... exerçant Clinique Mutualiste de PESSAC 46 Avenue du Docteur Albert C... 33600 PESSAC représenté par le CABINET AEQUO, avocats au barreau de BORDEAUX DEFENDERESSE (suite) - C.P.A.M. DU LOT ET GARONNE dont le siège social est 2 rue Diderot à AGEN CEDEX 9 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège représentée par Me Marie-Laure BOST, avocat au barreau de BORDEAUX * * * Vu le jugement de ce Tribunal en date du 3 décembre 2003, Vu le rapport d'expertise judiciaire des Docteurs PRIES et FAVARD déposé le 11 octobre 2004; Vu les conclusions signifiées par Monsieur Fernand X... le 19 janvier 2005 tendant, si mieux n'aime le Tribunal constater dès à présent le principe de la responsabilité encourue par le Dr Y... en considération notamment d'un défaut d'information et d'un choix thérapeutique inaproprié, - à voir ordonner une mesure d'expertise complémentaire avec la mission précédemment impartie aux Docteurs PRIES et FAVARD en ce qu'elle concernait l'évaluation des préjudices de Monsieur X... et éventuellement tout autre point que le Tribunal estimerait nécessaire, - à voir condamner dès à présent le

Dr Y... à lui verser la somme de 30 000 ç à titre provisionnel à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, - à voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, - à voir débouter le Dr Y... de toute demande contraire, - à voir condamner le Dr Y... au paiement de la somme de 4 000 ç sur le fondement de l'article 700 NCPC ainsi qu'aux entiers dépens ; * * * Vu les conclusions signifiées par la CPAM du Lot et Garonne le 14 janvier 2005 aux fins - de voir condamner le Dr Y... à lui payer la somme de 303,07 ç au titre des prestations servies, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation délivrée par Monsieur X..., - de voir condamner le Dr Y... au paiement de la somme de 101,02 ç sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale outre celle de 305 ç sur le fondement de l'article 700 NCPC ; * * * Vu les conclusions signifiées par le Dr Daniel Y... le 19 septembre 2005 aux fins de voir débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions et le voir condamner aux dépens ; * * * Vu l'ordonnance de clôture du 3 janvier 2006 ; DISCUSSION : Monsieur Fernand X..., né en 1923, a commencé à souffrir du genou gauche en 1993, les douleurs mécaniques siégeaient alors à la face interne du genou gauche, après de longues marches ; Monsieur X... présentait des séquelles d'une fracture du tibia gauche au niveau de la jonction tiers moyen - tiers inférieur et du péroné à la partie supérieure, cette fracture ayant consolidé avec un varus (5 ), un léger récurvatum et une translation externe ; en ce qui concerne le genou gauche, il existait une arthrose très évoluée ; En 1995, une intervention d'ostéotomie tibiale a été envisagé mais n'a pas été réalisée car en mars 1995 Monsieur X... a été victime d'un infarctus avec récidive en septembre 1995 ; En mai 1998, Monsieur X... a consulté le Dr Y... qui lui a proposé une intervention chirurgicale de prothèse totale du genou gauche qui a été pratiquée

le 3 novembre 1998 et au cours de laquelle le Dr Y... a mis en place une prothèse totale de marque AMK, postéro-stabilisée avec un composant fémoral latéralisé de taille 4, un insert en polyéthylène de taille 4 et de hauteur 10 mm, un composant patellaire de 30 mm de diamètre et 7,5 mm d'épaisseur ; les composants ont été fixés par ciment ; Monsieur X... est sorti de clinique le 14 novembre 1998 avec une ordonnance d'antalgiques et d'héparine ; Il a été hospitalisé au centre de rééducation des Grands Chênes du 7 décembre 1998 au 8 janvier 1999 ; Le 13 avril 1999, Monsieur X... a été examiné en consultation de contrôle par le Dr Y... et s'est plaint de douleurs permanentes siégeant à la face externe de la rotule, au niveau de la tête du péroné et irradiant à la face antéro-externe de la jambe ; Plus de 5 ans après l'intervention, Monsieur X... se plaint toujours de douleurs de son genou gauche identiques à celles qu'il a ressenties dès la période post-opératoire initiale et qui sont différentes de celles qu'il présentait avant l'intervention ; ces douleurs sont responsables d'un handicap fonctionnel important ; Les experts exposent qu'il est difficile de définir exactement les causes de ces douleurs et étudient différentes hypothèses : - le surdimensionnement de la prothèse : il est effectif, au premier coup d'.il, que la prothèse semble un peu grande par rapport à l'os mais les experts concluent que ce surdimensionnement est modéré, qu'il pourrait être responsable de douleurs externes du type de celles décrites par Monsieur X... au cas où le métal back du plateau tibial dépasserait le rebord osseux ce qui n'apparaît pas sur les clichés radiographiques de face ni de profil ; par ailleurs la plupart des douleurs liées à un surdimensionnement de la pièce tibiale apparaissent plutôt progressivement au fur et à mesure de l'utilisation du genou et non dès le réveil ; les experts concluent qu'il n'est pas possible de dire que le choix de la taille de la

prothèse est à l'origine des troubles dont se plaint Monsieur X... ; - le problème rotatoire : un positionnement anormal des pièces prothétiques n'apparaît pas à l'évidence et lorsque le fémur est bien visualisé de face, le tibia l'est également ; par ailleurs, là aussi, l'apparition des douleurs est en général retardé et en rapport avec l'utilisation du genou et non pas dès le réveil ; - la correction du cal vicieux : Monsieur X... présentait avant l'opération un cal vicieux tibial inférieur en rotation interne et il n'apparaît pas à l'évidence une correction de ce cal vicieux dans la mise en place de la prothèse ;

- le choix de la prothèse tibiale : les experts indiquent que s'il n'est pas souhaitable de mettre en place une prothèse totale de genou lorsqu'il existe un cal vicieux diaphysaire sus ou sous-jacent, dans le cas de Monsieur X..., la déviation du cal vicieux en varus et en recurvatum était modérée et ne constituait pas en soi une contre-indication à la mise en place d'une prothèse totale de genou sans correction préalable de la déformation ; Le cal vicieux en rotation interne constituait quant à lui un problème délicat face auquel trois solutions étaient possibles pour le chirurgien:

- la première consiste à corriger le cal vicieux, intervention non conseillée dans le cas de Monsieur X... et non choisie par le praticien,

- la seconde solution, adoptée par le Dr Y..., consiste à accepter l'idée de la mise en place d'une prothèse sans corriger le cal vicieux rotatoire; pour les experts, cette solution n'est pas idéale car elle ne permet pas à la prothèse de fonctionner dans des conditions idéales est l'expose à une usure prématurée ; par contre, elle permet de positionner la prothèse de façon satisfaisante au niveau du genou en respectant notamment le cadre ligamentaire,

- la troisième solution, qui ne règle pas les problèmes mais permet

de les minimiser, consiste à ne toujours pas corriger le cal vicieux mais à mettre en place une prothèse en utilisant un plateau tibial rotatoire pour diminuer les effets de contrainte sur la prothèse ; Les experts ne critiquent pas expressément le choix fait par le Dr Y... en observant qu'il existe de très nombreux modèles de prothèses du genou et que chaque chirurgien a l'habitude d'en utiliser un ou deux et qu'il est préférable de mettre en place un modèle dont on a l'habitude plutôt que d'innover avec un modèle inhabituel surtout pour régler un cas plus difficile que de coutume ; En tout état de cause, les experts judiciaires ne retiennent pas un caractère fautif au choix de prothèse fait par le Dr Y... et n'imputent pas à ce choix les douleurs dont se plaint Monsieur X... ; Ils précisent que le problème posé par la gonarthrose de Monsieur X... était délicat, que la correction préalable du cal vicieux apparaissant risquée, le Dr Y... a choisi la mise en place d'une prothèse non rotatoire mais a veillé à ce que celle-ci soit correctement posée d'une part pour réaxer le membre inférieur dans le plan frontal et d'autre part pour ne pas corriger le cal vicieux rotatoire interne ; ils ajoutent que ce choix thérapeutique et sa réalisation étaient acceptables dans le cas de Monsieur X... et que rien ne permet de dire que cela est la cause directe du handicap invoqué ; En conséquence, aux termes du rapport d'expertise, il n'existe pas d'élément permettant d'affirmer que l'atteinte permanente à la fonction du genou gauche présentée par Monsieur X... est imputable à l'intervention chirurgicale réalisée par Monsieur Y... ; Les experts précisent que ces douleurs apparues après l'opération doivent être comparées aux symptômes pré-opératoires et à ce qu'eût été l'évolution de la gonarthrose interne en l'absence de prothèse et qui entraîne progressivement un enraidissement de plus en plus douloureux du genou, une limitation des amplitudes articulaires,

une attitude vicieuse en flessum et des douleurs siégeant dans le compartiment interne ; En conclusion, il n'est pas possible de retenir une quelconque faute du Dr Y... dans le choix et la réalisation de l'intervention de prothèse du genou réalisée en novembre 1998 sur Monsieur X... en relation directe et certaine avec le handicap dont se plaint le demandeur ; Sur le défaut d'information :

Le cas présenté par Monsieur X... qui souffrait d'une gonarthrose du genou sur cal vicieux du tibia était complexe et le risque d'un résultat incomplet avec persistance de douleurs était aggravé et devait, aux termes même du rapport d'expertise, être clairement expliqué au patient ; Le Dr Y... n'est pas en mesure de justifier avoir donné à son malade une information éclairée sur ce point ; Cependant, l'état actuel de Monsieur X... ne peut être analysé en une complication de l'intervention laquelle n'a pas eu tous les résultats escomptés par Monsieur X... et n'a pu éviter l'apparition de nouvelles douleurs dont l'origine n'a pu être précisément établie; Ce risque d'un résultat incomplet n'est pas un risque spécifique à l'intervention subie mais est inhérent à tout acte de chirurgie qui peut, en dehors de toute faute médicale, ne pas réussir ou réussir partiellement ;Ce risque d'un résultat incomplet n'est pas un risque spécifique à l'intervention subie mais est inhérent à tout acte de chirurgie qui peut, en dehors de toute faute médicale, ne pas réussir ou réussir partiellement ; Monsieur X... souffrait de son genou depuis de nombreuses années et avait du renoncer à une ostéotomie en raison des risques cardiaques qu'il présentait ; l'intervention pour mise en place d'une prothèse totale lui a été proposée par le Dr Y... en mai 1998, repoussée dans un premier temps, puis fixée au mois de novembre 1998 à la demande de Monsieur X... en raison de l'aggravation de ses douleurs ; Au vu de ces éléments, il est possible de retenir que Monsieur X... a mûrement réfléchi sa décision de subir cette

intervention et n'aurait vraisemblablement pas renoncé à se faire opérer même sans avoir l'assurance d'un résultat certain, ce qu'aucun praticien ne peut donner, et dans ces conditions, aucune perte de chance ne peut être caractérisée ; Monsieur X..., et par voie de conséquence, la CPAM du Lot et Garonne doivent être déboutés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ; PAR CES MOTIFS : LE TRIBUNAL, après avoir délibéré, statuant publiquement par décision mise à disposition au greffe, contradictoirement, en premier ressort, DEBOUTE Monsieur Fernand X... de ses demandes, fins et conclusions, REJETTE les demandes présentées par la CPAM du Lot et Garonne. CONDAMNE Monsieur Fernand X... aux dépens . Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier .


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Bordeaux
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950653
Date de la décision : 10/05/2006
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M BROEKS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.bordeaux;arret;2006-05-10;juritext000006950653 ?
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