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13/06/2008 | FRANCE | N°06/06673

France | France, Tribunal de commerce de Paris, Chambre civile 3, 13 juin 2008, 06/06673


T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

06/06673

No MINUTE :

Assignation du :

11 Avril 2006

JUGEMENT

rendu le 13 Juin 2008

DEMANDEUR

Monsieur Ludovic X...

...

75019 PARIS

représenté par Me Marie-Laure DE BUHREN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.21

DÉFENDERESSES

S.A. B PLUS

67 boulevard du Général Martial Valin

75015 PARIS

représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN, avocat au barreau d

e PARIS, vestiaire D405

S.A. CAROLL INTERNATIONAL

38 rue du HAMEAU

75015 PARIS

représentée par Me Dominique BASCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G.272

COMPOSITION DU T...

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3ème chambre 2ème section

No RG :

06/06673

No MINUTE :

Assignation du :

11 Avril 2006

JUGEMENT

rendu le 13 Juin 2008

DEMANDEUR

Monsieur Ludovic X...

...

75019 PARIS

représenté par Me Marie-Laure DE BUHREN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.21

DÉFENDERESSES

S.A. B PLUS

67 boulevard du Général Martial Valin

75015 PARIS

représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D405

S.A. CAROLL INTERNATIONAL

38 rue du HAMEAU

75015 PARIS

représentée par Me Dominique BASCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G.272

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Véronique RENARD, Vice-Président, signataire de la décision

Sophie CANAS, Juge

Guillaume MEUNIER, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS

A l'audience du 16 Mai 2008, tenue publiquement, devant Véronique RENARD , Sophie CANAS , juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Ludovic X..., photographe, a réalisé plusieurs séries de photographies pour la société CAROLL en 2002 et 2003.

Indiquant avoir constaté au mois de septembre 2003 que cinq de ses clichés étaient publiés sans son autorisation sur le site Internet de la société B PLUS pour illustrer 29 produits mis en ligne, et après l'envoi d'une mise en demeure par son conseil le 13 février 2006 restée infructueuse, Monsieur Ludovic X... a, selon acte d'huissier en date du 11 avril 2006, fait assigner devant le Tribunal la société B PLUS sur le fondement des articles L 121-1, L122-1, L 122-4 et L 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, en contrefaçon de droits d'auteur, pour obtenir paiement, au bénéfice de l'exécution provisoire, de dommages-intérêts ainsi que d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par acte d'huissier en date du 9 novembre 2006, la société B PLUS a appelé en garantie la société CAROLL INTERNATIONAL.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 23 novembre 2006.

Par dernières écritures signifiées le 26 juin 2007, Monsieur Ludovic X..., après avoir conclu à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société CAROLL et réfuté les arguments en défense, a repris l'ensemble de ses prétentions et demande au Tribunal de condamner la société B PLUS à lui payer les sommes de 11.600 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice patrimonial et de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2006, ainsi que celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout au bénéfice de l'exécution provisoire.

Par dernières écritures signifiées le 31 mai 2007, la société B PLUS a conclu au rejet de l'ensemble des demandes en contestant la titularité des droits de Monsieur X..., le caractère original des photographies revendiquées et la reproduction illicite de celles-ci ; elle sollicite à titre subsidiaire la garantie de la société CAROLL, et en tout état de cause la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par dernières écritures signifiées le 12 juillet 2007, la société CAROLL INTERNATIONAL ci-après dénommée la société CAROLL, demande au tribunal de constater qu'elle est titulaire des droits sur les photographies en cause, subsidiairement de constater que Monsieur X... ne prouve pas l'originalité des photographies dont il revendique la paternité, qu'elle pouvait autoriser la société B PLUS à les utiliser, que cette dernière a agi avec légèreté et a commis une faute contractuelle et que le préjudice allégué par Monsieur X... est "fantaisiste", et en toute hypothèse de rejeter les demandes, de condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir utilisé son image à des fins mercantiles, de condamner la société B PLUS à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et de condamner solidairement Monsieur X... et la société B PLUS à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la titularité des droits de Monsieur Ludovic X...

Attendu qu'aux termes de l'article L 113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ;

qu'en l'espèce le catalogue CAROLL de la collection automne-hiver 2003-2004 communiqué par Monsieur X..., qui comprend notamment les cinq photographies revendiquées, comporte la mention : " photos Ludovic X...";

que le demandeur a en outre versé aux débats les photographies originales issues de la série qui a été utilisée pour ce catalogue ;

Attendu dès lors que Monsieur Ludovic X... justifie être l'auteur des cinq photographies qu'il revendique sans que la preuve contraire soit rapportée ;

Sur le caractère protégeable des photographies revendiquées

Attendu que les dispositions de l'article L 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales;

que selon l'article L 112-2 9odu même Code, sont considérées comme oeuvres de l'esprit les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie;

Attendu que pour contester l'originalité des photographies revendiquées, la société B PLUS fait valoir que Monsieur X... ne les décrit pas et que ce sont en tout état de cause de simples portraits qui ne reflètent nullement la personnalité de leur auteur ;

que la société CAROLL ajoute que le travail du photographe n'est qu'accessoire et "transparent" , son directeur de collection ayant lui-même procédé aux choix artistiques et à la conception du catalogue en cause ;

Mais attendu que Monsieur X... revendique des droits d'auteur sur 5 des photographies reproduites dans le catalogue CAROLL de la collection automne-hiver 2003-2004 ; que si celui-ci ne comporte ni référence ni numéro de page, le demandeur a marqué lui-même les 5 pages concernées qui donnent à voir 5 photographies de mode;

qu'il ne revendique pas de droits d'auteur sur le catalogue publicitaire de la société CAROLL mais sur les seules photographies qu'il a réalisées ; qu'il résulte de l'examen de ces dernières qu'il ne s'agit pas de portraits comme l'affirme la société B PLUS mais bien des photographies de mode qui constituent des créations dont les images ont été élaborées par le demandeur, lequel a en outre déterminé l'architecture des lumières, la gestuelle des mannequins, la perspective, les contrastes et les jeux de couleurs pour mettre en valeur le style adopté, réalisant par là même des oeuvres protégeables au titre des droits d'auteur dès lors que celles-ci présentent un caractère d'originalité défini comme étant l'expression de la personnalité de l'auteur ;

que cette analyse est d'ailleurs confirmée par Madame Muriel Z... responsable de l'identité visuelle au sein de la société CAROLL de mai 1993 à mai 2003 dont l'attestation est opposée par les sociétés défenderesses elles-mêmes et qui indique "Je voulais travailler avec Monsieur Ludovic X... parce que son travail sur l'éclairage, les angles de vues, le cadrage et les jeux de perspectives apportaient une valeur ajoutée aux vêtements CAROLL" ;

Sur la contrefaçon

Attendu que selon les dispositions de l'article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre, faite sans le consentement de l'auteur est illicite;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte des tirages d'écran versés aux débats, en date du 28 octobre 2005, que le site internet www.bplus.fr exploité par la société B PLUS donne à voir les 5 photographies revendiquées par Monsieur X... ;

que pour s'opposer aux demandes, la société B PLUS fait toutefois valoir que Monsieur X... a autorisé la société CAROLL à exploiter ses photographies, notamment sur Internet, par une note d'auteur du 16 septembre 2004 et qu'elle bénéficie de la cession des droits en tant que licenciée de la société CAROLL ;

que cette dernière ajoute qu'il résulte des notes de cession versées aux débats qu'elle est bien titulaire des droits sur les photographies de Monsieur X... pour toutes diffusions sur Internet, de sorte qu'elle pouvait les céder librement à ses affiliés ou licenciés telle la société B PLUS, que par ailleurs l'inertie de Monsieur X... pendant près de trois ans établit la commune intention des parties en ce sens ;

Mais attendu que conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du même Code,"La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée." ;

qu'en l'espèce, il résulte des différentes notes de cession de droits d'auteur versées aux débats que les accords passés avec la société CAROLL limitaient l'utilisation et les droits de reproduction des photographies de Monsieur X... à un cadre défini ;

que les notes des 12 et 27 juin 2003, 27 novembre 2003, 5 décembre 2003 et 27 janvier 2004 n'envisagent aucune cession de droits sur Internet ;

que la note de droits du 15 septembre 2004 (et non pas 16 septembre 2004), prévoyait une cession des droits pour Internet des images du catalogue Automne/Hiver 2003/2004 des pages 9 + 20 + dos de couverture, de l'image du catalogue Printemps/Eté 2002 de la page 13, des images de la plaquette des pages 2 + 3+ 4 et des images reportages pour le dossier de presse non utilisées pour la plaquette, au profit de la société CAROLL, pour la France et l'international et pour la saison Automne/Hiver 2004/2005 ;

que dès lors force est de constater qu'aucune autorisation n'a été donnée par l'auteur pour l'exploitation des photographies litigieuses sur le site Internet de la société B PLUS, étant ajouté en tant que de besoin qu'aucune licence de marque ne confère de droits d'auteurs sur des photographies et que l'absence de réclamation de l'auteur dans un laps de temps inférieur à la prescription applicable en la matière, n'est constitutive d'aucun droit ;

Attendu que les actes de contrefaçon des 5 photographies revendiquées sont ainsi caractérisés et portent atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur de Monsieur Ludovic X... ;

Attendu enfin que l'absence du nom de l'auteur sur les clichés reproduits illicitement sur le site Internet en cause porte atteinte au droit à la paternité de Monsieur Ludovic X... ;

Sur les mesures réparatrices

Attendu que les atteintes portées au droit patrimonial de Monsieur Ludovic X... de par l'exploitation sans droit sur Internet de 5 photographies dont il est l'auteur pour désigner des montres (29 au total) seront réparées par l'octroi de la somme de 10.000 euros à ce titre ;

que les atteintes portées au droit moral de Monsieur Ludovic X... seront réparées par l'octroi de la somme de 10.000 euros ;

que s'agissant de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi par le demandeur, les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Sur la demande de garantie de la société B PLUS par la société CAROLL

Attendu que pour solliciter la garantie de la société CAROLL, la société B PLUS se prévaut d'un courrier adressé la société MARYLIN LEGRAND, agent de Monsieur X..., ainsi que d'un courrier adressé le 26 janvier 2006 à la société CAROLL et faisant état d'un contrat de licence de marque avec cette dernière en vue de la commercialisation de montres CAROLL ;

Mais attendu qu'un contrat de licence sur la marque CAROLL, étrangère au présent litige, ne conférait pas à la société B PLUS le droit d'utiliser sans autorisation les photographies litigieuses ;

qu'il convient de relever d'ailleurs que par courrier électronique du 21 décembre 2005, la société CAROLL indiquait à la société B PLUS qu'elle "ne possédait plus les droits sur les photos de Ludovic X..." ;

Attendu que la demande de garantie formulée par la société B PLUS doit être rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle de la société B PLUS

Attendu que la société B PLUS qui succombe ne saurait voir prospérer sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Sur les demandes reconventionnelles la société CAROLL

Attendu que la société CAROLL sollicite la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir utilisé son image à des fins mercantiles ;

Mais attendu qu'en application de l'article 70 du Code de Procédure Civile, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

qu'en l'espèce la demande de dommages-intérêts de la société CAROLL n'a aucun lien avec l'action en contrefaçon de droits d'auteur engagée par Monsieur X..., de sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable ;

que par ailleurs il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société CAROLL ;

Sur les autres demandes

Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté du litige justifient l'exécution provisoire de la présente décision.

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Ludovic X... la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

que la société B PLUS sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Dit qu'en reproduisant sans autorisation et sans indication du nom de l'auteur, cinq photographies sur le site Internet www.bplus.fr qu'elle édite, la société B PLUS a commis des actes de contrefaçon au préjudice de Monsieur Ludovic X....

- Condamne la société B PLUS à payer à Monsieur Ludovic X... la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial ainsi que celle de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral.

- Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- Déboute la sociétés B PLUS de sa demande de garantie par la société CAROLL INTERNATIONAL.

- Déclare irrecevable la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de la société CAROLL INTERNATIONAL.

- Rejette les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts pour procédure abusive.

- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

- Condamne la société la société B PLUS à payer à Monsieur Ludovic X... la somme à de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Rejette le surplus des demandes.

- Condamne la société B PLUS aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris, le 13 juin 2008.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de commerce de Paris
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/06673
Date de la décision : 13/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.commerce.paris;arret;2008-06-13;06.06673 ?
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