T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 04/12394 No MINUTE : Assignation du : 21 Juillet 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 10 Mai 2006
DEMANDEUR Monsieur Joseph X... 20 allée des Balcons 38100 GRENOBLE représenté par Me Eric GALVAIRE, avocat au barreau de PARIS , vestiaire B1097 désigné au titre de l'Aide Juridictionnelle BAJ 2003/043041 DÉFENDEUR Société CONNECTION 91 avenue des Champs Elysées 75008 PARIS représentée par Me Franck ASTIER de la SCP MC etamp; R ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire K162 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Pascal MATHIS, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 25 Avril 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Contradictoirement en premier ressort FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES: Monsieur Joseph X... exerce la profession de photographe. Il déclare être notamment l'auteur des clichés suivants : 1. sujet de dos, en rangers
référence :97C0049C016-18 2. deux sujets
référence : 93C0014C011-20 3. deux sujets torse nu, face à face
référence : 93C0014C016-20 4. deux sujets
référence : 93C0010C017-20 5. sujet torse nu
référence : 99C0014C004-20 6. sujet de face
référence : 99C0021C018-20 7. sujet torse nu
référence : 96C0032C011-20 8. sujet torse nu, vu de face
référence : 99C0042C014-19 9. sujet nu allongé sur un canapé
référence :01C0102C005-17.10. 10.sujet torse nu, mains dans les poches
référence : 01C0105C017-19 11.sujet torse nu,
référence : 01C0038C014-20 12.sujet assis,
référence : 01C0056C010-13 13.sujet débout torse nu, mains dans le dos
référence : 99C0053C007-14 14.sujet torse nu
référence : 01C0119C002-09 15.sujet torse nu
référence : 95C0004C008-20 16.sujet nu, vu de dos
référence : 86C0013C003-04 17.sujet en tee-shirt
référence : 97C0047C019-20 18.deux sujets avec des bâtons
référence : 92-105-04 19.sujet allongé sur le sable
référence : 98C0051C007-07 20.sujet assis de face
référence : 01C0035C012-20
La société CONNECTION a principalement pour activité l'édition, la diffusion et l'exploitation de services de messagerie audiotex et fait réaliser chaque année des campagnes publicitaires pour promouvoir ses services de messagerie conviviale dont certains sont destinés à la communauté homosexuelle. La société CONNECTION a utilisé les photographies dont Monsieur Joseph X... est l'auteur pour illustrer 19 campagnes publicitaires intitulées : 1 "Calliente" 2 "Chasse à l'homme"/1 3 "Chasse à l'homme"/2 4 "Chaud, très chaud" 5 "Danger haute tension" 6 "Des mecs murs" 7 "frais etamp; nature" 8 "Hard men only" 9 "a lettre" (garçon sur la plage) 10 "La liberté/ sensations fortes" 11 "La ligne experte" 12 "L'appel de la forêt" 13 "Le réseau X-trême" 14 "Rapide" 15 "Tendres Minets" 16 "Tous" / 1 17 "Tous" / 2 18 "Tu viens ä" 19 "Unique" après avoir acquis les droits de reproduction des photographies concernées au terme de plusieurs notes de cession. Par assignation en date du 21 juillet 2004, Monsieur Joseph X... demande au tribunal de constater que sa rémunération n'a pas été proportionnelle aux résultats de l'exploitation et en réparation de lui allouer la somme de 10 000 ç par campagne soit un total de 190 000 ç et d'ordonner une mesure d'expertise. Subsidiairement le demandeur soutient que sa
rémunération est lésionnaire et demande une rémunération forfaitaire de 56 837 ç soit : (1) 13 434,00 ç pour la campagne "Calliente" (2) 2 597,00 ç pour la campagne "Chasse à l'homme"/1 (3) 3 958,00 ç pour la campagne "Chasse à l'homme"/2 (4) 4 498,00 ç pour la campagne "Chaud, très chaud" (5) 1 727,00 ç pour la campagne "Danger haute tension" (6) 1 453,60 ç pour la campagne "Des mecs murs" (7) 3 845,60 ç pour la campagne "frais etamp; nature" (8) 720,00 ç pour la campagne "Hard men only" (9) (............) ç pour la campagne "La lettre" (garçon sur la plage) (10) 455,00 ç pour la campagne "La liberté/ sensations fortes" (11) 2 310,00 ç pour la campagne "La ligne experte" (12) 2 114,00 ç pour la campagne "L'appel de la forêt" (13) 4 107,60 ç pour la campagne "Le réseau X-trême" (14) 2 741,60 ç pour la campagne "Rapide" (15) 2 005,60 ç pour la campagne "Tendres Minets" (16) 2 124,00 ç pour la campagne "Tous" / 1 (17) 2 124,00 ç pour la campagne "Tous" / 2 (18) 1 080,00 ç pour la campagne "Tu viens ä" (19) 5 542,00 ç pour la campagne "Unique". Le demandeur se plaint encore de ce que la société CONNECTION a procédé à 18 recadrages sans son autorisation et sollicite en réparation la somme de 180 000 ç à titre de dommages et intérêts. Enfin il réclame une mesure de publication ainsi que la somme de 3 500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Suivant dernières écritures Monsieur Joseph X... sollicite la nullité des deux conventions du 22 novembre 2001 et de celles des 14 et 29 mars 2002 ainsi que le paiement de la somme de 56 837 ç au titre de la rémunération proportionnelle et une mesure d'expertise. Subsidiairement il invoque la lésion des 7/12ème et sollicite la même somme de ce chef. En réparation des recadrages il demande la somme unitaire de 1 500 ç soit un total de 27 000 ç. Le demandeur fait de plus grief à la société CONNEXION d'avoir fait usage de la photographie CALLIENTE sur le voie publique à LYON et en
réparation sollicite la somme de 100 000 ç à titre de dommages et intérêts. Il reproche aussi à la société défenderesse d'avoir fait un usage interdit en SUISSE d'une photographie dans le magazine DIALOGUAI et sollicite la somme de 100 000 ç de ce chef. Monsieur Joseph X... réclame la somme de 3 500 ç au titre des frais irrépétibles ainsi qu'une mesure de publication, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Par dernières conclusions la société CONNECTION fait valoir que les actions en nullité et en révision des 6 premières notes de cession : -note de cession du 24 mars 1993 -note de cession du 10 mai 1996 -note de cession du 9 décembre 1997 -note de cession du 15 mai 1998 -note de cession du 6 mai 1999 -note de cession du 28 juillet 1999 sont prescrites par 5 ans en application de l'article 1304 du code civil. Elle conteste la recevabilité de la demande de rémunération proportionnelle en exposant que la nullité des conventions doit conduire les juridictions à prononcer des dommages et intérêts. En tout état de cause, la société CONNEXION soutient que Monsieur Joseph X... a expressément renoncé à une rémunération proportionnelle qui ne peut être calculée en l'espèce. La défenderesse expose encore que l'auteur a accepté les recadrages qu'il incrimine et qu'il ne prouve pas la lésion des 7/12ème qu'il invoque. Enfin la défenderesse fait valoir qu'elle n'est pas responsable de l'affichage sauvage des photographies du demandeur sur la voie publique et que si une photographie a été utilisée à l'étranger c'est par erreur. Reconventionnellement, la société CONNEXION sollicite la somme de 10000 ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 5 000 ç au titre des frais irrépétibles et une mesure de publication. MOTIFS SUR LA PIÈCE No 179 PRODUITE PAR MONSIEUR JOSEPH X... Attendu que Monsieur Jospeh X... a communiqué le 15 avril 2006, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture intervenue le 4
avril 2006 une pièce no 179 intitulée : "Rapport d'enquête commerciale PARIS INVESTIGATIONS (tirage des magazines dans lesquels CONNEXION a utilisé les photographies de M. X...)".
Attendu que cette pièce, produite après l'ordonnance de clôture, sera rejetée. SUR LA RÉMUNÉRATION PROPORTIONNELLE Attendu que l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que: "La cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation. Toutefois, la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants : 1 La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée ; 2 Les moyens de contrôler l'application de la participation font défaut ; 3 Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre ; 4 La nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l'oeuvre, soit que l'utilisation de l'oeuvre ne présente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité ; 5 En cas de cession des droits portant sur un logiciel ; 6 Dans les autres cas prévus au présent code. Est également licite la conversion entre les parties, à la demande de l'auteur, des droits provenant des contrats en vigueur en annuités forfaitaires pour des durées à déterminer entre les parties." Attendu que Monsieur Joseph X... dans le dernier état de ses écritures sollicite la nullité des deux notes de cession intervenues le 22 novembre 2001 ainsi que de celles des 14 et 29 mars 2002 pour défaut de rémunération proportionnelle. Attendu que le tribunal relève tout d'abord que le demandeur ne fait pas remonter
ses demandes au delà de la prescription quinquennale soulevée par la société défenderesse. Attendu que l'auteur a dans les notes de cession qu'il a lui même rédigées prévu la rémunération proportionnelle qu'il conteste. Attendu que le tribunal retient que la répétition des cessions pour des prix forfaitaires et les courriers entre les parties échangés dans le cadre de la poursuite régulière des relations contractuelles ne constituent pas des renonciations au droit d'invoquer la nullité relative de protection tirée de l'absence de rémunération proportionnelle. Attendu par contre que Monsieur Joseph X... a fourni des photographies de modèles masculins à une agence de publicité en vue de la confection de visuels publicitaires à caractère érotique après de très importantes retouches affectant les sujets, les fonds et le cadrage ; qu'ainsi la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée, la participation du photographe se fondant dans un l'ensemble constitué par le visuel final. Attendu ainsi que le demandeur était bien fondé à solliciter une rémunération forfaitaire dans ses notes de cession successives qui ne sont pas entachées de nullité de ce fait. SUR LA LÉSION Attendu que l'article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que: "En cas de cession du droit d'exploitation, lorsque l'auteur aura subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l'oeuvre, il pourra provoquer la révision des conditions de prix du contrat. Cette demande ne pourra être formée que dans le cas où l'oeuvre aura été cédée moyennant une rémunération forfaitaire. La lésion sera appréciée en considération de l'ensemble de l'exploitation par le cessionnaire des oeuvres de l'auteur qui se prétend lésé." Attendu que Monsieur Joseph X... n'indique pas au tribunal la somme qu'il a touché en paiement de la cession des droits d'exploitation de chaque photographie.
Attendu qu'il rend ainsi impossible l'appréciation de la lésion d'autant qu'il ne précise pas non plus le prix auquel aurait du intervenir la cession des droits d'exploitation de chacune des 20 photographies se contentant d'appliquer le barème de l'U.P.C. à 18 campagnes de publicité sans préciser la photographie utilisés dans chaque campagne. Attendu que Monsieur Joseph X... sera débouté de ce chef. SUR LA DÉNATURATION DES OEUVRES Attendu que Monsieur Joseph X... fait grief à la société CONNEXION d'avoir procédé à des recadrages sans son autorisation. Mais attendu que le tribunal relève à la comparaison des photographies et des visuels publicitaire que les modifications ne se bornent nullement à des recadrages mais consistent en des détourages de sujet, des modifications de fond, des retouches de la pilosité du modèle, de son grain de peau ou même de sa musculature ou de la position de ses membres. Attendu que les relations des parties s'étant poursuivies sans heurts pendant 9 ans, le tribunal retient, comme en attestent des courriers de l'auteur produits aux débats, que ce dernier avait explicitement et sans ambigu'té accepté de se placer dans un processus de création spécifique au sein duquel il se contentait de fournir des clichés brut qui servaient, après de très importantes modifications, à la création ultérieure de visuels publicitaires érotiques dont il félicitait régulièrement la société CONNEXION. Attendu ainsi qu'il n'a pas été porté atteinte au droit de Monsieur Joseph X... au respect de l'intégrité de ses oeuvres. SUR L'AFFICHAGE SUR LA VOIE PUBLIQUE Attendu que Monsieur Joseph X... reproche à la société CONNEXION d'avoir fait afficher sur la voie publique à LYON une de ses photographies alors que la cession n'avait pas été consentie pour ce mode d'exploitation. Mais attendu que le demandeur ne rapporte nullement la preuve de ce que l'affiche dont il se plaint ait été réalisée par ou avec la participation de la société CONNEXION
s'agissant d'un affichage sauvage au demeurant interdit par le contrat liant la société CONNEXION à la société FRANCE TELECOM. Attendu que Monsieur Joseph X... sera débouté de ce chef. SUR LA REPRODUCTION DANS LE JOURNAL DIALOGUAI Attendu que Monsieur Joseph X... fait encore grief à la société CONNEXION d'avoir fourni un visuel utilisant une des photographies dont il est l'auteur, au magazine suisse DIALOGUAI alors que la cession des droits d'exploitation ne concernait que le territoire national. Attendu que la société CONNEXION reconnaît les faits et explique qu'il s'agit d'une erreur de sa part. Attendu que le tribunal retient que la société CONNEXION a porté atteinte aux droits patrimoniaux du demandeur en fournissant pour reproduction au magazine DIALOGUAI une oeuvre dont Monsieur Joseph X... est l'auteur sans l'autorisation de ce dernier. SUR LES MESURES RÉPARATRICES Attendu que s'agissant d'une photographie reproduite dans un magazine spécialisé hors du territoire de cession, le tribunal retient que le préjudice de l'auteur sera entièrement indemnisé par l'allocation de la somme de 1 000 ç à titre de dommages et intérêts sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure de publication aux frais de la société CONNEXION à titre de complément de réparation. SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE Attendu que la société CONNEXION qui succombe partiellement sera déboutée de sa demande reconventionnelle. SUR LES FRAIS IRREPETIBLES Attendu que l'équité commande d'allouer à Monsieur Joseph X... la somme de 1 500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE Attendu que l'exécution provisoire sera prononcée eu égard notamment au caractère partiellement alimentaire de la condamnation. SUR LES DÉPENS Attendu que la société CONNEXION supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort Sous le bénéfice de l'exécution provisoire Rejette comme
tardive la pièce no 179 produite par Monsieur Joseph X... Y... que la société CONNEXION a porté atteinte aux droits patrimoniaux de Monsieur Joseph X... en fournissant pour reproduction au magazine DIALOGUAI une oeuvre dont Monsieur Joseph X... est l'auteur sans l'autorisation de ce dernier. En réparation Condamne la société CONNEXION à payer à Monsieur Joseph X... la somme de 1 000 ç à titre de dommages et intérêts. Condamne la société CONNEXION à payer à Monsieur Joseph X... la somme de 1 500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, hors les frais d'exécution ultérieurs. Déboute les parties de leurs plus amples demandes. Condamne la société CONNEXION aux dépens dont distraction au profit de Maître Eric GALVAIRE, Avocat, pour la part dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision par application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Ainsi fait et jugé à Paris le 10 mai 2006 Le Greffier
Le Président