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20/12/1995 | FRANCE | N°951987;952129;951266

France | France, Tribunal administratif de Strasbourg, 20 décembre 1995, 951987, 952129 et 951266


Vu la requête enregistrée le 17 juillet 1995, sous le n° 951987, de la société Wastec-Strobel GMBH ayant son siège social Unterturckheimerstrasse 23 Gewerbegebiet Sud 66117 Saarbrucken (Allemagne), qui demande au tribunal administratif :
1°) d'annuler la décision en date du 18 mai 1995 par laquelle le préfet a refusé l'importation de boues de stations d'épuration allemandes,
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la requête enregistrée le 1e

r août 1995, sous le n° 952129, de la même société, qui demande au trib...

Vu la requête enregistrée le 17 juillet 1995, sous le n° 951987, de la société Wastec-Strobel GMBH ayant son siège social Unterturckheimerstrasse 23 Gewerbegebiet Sud 66117 Saarbrucken (Allemagne), qui demande au tribunal administratif :
1°) d'annuler la décision en date du 18 mai 1995 par laquelle le préfet a refusé l'importation de boues de stations d'épuration allemandes,
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la requête enregistrée le 1er août 1995, sous le n° 952129, de la même société, qui demande au tribunal administratif :
1°) de surseoir à l'exécution de la décision susvisée du 18 mai 1995 du préfet de la Moselle,
2°) de condamner le préfet de la Moselle à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la requête enregistrée le 18 mai 1995, sous le n° 951266, de la même société, qui demande au tribunal administratif :
1°) de lui donner acte que la procédure qu'elle a suivi en matière de transfert frontalier de déchets valorisables est régulière et conforme aux textes en vigueur,
2°) de condamner l'Etat à lui verser 10.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le règlement du Conseil de la Communauté européenne n° 259/93 du 1er février 1993, la décision de la commission européenne du 21 octobre 1994 prise pour l'application de ce règlement et le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, Après avoir entendu à l'audience publique :
- le rapport de M. WOEHRLING, président,
- les observations de Me X..., avocat au barreau de Sarreguemines pour la société requérante,
- les conclusions de Mme BLAIS, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux mêmes opérations de transferts de déchets et qu'elles concernent les mêmes décisions administratives ; qu'elles soulèvent des questions semblables ; qu'il y a donc lieu d'y statuer par un même jugement ;
Sur la recevabilité des requêtes ;
Considérant que la décision contestée porte refus d'autorisation d'importation de boues de stations d'épuration opposé à la société Wastec-Strobel ; que cette décision fait grief à cette société alors même que l'exportateur des boues en cause est l'organisme Stadtwerke IDAR-OBERSTEIN et que la société requérante n'est que le mandataire de cet organisme ; que par suite, le préfet n'est pas fondé à prétendre que les requêtes susvisées seraient irrecevables au motif que la société Wastec-Strobel n'aurait pas intérêt à agir ;
Sur la qualification des déchets concernés :
Considérant que le litige est relatif à l'importation dans un but de valorisation comme matière fertilisante de boues provenant du traitement d'eaux usées urbaines ; qu'ainsi ces produits relèvent de la catégorie AC 270 "boues d'égouts" du groupe AC "déchets contenant principalement des constituants organiques pouvant eux-mêmes contenir des métaux et des matières inorganiques" de l'annexe III "liste orange" de déchets visés par l'article 6 du règlement du conseil n° 259/93 du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne et arrêté par la décision de la commission européenne du 21 octobre 1994 ;

Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant qu'aux termes de l'article 6, relatif aux déchets destinés à être valorisés, du règlement n° 259/93 du 1er février 1993 susévoqué : "1. Lorsque le notifiant a l'intention de transférer d'un Etat membre dans un autre ... les déchets destinés à être valorisés énumérés à l'annexe III, il en informe l'autorité compétente de destination ... 3. La notification est effectuée au moyen du document de suivi qui est délivré par l'autorité compétente d'expédition ... 4. Dans le cadre de cette notification, le notifiant remplit le document de suivi et joint, sur demande des autorités compétentes, des informations et des documents complémentaires. 5. Le notifiant fournit sur le document de suivi les informations concernant ... l'origine, la composition et le volume des déchets destinés à être valorisés ... 6. Le notifiant doit conclure un contrat avec le destinataire pour la valorisation des déchets ... une copie de ce contrat doit être fournie à l'autorité compétente sur demande ... 8. Une autorité compétente d'expédition peut, conformément à la législation nationale, décider d'adresser elle-même à la place du notifiant, la notification à l'autorité compétente de destination ..." ; qu'en vertu de l'article 7 du même règlement : "1. Dès réception de la notification, l'autorité compétente de destination transmet, dans un délai de trois jours ouvrables, un accusé de réception au notifiant ... 2. Les autorités compétentes de destination ... disposent d'un délai de 30 jours à compter de l'expédition de l'accusé de réception pour soulever des objections contre le transfert. Ces objections sont fondées sur le paragraphe 4. Elles sont communiquées par écrit au notifiant et aux autres autorités compétentes concernées ... les autorités compétentes concernées peuvent décider de donner leur consentement écrit dans un délai inférieur à 30 jours ... 4. a) Les autorités compétentes de destination peuvent soulever des objections motivées contre le transfert envisagé conformément à la directive 75/442 CEE et notamment son article 7 ou s'il n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière de protection de l'environnement, d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé ou si le notifiant ou le destinataire se sont, dans le passé, rendus coupables de transferts illicites ... ou si le transfert est contraire aux obligations résultant de conventions internationales ... ou si le rapport entre déchets valorisables et non valorisables, la valeur estimée de matières qui seront finalement valorisées ou le coût de la valorisation et le coût de l'élimination de la partie non valorisable sont tels que la valorisation ne se justifie pas d'un point de vue économique et écologique" ; que l'article 8-1 du même règlement précise : "Le transfert peut être effectué au terme du délai de trente jours si aucune objection n'a été formulée. Toutefois l'accord tacite expire une année civile après cette date.

Lorsque les autorités compétentes décident de donner leur consentement par écrit, le transfert peut être effectué dès réception de tous les consentements nécessaires ..." ; qu'en application de l'article 10 du même règlement : "Les transferts de déchets destinés à être valorisés énumérés à l'annexe IV et de déchets qui n'ont pas encore été inscrits à l'une des annexes II, III ou IV sont soumis à des procédures identiques à celles visées aux articles 6 à 8, sauf que le consentement des autorités compétentes concernées doit être communiqué par écrit avant que ne commence le transfert" ;

Considérant que ces dispositions ont pour objet d'instituer un mécanisme d'accord tacite des autorités compétentes au transfert transfrontalier de déchets destinés à la valorisation mentionnés dans l'annexe III du règlement ; que les autorités compétentes de destination ne peuvent faire échec à ce mécanisme en omettant de transmettre l'accusé de réception prévu à l'article 7, celui-ci étant destiné seulement à constater que le document de suivi comporte les informations requises par le paragraphe 5 de l'article 6 ; que par suite, à défaut d'accusé de réception, le document de suivi doit être présumé avoir satisfait à ces dispositions et le délai de trente jours dont disposent les autorités compétentes de destination pour soulever des objections contre le transfert commence à courir à la date à laquelle ces autorités ont effectivement reçu le document de suivi ; qu'à défaut pour les autorités compétentes de destination d'avoir formulé des objections dans ce délai de trente jours, le transfert fait l'objet d'un accord tacite qui, sous réserve de l'application éventuelle des dispositions de l'article 26 relatif au trafic illégal, ne peut plus être retiré ; que par ailleurs, il ne peut être fait obstacle à la naissance d'un accord tacite que par la formulation d'objections fondée sur le paragraphe 4 de l'article 6 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'accusé de réception postal produit par la société Wastec-Strobel, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le préfet de la Moselle, autorité compétente de destination au sens des dispositions du règlement du conseil du 1er février 1993, a été effectivement rendu destinataire le 20 mars 1995 par la S.A.M. (Sonderabfall - Management - Gesellschafl Rheinland Pfalz), autorité compétente d'expédition, de trois documents de suivi relatifs aux transferts litigieux ; qu'il n'a pas accusé réception de ces documents ; que par suite, le délai de trente jours dans lequel il pouvait formuler des objections a commencé à courir à cette date du 20 mars 1995, et expirait le 19 avril 1995 ; que la circonstance que le préfet ait, à tort, retourné le 29 mars 1995 le dossier à la S.A.M. en exigeant que la transmission soit faite par l'autorité compétente d'expédition, ce qui était d'ailleurs le cas, n'a pas fait obstacle à la naissance d'un accord tacite dès lors que l'exigence ainsi formulée, et au demeurant remplie, n'est pas au nombre des objections fondées sur le paragraphe 4 de l'article 6 ; qu'ainsi un accord tacite de transfert des produits en cause était né à la date du 20 avril 1995 ; qu'à compter de cette date le préfet était dessaisi et n'avait plus compétence pour retirer ledit accord tacite ; que par suite, tant la transmission d'un accusé de réception en date du 20 avril 1995, d'ailleurs non fondé sur l'article 6 mais sur l'article 4 du règlement du conseil du 1er février 1993, que la décision en date du 18 mai 1995 par laquelle le préfet de la Moselle a émis un "refus d'autorisation d'importation" pour les produits en cause ne pouvaient légalement valoir retrait de l'accord tacite né au profit de la société Wastec-Strobel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision contestée du préfet de la Moselle du 18 mai 1995 portant refus d'autorisation d'importation est illégale en tant qu'elle émane d'une autorité qui n'avait plus compétence pour refuser le transfert litigieux et qu'elle tend à faire obstacle à une autorisation tacite de transfert devenue définitive ; que la société Wastec-Strobel est par suite fondée à en demander l'annulation ;
Sur les demandes en référé et en sursis à exécution :
Considérant que le tribunal s'étant prononcé sur la requête au principal, ces conclusions sont devenues sans objet ; que par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions fondées sur l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société Wastec-Strobel une somme de 10.000 F sur le fondement de ces dispositions ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les requêtes en référé et en sursis n° 951266 et 952129.
Article 2 : La décision susvisée en date du 18 mai 1995 du préfet de la Moselle est annulée.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Wastec-Strobel et au ministre de l'environnement.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro d'arrêt : 951987;952129;951266
Date de la décision : 20/12/1995
Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - ACTES CLAIRS - REGLEMENTS COMMUNAUTAIRES - Règlement n° 259/93 du 1er février 1993 du Conseil de la Communauté européenne (réglementation communautaire des transferts transfrontaliers de déchets destinés à la valorisation) - Absence d'accusé de réception de la déclaration de transfert - Effets.

15-03-01-03, 15-05-10 Les articles 6 à 8 du règlement du Conseil de la Communauté européenne n° 259/93 du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté ont pour objet d'instituer un mécanisme d'accord tacite des autorités compétentes au transfert transfrontalier de déchets destinés à la valorisation mentionnés dans l'annexe III du règlement et ayant fait l'objet d'une notification selon les formes prévues par ce règlement. Les autorités compétentes de destination ne peuvent faire échec à ce mécanisme en omettant de transmettre l'accusé de réception prévu à l'article 7, celui-ci étant destiné seulement à constater que le document de suivi produit dans le cadre de la notification comporte les informations requises par le paragraphe 5 de l'article 6. Par suite, à défaut d'accusé de réception, le document de suivi doit être présumé avoir satisfait aux dispositions du règlement et le délai de trente jours dont disposent les autorités compétentes de destination pour soulever des objections contre le transfert commence à courir à la date à laquelle ces autorités ont effectivement reçu le document de suivi. Faute pour les autorités compétentes de destination d'avoir formulé des objections dans ce délai de trente jours, le transfert fait l'objet d'un accord tacite qui, sous réserve de l'application éventuelle des dispositions de l'article 26 relatif au trafic illégal, ne peut plus être retiré. Il ne peut être fait obstacle à la naissance d'un accord tacite que par la formulation d'objections fondées sur le paragraphe 4 de l'article 7. En l'espèce, un transfert de boues de stations d'épuration correspondant à la rubrique AC 270 "Boues d'égout" ayant été régulièrement notifié au préfet du département de destination, le refus d'autorisation d'importation opposé après le délai de trente jours donnant naissance à un accord tacite est illégal, nonobstant l'absence d'émission par le préfet d'un accusé de réception, en tant qu'il émane d'une autorité qui n'avait plus compétence pour refuser le transfert litigieux et qu'il tend à faire obstacle à une autorisation tacite de transfert devenue définitive.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - ENVIRONNEMENT - Transfert transfrontalier de déchets destinés à la valorisation (règlement n° 259/93 du 1er février 1993 du Conseil) - Absence d'accusé de réception de la déclaration de transfert - Effets.


Références :

CEE Règlement 259-93 du 01 février 1993 Conseil des Communautés européennes art. 6, art. 7, art. 8


Composition du Tribunal
Président : M. Woehrling
Rapporteur ?: M. Woehrling
Rapporteur public ?: Mme Blais

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.strasbourg;arret;1995-12-20;951987 ?
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