Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers, les 13 et 26 septembre 1990, sous le n° 901447, la requête de M. Georges X..., demeurant 7 Grande Rue de La Raichenaud, 17670 La Couarde-sur-Mer, tendant :
1°) à l'annulation de la décision en date du 26 juin 1990 par laquelle le chef du "service d'exploitation des Ponts" de la direction de l'aménagement du département de la Charente-Maritime refuse de lui attribuer une "carte d'insulaire" lui permettant de bénéficier de tarifs spécifiques pour emprunter le pont de l'île de Ré ;
2°) à l'annulation de la décision du président du conseil général de la Charente-Maritime, confirmant, sur son recours hiérarchique, la décision précitée ;
3°) à l'annulation de la délibération du conseil général en date du 13 décembre 1989 fixant les critères et tarifs du service d'exploitation des ponts ;
4°) à ce que le trop-perçu par le service des Ponts lui soit remboursé et qu'une indemnité lui soit versée ainsi qu'à sa femme pour les préjudices matériels et moraux ; Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la loi n° 79-531 du 12 juillet 1979 relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 6 octobre 1993 à laquelle siégeaient M. J. Y... Jérôme, Président, Mmes S. Peillissier et J. Murat, conseillers, assistés de Mme M. Vaugeois, greffier, les parties régulièrement convoquées n'étant ni présentes ni représentées :
M. S. Peillissier, conseiller, en son rapport,
M. P. Allal, commissaire du Gouvernement, en ses conclusions ;
Sur la légalité de la délibération du conseil général de la Charente-Maritime en date du 13 décembre 1989 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département :
Considérant, en premier lieu, que si la première déclaration d'utilité publique relative à la construction du pont reliant le continent à l'île de Ré a fait l'objet d'une annulation contentieuse, une deuxième déclaration d'utilité publique en date du 23 novembre 1987 est devenue définitive ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le pont n'aurait pas d'existence légale manque, en tout état de cause, en fait ;
Considérant, en second lieu, que l'article 3 de la loi n° 79-591 du 12 juillet 1979 susvisé dispose que la perception d'une redevance sur un ouvrage d'art à inclure dans la voirie départementale est autorisée par délibération du ou des conseils généraux concernés ; qu'ainsi le Conseil général de la Charente-Maritime était, contrairement à ce qu'affirme le requérant, compétent pour décider, comme il l'a fait par la délibération attaquée, la perception de redevances sur la liaison fixe "continent-île de Ré" ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 79-591 précitée : "L'acte administratif instituant une redevance sur un ouvrage d'art reliant des voies départementales peut prévoir des tarifs différents ou la gratuité selon les diverses catégories d'usagers pour tenir compte, soit d'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation de l'ouvrage d'art, soit de la situation particulière de certains usagers et notamment de ceux qui ont leur domicile ou leur lieu de travail dans le ou les départements concernés" ; que ni ces dispositions, qui ne limitent pas à la notion de domicile les différences de situation à prendre en compte, ni le principe d'égalité entre usagers des services publics n'interdisaient au conseil général de tenir compte de la différence de situation existant entre les personnes résidant de manière permanente dans l'île de Ré et celles qui, alors même qu'elles y sont légalement domiciliées, n'y habitent pas en permanence, pour attribuer aux premières une "carte d'insulaire" leur ouvrant droit aux tarifs les plus avantageux pour le passage du pont ;
Considérant, enfin, que si M. X... soutient que la délibération attaquée porterait atteinte au droit de propriété en réservant le bénéfice des tarifs "insulaires" aux personnes ne possédant pas d'autre logement que celui sis dans l'île de Ré, il ressort des termes de cette décision qu'elle retient pour seul critère la "résidence permanente" sur l'île sans exclure a priori les propriétaires d'immeubles sis sur le continent ; qu'en outre, les "justificatifs" prévus par ladite délibération, dont la production au service des Ponts est éxigée, ne distinguent pas entre la qualité de propriétaire ou de locataire au titre de laquelle est occupée une éventuelle autre résidence ; que dès lors ce moyen manque en fait ;
Sur la légalité des décisions ayant refusé à M. X... le bénéfice d'une carte d'insulaire :
Considérant que M. X... demande tant l'annulation de la décision contenue dans la lettre du chef par intérim du service des Ponts de la Charente-Maritime en date du 26 mai 1990 que celle de la décision du président du conseil général, reçue le 20 juillet 1990, confirmant son refus de lui délivrer une carte d'insulaire ; Sur la lettre du chef par intérim du service des ponts :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a déposé dès le 22 janvier 1990 dans les services du département sa demande de carte d'insulaire ; qu'il se trouvait ainsi titulaire, le 23 mai 1990, d'une décision tacite de rejet de sa demande ; que par suite la lettre du chef par intérim du service des ponts, en date du 26 juin 1990, ne constitue pas une décision de rejet, déjà tacitement intervenue, de la demande de M. X..., mais se borne à en expliciter les motifs ; que cette décision qui ne fait pas grief n'est pas susceptible de recours ; que les conclusions de M. X... tendant à son annulation ne peuvent dès lors qu'être rejetées ; Sur la décision du président du Conseil général :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le président du conseil général de la Charente-Maritime se serait cru lié, lorsqu'il a examiné la demande de M. X..., et notamment suite au recours gracieux de celui-ci, par l'avis donné par le chef de service des Ponts et la motivation contenue dans la lettre précitée du 26 juin 1990 ;
Considérant, en second lieu, que la lettre reçue le 20 juillet 1990, qui confirmait la décision implicite de rejet précédemment intervenue, était accompagnée d'un extrait des tarifs faisant référence à "une délibération du Conseil général disponible au service d'exploitation des ponts" et reprenant la définition des "insulaires" contenue dans ladite délibération ; que, dans ces circonstances, cette décision confirmative est, contrairement à ce que soutient M. X..., suffisamment motivée en droit ;
Considérant, en troisième lieu, que le conseil général a légalement pu, comme il est dit ci-dessus, instituer une redevance pour le passage du pont de l'île de Ré et réserver les tarifs les plus avantageux aux personnes "résidant en permanence" sur celle-ci ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., retraité et propriétaire d'un logement à Cannes, passe en tout état de cause, bien qu'il ne chiffre pas la durée réelle de ce ou ces séjours, une partie de l'année dans cette seconde résidence régulièrement occupée d'octobre à mai ; que, dès lors, la circonstance que le domicile rhétais de M. X... constituerait sa résidence principale ne suffit pas à faire de celui-ci un résident permanent de l'île ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que le président du conseil général, en lui refusant la délivrance d'une "carte d'insulaire", aurait commis une erreur d'appréciation des faits ;
Considérant, enfin, que M. X... ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de ses demandes en annulation, de la circonstance que l'avantage qui lui a été refusé aurait été illégalement accordé à d'autres personnes ; que le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. X... tendant à l'annulation des décisions lui ayant refusé le bénéfice d'une carte d'insulaire ne peuvent qu'être rejetées ; Sur le remboursement des sommes versées :
Considérant que M. X... ne pouvait, pour les motifs susindiqués, prétendre pour le passage du pont de l'île de Ré au bénéfice des tarifs des "résidents permanents" ; que, dès lors, il n'établit pas avoir versé des redevances excessives ; que ces conclusions tendant au remboursement de trop-perçu par le département ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. X... doit être rejetée ;
Article 1er : La requête de M. Georges X... est rejetée.
Article 2 : Notification du présent jugement sera faite dans les conditions prévues par l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à M. Georges X... et au Conseil général de la Charente-Maritime.