Vu la requête, enregistrée le 21 février 2000, présentée pour la société PROTEC FEU, dont le siège est ... par Me Y... ; la société PROTEC FEU demande au président du tribunal administratif statuant en référé sur le fondement de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
1° - de suspendre la procédure d'appel d'offres lancé par la société Euro Tunnel pour la passation d'un marché de fourniture d'un système anti-incendie ;
2° - d'annuler la décision de ladite société lui notifiant le 19 novembre 1999 la résiliation d'un premier marché passé le 6 juillet 1999 ;
3° - d'ordonner la communication immédiate et sous astreinte de 50.000 Euros par jour du cahier des charges de l'appel d'offres afin de lui permettre de vérifier si Euro Tunnel n'utiliserait pas des informations confidentielles protégées par les brevets ou secrets de fabrique ;
Vu la décision du 19 novembre 1999 par laquelle le président du Tribunal a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 22 et L. 23 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à M. Lamy-Rested, président de section ;
Vu la lettre du 4 janvier 2000 par laquelle la société Euro Tunnel a fait connaître à la société PROTEC FEU que sa candidature à la présentation d'une offre pour la passation du marché susmentionné, n'était pas retenue ;
Vu la demande présentée par la société PROTEC FEU le 7 février 2000 en application des dispositions de l'article R. 241-21 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 6 mars 2000 les observations de Me Y... avocat pour la société PROTEC FEU et de Me X... pour la société Euro Tunnel ;
Sur l'application de l'article L. 23 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article susmentionné : "Le président du tribunal administratif ... peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité ou de mise en concurrence auxquelles sont soumis les contrats visés à l'article 7-2 de la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications. Le juge ne peut statuer, avant la conclusion du contrat que dans les conditions définies ci-après.
Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement.
Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations. Il détermine les délais dans lesquels l'auteur du manquement doit s'exécuter. Il peut aussi prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. Il peut toutefois prendre en considération les conséquences probables de cette dernière mesure pour tous les intérêts susceptibles d'être atteints, notamment l'intérêt public, et décider de ne pas l'accorder lorsque ses conséquences négatives pourraient dépasser ses avantages .... Le président du tribunal administratif ou son délégué, statue en premier et dernier ressort en la forme des référés".
Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient en tout état de cause pas au juge saisi sur le fondement de l'article L. 23 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de prononcer l'annulation d'une décision de résiliation d'un marché en cours d'exécution ; que dès lors les conclusions susvisées de la société PROTEC FEU tendant à ce que le juge annule en référé la décision du 19 novembre 1999 résiliant le contrat qui la liait à Euro Tunnel ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il en va de même les conclusions tendant à ce que soit ordonnée la production du cahier des charges de l'appel d'offres afin que soit vérifié si Euro Tunnel n'aurait pas utilisé des informations appartenant à PROTEC FEU et couvertes par un brevet ou le secret industriel ; qu'au surplus le litige sous-jacent est relatif à la législation protégeant la propriété industrielle dont il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître ;
Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction et notamment des déclarations des parties à la barre, que le système de sécurité en cause, objet de l'appel d'offre litigieux, est constitué par des dispositifs particuliers fixés sur les navettes ferroviaires à bord desquelles sont embarqués les véhicules poids lourds franchissant le tunnel ; que le marché passé pour l'acquisition de ce système revêtira donc le caractère d'un marché de fournitures ; qu'un tel marché passé entre deux personnes privées pour l'exploitation d'un service public industriel et commercial et nonobstant la circonstance que les biens mobiliers affectés à cette exploitation reviendront au concédant à l'issue de la concession, n'est pas un marché relevant du droit public au sens de l'article 7-2 de la loi du 11 décembre 1992 susvisée ; que par suite il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître du surplus des conclusions de la requête de la société PROTEC FEU ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société PROTEC FEU doivent dès lors être rejetées ,
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société PROTEC FEU à payer à la société Euro Tunnel une somme de 5.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société PROTEC FEU est rejetée.
Article 2 : La société PROTEC FEU versera à la société Euro Tunnel une somme de 5.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société PROTEC FEU et à la société Euro Tunnel.