Vu 1° la requête enregistrée au greffe le 8 février 1985 présentée par M. Albert Y... agissant en qualité de secrétaire général du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples, demeurant ... et tendant à ce que le tribunal annule le point 4 de la note du 11 décembre 1984 du Bureau d'Aide Sociale de la ville de Paris ainsi que l'article 5 de la délibération du 26 novembre 1984 du Conseil de Paris ;
Vu 2°, enregistrée le 6 septembre 1985, la seconde requête de M. Y... agissant pour le MRAP et tendant à ce que le tribunal annule l'article 7 de la délibération du 25 mars 1985 par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Après avoir entendu, le rapport de Mme Hausser-Duclos, Conseiller, les observations orales de Me Jouet, Avocat à la Cour, pour le demandeur, Me Foussart, Avocat à la Cour, pour le défendeur et les conclusions de M. Corouge, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur l'exception d'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la note du 11 décembre 1984 :
Considérant que par la note attaquée, le Bureau d'Aide Sociale de Paris s'est borné à préciser les dispositions de la délibération du 26 novembre 1984 du Conseil de Paris ; que ce faisant le Bureau d'Aide Sociale n'a pris aucune décision de caractère réglementaire ; que dès lors les conclusions dirigées contre la note du 11 décembre 1984 sont irrecevables ;
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les délibérations en date des 26 novembre 1984 et 25 mai 1985 du Conseil de Paris :
Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'article 3 des statuts du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples MRAP que cette association "a pour objet de faire disparaître le racisme, c'est-à-dire toutes discriminations, exclusions, restrictions ou préférences, injures, diffamations, provocations à la haine ou aux violences à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée" ; que dans ces conditions, il avait bien intérêt à agir contre des délibérations excluant, en considération de leur nationalité, certaines familles de la prestation instaurée par le conseil de Paris ;
Considérant en second lieu que l'article 5 de la délibération du 26 novembre 1984 et l'article 7 de la délibération du 25 mars 1985 fixent l'une des conditions d'octroi de l'allocation de congé parental d'éducation créée en faveur des familles de trois enfants au moins par le Conseil de Paris le 23 juin 1980 ; que cette condition - qui est nouvelle - est dissociable de l'allocation elle-même ainsi que des autres conditions auxquelles son octroi est assujetti ; que le but démographique poursuivi par l'introduction de ces articles est distinct de celui qui est recherché par les autres dispositions de la délibération ; que le surcoût financier qu'entraînerait l'annulation des deux articles litigieux est sans influence sur la divisibilité des délibérations ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions de la requête tendent à l'annulation partielle d'une décision formant un tout indivisible, doit être rejetée ;
Considérant en troisième lieu que la ville de Paris soulève une dernière fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des deux requêtes ; que cependant l'article 12 alinéa 2 du décret du 13 juin 1939, qui n'a été abrogé par aucun des textes ultérieurs relatifs à la ville de Paris dispose que "les délibérations du Conseil de Paris sont, à peine de nullité, publiées dans le Bulletin municipal officiel ou son annexe dans les deux mois qui suivent la date de la séance où elles auront été prises" ; qu'il ressort en outre de l'instruction que le Conseil de Paris a persisté à publier ses délibérations après les avoir préalablement affichées ; qu'il résulte de tout ce qui précède et compte tenu de la spécificité et de la dimension de la ville de Paris, que la publicité des délibérations du Conseil de Paris ne peut être regardée comme complète qu'après une publication au Bulletin municipal officiel ; que dans ces conditions, la circonstance que les délibérations incriminées aient été affichées respectivement les 29 novembre 1984 et 29 mars 1985, sans du reste que la ville de Paris établisse que cet affichage ait été effectué dans toutes les mairies d'arrondissement et autres lieux d'affichages municipaux -, alors même que les recours dirigés contre ces délibérations n'ont été enregistrés que les 8 février et 6 septembre 1985, ne saurait rendre ces derniers irrecevables ; que dès lors les délais de recours contentieux n'ont pu régulièrement courir qu'à compter des 7 mars et 30 juillet 1985, dates de publication des délibérations au Bulletin municipal officiel ;
Sur la légalité de l'article 5 de la délibération du 26 novembre 1984 et de l'article 7 de la délibération du 25 mars 1985 :
Considérant que par l'article 7 de la délibération du 25 mars 1985 modifiant partiellement l'article 5 de la délibération du 26 novembre 1984, le Conseil de Paris a exclu du bénéfice de l'allocation de congé parental d'éducation les familles dont aucun des parents ne possède la nationalité française ainsi que celles dans lesquelles le parent non bénéficiaire dudit congé, quoique non français, serait ressortissant d'un Etat membre de la communauté économique européenne, ou réfugié politique ou apatride mais où le parent prétendant à l'octroi du congé parental d'éducation n'appartiendrait lui-même à aucune des catégories précitées ;
Considérant que la fixation de conditions discriminatoires entre les usagers du service à l'octroi d'une prestation versée sur fonds municipaux, implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les habitants de la commune des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec un service public municipal ne commande cette mesure ;
Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction que la différence de traitement entre familles françaises et familles étrangères faite par les dispositions contestées soit la conséquence d'une loi ;
Considérant qu'il n'existe pas entre les familles parisiennes d'au moins trois enfants, au regard des charges occasionnées par l'éducation des enfants, de différence de situation appréciable tenant à la nationalité ;
Considérant enfin que s'il résulte de l'article 1er de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 que "les communes ... règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence" et si la ville de Paris pouvait régulièrement décider d'instituer une prestation non obligatoire elle ne pouvait cependant l'assortir de conditions d'octroi relevant d'une politique démographique qu'elle n'avait pas compétence pour définir ; que dès lors aucun intérêt général en rapport avec le service public municipal n'était de nature à justifier la rupture d'égalité entre les usagers du service remplissant par ailleurs les autres conditions d'octroi posées par les deux délibérations ; qu'il y a lieu dans ces conditions de faire droit à la requête de M. X... et d'annuler l'article 5 de la délibération du 26 novembre 1984 et l'article 7 de la délibération du 25 mars 1985 ;
Article 1er : l'article 5 de la délibération du 26 novembre 1984 et l'article 7 de la délibération du 25 mars 1985 sont annulés.
Article 2 : le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 3 : Expéditions du présent jugement seront notifiées à M. Y..., à la Ville de Paris, et au Bureau d'Aide Sociale de la Ville de Paris.