Vu la requête de la société anonyme Compagnie Européenne des Bains, dont le siège social est ..., représentée par le président du conseil d'administration en exercice, qui demande au tribunal :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération en date du 27 septembre 1993 par laquelle le conseil municipal de la commune de Divonne-les-Bains a décidé de ne pas retenir sa candidature pour l'exploitation, sous forme d'affermage, de l'établissement thermal Paul Vidart ;
2°) la condamnation de la commune de Divonne-les-Bains à lui payer une somme de 20 000 francs, au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; le décret n° 93-471 du 24 mars 1993 portant application de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatif à la publicité des délégations de service public ; le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986,
Le Tribunal a entendu à l'audience publique :
- le rapport de M. GEFFRAY, conseiller,
- les observations de Me REMOND, avocat de la Compagnie européenne des bains, et de Mme DEYGAS, avocat de la commune de Divonne-les-Bains,
- les conclusions de M. KOLBERT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par délibération du 27 septembre 1993, le conseil municipal de la commune de Divonne-les-Bains a approuvé le contrat d'affermage de l'établissement thermal Paul Vidart qui doit être conclu avec la SARL d'exploitation des thermes de Divonne, et a autorisé le maire de Divonne-les-Bains à signer cette délégation de service public ; qu'ainsi le conseil municipal de Divonne-les-Bains a, par cette délibération, rejeté la candidature de la société anonyme Compagnie européenne des bains ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Divonne-les-Bains et tirée du défaut de production de la délibération attaquée :
Considérant que la société requérante a produit, en cours d'instance, la délibération attaquée ; que, par suite, il y a lieu d'écarter cette fin de non-recevoir ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée : "Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local. Elles statuent au vu d'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire" ; qu'il résulte de ces dispositions que la délibération d'un conseil municipal se prononçant sur le principe d'une délégation de service public local ne peut légalement intervenir qu'après que le document contenant les caractéristiques des prestations que doit fournir le délégataire lui a été présenté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération en date du 10 mai 1993, le conseil municipal de la commune de Divonne-les-Bains s'est favorablement prononcé sur le principe d'une délégation de service public pour la gestion de l'établissement thermal Paul Vidart ; que si cette délibération précise, dans ses motifs, qu'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations a été préparé et déposé sur le bureau à l'attention du conseil municipal réuni le 10 mai 1993, aucun élément du dossier n'établit la matérialité de ce rapport ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 43 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée : "Après décision sur le principe de la délégation, il est procédé à une publicité ..." ; qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article 38 de ladite loi : "Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat" ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article premier du décret du 24 mars 1993 portant application de l'article 38 précité : "L'autorité responsable de la personne publique doit satisfaire à l'exigence de publicité prévue à l'article 38 de la loi du 24 janvier 1993 susvisée par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné. Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication" ;
Considérant, d'une part, que la commune de Divonne-les-Bains reconnaît qu'elle n'a pas procédé à la publicité de l'avis permettant de définir les conditions de présentation des offres concurrentes dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique du thermalisme ;
Considérant, d'autre part, que la publicité unique de cet avis dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales, a été effectuée le 14 avril 1993, soit avant la décision portant sur le principe de la délégation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que la délibération susévoquée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière qu'en conséquence, elle est fondée à en demander l'annulation ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Divonne-les-Bains doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Divonne-les-Bains à payer à la société anonyme Compagnie européenne des bains une somme de 4 000 francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La délibération du 27 septembre 1993 par laquelle le conseil municipal de Divonne-les-Bains a retenu la candidature de la SARL d'exploitation des thermes de Divonne est annulée.
Article 2 : La commune de Divonne-les-Bains versera à la société anonyme Compagnie européenne des bains une somme de 4 000 francs (quatre mille francs) sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Les conclusions tendant à ce que la société anonyme Compagnie européenne des bains soit condamnée à verser à la commune de Divonne-les-Bains la somme de 20 000 francs (vingt mille francs) sur ce fondement sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.