Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 1988 sous le n° 8836688, la requête présentée par M. Georges Fourel, et tendant à ce que le tribunal administratif annule la délibération du conseil municipal de la commune de Valence, en date du 8 septembre 1988, attribuant une subvention exceptionnelle de 500 000 F à l'association cultuelle de l'église apostolique arménienne et autorisant le versement de ladite somme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat ;
Vu le le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 11 décembre 1991 :
- le rapport de M. Fraisse, conseiller ;
- les conclusions de M. Riquin, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
Sur les fins de non-recevoir :
Considérant, en premier lieu, que le requérant, contribuable de la commune de Valence, a intérêt, en cette qualité, à demander l'annulation d'une délibération du conseil municipal ayant des répercussions sur les finances de cette collectivité ;
Considérant, en second lieu, que l'ordre dans lequel sont soulevés devant le juge administratif, à l'intérieur du délai de recours contentieux, les moyens relatifs à la légalité externe ou interne de l'acte attaqué n'a aucune influence sur leur recevabilité ;
Considérant, par suite, que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Valence à la requête susvisée doivent être écartées ;
Sur la légalité de la délibération :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la reqête :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 9 décembre 1905 : "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que les lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons" ; que l'article 18 de la même loi ajoute : "Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre 1er de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la loi" ; qu'enfin l'article 19 de la même loi précise : "Ces associationss devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte ... Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques" ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de la délibération attaquée que la subvention exceptionnelle de 500 000 F a été accordée par le conseil municipal de la commune de Valence à l'association cultuelle de l'église apostolique arménienne dans le but, non pas, comme le soutient en défense la commune, de réparer un édifice affecté au culte public, mais d'acquérir un ensemble immobilier pour en faire un lieu de culte ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes des articles 1 et 2 de ses statuts, l'association cultuelle de l'église apostolique arménienne a été fondée "en vue de faire célébrer le culte arménien apostolique à Valence et ses environs" et a pour but "d'entretenir une chapelle en vue d'y célébrer le culte arménien", "d'enseigner aux enfants ... le catéchisme en langue arménienne" et "de développer la vie spirituelle et culturelle parmi les fidèles de l'église arménienne" ; que la circonstance qu'elle enseigne la langue arménienne et participe à des actions humanitaires n'est pas de nature à lui ôter le caractère cultuel exclusif qu'elle tient de ses statuts, et ce, nonobstant le fait qu'elle soit, comme l'exigent d'ailleurs les dispositions précitées de l'article 18 de la loi du 9 décembre 1905, constituée conformément aux articles 5 et suivants du titre 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en accordant, par délibération, une subvention à une association cultuelle la commune de Valence a porté atteinte au principe de séparation des églises et de l'Etat tel qu'il est défini à l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ; qu'il s'ensuit que M. Fourel est fondé à demander l'annulation de ladite délibération ;
Sur l'application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application desdites dispositions ;
Article 1er : La délibération du conseil municipal de la commune de Valence, en date du 8 septembre 1988, attribuant une subvention exceptionnelle de 500 000 F à l'association cultuelle de l'église apostolique arménienne et autorisant le versement de ladite somme, est annulée.