Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 susvisée, "est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ... tout agent des organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des comptes" ; que le lycée professionnel de Saint-Jean-de-la-Ruelle est, depuis le 1er janvier 1986, un établissement public local, soumis de ce fait, en application de l'article 87 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée, au contrôle de la chambre régionale des comptes du Centre en premier ressort et à celui de la Cour des comptes par la voie de l'appel ;
Considérant que les diverses irrégularités relevées ont affecté la gestion du lycée professionnel et du Groupement d'établissements pour la formation continue (GRETA), intégré dans le lycée jusqu'au 31 décembre 1986, puis service à comptabilité distincte sans personnalité juridique rattaché au compte financier du lycée par un compte de liaison ; que ces irrégularités portent sur des indemnités de direction et de gestion perçues en 1986 et 1987 par le proviseur M. X..., et par l'intendant ; que les faits incriminés ne sont pas couverts par la prescription instituée par l'article 30 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Qu'en conséquence, M. X..., proviseur du lycée professionnel, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur le fond :
Considérant que les personnels de direction et de gestion des établissements accueillant des actions de formation continue ont droit à des indemnités calculées en fonction des heures effectives d'enseignement en application du décret susvisé n° 68-356 du 23 mai 1968 modifié ;
Que ces indemnités étaient calculées, en application de la circulaire du ministre de l'Education nationale n° 77-108 du 12 janvier 1977, selon la méthode dite de la "double globalisation" des actions financées sur fonds publics et des autres actions pour le compte d'entreprises ; que la circulaire n° 86-117 du 13 mars 1986 a supprimé ce système et prescrit de faire masse de toutes les actions de formation de sorte que, le barème étant dégressif, le nouveau mode de calcul des indemnités était moins avantageux que le précédent pour ses bénéficiaires ; que l'annulation implicite de la double globalisation résultait de l'abrogation de la circulaire du 12 janvier 1977 ; que le 20 juin 1986, une lettre du ministre de l'Education nationale annulait explicitement la double globalisation et publiait un nouveau barème pour 1986 ; que le 23 mars 1987, une note de service diffusait un nouveau barème applicable à compter du 20 mars 1986 ;
Sur le double paiement des indemnités pour 1986 :
Considérant que M. X... et l'intendant ont perçu, par six mandats de paiement, pour les mois de janvier à juin 1986, des avances forfaitaires sur leurs indemnités de direction et de gestion d'un total net de 45.144 F, le calcul étant fait selon la méthode de la double globalisation ; que le 10 juillet 1986 a été mandaté à leur profit une somme de 41.284,92 F nets représentant les indemnités de direction et de gestion liquidées sur la base de 7.088 heures d'enseignement effectuées de janvier à juin 1986 au lycée professionnel, sans application de la double globalisation et sur la base du barème annexé à la lettre du 20 juin 1986 ;
Qu'ainsi les indemnités de M. X... et de l'intendant pour le premier semestre t986 leur ont été payées deux fois ; qu'un ordre de reversement des avances forfaitaires a bien été émis le 15 février 1987, mais que les intéressés n'ont rien reversé ; que cet ordre de reversement a été annulé le 22 juillet 1988 par un mandat établi pour un montant de 55.139,58 F incluant l'avance de 45.144 F, mais dépourvu de la justification réglementaire prévue par l'annexe du décret n° 83-16 du 13 janvier 1983, paragraphe 142, c'est à dire un état indiquant le motif de l'erreur commise ;
Considérant que M. X... reconnait que ledit ordre de reversement porte effectivement sa signature, mais n'a pas été exécuté à l'époque du fait que l'intéressé espérait une révision du mode de calcul des indemnités ;
Considérant que M. X..., bien qu'il admette que l'annulation en date du 22 juillet dudit ordre de reversement porte sa signature, soutient qu'il n'a pu apposer celle-ci en parfaite connaissance de cause ; que, la date de ce document étant postérieure à celle de son départ de l'établissement, cette pièce a dû être soumise à sa signature parmi d'autres par l'intendant avec lequel il avait travaillé en toute confiance pendant 19 ans ;
Considérant que, dès lors que l'intendant n'est plus en mesure de confirmer ou d'infirmer les déclarations du proviseur, il convient de faire bénéficier M. X... du bénéfice du doute sur son intention d'annuler l'ordre de reversement ; que toutefois, en n'exécutant pas ledit ordre de reversement, dont il pensait donc qu'il était toujours applicable, il a, en tant que personne physique, fait obstacle à un ordre qu'il donnait en tant que proviseur, rendant ainsi impossible la régularisation des doubles paiements dont il était le principal bénéficiaire ; qu'il n'a pas davantage pris les mesures nécessaires pour obtenir le reversement des sommes payées à tort à l'intendant ;
Considérant que le deuxième paiement des indemnités du premier semestre 1986 sans déduction des acomptes déjà versés est, au stade de la liquidation et du mandatement, une violation des règles d'exécution des dépenses du lycée ; que cette irrégularité constitue une infraction passible des sanctions prévues à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée et, puisqu'elle a procuré à autrui un avantage pécuniaire injustifié, des sanctions prévues à l'article 6 de ladite loi ;
Sur le montant des indemnités perçues en 1986 et 1987 :
Considérant que M. X... et l'intendant ont perçu, au titre de l'année 1987, des indemnités calculées sur la base de 9.000 heures d'enseignement dispensées dans l'établissement d'appui ; que ce nombre correspondait aux heures prévues et non aux heures effectives qui, selon le seul état justificatif disponible, étaient de 7.491 heures ; que l'écart d'environ 31.000 F n'a pas été reversé ;
Considérant d'autre part que M. X... et l'intendant ont perçu, par mandat n° 189 du 21 janvier 1988, 52.893,18 F au titre de 1986 et 1987 sur la base d'"heures restant à liquider" pour certains établissements adhérents au GRETA autres que l'établissement d'appui; que de l'aveu même des intéressés, ces heures n'ont jamais été effectuées ; qu'en conséquence les indemnités ainsi perçues ne leurs étaient pas dues ; que ces sommes n'ont pas été reversées ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de retenir l'argument selon lequel le paiement de ces indemnités avait été autorisé par le conseil du GRETA, dont les dirigeants n'avaient pas autorité pour attribuer des compléments de rémunération pour des heures d'enseignement non effectuées ; que le fait que les sommes payées en excès auraient été payées par les entreprises bénéficiaires des actions de formation est également sans objet puisque le mode de calcul des contributions réclamées auxdites entreprises est sans lien direct avec le régime indemnitaire des personnels de direction et de gestion ;
Considérant que la liquidation et le mandatement d'indemnités de direction et de gestion sur la base d'heures d'enseignement non effectuées sont des violations des règles d'exécution des dépenses du GRETA ; que ces irrégularités constituent des infractions passibles des sanctions prévues à l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée et, puisqu'elles ont procuré à autrui un avantage pécuniaire injustifié, des sanctions prévues à l'article 6 de ladite loi ;
Sur les responsabilités encourues :
Considérant que M. X... en tant qu'ordonnateur s'est irrégulièrement attribué à lui-même, et a également attribué à l'intendant, agent comptable du lycée qui payait les mandats, des indemnités de direction et de gestion à hauteur de plus de 100.000 F aux titre des exercices 1986 et 1987 ; que ce système permettant d'attribuer des compléments de rémunération irréguliers a été organisé à leur profit personnel et exécuté par eux seuls ;
Que la responsabilité de M. X... est directement et pleinement engagée dans les infractions commises ;
Considérant cependant que le retard et les ambiguïtés qui ont marqué l'abandon, dans le mode de calcul des indemnités de direction et de gestion, du système de la "double globalisation" pour un système moins rémunérateur peuvent constituer des circonstances atténuantes ;
Que d'autre part le surcroît d'activité lié aux transformations du lycée et les graves problèmes de santé rencontrés par M. X... ont pu avoir une influence sur l'attitude de l'ordonnateur ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant à M. X... une amende de 50.000 F ;
(condamnation de M. X... à une amende de 450.000 F ; publication de l'arrêt au Journal officiel).