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22/01/1992 | FRANCE | N°CETATEXT000007609459

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 22 janvier 1992, CETATEXT000007609459


Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 susvisée : "est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ... tout agent des organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des comptes" ; que le Centre de formation des personnels communaux (C.F.P.C.) est un établisseme

nt public intercommunal qui relève du contrôle de ladite Cour en applica...

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 susvisée : "est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ... tout agent des organismes qui sont soumis au contrôle de la Cour des comptes" ; que le Centre de formation des personnels communaux (C.F.P.C.) est un établissement public intercommunal qui relève du contrôle de ladite Cour en application de l'article 1er de la loi 67-413 du 22 juin 1967 ; que dès lors MM. X... et Y... exerçant respectivement les fonctions de directeur et secrétaire général du C.F.P.C., sont, en cette qualité, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur l'amnistie :
Considérant que les faits qui sont à l'origine du renvoi de MM. X... et Y... devant la Cour de discipline budgétaire et financière étaient susceptibles d'entraîner leur condamnation aux amendes infligées aux auteurs des infractions définies par les articles 2 à 6 bis de la loi susvisée du 25 septembre 1948 et que l'article 29 de la même loi assimile aux amendes prononcées par la Cour des comptes en cas de gestion de fait ; que ces amendes ne sont pas des sanctions disciplinaires et professionnelles, au sens de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie, non plus que des sanctions pénales ; que par suite le moyen de MM. X... et Y... tiré de ce que les articles 29 et 30 de cette loi n'excluent pas expressément du bénéfice de l'amnistie les infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses publiques, ce bénéfice leur serait acquis, est inopérant ;
Sur le fond :
Sur les irrégularités concernant le régime indemnitaire des présidents, vice-présidents, administrateurs, délégués régionaux et départementaux du Centre et le régime indemnitaire des personnels de direction :
Considérant que le décès de M. Z... fait obstacle à l'exercice de poursuites à son égard et, qu'en ce qui concerne MM. X... et Y..., les faits concernant les régimes indemnitaires n'ont pas donné lieu à renvoi devant la Cour et n'ont donc pas été examinés par elle ;

Sur le non respect de certaines dispositions du code des marchés publics :
Considérant qu'en application de l'article R. 412-84 du code des communes, les marchés du Centre de formation des personnels communaux sont passés dans les formes et conditions prescrites pour les marchés des communes de plus de 40.000 habitants ; qu'ils sont donc soumis aux règles fixées par le code des marchés publics ;
Sur la violation de l'article 321 :
Considérant que l'article 321 du code des marchés publics prévoit qu'il "peut être traité ... sur mémoires ou sur simple facture ... par les communes ... pour les travaux, fournitures ou services dont la dépense n'excède pas" un seuil, dont le montant, au moment des faits, était de 180.000 francs pour la catégorie des communes à laquelle le C.F.P.C. était rattaché ;
Considérant, cependant, que le Centre a acquis, au cours des années 1985 et 1986, des micro-ordinateurs pour un total de 2,3 millions de francs ; qu'il a acheté notamment vingt-huit Macintosh, dont dix-huit ont été payés pour 697.980 francs, en 1985, et dix, pour 304.767 francs, en 1986 ; que, sur les dix-huit Macintosh acquis en 1985, douze l'ont été auprès de la société Galilée Informatique contre le versement d'une somme de 388.896 francs ; que, bien que ces achats aient dépassé le seuil précité, ils n'ont fait l'objet d'aucun marché et ont été réglés sur simple facture ;
Que, de même, des brochures intitulées "cahiers du C.F.P.C." ont été imprimées par la société Fricotel ; que ces travaux, dont le coût a dépassé 259.000 francs, en 1985, et 305.000 francs, en 1986, n'ont pas fait l'objet d'un marché ;
Que si un marché de travaux d'imprimerie portant le n° 85-22 a bien été conclu, le 10 septembre 1985, par le Centre avec la société LY2 pour un montant de 321.000 francs, des prestations importantes ont été exécutées par cette même société, en dehors du marché, soit avant sa conclusion, en 1985, soit, postérieurement, en 1985 et 1986 ; que le montant de ces travaux hors marché a dépassé 352.000 francs, en 1985, et 347.000 francs, en 1986 ;
Considérant qu'il appartenait à l'ordonnateur de prendre les mesures nécessaires pour éviter de passer des commandes sans marché d'un montant supérieur à celui prévu par le code des marchés publics ; que, si dans la premier cas les commandes étaient effectivement passées par les délégués régionaux, sur lesquels ni le président ni le directeur et a fortiori le secrétaire général n'avaient autorité, en revanche les commandes de travaux dans les autres cas étaient faites au niveau central par les services du siège ;
Considérant que ces violations des dispositions de l'article 321 du code des marchés publics constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses du C.F.P.C. exposant leurs auteurs aux sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur la violation de l'article 308 :
Considérant que l'article 308 qualifie de "négociés" les marchés sur lesquels les discussions sont engagées "sans formalité" et qui sont attribués librement au candidat retenu par l'autorité compétente ; que celle-ci est cependant "tenue de mettre en compétition par une consultation écrite au moins sommaire, les candidats susceptibles d'exécuter un tel marché" ; qu'il ne peut être passé de tels marchés que dans les cas limitativement prévus par le code lui-même ;
Considérant que les trois conventions conclues en 1985 avec la société ISL Service en vue de l'animation de stages de formation n'ont pas été précédées de mise en compétition ; que la connaissance qu'aurait eu le C.F.C.P. de la qualité, de la compétitivité des prix et du savoir-faire de cette entreprise ne le dispensait pas de procéder à la consultation prévue par l'article 308 ;
Considérant que de même, le contrat conclu le 22 décembre 1983, avec la société Europe Computer Service (E.C.S.) pour la location d'équipements informatiques pour une durée initiale de 48 mois, moyennant un loyer mensuel de 24.000 francs H.T., porté ensuite à 29.540 francs, n'a pas été précédé d'une mise en compétition ; que l'acceptation par cette société de clauses plus favorables que celles gui ont été accordées par IBM ne dispensait pas de cette mise en compétition ;
Considérant que ces faits constituent des violations de l'article 308 du code des marchés publics et donc des infractions aux règles d'exécution des dépenses du Centre exposant leurs auteurs aux sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur la violation de l'article 250 :
Considérant que l'article 250 du code des marchés publics prévoit à son troisième alinéa que "les marchés doivent être conclus avant tout commencement d'exécution" ;
Considérant que les premières prestations visées par le marché négocié d'un montant de 885.955,05 francs pour l'impression de sujets de concours conclu le 3 juillet 1985 avec la société ISEF étaient afférentes à des concours ayant eu lieu en mai et juin 1985 et, donc, antérieurement à la conclusion dudit marché ; que cette violation de l'article 250 du code des marchés publics constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses du C.F.P.C. exposant ses auteurs aux sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les responsabilités encourues :
Considérant que l'article R.412-73 du code des communes dispose que le "président du conseil d'administration est ordonnateur des recettes et des dépenses et passe les marchés" ; que cet article prévoit que "le président peut confier une partie de ses pouvoirs au directeur du Centre, aux délégués interdépartementaux et aux délégués des départements d'outre-mer qui agissent alors en son nom et par délégation" ;
Qu'en application de ces dispositions, M. X..., directeur du C.F.P.C., a reçu, par décision du président Z... en date du 28 novembre 1983, une très large délégation de pouvoirs, qui lui donne compétence en matière de marchés, notamment pour "signer les marchés" ; que, par décision du même jour, M. X... a accordé à M. Y..., secrétaire général du Centre, dans de nombreux domaines, subdélégation pour engager et ordonnancer les dépenses, sans qu'il soit cependant habilité à signer les marchés ; que, toutefois, dans les cas où M. Y... a signé des marchés, il agissait sur décision de M. Z... ;
Considérant que M. X... qui a certifié le service fait pour l'achat des ordinateurs Macintosh, visé certaines pièces de dépenses pour les travaux d'imprimerie exécutés par la société LY2 et signé les trois marchés concernant l'animation de stages de formation par la société ISL Service, et M. Y... qui a signé les mandats de paiement relatifs à l'achat des ordinateurs Macintosh, signé les commandes et les mandats pour l'impression des brochures intitulées "les cahiers du CFPC", visé certaines pièces de dépenses correspondant aux travaux d'imprimerie exécutés par la société LY2, et signé les marchés avec les sociétés ECS et ISEF, ont commis chacun en ce qui le concerne, les violations aux dispositions du code des marchés publics et sont ainsi passibles des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que ladite loi tendant à sanctionner les fautes de gestion à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités ne fait aucune distinction suivant que les auteurs des infractions ont agi en vertu d'une délégation ou à un autre titre, et qu'à cet égard le moyen invoqué par MM. X... et Y... selon lequel la responsabilité qu'ils auraient encourue serait exclusivement professionnelle et ne pourrait être mise en jeu que par l'autorité qui leur a donné la délégation de signature, est dépourvu de fondement ;

Considérant toutefois, qu'il doit être tenu compte, dans l'appréciation de la responsabilité de MM. X... et Y..., de l'imprécision dans la répartition des tâches au sein de l'établissement et surtout de l'existence de nombreuses instructions du président Z... qui, même si elles ne dégagent pas dans chaque cas les intéressés de leur responsabilité propre, constituent, à raison même de leur fréquence, une circonstance atténuante ;
Considérant également que, bien que la loi du 13 juillet 1971 ait institué le C.F.P.C. en un établissement unique, celui-ci fonctionnait en fait d'une manière très déconcentrée ; que les délégués régionaux, élus locaux désignés directement par le conseil d'administration du C.F.P.C., exerçaient leurs fonctions localement d'une manière autonome ; que cette orientation avait été confirmée par les dispositions de la loi du 12 juillet 1984 qui avait transformé ces délégations régionales en vingt-sept établissements autonomes ; que, bien que les lois 85-1221 du 22 novembre 1985 et 86-972 du 19 août 1986 aient suspendu l'application de cette réforme, ce n'est qu'en 1987, avec la suppression du C.F.P.C. et son remplacement par le Centre national de la fonction publique territoriale (C.N.F.P.T.), par la loi 87-529 du 13 juillet 1987, qu'il est apparu que la nouvelle organisation déconcentrée ne serait jamais mise en place ; que, pendant cette période transitoire, ni le président ni les responsables administratifs du centre n'avaient de véritables moyens d'action sur les délégations départementales et régionales ; que, dans cette situation d'instabilité institutionnelle qui a duré quatre années, leur qualité d'agents territoriaux ne laissait au directeur et au secrétaire général que peu de pouvoir vis-à-vis d'élus locaux ; que l'ensemble de ces faits sont de nature à atténuer très largement la responsabilité de MM. X... et Y... ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en infligeant à MM. X... et Y... une amende de 5.000 F. chacun ;
Condamnation de M. X... et de M. Y... à une amende de 5.000 F chacun ; publication de l'arrêt au Journal officiel.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609459
Date de la décision : 22/01/1992
Sens de l'arrêt : Condamnation amendes
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'un établissement public intercommunal à statut particulier - Infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'organisme.

18-01-05-01 Achats de fournitures sans passation d'un marché pubic. Passation de marchés négociés sans consultation préalable de fournisseurs. Passation de marchés après exécution des prestations. Responsabilité du directeur et du secrétaire général. Circonstances atténuantes dues aux instructions données par le président de l'organisme non poursuivi car décédé : condamnation à des amendes de 5.000 F.


Références :

Code des communes R412-73, R412-84
Code des marchés publics 321, 308, 250
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 1, art. 2, art. 5, art. 6 bis, art. 29
Loi 67-413 du 22 juin 1967 Loi 88-828 1988-07-20 art. 29, art. 30
Loi 72-658 du 13 juillet 1972
Loi 84-594 du 12 juillet 1984
Loi 85-1221 du 22 novembre 1985
Loi 86-972 du 19 août 1986
Loi 87-529 du 13 juillet 1987


Composition du Tribunal
Président : M. Arpaillange
Rapporteur ?: M. Bernicot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1992:CETATEXT000007609459
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