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10/05/1989 | FRANCE | N°CETATEXT000007609642

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 10 mai 1989, CETATEXT000007609642


Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités, et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision en date des 18 décembre 1985 et 29 janvier 1986, notifiée le 25 juillet 1986 et enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatéees dans la gestion du Centre de Vanves du Centre national d'enseignement par correspondance (CNEC) dénom

mé depuis 1986 Centre national d'enseignement à distance (CNED) ;

Sur...

Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée, tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités, et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision en date des 18 décembre 1985 et 29 janvier 1986, notifiée le 25 juillet 1986 et enregistrée au Parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatéees dans la gestion du Centre de Vanves du Centre national d'enseignement par correspondance (CNEC) dénommé depuis 1986 Centre national d'enseignement à distance (CNED) ;

Sur le fond :
Considérant que Mme Y..., alors maître de conférences à l'Université de Reims, avait été mise à la disposition du Centre de téléenseignement de Vanves en 1970 par lettre du président de l'Université au directeur du Centre, décision reconduite par des échanges de lettres successifs ; qu'elle a continué à percevoir son traitement principal de maître de conférences puis de professeur d'université du rectorat de Reims jusqu'à son départ à la retraite en 1986 alors qu'elle n'exerçait plus aucune fonction à l'Université de Reims ; qu'elle a perçu simultanément du centre de Vanves des vacations importantes censées rémunérer des rédactions de manuscrits et des heures de stages sur la base de l'heure supplémentaire d'enseignement supérieur ;
Considérant que l'instruction ouverte pour la période non couverte par la prescription, s'étendant à compter du 25 juillet 1981, a permis de relever diverses irrégularités relatives à l'application de la réglementation des cumuls de rémunérations publiques d'une part, des règles de la comptabilité publique sur la liquidation et l'ordonnancement des dépenses d'autre part ;

En ce qui concerne l'infraction à la réglementation des cumuls de rémunérations publiques :
Considérant que Mme Y..., qui n'a cessé d'être rémunérée à titre principal par le rectorat de Reims jusqu'à son départ à la retraite en 1986, a perçu simultanément du centre de Vanves des vacations qui ont largement excédé, pour la période non couverte par la prescription, son traitement principal ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 58-430 du 11 avril 1958 fixant les conditions d'application de l'article 12 du décret du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions, modifié par le décret n° 55-957 du 11 juillet 1955, lorsqu'un organisme public est amené à verser une rémunération, quelle qu'en soit la nature, à un agent déjà rémunéré à titre principal ou exclusif par un autre organisme, il doit notifier à ce dernier la nature et le montant de la rémunération versée, l'organisme qui reçoit la notification ouvrant au nom de l'agent intéressé un compte individuel de cumul ; que l'article 5 dudit décret de 1958 dispose que si l'ensemble des rémunérations versées à un même agent dépasse le double du montant de son traitement principal net, les sommes perçues en dépassement doivent être reversées à l'organisme ayant servi la rémunération principale ;

Considérant que le centre de Vanves n'a pas notifié au rectorat de Reims les rémunérations versées à Mme Y..., empêchant le rectorat de tenir le compte de cumul et de réclamer le reversement des sommes perçues par l'intéressée en dépassement de la limite du cumul ;
Que les rémunérations versées à Mme Y... par le centre de Vanves ont dépassé la limite du cumul ; qu'au cours des années civiles non couvertes par la prescription, les rémunérations reçues par Mme Y... en dépassement de cette limite ont été de 111.845 F en 1982, 119.740 F en 1983, 163.671 F en 1984 et 9.434 F en 1985 ; que certes des redressements ont été effectués mais qu'ils ne sont intervenus qu'après le contrôle de la Cour des comptes et sur intervention du Procureur général de la République auprès du recteur de l'académie de Reims par lettre du 31 mai 1985 et qu'ils n'ont porté que sur les excédents par rapport à la limite du cumul correspondant aux années 1984 et 1985 mais que les excédents correspondant aux années 1982 et 1983, soit 231.585 F, n'ont pas été reversés ;
Considérant que ces irrégularités constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses du CNEC, et qu'elles ont procuré à Mme Y... un avantage injustifié entraînant un préjudice pour l'Etat qui lui versait sa rémunération principale ; qu'elles tombent donc sous le coup des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

En ce qui concerne les infractions aux règles de la comptabilité publique sur la liquidation et l'ordonnancement des dépenses :
Considérant que le règlement général sur la comptabilité publique du 29 décembre 1962 dispose que les ordonnateurs, principaux ou secondaires, constatent les droits des organismes publics, engagent et liquident les dépenses ; qu'ils sont responsables des certifications qu'ils délivrent et peuvent déléguer leurs pouvoirs (articles 5, 6 et 7) ; que la liquidation d'une dépense par un ordonnateur a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d'arrêter le montant de la dépense et qu'elle est faite au vu des titres établissant les droits acquis aux créanciers (article 30), en particulier au vu des pièces justifiant le service fait ;
Considérant que Mme Y... a reçu du centre de Vanves des vacations dont le nombre a atteint un chiffre très élevé, 2.227 heures notamment en 1984, soit plus de 40 heures par semaine, qui s'ajoutaient à son traitement principal payé par le Rectorat de Reims ;
Considérant que, pour justifier ces règlements, Mme Y... a fait valoir qu'elle avait continué à assurer la préparation des agrégations scientifiques, tâche qui lui était dévolue à l'origine, alors qu'elle avait été chargée de nouvelles fonctions à la suite du départ d'autres collaborateurs du centre et avait été finalement nommée directrice pédagogique des enseignements supérieurs ; que M. X... a indiqué, de son côté, qu'il avait estimé que la charge professionnelle de Mme Y... avait progressivement doublé au fur et à mesure que les autres membres de la direction pédagogique quittaient le centre sans être remplacés ;

Considérant que les rémunérations versées à Mme Y... par le centre de Vanves l'étaient sur la base de relevés trimestriels d'heures supplémentaires censés correspondre d'une part à la rédaction de manuscrits et d'autre part à l'animation des stages, ces relevés étant signés et certifiés exacts par Mme Y... et servant de base à l'établissement des états de liquidation joints aux mandats de paiement ; qu'il est manifeste que les travaux supplémentaires qu'a pu exécuter Mme Y... pour l'encadrement de la coordination pédagogique ne correspondent pas, pour une grande partie au moins, à l'objet indiqué sur les relevés ;
Considérant qu'au surplus, en raison de leur nombre, ces vacations ne pouvaient correspondre en totalité à une tâche supplémentaire, mais bien à l'activité principale exercée à plein temps par l'intéressée et rémunérée par le traitement maintenu à Mme Y... par le Rectorat de Reims ; qu'ainsi les vacations faisaient, au moins en partie, double emploi avec le traitement ;

Considérant enfin que Mme Y... a déclaré que les vacations qui lui avaient été versées entre 1982 et 1984 étaient dues en partie à des missions, parfois de longue durée, accomplies à l'étranger ; que ces missions n'ont pas fait l'objet des autorisations et formalités requises par les décrets du 21 mai 1953, du 10 août 1966 et du 21 avril 1981 et par l'instruction du 21 août 1969 de la direction de la comptabilité publique ; qu'elles n'ont pas donné lieu à la production des pièces justificatives prévues par la nomenclature annexée à l'instruction M9-1 sur la réglementation comptable des établissements publics nationaux à caractère administratif (état des frais de déplacement, titre de transport, ordre de mission établi par l'ordonnateur) et qu'elles ont été exécutées sans autorisation expresse du directeur du centre de Vanves et de l'administrateur délégué du CNEC ;
Considérant que ces irrégularités, relatives à la liquidation et à l'ordonnancement des vacations, constituent des infractions aux règles d'exécution des dépenses du CNEC et qu'elles ont procuré à Mme Y... un avantage injustifié entraînant un préjudice pour cet établissement public ; qu'elles tombent donc sous le coup des dispositions des articles 5 et 6 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;

Sur les responsabilités encourues :
En ce qui concerne M. X... :
Considérant que M. X..., inspecteur d'académie, directeur du centre de Vanves d'octobre 1971 à août 1986, était l'ordonnateur des rémunérations versées à Mme Y..., ; qu'à la suite de la création du centre national d'enseignement par correspondance, par décret n° 79-1228 du 31 décembre 1979, il avait la qualité d'ordonnateur secondaire et qu'il avait reçu de l'administrateur délégué du Centre, le 3 juin 1980, délégation de signature pour tous les actes de gestion concernant les personnels occasionnels, catégorie à laquelle Mme Y... se rattachait ;
Considérant que c'est donc à M. X... qu'incombait, en application de la réglementation sur les cumuls, la charge de notifier le versement de ces rémunérations complémentaires au recteur de l'académie de Reims, ordonnateur du traitement principal de ce professeur, ce qui aurait permis à celui-ci de réclamer le reversement par l'intéressée des sommes dépassant la limite du cumul ;
Que M. X... connaissait depuis son entrée en fonctions la situation administrative de Mme Y... pour avoir demandé au ministre, en 1972, confirmation de la mise à disposition de l'intéressée par l'Université de Reims ;
Que son attention avait été attirée à plusieurs reprises en 1978 et 1979, par le comptable du centre de Vanves, sur l'importance des vacations versées à Mme Y..., qui pouvait laisser penser que la limite du cumul était dépassée, sur la nécessité de procéder aux notifications requises par la réglementation sur les cumuls et sur la responsabilité qui lui incombait en tant que directeur de l'établissement ;
Qu'il lui appartenait de pallier les carences constatées dans la gestion des services placés sous son autorité et en particulier de prendre les mesures nécessaires pour que les notifications destinées à la tenue des comptes de cumuls soient faites, alors même que le service d'intendance chargé de la gestion du personnel enseignant avait cessé en 1974 d'établir les déclarations de cumul en alléguant un excès de travail ;
Qu'ainsi M. X... a, en toute connaissance de cause, autorisé le versement jusqu'en 1985 à ce professeur de vacations excédant la limite du cumul et s'est abstenu de procéder aux notifications réglementaires, ce qui a permis aux versements irréguliers de se poursuivre ;

Considérant en deuxième lieu qu'en sa qualité d'ordonnateur, M. X... devait vérifier l'existence des droits de Mme Y..., déterminer ou vérifier le montant de la dette du centre de Vanves à son égard, vérifier ses conditions d'exigibilité et s'assurer que cette dette n'avait pas été éteinte en totalité ou en partie par un autre paiement ;
Qu'en autorisant le paiement de vacations qui, en partie au moins, ne correspondaient pas à un service fait, en liquidant ces dépenses sur la base des relevés d'heures supplémentaires établis par Mme Y... sans les contrôler, en ne tenant pas suffisamment compte enfin de la rémunération principale versée par le rectorat de Reims à ce professeur mis à la disposition du centre qu'il dirigeait, M. X... a enfreint les règles qui s'imposaient à lui ;
Considérant qu'à plusieurs reprises, en 1978 et 1979, le comptable de l'établissement avait attiré l'attention de M. X... sur les anomalies relatives aux vacations de Mme Y..., en lui demandant de justifier le montant des heures supplémentaires et de la réalité du service fait ; que par ailleurs un problème similaire rencontré au centre de Lille avait conduit l'administrateur délégué de CNEC, lors d'une réunion du 21 octobre 1982, à donner à ce sujet des instructions de caractère général aux directeurs des centres ;
Considérant que M. X... a donc engagé sa responsabilité au titre de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, en raison de l'inapplication de la réglementation tant sur le cumul de rémunérations publiques que sur la liquidation et l'ordonnancement des vacations de Mme Y..., et au titre de l'article 6 de ladite loi en raison des avantages procurés à cette dernière ;
Considérant toutefois que l'insuffisance de personnel et notamment l'absence auprès de lui d'un véritable responsable des services administratifs, ainsi que les défaillances dans les contrôles internes sont des circonstances de nature à atténuer la responsabilité de M. X... ; qu'en outre celui-ci n'a pas tiré d'avantage financier personnel des irrégularités qu'il a commises ;

En ce qui concerne Mme Y... :
Considérant que Mme Y..., en raison des fonctions de directeur pédagogique des enseignements supérieurs qu'elle exerçait, avait à certifier l'exactitude des relevés de vacations établis par les membres du corps enseignant, et préparait ainsi la liquidation de ces rémunérations ;
Considérant qu'en certifiant les relevés de vacations qu'elle avait établis pour son propre compte et qui, pour partie, ne correspondaient pas à un service fait, Mme Y... a concouru à l'irrégularité commise dans la liquidation de l'ordonnancement des sommes qui lui ont été versées par le centre de Vanves ;
Considérant que les infractions aux règles de la comptabilité publique applicables aux dépenses du CNEC qu'elle a commises, même si elles ont été rendues possibles par l'absence de contrôle de la part de M. X..., tombent sous le coup des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Que l'intéressée a perçu au cours des années non prescrites un total de rémunération nette supérieur à deux fois son traitement principal de professeur d'université de 2ème classe qui correspondait en 1984 à l'échelle - lettre A 3 ; qu'en fait elle a perçu 477.617 F en 1982, 511.678 F en 1983, 582.791 F en 1984 et 443.028 F en 1985, année au cours de laquelle le contrôle de la Cour des comptes a été effectué, lesdites sommes correspondant à son traitement principal net pour 182.886 F en 1982, 195.969 F en 1983, 209.560 F en 1984 et 216.797 F en 1985 et aux vacations du Centre de Vanves pour le surplus ; que les reversements effectués par Mme Y... à la suite du contrôle de la Cour des comptes n'ont porté que sur les excédents de rémunération par rapport à la limite du cumul et n'ont concerné que les années 1984 et 1985 ;
Qu'ainsi Mme Y..., même en tenant compte des reversements qu'elle a été contrainte d'effectuer en 1986, a tiré un avantage financier personnel très important des irrégularités commises par M. X... et par elle-même ;

Considérant qu'il y a lieu de tenir compte d'une manière générale du développement des préparations aux agrégations organisées par le Centre de Vanves et des résultats qui y ont été obtenus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant à M. X... une amende de 25.000 F et à Mme Y... une amende de 20.000 F ;
Article 1er : M. X... est condamné à une amende de vingt cinq mille francs (25.000 F).
Article 2 : Mme Y... est condamnée à une amende de vingt mille francs (20.000 F).
Article 3 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de l a République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609642
Date de la décision : 10/05/1989
Sens de l'arrêt : Amendes
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-05-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES ORDONNATEURS - COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE -Gestion d'un établissement public de l'Etat - Infractions aux règles d'exécution des dépenses de l'établissement public - Avantages injustifiés procurés à autrui.

18-01-05-01 Versement par un établissement public à un professeur d'université payé par l'Etat de rémunérations complémentaires dépassant les limites du cumul. Relevés d'heures supplémentaires erronés certifiés exacts par le professeur lui-même. Missions effectuées sans autorisation et remboursement irrégulier des frais y afférents. Responsabilité du directeur de l'établissement et du professeur, circonstances atténuantes : condamnation à des amendes de 25.000 F et 20.000 F.


Références :

Décret du 29 octobre 1936 art. 12
Décret 53-511 du 21 mai 1953
Décret 55-957 du 11 juillet 1955
Décret 58-430 du 11 avril 1958 art. 2, art. 5
Décret 66-619 du 10 août 1966
Décret 79-1228 du 31 décembre 1979
Décret 81-383 du 21 avril 1981
Instruction du 21 août 1969 direction de la comptabilité publique
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 5, art. 6


Composition du Tribunal
Président : M. Chandernagor
Rapporteur ?: Mme Lamarque

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1989:CETATEXT000007609642
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