Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités, et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision en date du 30 janvier 1986 enregistrée au Parquet le 10 mars 1986 par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de l'Institut national de la consommation (INC) à l'occasion de la conclusion de divers marchés ;
Considérant qu'à l'époque des faits M. X... était directeur de l'Institut national de la Consommation, établissement public national à caractère administratif créé par l'article 22 de la loi n° 66-948 du 22 décembre 1966 et soumis au contrôle de la Cour des comptes en application de l'article 1er de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 ; qu'en conséquence, aux termes de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée M. X... est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant qu'à l'occasion de la passation et de l'exécution de trois marchés conclus respectivement avec les sociétés Sirca, INF 14 et Claude Y... - Communication, M. X... qui était la personne responsable des marchés au sens des dispositions du Code des marchés publics a enfreint certaines règles relatives à l'exécution des dépenses de l'I.N.C. ;
Au fond :
En ce qui concerne le marché conclu avec la société Sirca :
Considérant qu'en vue du recrutement de six agents l'Institut national de la consommation a passé le 13 août 1985 le marché n° 23-1985 avec la société Sirca qui s'engageait à rechercher et à sélectionner des candidats éventuels ; que cette convention était évaluée à un montant minimum de 180.000 francs TTC et à un montant maximum de 300.000 francs TTC et qu'elle était conclue pour une durée d'un an allant du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1985 ;
Que pour conclure ce marché sous la forme de marché négocié l'I.N.C. a fait référence à l'article 104 alinéa 2 du code des marchés publics invoquant ainsi un "savoir-faire" exclusif du contractant qui excluait le recours à d'autres entreprises ;
Que cependant la consultation des cabinets de recrutement Key Men, Russel Reynolds, PA et Mercuri-Urval permet d'établir qu'il existait d'autres sociétés de services capables de fournir les prestations en cause et que la référence à l'article 104 alinéa 2 du Code n'était donc pas fondée ;
Considérant qu'une telle consultation de caractère informel ne saurait tenir lieu des procédures fixées par le code des marchés publics pour les appels d'offres ;
Qu'au surplus la première note d'honoraires de la Sirca, concernant le recrutement de quatre attachés d'études, datée du 21 décembre 1984 a été établie antérieurement à l'offre du bureau PA du 11 février 1985 et à la note détaillée de Mercuri-Urval du 12 février 1985 ; qu'en ce qui concerne le recrutement du journaliste, la première note d'honoraires de la Sirca porte la date du 28 janvier 1985 alors que la note détaillée précitée de Mercuri-Urval est du 12 février 1985 ; qu'en revanche pour le recrutement du directeur de rédaction l'offre de Russel Z... est du 30 mai 1984 et donc antérieure aux contacts pris avec Sirca ;
Qu'il apparaît ainsi que les dispositions du Code des marchés publics relatives à la concurrence n'ont pas été respectées et que les consultations des différents cabinets ont, sauf dans un cas, été postérieures au choix effectif de la société Sirca ;
Que ces violations du Code des marchés publics constituent une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'I.N.C. au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que les notes d'honoraires présentées par la société Sirca sont antérieures au marché précité qui revêt ainsi le caractère d'un marché de régularisation conclu postérieurement à son exécution par le prestataire de services ;
Que cette violation de l'article 39 du Code des marchés publics constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'I.N.C. au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que l'engagement des opérations est intervenu en l'absence de visa du chef de service du contrôle des dépenses engagées qui n'a été donné que le 30 juillet 1985 ;
Qu'il y a de ce fait infraction aux règles définies par l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que l'article 168 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique prévoit que "les engagements de dépenses des établissements publics nationaux sont limités soit au montant des crédits, soit au montant des autorisations de programmes inscrits au budget" ; qu'en conséquence une dépense ne peut être engagée par l'ordonnateur de l'INC que s'il existe au chapitre concerné des crédits suffisants pour couvrir la dépense ; que l'article 29 du décret précité du 29 décembre 1962 définit l'engagement d'une dépense comme "l'acte par lequel un organisme public crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle il résultera une charge" ;
Qu'il ressort de l'instruction que les crédits du chapitre 622-81 sur lequel devaient s'imputer les dépenses correspondant au contrat conclu avec la Sirca ne présentaient au 31 juillet 1985 de disponibilités qu'à hauteur de 11.205 francs ; qu'en conséquence le visa apposé sur l'état récapitulatif des honoraires et l'émission du mandat destiné au règlement de ces derniers sont intervenus alors que les crédits disponibles ne permettaient pas de faire face à la dépense en cause qui s'élevait à 259.739,93 francs ;
Que cet engagement a donc été effectué en infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'INC au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne le marché conclu avec la société INF 14 :
Considérant que l'Institut a passé le 29 juin 1984 un marché n° 20-1984 avec la société INF 14 en vue de réaliser une campagne publicitaire ; que le montant du contrat conclu pour une durée d'un an, de janvier à décembre 1984, était évalué à un montant minimum de 2.200.000 F TTC et à un montant maximum de 2.800.000 F TTC ;
Considérant que l'Institut a recouru à la procédure du marché négocié en application de l'article 104 alinéa 2 alors que l'absence de mise en concurrence s'explique en réalité par la satisfaction qu'avaient donnée les prestations de même nature fournies l'année précédente par le contractant ;
Considérant que les factures présentées à l'appui d'un mandat de 2.321.991,15 F émis le 25 mai 1984 ont fait ressortir que les prestations correspondantes ont été fournies avant la conclusion du marché ;
Qu'il apparaît ainsi que les dispositions du Code des marchés publics tant en ce qui concerne la mise en concurrence préalable que la conclusion avant tout début d'exécution (art. 39), ont été enfreintes et que cette contravention constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'INC au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que l'exécution et par conséquent l'engagement des opérations sont intervenus avant le visa du chef du service du contrôle des dépenses engagées qui n'a été donné que le 27 juin 1984 et qu'ainsi M. X... n'a pas respecté les règles applicables en matière de contrôle financier au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
En ce qui concerne le marché conclu avec la société Claude Marti-Communication :
Considérant que l'INC a passé le 1er octobre 1985 un marché n° 24-1985 avec la société Claude Y... - communication aux termes duquel le contractant s'engageait à réaliser une campagne de publicité pour la revue "50 millions de consommateurs" publiée par l'Institut ; que ce contrat d'un montant maximum de 2.893.179,04 F TTC était conclu pour une durée d'un an allant du 1er juillet 1985 au 30 juin 1986 ;
Considérant que pour recourir à la formule du marché négocié l'INC s'est fondé à tort sur l'article 104 al. 2 du code des marchés publics alors que l'existence même d'une consultation de six agences prouve que l'article précité en ce qu'il vise les marchés dont l'exécution ne peut être réalisée que par un entrepreneur ou un fournisseur déterminé ne trouve pas en l'espèce matière à application ;
Que l'inobservation des règles de mise en concurrence préalable définies par le Code constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'INC au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que le contrat a été conclu postérieurement au début d'exécution des prestations comme l'atteste un mandat d'un montant de 59.300 F émis le 30 octobre 1985 pour régler des prestations remontant à juillet et août de la même année ;
Que cette violation de l'article 39 du Code constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'Institut au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que le visa du contrôle financier n'a été donné que le 27 septembre 1985, après engagement des opérations, ce qui constitue une infraction au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les responsabilités :
Considérant que si les infractions commises par M. X... dans la conclusion et l'exécution des marchés précités engagent sa responsabilité sur la base des articles 2 et 5 de la loi modifiée du 25 septembre 1948, cette responsabilité se trouve atténuée pour divers motifs ;
Que les infractions relevées trouvent en partie leur origine dans une relative inadaptation du statut de l'INC à certaines activités de nature commerciale telles que la publication d'une revue ;
Que l'urgence du recrutement d'un personnel qualifié a pu conduire M. X... à recourir aux services d'un cabinet de recrutement dont il connaissait l'efficacité et dont les prestations ont donné toute satisfaction ;
Qu'une exigence de discrétion a été invoquée pour justifier l'absence d'appel d'offres dans le cas des marchés relatifs à la réalisation des actions promotionnelles et que le contrôleur des dépenses engagées ne s'était pas formellement opposé à la passation dans ce domaine de marchés négociés ;
Que la pratique par l'Institut de marchés de régularisation ne paraît guère avoir suscité d'observations de la part des autorités de tutelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire infligeant à M. X... une amende de 5000 F ;
Article unique - M. Laurent X... est condamné à une amende de cinq mille francs (5.000 F).