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16/06/1987 | FRANCE | N°CETATEXT000007609226

France | France, Cour de discipline budgétaire et financière, 16 juin 1987, CETATEXT000007609226


Vu la décision du 8 juillet 1982, transmise au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 17 août suivant, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités ayant affecté la gestion de la Société d'économie mixte d'urbanisation, d'aménagement, d'équipement et de construction de la ville de Jeumont et de l'arrondissement d'Avesnes S.E.M.V.I.J.A. ;
Sur la compétence de la Cour ; Considérant que la Cour des comptes étant compétente, en application de l'article 6 bis B de la loi du 22 juin 1967 mo

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Vu la décision du 8 juillet 1982, transmise au Parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 17 août suivant, par laquelle la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités ayant affecté la gestion de la Société d'économie mixte d'urbanisation, d'aménagement, d'équipement et de construction de la ville de Jeumont et de l'arrondissement d'Avesnes S.E.M.V.I.J.A. ;
Sur la compétence de la Cour ; Considérant que la Cour des comptes étant compétente, en application de l'article 6 bis B de la loi du 22 juin 1967 modifiée pour exercer le contrôle des comptes et de la gestion de la S.E.M.V.I.J.A., société anonyme dont les collectivités locales détenaient plus de la moitié du capital, les représentants, administrateurs ou agents de cette société sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ; que M. LEBAS, président directeur général de ladite société, est justiciable de ladite Cour, nonobstant son mandat, à l'époque des faits, de maire de Jeumont Nord , dont ses fonctions à la tête de la S.E.M.V.I.J.A. n'étaient pas l'accessoire obligé ;
Au fond ; Considérant que la S.E.M.V.I.J.A., constituée le 17 octobre 1977, a été créée en vue d'aménager à Jeumont la zone dénommée "Porte de France" ; qu'après avoir acquis une partie des terrains de la zone et fait exécuter divers travaux, elle a été mise en liquidation de biens par décision judiciaire du 9 décembre 1980 ; Considérant que son fonctionnement a été affecté par de nombreuses irrégularités ;
En ce qui concerne l'engagement de l'opération d'aménagement de la Porte de France ; Considérant que, si une convention de concession a été signée le 17 octobre 1977 entre la ville de Jeumont et la société, elle n'a été rendue exécutoire par le préfet du Nord, en vertu de l'article R. 321-14 du code de l'urbanisme, que le 15 février 1979, sous diverses réserves ; que cette approbation était légalement nécessaire selon les dispositions de l'article 121-38-6° du code des communes, alors en vigueur, le cahier des charges de la concession n'étant pas conforme au cahier des charges-type approuvé par le décret du 1er juin 1960 modifié le 18 février 1977 ; Considérant que l'opération a été cependant engagée dès 1977 ; qu'ainsi les engagements et règlements financiers souscrits ou opérés avant le 15 février 1979, qui ne concernaient pas l'exécution d'une concession juridiquement en vigueur, l'ont été en méconnaissance des statuts et qu'ils constituent dès lors une infraction aux règles d'exécution des recettes et des dépenses de la société, au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;
En ce qui concerne l'objet de l'activité de la société ; Considérant que l'approbation de l'autorité de tutelle mentionnée ci-dessus était assortie d'une réserve excluant de la concession toute opération de construction immobilière ; que c'est seulement le 18 octobre 1979 que ladite autorité a approuvé une convention du 6 juillet 1979 entre la ville de Jeumont et la S.E.M.V.I.J.A. confiant à cette dernière la réalisation d'un programme de construction dans la zone de la Porte de France ; qu'en conséquence les actes impliquant une activité de constructeur ne sont conformes aux statuts de la société qu'à partir du 18 octobre 1979 ;
Considérant que plusieurs actes antérieurs à cette date constituent l'exercice non seulement d'une activité d'aménagement mais aussi de construction ; qu'il en est ainsi de la convention conclue le 18 octobre 1977 avec la société S.E.C.I.M.-Atlantique confiant à cette dernière un mandat de gestion de la S.E.M.V.I.J.V.A. pour l'exécution du programme de la Porte de France, de la convention générale et des conventions particulières conclues respectivement le 17 octobre 1977 et le 13 décembre 1978 avec deux architectes et un bureau d'études, et des règlements d'honoraires effectués à la suite de ces conventions, qui incluaient les rémunérations dues pour une mission complète de construction ; Considérant que ces actes, accomplis en méconnaissance des statuts, constituent une infraction aux règles d'exécution des dépenses de la société, au sens de l'article 5 de la loi susvisée du 25 septembre 1948 ;
En ce qui concerne les pouvoirs des organes sociaux ; Considérant par ailleurs qu'il ressort tant du procès-verbal de la séance du 17 octobre 1977 du conseil d'administration de la S.E.M.V.I.J.A. que des affirmations de plusieurs témoins ayant assisté à cette séance que le conseil n'a pas délibéré sur les conventions précitées conclues les 17 et 18 octobre 1977 avec la société SECIM-ATLANTIQUE d'une part, les architectes et le bureau d'études d'autre part, ainsi que sur le traité de concession avec la ville de Jeumont ; Considérant qu'aux termes de l'article 21 des statuts, ledit conseil doit être appelé à statuer sur "tous traités, marchés, soumissions, adjudications entrant dans l'objet de la société" ; qu'il suit de là que la signature des conventions précitées, qui comportaient des engagements financiers, constitue une infraction aux règles d'exécution des recettes et des dépenses, au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;
En ce qui concerne le règlement de certaines dépenses de la société ; Considérant que la convention précitée conclue le 17 octobre 1977 avec deux architectes et un bureau d'études ne fixait pas les modalités de rémunération de cette équipe de concepteurs ; que ces modalités n'ont été déterminées que par un ensemble de marchés en date du 13 décembre 1978 ; que cependant des versements forfaitaires ont été effectués au profit des concepteurs de décembre 1977 à mars 1979 conformément, jusqu'en juin 1978, à un échéancier proposé par ceux-ci en annexe d'une lettre du 5 décembre 1977 ; Considérant qu'aux termes de l'article 10 du cahier des charges de la concession, "les marchés passés par le concessionnaire sont soumis à la réglementation applicable à la rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé" ; que cette réglementation est notamment contenue dans le décret du 28 février 1973 et ses textes d'application ; que l'article 10 de la directive d'application dudit décret prévoit que les acomptes mensuels sont calculés en fonction des prestations effectuées ; Considérant que les paiements d'acomptes forfaitaires calculés sans référence aux prestations fournies méconnaissent ces dispositions qui s'imposaient aux dirigeants de la S.E.M.V.I.J.A. dès lors que ses statuts prévoyaient que ses opérations devaient être exécutées "en conformité des traités de concession" ; que lesdits paiements constituent en conséquence une infraction aux règles d'exécution des dépenses au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;
Considérant que des règlements ont été effectués à une société pour rémunérer des travaux ou services qui, pour tout ou partie, n'ont pas été exécutés ; qu'ainsi, un règlement de 60.000 F a été effectué pour la rémunération de l'établissement d'un "livre blanc" sur l'arrondissement d'Avesnes, qui n'a pas été mené à terme ; une somme de 341.000 F a été versée en règlement d'un "spectacle audiovisuel" qui n'a pas été livré ; un règlement de 611.640 F a été effectué pour la fourniture de 20.000 exemplaires d'une brochure sur l'aménagement de la Porte de France alors que la livraison n'est attestée qu'à concurrence de 980 exemplaires ; Considérant que ces règlements qui, pour le montant correspondant aux fournitures ou services qui n'ont pas été exécutés, doivent être regardés comme des libéralités au bénéfice de ladite société, n'entrent pas dans l'objet statutaire de la S.E.M.V.I.J.A. ; qu'ils sont intervenus dès lors en infraction aux règles d'exécution des dépenses, au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ; qu'en outre, ayant procuré au fournisseur un avantage injustifié au détriment de la S.E.M.V.I.J.A., ils constituent l'infraction définie par l'article 6 de ladite loi ;
En ce qui concerne les documents financiers et les états comptables ; Considérant que le cahier des charges de la concession imposait la production au concédant et à l'autorité de tutelle d'états prévisionnels, de budgets prévisionnels et de plans de trésorerie annuels ; Considérant que la S.E.M.V.I.J.A. a établi seulement un bilan prévisionnel des recettes et des dépenses d'aménagement de la zone concédée ; que ce document n'a au surplus été transmis au préfet du département du Nord que le 24 novembre 1978, alors que l'activité de la société avait commencé depuis plus d'un an et qu'elle avait contracté d'importants engagements ; Considérant en premier lieu que les lacunes constatées dans l'établissement et la production des documents financiers mentionnés ci-dessus, en méconnaissance du traité de concession et par conséquent des statuts de la société, constituent une infraction aux règles d'exécution de ses recettes et de ses dépenses, au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;
Considérant, en second lieu, que le compte d'exploitation générale de l'exercice 1978-1979 n'a été présenté en équilibre que grâce à l'inscription d'un produit de 602.272,47 F, qui a pour contrepartie au bilan des créances alléguées sur la société SECIM-ATLANTIQUE, mandataire pour l'opération de la Porte de France, supposées correspondre à la part de la rémunération de la S.E.M.V.I.J.A. qui n'était pas acquise audit mandataire ; mais considérant que les conventions conclues avec S.E.C.I.M.-Atlantique, qui fixaient à 5 % du montant des dépenses la rémunération de cette dernière, alors que le traité de concession n'assurait à la S.E.M.V.I.J.A. qu'une rémunération équivalant à 3,5 % de la demi-somme des recettes et des dépenses, avaient pour conséquence, non seulement de ne laisser à celle-ci aucune part de la rémunération stipulée par la concession, mais de lui imposer une charge nette ; qu'en conséquence les prétendues créances mentionnées ci-dessus étaient dénuées de toute réalité ; Considérant que le même bilan incluait dans la valeur des immobilisations en cours la rémunération de SECIM-Atlantique, qui ne constituait pas un élément du coût de ces immobilisations, mais une charge d'exploitation ; que la valeur comptable des immobilisations a été ainsi indûment majorée ; Considérant que l'inscription à l'actif de valeurs fictives a altéré la sincérité des états comptables et faussé l'appréciation qu'ils permettaient de porter sur la situation de la S.E.M.V.I.J.A. ; Considérant que la présentation de ces états constitue une infraction aux règles d'exécution des recettes et des dépenses, au sens de l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 susvisée ;
Sur les responsabilités ; Considérant qu'en application de l'article 22 des statuts, M. LEBAS, président-directeur général assumait, sous sa responsabilité, la direction générale de la société ; que, détenteur de tous les pouvoirs de gestion il est appelé à répondre de l'ensemble des actes constituant cette gestion ; que, si le détail des opérations administratives et financières a été confié à un mandataire, il lui incombait d'exercer sur ce dernier une surveillance rigoureuse ; Considérant que si le sous-préfet d'Avesnes n'a pas exercé avec suffisamment de vigilance ses fonctions de Commissaire du Gouvernement près la S.E.M.V.I.J.A. et si notamment, il n'a à aucun moment relevé les irrégularités commises ni adressé aucune mise en garde aux organes statutaires de la société, ses carences ne sont pas de nature à exonérer M. LEBAS de sa responsabilité, mais constituent seulement une circonstance atténuante ; Considérant qu'il en est de même de la certification des comptes et bilans par les commissaires aux comptes, notamment l'inspecteur du Trésor désigné à cette fonction par le Trésorier payeur général du Nord, lequel a, au demeurant, adressé à diverses reprises au président-directeur général des observations et formulé des réserves sur certaines des irrégularités constatées ; Considérant que les irrégularités exposées ci-dessus ont contribué à l'échec de l'opération confiée à la S.E.M.V.I.J.A. et aux lourdes pertes que la liquidation de cette société a entraîné pour la ville de Jeumont, qui avait contracté ou garanti les emprunts destinés au financement de l'aménagement ; Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces circonstances en infligeant à M. LEBAS une amende de 50.000 francs ;
ARRETE : Article 1er - M. LEBAS est condamné à une amende de cinquante mille francs 50.000 F . Article 2 - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro d'arrêt : CETATEXT000007609226
Date de la décision : 16/06/1987
Sens de l'arrêt : Condamnation amende
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES -Cour de discipline budgétaire et financière - Compétence - Gestion d'une société d'économie mixte - Infractions aux règles d'exécution des recettes et des dépenses de l'organisme - Avantages injustifiés procurés à autrui.

18-01 Irrégularités dans l'engagement d'une opération d'aménagement concédée par une commune à une société d'économie mixte. Rémunération des maîtres d'oeuvre non conforme aux conventions. Dépenses payées sans service fait. Documents financiers et états comptables non sincères. Responsabilité du président-directeur général de la société : condamnation à une amende de 50.000 F.


Références :

Code de l'urbanisme R321-14
Code des communes 121-38 6°
Décret 60-554 du 01 juin 1960
Décret 73-207 du 28 février 1973
Loi 48-1484 du 25 septembre 1948 art. 1, art. 5, art. 6
Loi 67-483 du 22 juin 1967 art. 6 bis B


Composition du Tribunal
Président : M. Chandernagor
Rapporteur ?: M. Siebauer

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CDBF:1987:CETATEXT000007609226
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