20/08/2024
ARRÊT N°24/540
N° RG 21/03658 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKXH
SC - CD
Décision déférée du 16 Juin 2021 - Juge aux affaires familiales de TOULOUSE - 19/26158
JL. ESTEBE
[B] [X]
C/
[K] [S]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [B] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bérengère FROGER de la SCP D'AVOCATS CANTIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.016042 du 19/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉ
Monsieur [I] [S]
[Adresse 15]
[Localité 5]
Représenté par Me Joëlle GLOCK de la SCP FOSSAT-GLOCK, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
V. MICK, conseiller
M.C. CALVET, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. CENAC
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. DUCHAC, présidente, et par C. CENAC, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [B] [X] et M. [I] [S] ont contracté mariage le [Date mariage 3] 1997 devant l'Officier d'Etat-civil de la commune de [Localité 17] (31), après avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage, optant pour le régime de la séparation de biens.
Courant 2001, ils avaient acquis en indivision au prix de 129.581 € une maison d'habitation située à [Localité 19], [Adresse 1], qui a constitué le domicile conjugal et dans lequel Mme [B] [X] réside encore.
Par arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 25 novembre 2014, le divorce d'entre les époux a été prononcé. M. [I] [S] a été condamné à payer à Mme [B] [X] une prestation compensatoire de 50.000 euros.
Ils n'ont pu partager amiablement leur bien immobilier indivis.
Par acte en date du 4 décembre 2019, M. [I] [S] a fait assigner Mme [B] [X] aux fins de partage devant le juge aux affaires familiales de Toulouse.
Par jugement contradictoire en date du 16 juin 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse a :
- ordonné le partage de l'indivision entre M. [S] et Mme [X],
- préalablement, ordonné la licitation du bien immobilier situé à [Localité 19], [Adresse 1], cadastré sous les références suivantes :
section
Numéro
Lieu-dit
AD
[Cadastre 2]
[Adresse 1]
à la barre du Tribunal judiciaire de Toulouse, sur une mise à prix de 135.000 euros abaissable d'un quart puis de moitié en cas de carence d'enchères,
- dit que les tiers seront admis à l'adjucation,
- autorisé [I] [S] à mandater l'huissier de justice et le cabinet d'expertise de son choix, pour dresser le PV de description et assurer les visites du bien, aux heures légales à l'exclusion des dimanches et jours fériés, et pour établir les diagnostics techniques, à charge pour eux de prévenir les occupants trois jours à l'avance,
- ordonné à [B] [X], sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée, de laisser entrer l'huissier de justice et le cabinet d'expertise,
- ordonné la publicité de la vente dans la Dépêche du midi, par l'apposition d'affiches et sur le site www.encheres-publiques.com,
- dit que le cahier des conditions de la vente sera dressé et déposé au greffe par Me Joëlle Glock, et à défaut par Me Bérangère Froger,
- sursis à statuer sur les autres demandes et sur les dépens, dans l'attente de la licitation.
Par jugement rectificatif du 9 août 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse a :
- rectifié la décision rendue le 16 juin 2021 par le juge aux affaires familiales de Toulouse dans le litige opposant M. [I] [S] à Mme [B] [X],
- dit que la mention 'rejette les demandes d'attribution préférentielle d'[I] [S] et de [B] [X] ' sera ajoutée au dispositif de cette décision.
Par déclaration électronique en date du 13 août 2021, Mme [B] [X] a interjeté appel de ces deux jugements en ce qu'ils ont :
- rejeté les demandes d'attribution préférentielle de [B] [X], au motif qu'elle n'établit pas être en mesure de payer la soulte alors qu'elle en apporte la démonstration,
- ordonné la licitation du bien immobilier sis à [Localité 19], [Adresse 1] à la barre du Tribunal judiciaire de Toulouse, sur une mise à prix de 135 000 euros abaissable d'un quart puis de moitié en cas de carence d'enchères,
- dit que les tiers seront admis à l'adjudication,
- autorisé [I] [S] à mandater l'huissier de justice et le cabinet d'expertise de son choix, pour dresser le PV de description et assurer les visites du bien, aux heures légales à l'exclusion des dimanches et jours fériés, et pour établir les diagnostics techniques, à charge pour eux de prévenir les occupants trois jours à l'avance,
- ordonné à [B] [X], sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée, de laisser entrer l'huissier de justice et le cabinet d'expertise,
- ordonné la publicité de la vente dans la Dépêche du midi, par l'apposition d'affiches et sur le site www.encheres-publiques.com,
- dit que le cahier des conditions de la vente sera dressé et déposé au greffe par Me Joëlle Glock, et à défaut par Me Bérangère Froger alors que l'attribution préférentielle du bien à Mme [X] rend ces chefs inopérants.
Suivant ses dernières conclusions d'appelante en date du 12 avril 2024, Mme [B] [X] demande à la cour :
- vu l'article 815 du Code Civil et suivants,
- de réformer le jugement du 16 juin 2021, rectifié le 9 août 2021, rendu par le juge aux affaires familiales près le Tribunal judiciaire de Toulouse, sauf en ce qu'il a dit :
- ordonner la liquidation et le partage, et Sursis s'agissant de l'indemnité d'occupation et des comptes entre parties,
- de débouter M. [S] de son appel incident, aux fins d'attribution préférentielle et d'expertise,
- de retenir une valeur de 170.000 € pour le bien indivis,
- d' attribuer à Mme [X] le bénéfice de l'attribution préférentielle, contre paiement d'une soulte de 85.000 €,
- de dire qu'en conséquence, la licitation à la barre du Tribunal judiciaire ordonnée par le premier juge, et toutes les mesures subséquentes, sont sans objet,
- de renvoyer le dossier devant le juge aux affaires familiales près de Tribunal judiciaire de Toulouse, s'agissant de l'indemnité d'occupation et des comptes entre parties,
Subsidiairement, si la Cour d'appel évoquait, y ajouter,
- de dire qu'il y a lieu d'établir l'actif et le passif de l'indivision et de procéder ainsi aux opérations de compte, liquidation et partage,
- de dire que Mme [X] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du mois de janvier 2015,
- de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à l'indivision à la somme maximale de 300 €,
- de dire que devront être pris en compte les règlements par Mme [X] de la taxe d'habitation pour l'apurement de leurs créances respectives,
- de dire que la Cour tranchera des difficultés découlant éventuellement de la présente instance, prendra acte et confirmera les points d'accord qui interviendront entre les Parties, et les renverra si besoin en était devant Notaire chargé d'établir l'acte liquidatif,
En tout état de cause,
- de condamner M. [S] à payer la somme de 3.000 € H.T, en application des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 37 de cette même loi, dont distraction au profit de la SCP Cantier & Associés sur son affirmation de droit,
- de statuer sur les frais en tant que frais privilégiés de partage, sauf ceux de mauvaise contestation mis à la charge personnelle de M. [S],
- de condamner M. [S] aux dépens de l'instance d'appel.
Suivant ses dernières conclusions d'intimé en date du 12 octobre 2021 (et appel incident du même jour), M. [I] [S] demande à la cour :
- de réformer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a ordonné la liquidation du régime matrimonial des époux [S] et a refusé l'attribution préférentielle à Mme [X],
Dès lors,
- d' ordonner la liquidation du régime matrimonial des époux [X] / [S] et dire qu'il y a lieu d'établir l'actif et le passif de l'indivision et de procéder ainsi aux opérations de compte, liquidation et partage,
- de dire n'y avoir lieu à licitation,
- d' ordonner que soient établis l'actif et le passif de l'indivision et renvoyer au 1er Juge pour les opérations de liquidation et de comptes,
D'ores et déjà,
- d' ordonner une expertise confiée à tel expert qu'il appartiendra avec la mission de :
sur la valeur du bien
- dire qu'il est nécessaire de procéder à une expertise du bien, l'expert ayant pour mission de déterminer les raisons pour lesquelles le bien aurait perdu 30 % de sa valeur en 5 ans,
- l'expert déterminera la qualité de l'entretien et des soins apportées par la gestionnaire du bien qui l'occupait et en avait la responsabilité,
sur le montant de l'indemnité d'occupation
- donner tous éléments d'appréciation sur le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [X] sur le bien immobilier susvisé, sachant que l'assignation introductive d'instance a interrompu le cours de la prescription en précisant que l'indemnité d'occupation sera égale à la valeur locative au regard de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation,
- d' ordonner que le bien soit attribué préférentiellement à M. [S],
- de renvoyer les parties devant le 1er Juge aux fins de trancher des difficultés découlant éventuellement de la présente procédure en terme de partage, il prendra acte et confirmera les points d'accord qui interviendront entre les Parties, et les renverra si besoin en était devant le Notaire chargé d'établir l'acte liquidatif,
- d' ordonner qu'il sera statué sur les frais en tant que frais privilégiés de partage, sauf ceux de mauvaise contestation mis à la charge personnelle de Mme [X],
- d' ordonner qu'il sera statué ce que de droit sur les dépens, chacun des époux gardant ses dépens à sa charge.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 29 avril 2024 et l'audience de plaidoiries fixée le 14 mai 2024.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS :
Aux termes de la déclaration d'appel, sont soumises à la cour les dispositions du jugement qui ont rejeté la demande d'attribution préférentielle de Mme [B] [X] et ordonné la licitation de l'immeuble. Mme [B] [X] n'a pas fait appel de la disposition du jugement qui ordonne le sursis à statuer sur les autres demandes (notamment les comptes d'indivision), et M. [I] [S] dans le cadre de son appel incident, se limite à demander une mesure d'expertise. En outre, la cour ne se trouve pas, sur les comptes d'indivision, dans un cas d'évocation tel que défini à l'article 568 du code de procédure civile.
La cour n'est donc pas saisie des demandes relatives aux comptes d'indivision (montant de l'indemnité d'occupation, créances au titre de l'article 815-13 du code civil).
M. [I] [S] forme appel incident de la décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'attribution préférentielle et a ordonné la licitation du bien. Il sollicite en outre une mesure d'expertise.
Sur la demande d'expertise formée par M. [I] [S]
Les différents avis de valeur vénale et locative de l'immeuble produits par les parties, contenant une description du bien, y compris dans ses défauts, rend inutile la demande d'expertise qui ne ferait en outre que retarder l'issue d'un litige déjà ancien.
M. [I] [S] sera donc débouté de sa demande d'expertise.
Sur les demandes d'attribution préférentielle
Les articles 831-2, 1478 et 1542 du code civil permettent au conjoint séparé de biens de demander l'attribution préférentielle de la propriété du bien indivis qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du divorce.
Cependant, l'attribution préférentielle n'est pas de droit en cas de divorce, le juge apprécie les intérêts en présence.
Il est constant que le domicile conjugal était situé dans le bien dont les parties demandent respectivement l'attribution préférentielle.
Mme [B] [X] a résidé sans discontinuer dans ce lieu depuis son acquisition. Elle y résidait au moment du divorce.
M. [I] [S] quant à lui dispose d'un autre logement dont il est propriétaire.
Le premier juge a justement considéré que pendant la durée du mariage, il résidait pour l'essentiel ailleurs que dans le bien indivis, à savoir :
- [Adresse 6] à [Localité 18], chez [D] [L] ainsi que cela résulte du contrat concorde 1990, du relevé [12] de 1999, du contrat de location de 2001, du relevé de la [7] de 2003, d'un courrier du [12] de 2003, de la lettre de la [7] de 2004 et du relevé [11] de 2004,
- en Algérie, ainsi que cela résulte de la décision d'aide de 2003, de son courrier au chef de la Daïra de [Localité 10] du 2 mai 2006, des relevés bancaires du [13] de 2005 et 1997,
- dans son appartement [Adresse 16] à [Localité 18], ainsi que cela résulte de la Kafala de 1998, des relevés [9] de 2003, de ses bulletins de salaire de 2006 et 2007, des relevés de la [8] de 2003 et 2009, de son avis d'imposition de 2009 et de son audition en 2009.
Ainsi, c'est pas une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge a retenu qu'il est établi que M. [I] [S] n'a jamais vécu qu'épisodiquement au domicile conjugal et que rien ne permet d'établir qu'il y vivait au moment de la séparation des époux.
Dans ces conditions, la demande d'attribution préférentielle de ce bien formée par M. [I] [S] doit être écartée, confirmant le jugement déféré.
Reste alors à apprécier si Mme [B] [X] qui vivait dans le bien au moment du divorce et de la séparation du couple, est en mesure de financer la soulte qui lui incombera si elle se voit attribuer le bien.
Les différentes estimations de l'immeuble produites par Mme [B] [X] ainsi que le constat d'huissier établi par Mme [B] [X] en décembre 2017, montrent que la maison est affectée de nombreux défauts, dont M. [I] [S] ne justifie pas qu'ils soient imputables à un défaut d'entretien de Mme [B] [X]. Ainsi, le bien ne dispose pas d'un système de chauffage, des fissures sont visibles sur le sol de la cuisine, la salle de bains, le séjour et la véranda. Des décollements apparaissent dans toutes les pièces.
Au regard des différentes estimations produites par Mme [B] [X], la valeur du bien peut être chiffrée à 170.000 €.
Mme [B] [X] sera redevable d'une indemnité d'occupation, compte tenu de la prescription, qui peut être chiffrée entre 300 € (somme proposée par Mme [B] [X]) et 700 € par mois (valeur locative estimée en 2015).
Elle sera créancière des taxes d'habitation qu'elle a acquittées, tandis que M. [I] [S] sera créancier des taxes foncières sous réserve qu'il en justifie.
Au regard de ces données, la soulte qui incombera à Mme [B] [X] peut être estimée provisoirement à environ 100.000 €.
Mme [B] [X] produit une attestation de sa fille, [G] [X], suivant laquelle elle se propose d'aider sa mère à régler la soulte en souscrivant un prêt. Elle justifie d'un avis de faisabilité d'un courtier, [14], suivant lequel elle est en mesure d'obtenir un prêt à hauteur de 100.000 €.
Ainsi, Mme [B] [X] apparaît en mesure, en faisant appel à la solidarité familiale, de financer la soulte qui sera à sa charge, nonobstant la faiblesse de ses revenus tels que relevée dans l'arrêt fixant la prestation compensatoire.
Par ailleurs, Mme [B] [X] qui réside dans cette maison depuis 2001, justifie de problèmes de santé sévères, en raison desquels un déménagement lui serait préjudiciable.
Par suite de cet ensemble d'éléments, il convient de conférer à Mme [B] [X] l'attribution préférentielle du bien indivis, évalué à 170.000 €. Le jugement déféré avec son rectificatif sera donc infirmé, en ce qu'il a rejeté la demande d'attribution préférentielle de Mme [B] [X] et ordonné la licitation du bien.
Le calcul de la soulte est prématuré puisque la cour n'est pas régulièrement saisie de l'indemnité d'occupation et des autres postes de compte d'indivision. L'affaire sera renvoyée devant le premier juge afin qu'il statue sur ces questions, objet du sursis qu'il avait ordonné.
Sur les demandes annexes
M. [I] [S] qui succombe supportera les dépens.
Au regard de l'équité, il sera condamné à payer à Mme [B] [X] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Dans la limite de sa saisine,
Rejette la demande d'expertise formée par M. [I] [S],
Confirme le jugement du 16 juin 2021 et son rectificatif du 9 août 2021 en ce qu'il a rejeté la demande d'attribution préférentielle formée par M. [I] [S],
Infirme le jugement du 16 juin 2021 et son rectificatif du 9 août 2021 en ce qu'il a rejeté la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [B] [X] et ordonné la licitation du bien indivis,
Statuant à nouveau,
Attribue préférentiellement à Mme [B] [X] l'immeuble situé à [Localité 19], [Adresse 1], cadastré section AD, n° [Cadastre 2], lieu-dit '[Adresse 1]',
Dit n'y avoir lieu à licitation de ce bien,
Renvoie devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse, afin qu'il se prononce sur les postes sur lesquels il avait ordonné le sursis à statuer,
Condamne M. [I] [S] à payer à Mme [B] [X] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [I] [S] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
C. CENAC C. DUCHAC
.