20/08/2024
ARRÊT N°24/537
N° RG 19/03567 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NDYV
SC - CD
Décision déférée du 01 Juillet 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 17/22626
JL. ESTEBE
[A] [G]
C/
[N] [B]
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [A] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-François RAVINA de la SELARL RAVINA-THULLIEZ-RAVINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur [N] [B]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE
PARTIE INTERVENANTE FORCEE
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Assignée aux fins d'intervention forcée par acte remis à personne morale le 15/11/2023
Sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
V. CHARLES-MEUNIER, conseiller
M.C. CALVET, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. CENAC
ARRET :
- DEFAUT
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. DUCHAC, présidente, et par C. CENAC, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[R] [E] veuve [Z] est décédée le [Date décès 2] 2014 laissant à sa survivance sa fille, Mme [A] [W] épouse [G], acceptante pure et simple de la succession.
Le 14 février 2014, [R] [E] veuve [Z] avait fait un don manuel à son petit-neveu, M. [N] [B], d'un montant de 81 577 euros. Ces fonds provenaient du rachat d'un contrat d'assurance-vie ' Expantiel Vie' souscrit auprès de la compagnie [8]. Le rachat avait été sollicité le 29 janvier 2014.
Le 14 février 2014, [R] [E] veuve [Z] remplissait un formulaire dénommé 'pacte adjoint au don manuel' qui précisait que le don manuel était consenti sous la condition expresse d'affecter en intégralité les sommes données à la souscription par le donataire d'un contrat d'assurance-vie Excelium.
[R] [E] veuve [Z] était assistée pour ces opérations par M. [H] [F], conseiller [8], en charge du portefeuille de la défunte.
Par courrier du 14 février 2014, M. [F] rappelait à [R] [E] veuve [Z] que la donation présentait un coût fiscal de 55% après un abattement de 1.594, soit 43.980 € qu'elle désirait prendre en charge, ces sommes étant à reporter sur la déclaration de don manuel qui lui était remise. Ce courrier portait la signature de [R] [E] veuve [Z], précédée de la mention 'lu et approuvé'.
[R] [E] veuve [Z] avait également fait le 15 avril 2014, des dons manuels à ses deux petits-enfants, de montants respectifs de 34 000 et 85 000 euros.
Par acte en date du 5 mai 2017, Mme [A] [G] a fait assigner M. [N] [B] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de voir prononcer la nullité du don manuel du 14 février 2014 au profit de M. [N] [B] et d'ordonner qu'il soit réintégré à la masse successorale et à titre subsidiaire de décharger Mme [A] [G] de la dette fiscale afférente à ce don.
Par jugement contradictoire en date du 1er juillet 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- rejeté la fin de non-recevoir,
- rejeté les demandes de Mme [A] [G],
- dit que Mme [G] est seule redevable de la dette fiscale attachée au don manuel consenti à M. [B],
- condamné Mme [G] à payer 2 500 euros à M. [B] au titre des frais non compris dans les dépens,
- rejeté les autres demandes,
- condamné Mme [G] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration électronique en date du 26 juillet 2019, Mme [A] [G] a interjeté appel de ce jugement qu'elle critique en ce qu'il a:
- rejeté les demandes de Mme [A] [G],
- dit que Mme [A] [G] est seule redevable de la dette fiscale attachée au don manuel consenti à M. [N] [B],
- condamné Mme [A] [G] à payer à M. [N] [B] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens,
- rejeté les autres demandes,
- condamné Mme [A] [G] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par arrêt en date du 17 novembre 2020, la présente cour a :
- rectifié la décision rendue le 1er juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse,
- rectifié la motivation et le dispositif de la décision en remplaçant le nom de '[Z]' par '[G]' (s'agissant de [A]),
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,
- ordonné une mesure d'expertise et commit pour y procéder : M. [J] LFD CRIMINALISTIQUE.FR, avec pour mission de dire si la signature et la mention 'lu et approuvé' Mme [R] [Z] figurant sur le pacte adjoint au don manuel et la correspondance de M. [F] tous les deux datés du 14 février 2014 sont de la main de Mme [R] [Z].
- réservé les dépens,
Le rapport de l'expert a été déposé le 28 avril 2021.
Suivant ses dernières conclusions d'appelante en date du 14 novembre 2023, Mme [A] [G] demande à la cour :
- de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [G],
A titre principal,
- de constater que les signatures figurant sur le pacte adjoint au don manuel du 14 février 2014 et sur le courrier de M. [F] à Mme [Z] du 14 février 2014 ne proviennent pas de la main de Mme [Z],
- vu l'article 901 du code civil, prononcer la nullité du don manuel du 14 février 2014,
En conséquence,
- de dire et juger qu'il y a lieu de rapporter à la succession la somme de 81 577 euros,
A titre subsidiaire,
- vu l'article 786 alinéa 3 du code civil,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action sur ce fondement comme non prescrite,
- de réformer le jugement à ce qu'il a rejeté la demande de Mme [G] de décharge de la dette successorale,
- de réformer le jugement en ce qu'il a dit que Mme [G] est seule redevable de la dette fiscale attachée au don manuel consenti à M. [N] [B],
- de débouter M. [N] [B] de sa demande visant à voir condamner Mme [G] à verser à l'administration fiscale le montant des frais et droits, outre les pénalités majorations afférentes à la donation réalisée le 14 février 2014 par la défunte à son profit pour un montant de 63 531 euros,
- de dire et juger que Mme [G] devra être déchargée intégralement de la dette de la succession à hauteur de 63 531 euros,
- de condamner M. [N] [B] au paiement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 15 novembre 2023 (et appel incident du 16 janvier 2020), M. [N] [B] demande à la cour:
Sur la validité de la libéralité,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [A] [G] tendant à voir prononcer la nullité du don manuel réalisé le 14 février 2014 au profit de M. [N] [B],
Sur le passif successoral,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que les frais et droits afférents à la donation réalisée le 14 février 2014 par la défunte au profit de M. [B] relèvent du passif successoral,
- d' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de Mme [G] tendant à être déchargée du passif successoral,
Et, statuant à nouveau,
- de constater que Mme [G] avait connaissance de l'existence et de l'importance de la dette successorale plus de cinq mois avant l'introduction de l'instance,
- de constater que la demande de Mme [G] tendant à être déchargée du passif successoral est irrecevable comme étant prescrite,
A titre subsidiaire,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que Mme [G] ne démontre pas que l'acquittement du passif successoral aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande tendant à être déchargée du paiement de la dette successorale,
En tout état de cause,
- de condamner Mme [G] ès qualité d'ayant droit universel de Mme [R] [E], décédée le [Date décès 2] 2014, à verser à l'Administration fiscale le montant des frais et droits, en ce compris les pénalités et majorations, afférents à la donation réalisée le 14 février 2014 par la défunte au profit de M. [N] [B], arrêtés à la somme totale de 63.531 € au 15 mars 2018 (à parfaire),
A défaut,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que Mme [G] est seule redevable de la dette fiscale attachée au don manuel consenti à [N] [B],
- de condamner Mme [G] à verser à M. [N] [B] la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, qui comprend le montant des frais d'expertise amiable exposés par le concluant et non compris dans les dépens,
- de condamner Mme [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de l'avocat constitué sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par acte du 15 novembre 2023, M. [N] [B] a assigné la Direction Générale des Finances Publiques en intervention forcée
Elle n'a pas constitué avocat.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 29 novembre 2023 et l'audience de plaidoiries fixée le 5 mars 2024.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS :
Les appels principal et incident ont pour effet de saisir la cour de l'entier litige.
Sur la demande de nullité du don manuel opéré par [R] [E] veuve [Z] à M. [N] [B] le 14 février 2014
* Sur l'authenticité de la signature de [R] [E] veuve [Z]
Contrairement à ce qu'avance Mme [A] [G], le contradictoire a bien été respecté au cours de l'expertise. Elle a été destinataire de toutes les pièces transmises à l'expert par M. [N] [B]. Mme [A] [G] était en outre présente aux réunions d'expertise et a pu s'assurer des documents qui étaient remis en original à l'expert.
Dans son rapport du 26 avril 2021, l'expert désigné par la cour expose :
- les pièces de comparaison fournies sont suffisamment nombreuses et contemporaines aux pièces de question, comportant certains changements ponctuels en ce qui concerne la vitesse scripturale, sur un échantillon s'étalant sur une quinzaine d'années. Ces évolutions ont été jugées naturelles en raison de l'âge de la personne,
- les documents soumis ont été examinés à l'oeil nu, à l'aide d'une loupe grossissante et si nécessaire, d'un stéréo-microscope,
- la morphologie, les formes et proportions graphiques, la conception spatiale d'auteur, la biométrie axiale, la boîte de signature ou les lignes de base et de sommet, parmi d'autres traits généraux confrontés se sont révélés très comparables et compatibles,
- les gestes personnels concernant la spontanéité, l'homogénéité, les tracés d'attaque et les finaux, les gestes aériens ou la géométrie des proportions graphiques, plus personnalisés, se sont révélés tout aussi comparables et homologables,
- les ressemblances constatées sont tout aussi remarquables au niveau quantitatif que qualitatif. Les signatures confrontées émanent sans doute d'une seule et unique auteure, Mme [R] [Z].
Il conclut ainsi : ' la signature et la mention lu et approuvé de Mme [R] [Z] figurant sur le pacte adjoint au don manuel et la correspondance de M. [F], tous deux datés du 14 février 2014, sont de la main de Mme [R] [Z].'
Les avis techniques complémentaires réalisés unilatéralement à la demande de Mme [A] [G] postérieurement à l'expertise ne viennent pas en critiquer utilement es conclusions :
- l'avis du 6 octobre 2021 de M. [P] est particulièrement succinct et prudent pour préciser ne pas pouvoir donner cette conclusion en toute certitude (les mentions ne seraient pas de la main de Mme [Z]) au motif que les pièces de question soumises à l'examen ne sont pas des originaux,
- l'avis de Mme [U] est également avec une grande prudence rédigé au conditionnel la mention 'pourrait' ne pas être rédigée de la main de Mme [Z], 'ne semble pas....', pour conclure que Mme [Z] ne peut ni être désignée, ni être écartée en tant que rédactrice.
Au regard des explications complètes, détaillées et argumentées sur le plan technique présentées par l'expert, qui ne sont pas utilement critiquées par les arguments développés par Mme [A] [G] sur le fond du rapport qui ont fait l'objet de dires auxquels l'expert a répondu avec pertinence, ni par les avis techniques postérieurs, la cour fait sienne la conclusion du rapport.
Par conséquent, la mention 'lu et approuvé' ainsi que la signature de [R] [E] veuve [Z] apposées sur le document nommé pacte adjoint au don manuel et la correspondance de M. [F], tous deux en date du 14 février 2014, sont bien de la main de [R] [E] veuve [Z].
* Sur le consentement
Devant la cour, Mme [A] [G] fonde sa demande d'annulation sur les dispositions de l'article 901 du code civil suivant lesquelles ' Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.'
Elle expose, en résumé, qu'en raison de l'affaiblissement dû à son grand âge, elle a été influencée par M. [N] [B] en vue de la donation, mais n'était pas en mesure de comprendre la portée des actes ainsi passés, à savoir qu'elle se dépouillait d'une assurance-vie au profit de son petit-neveu. Elle ajoute que M. [N] [B], de connivence avec M. [F], est coutumier du fait, ainsi qu'en atteste son ex compagne.
C'est par une motivation pertinente que le tribunal a considéré que le grand âge de [R] [E] veuve [Z] ne suffit pas à caractériser l'insanité d'esprit, alors même que le rapport circonstancié du Docteur [C], établi le 28 février 2014, conclut qu'elle n'était pas intellectuellement dégradée et avait conservé son autonomie. Le jugement rappelle à juste titre que le décès de l'intéressée survenu deux mois plus tard était accidentel, des suites d'une chute.
En effet, après avoir formé la demande de rachat de l'assurance-vie, à la demande de l'assureur, Mme [R] [E] veuve [Z] a été examinée par un médecin gériatre, le Docteur [C], qui atteste, au terme d'un certificat de cinq pages particulièrement circonstancié témoignant du sérieux et de la précision de l'examen qu'il a pratiqué, notamment au moyen de testes cognitifs, qu'elle présente une humeur gaie, sans repli sur soi, n'est pas intellectuellement dégradée. Au test AGGIR, elle est présentée comme étant en capacité de gérer seule ses propres affaires, ses biens et connaître la valeur de l'argent.
En ce qui concerne les accusations portées contre M. [N] [B], le témoignage de Mme [S] ne rapporte pas de fait précis qu'elle aurait constaté concernant la donation en cause, mais seulement des allégations générales qu'elle dit tenir de déclarations de son ex compagnon, avec qui elle indique elle-même que la relation 's'est mal terminée'. Cette attestation n'est donc pas probante.
Celle de M. [M] ne fait que confirmer le caractère agréable de [R] [E] veuve [Z], ce qui ne permet pas d'en tirer une conclusion quant à sa capacité mentale.
Enfin, la cour observe que Mme [A] [G] ne remet pas en cause les donations opérées par [R] [E] veuve [Z] à ses propres enfants le 15 avril 2014, alors qu'elle était hospitalisée à la suite d'une chute et devait décéder trois jours plus tard.
Ainsi, le consentement de [R] [E] veuve [Z] à la donation et aux actes qui l'ont accompagnés était pleinement valable, aucun trouble de l'esprit, erreur, dol ou violence n'étant venus l'affecter.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [A] [G] tendant à l'annulation de la donation du 14 février 2024.
Sur la demande au titre de la charge des droits fiscaux attachés à la donation
* Sur la volonté de [R] [E] veuve [Z] quant à la prise en charge de l'impôt
[R] [E] veuve [Z] a apposé la mention 'lu et approuvé' au bas du courrier de l'assureur du 14 février 2014 qui l'informe du montant des droits fiscaux, ' soit 43.980 € que vous souhaitez prendre en charge', et lui indique que les sommes sont à reporter sur la déclaration de don manuel 2735 qui lui est remise le même jour, à déposer au centre des impôts avec le règlement des droits.
Mme [R] [E] veuve [Z] entendait donc s'acquitter de ces droits, mais n'a pas eu le temps de le faire avant sa chute des suites de laquelle elle est décédée. Cette volonté est confirmée par l'attestation du conseiller [8], M. [F].
La somme de 43.980 € constitue donc une dette de la succession.
* Sur la prescription
Suivant les dispositions de l'article 786 du code civil, ' L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.
Toutefois, il peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation, lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel.
L'héritier doit introduire l'action dans les cinq mois du jour où il a eu connaissance de l'existence et de l'importance de la dette.'
Le tribunal a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [N] [B] aux motifs :
- qu'il n'est pas certain que l'enveloppe adressée à M. [N] [B] le 30 décembre 2015 accompagnée d'un mot, '[N], ça te sera plus utile qu'à nous', contenait les documents qu'il produit au débat relatifs à la donation litigieuse,
- que si Mme [A] [G] avait eu connaissance de la libéralité, on s'explique mal pour quelle raison elle ne figure pas dans la déclaration de succession, alors que celles dont ses enfants ont bénéficié y sont mentionnées.
Le tribunal en conclut qu'il n'est pas établi que Mme [A] [G] a découvert le don manuel autrement que par le courrier du conseil de M. [N] [B] en date du 6 décembre 2016, moins de cinq mois avant l'assignation du 5 mai 2017.
Le point de départ de la prescription de l'article 786 ci-dessus est le jour où l'héritière acceptante a eu connaissance de la dette, à savoir de l'engagement de [R] [E] veuve [Z] de s'acquitter des droits fiscaux attachés au don manuel fait à M. [N] [B] le 14 février 2014.
Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, un faisceau d'indices concordants permet d'établir que Mme [A] [G] avait connaissance a minima de la donation à une date bien antérieure au courrier du 5 mai 2017.
En effet, l'appelante a produit en première instance un courrier en date du 10 avril 2014, qu'elle attribuait à sa mère, suivant lequel [R] [E] veuve [Z] demandait à [8] de modifier les bénéficiaires du contrat d'assurance-vie, ce dont Mme [A] [G] avait déduit que la défunte n'entendait pas gratifier M. [N] [B] et encore moins régler les droits résultant de la donation. Le tribunal a répondu dans sa motivation que cette correspondance était manifestement rédigée et signée de la main de Mme [A] [G], les explications qu'elle avait données étant en outre incohérentes.
Mme [A] [G] ne produit plus cette pièce devant la cour, et ne discute pas cet aspect de la motivation du jugement. Ce document est produit par M. [N] [B]. Son examen par la cour confirme les observations du tribunal.
L'existence de cette fausse lettre de la défunte, rédigée en réalité par Mme [A] [G], démontre que dès avant le décès de sa mère elle avait connaissance, a minima, de ce que le capital de l'assurance-vie concernée n'avait pas vocation à lui revenir.
Le fait que les donations de [R] [E] veuve [Z] aux enfants de Mme [A] [G] aient été portées à la déclaration de succession alors que la donation faite à M. [N] [B] ne l'a pas été n'est pas significatif. En effet, les dons manuels de [R] [E] veuve [Z] à ses petits-enfants datent de quelques jours avant son décès, elle a établi deux chèques qui n'avaient pas encore été débités à son décès. Ces donations ne pouvaient donc qu'apparaître à la déclaration de succession, au passif de celle-ci. Sont portés également au passif de la succession les droits fiscaux attachés à ces deux donations.
M. [N] [B] produit au débat les documents relatifs à la donation (demande de rachat d'assurance-vie du 29 janvier 2014, pacte de don manuel, courrier de l'assureur du 14 février 2014 approuvé par [R] [E] veuve [Z]) qui auraient dû logiquement rester en possession de l'héritière de la défunte à qui ils appartenaient. Il verse également au débat une enveloppe timbrée à 3,51 € en date du 30 décembre 2015, accompagnée d'un mot du fils de Mme [A] [G] '[N], ça te sera plus utile qu'à nous'.
Le montant de l'affranchissement, associé aux quelques mots d'accompagnement sont cohérents avec un contenu de plusieurs documents pouvant correspondre à ceux relatifs à la donation. Ce contenu possible est corroboré par la possession par M. [N] [B] des dit documents qui ne lui étaient à leur origine pas destinés, aucune autre explication plausible n'étant avancée.
Enfin, le notaire qui a établi la déclaration de succession a écrit à [8] afin d'obtenir des précisions sur les contrats souscrits par [R] [E] veuve [Z]. Sur son courrier du 24 juillet 2014 est apposé la mention manuscrite : '4/09/2014 : Vu avec Mme [G] souscription après 70 ans au profit d'un petit-neveu (environ) 80.000 €.'
Cette précision donnée par Mme [A] [G] vient confirmer qu'elle avait des informations sur le contrat en cause, notamment sur le fait que son capital n'était pas destiné à lui revenir.
Le notaire a également écrit à M. [N] [B] le 12 septembre 2014 pour lui demander le certificat délivré par le Trésor public relativement au contrat souscrit à son profit.
Ni [8], ni Mme [A] [G] n'ont répondu à ces courriers.
La déclaration de succession a été établie le 13 octobre 2014, sans faire mention du contrat en cause, ni de la donation ou à tout le moins de l'inscription au passif des droits fiscaux correspondant. Il s'en déduit que le notaire qui connaissait l'existence de ce contrat a nécessairement eu connaissance de ce qu'il avait été racheté, et donc n'existait plus, cette information, en l'absence de réponse à ses courriers, ne pouvant provenir que de Mme [A] [G].
Il résulte de cet ensemble d'éléments que ce n'est pas le 6 décembre 2016, ni le 23 janvier 2017 par les courriers du conseil de M. [N] [B] que Mme [A] [G] a eu connaissance de la dette de la succession au titre des droits fiscaux attachés à la donation du 14 février 2014, mais au plus tard le 30 décembre 2015, date de l'envoi à M. [N] [B] de l'enveloppe contenant les documents relatifs à cette donation et notamment le courrier du 14 février 2014 approuvé par Mme [R] [E] veuve [Z] quant à la mise à sa charge des droits fiscaux.
Par conséquent, l'action intentée plus de cinq mois après cette date est prescrite. Elle sera donc déclarée irrecevable, réformant le jugement déféré.
Sur la demande de condamnation de Mme [A] [G] envers l'administration fiscale
En dépit de la mise en cause de la Direction Générale des Finances Publiques, en vertu de la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur, M. [N] [B] n'est pas recevable à demander une condamnation à paiement pour le compte d'un tiers, en l'espèce l'administration fiscale. Seule cette dernière est apte à faire valoir ses droits envers son ou ses débiteurs.
La formulation du jugement qui a 'dit que Mme [A] [G] est seule redevable de la dette fiscale attachée au don manuel consenti à M. [N] [B] ' est ambigue, en ce qu'elle ne constitue ni une condamnation, ni le constat d'une dette de la succession. La cour, la réformant, dira que la dette fiscale attachée au don manuel consenti à M. [N] [B] le 14 février 2014 constitue une dette de la succession de [R] [E] veuve [Z].
Sur les dépens et les frais
Mme [A] [G] supportera les dépens, le jugement étant en outre confirmé de ce chef.
Au regard de l'équité, elle sera condamnée à payer à M. [N] [B] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant en outre confirmé sur la somme mise à la charge de M. [N] [B] pour les frais de première instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- rejeté la fin de non-recevoir,
- dit que Mme [G] est seule redevable de la dette fiscale attachée au don manuel consenti à M. [B],
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de Mme [A] [G] tendant à l'annulation de la donation faite par Mme [R] [E] veuve [Z] à M. [N] [B] le 14 février 2024,
- condamné Mme [A] [G] à payer à M. [N] [B] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [A] [G] aux dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
- dit que la somme de 43.980 € correspondant aux droits fiscaux attachés à la donation du 14 février 2014 constitue une dette de la succession de Mme [R] [E] veuve [Z],
- déclare prescrite la demande de Mme [A] [G] tendant à être déchargée de son obligation à cette dette successorale,
- déclare irrecevable la demande de M. [N] [B] tendant à voir condamner Mme [G], ès qualité d'ayant droit universel de Mme [R] [E] veuve [Z], à verser à l'Administration fiscale le montant des frais et droits, en ce compris les pénalités et majorations, afférents à la donation réalisée le 14 février 2014 par la défunte au profit de M. [N] [B],
- condamne Mme [A] [G] à payer à M. [N] [B] la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne Mme [A] [G] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
C. CENAC C. DUCHAC
.