AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ' A P P E L D E T O U L O U S E
DU 19 Août 2024
ORDONNANCE
N°24/122
N° N° RG 24/00119 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QNJC
Décision déférée du 30 Juillet 2024
- Juge des libertés et de la détention de TOULOUSE - 24/01319
S. SELOSSE
APPELANT
Monsieur [I] [R]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Camille RICHARD, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur PREFET DE LA HAUTE GARONNE
AGENCE REGIONALE DE SANTE OCCITANIE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Régulièrement convoqué, non comparant,
INTERVENANT
CENTRE HOSPITALIER [6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par la SELARL MONTAZEAU ET CARA, avocats au barreau de TOULOUSE,
CURATEUR
Association UDAF 31
[Adresse 4],
[Adresse 4]
[Localité 3]
Régulièrement convoquée, non comparant
DÉBATS : A l'audience publique du 16 Août 2024 devant V. SALMERON, assisté de K.MOKHTARI
MINISTERE PUBLIC:
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a fait connaître son avis le 13/08/2024 qui a été joint au dossier.
Nous, V.SALMERON, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 3 juillet 2024, en présence de notre greffier et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :
- avons mis l'affaire en délibéré au 19 Août 2024
- avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, l'ordonnance suivante :
Faits et procédure :
[I] [R] a été admis le 5 août 2015 en soins psychiatriques sans consentement en raison de troubles graves du comportement envers une soignante lors d'une consultation médicale.
Par jugement du 1er juillet 2021, le juge des contentieux de la protection a maintenu la mesure de curatelle renforcée de [I] [R] pour une durée de 5 ans et maintenu l'UDAF en qualité de curateur.
Après avoir bénéficié de plusieurs programmes de soins dont le dernier avait débuté en février 2024, [I] [R] a été maintenu par décision préfectorale du 5 juin 2024 sous mesure de soins pasychiatriques pour une durée maximale de 6 mois selon programme de soins établis par le Dr [X] [Z], psychiatre, du 4 juin 2024. L'article 3 de l'arrêté préfectoral rappelait que la poursuite éventuelle de la mesure sous la forme d'une hospitalisation complète était subordonnée à l'intervention du juge des libertés et de la détention dans les conditions prévues à l'article L3211-12-1 du code de la santé publique.
Une réintégration en hospitalisation complète a été décidée le 19 juillet 2024 à la suite d'une rupture des soins, précisément décrite par avis médical du même jour par le Dr [X] [Z], médecin psychiatre, exposant que [I] [R] présentait au dernier contact téléphonique le 19 juin dernier, une désorganisation psychique et des idées de persécution et qu'ultérieurement, il ne se présentait pas aux rendez vous infirmiers et médicaux ; il ne répondait plus au téléphone et depuis plus d'une semaine, les intervenants à domicile décrivaient un patient qui présentait une désorganisation psycho comportementale et des idées de persécution.
Par arrêté du 19 juillet 2024, le Préfet de la Haute-Garonne a décidé, sur avis médical du Dr [Z], que les soins psychiatriques de [I] [R] devaient se poursuivre sous forme d'une hospitalisation complète.
Le Dr [L] [W] [H], médecin psychiatre, dans un certificat de situation du 23 juillet 2024 précisait que [I] [R] était admis le jour même au Centre hospitalier [6] et par avis motivé dans les délais exigés en exécution de l'article L3211-12-1 du CSP, rappelait que l'état mental de [I] [R] nécessitait des soins psychiatriques et qu'une hospitalisation complète continue s'imposait.
Le psychiatre précisait ainsi le fait que [I] [R] présentait un contact fuyant, un discours pauvre et des barrages et apparaissait triste sans toutefois se plaindre de troubles du sommeil ni avoir des idées suicidaires ou des hallucinations. Il n'était pas conscient de ses troubles. L'hospitalisation complète avait pour finalité de répondre à la nécessité d'un cadre contenant et de procéder à l'évaluation de son état.
Il indiquait que le patient avait été informé des modalités de sa prise en charge et qu'il n'était pas en état d'être entendu par le juge.
Dès le 24 juillet 2024, le Préfet a présenté une requête au juge des libertés et de la détention pour l'informer de la situation de [I] [R] et demande de maintien de la mesure d' hospitalisation complète.
Le juge des libertés et de la détention a fait droit à la demande par ordonannce du 30 juillet 2024.
Par courrier reçu au greffe de la cour d'appel de Toulouse le 8 août 2024 à 8h45 et par l'intermédiaire de son avocat, Me Aurélie Faure, [I] [R] a interjeté appel de son maintien en hospitalisation complète sous contrainte en joignant l'ordonnance du 30 juillet 2024.
Le Ministère Public a sollicité, par avis écrit, la confirmation de l'ordonnance .
L'avocate de [I] [R] a produit des conclusions avant l'audience.
A l'audience, [I] [R], qui avait refusé de se présenter, n'a pas comparu .
L'UDAF réugièrement convoquée ne s'est pas présentée.
Le Préfet de la Haute-Garonne n'a fait parvenir aucune observation.
L'avocat du Centre Hospitalier [6] a présenté des observations par conclusions et était présent à l'audience.
L' avocate de [I] [R] a demandé la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques en soulevant plusieurs irrégularités de la procédure.
Motifs de la décision :
- sur la recevabilité de l'appel :
L'appel a été formé dans le délai de dix jours à compter de sa notification prévu par les articles R 3211-18 et suivants du code de la santé publique.
Cet appel est motivé.
L' appel de [I] [R] est donc recevable.
- sur le fond :
[I] [R] conteste son placement en hospitalisation complète sous contrainte alors que des irrégularités procédurales portant atteinte à ses droits sont dénoncées dans la déclaration d'appel pour défaut d'avis médical du médecin l'ayant reçu le 23 juillet 2023 au sein du service des urgences du CHU, défaut d'avis médical du psychiatre l'ayant admis au Centre hospitalier [6], défaut de décision d'admission de l'établissement et défaut de notification de ses droits à [I] [R].
Par ailleurs, dans les conclusions, son avocate présente à l'audience a soulevé d'autres irrégularités : l'incompétence de l'autorité administrative qui a ordonné la mesure à défaut de délégation de pouvoir, le défaut d'information de la décision prise au Procureur de la république, au maire, à la commission départementale des soins psychiatriques et à un membre de la famille du patient, le défaut d'information du patient et le défaut d'information du curateur. .
Le Centre Hospitalier de [6] a opposé des observations en fait et en droit aux moyens formulés et notamment l'irrecevabilité des moyens nouveaux déposés après le délai d'appel en précisant que l'état actuel de [I] [R] nécessitait le maintien de la mesure en hospitalisation complète.
Sur l'irrecevabilité des moyens nouveaux soulevés en cause d'appel:
Si le Préfet de la Haute-Garonne, partie au litige, n'a opposé aucune observation aux moyens soulevés par [I] [R], l'avocat du Centre hospitalier [6] a fait observer que ces moyens nouveaux sont irrecevables dès lors qu'ils ont été produits après l'expiration du délai d'appel.
En application des articles 72 et 563 du code de procédure civile, les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause pour justifier des prétentions qu'elles ont soumises au premier juge et les parties peuvent en cause d 'appel invoquer des moyens nouveaux.
En dépit des spécificités de la procédure orale et de la procédure réglementée en matière des soins sous contrainte, il est en effet de jurisprudence désormais constante qu' il résulte de l'article R. 3211-21 du code de la santé publique que le principe de la contradiction est assuré lors de l'audience par le magistrat, lequel entend les parties qui le demandent, donne connaissance des observations écrites aux parties présentes à l'audience et, le cas échéant, peut ordonner la comparution des parties. Lorsque les parties ont été valablement convoquées, les moyens présentés à l'audience sont recevables, même soulevés pour la première fois en cause d'appel (1er Civ. 24 mai 2018 n°1721057 ; 1re CIV., 4 décembre 2019, pourvoi n° 18-24.826 ).
En l'espèce, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience d'appel, les moyens nouveaux soulevés par [I] [R] en cause d'appel, à l'appui de sa demande de mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte sont donc recevables.
-sur les moyens soulevés dans le cadre de la déclaration d'appel:
S'agissant du défaut d'avis médical en date du 23 juillet 2024, du défaut de décision du CHS [6] de réintégration en hospitalisation complète et du défaut de notification des droits à [I] [R], il convient de relever d'une part que [I] [R] a été admis au Centre [6] sur transfert depuis le service des urgences du CHU, selon l'avis médical d'amission du Dr [L] [W] [H] du 23 juillet 2024.
Par ailleurs, il convient de rappeler que dès le 19 juillet 2024, et sur certificat de situation du Dr [Z], le Préfet de la Haute Garonne avait décidé la réhospitalisation du patient conformément aux dispositions de l'article L 3211-12-1 du CSP ainsi que l'admission en hospitalisation complète au Centre [6], après rupture du programme de soins sous contrainte. Le transfert opéré ne faisait donc qu'exécuter la décision préfectorale alors que le patient était en rupture de soins dans le cadre du programme de soins sous contrainte.
L'avis médical du service des urgences du CHU allégué ne s'imposait donc pas comme le sous-entend l'avocat dans la déclaration d'appel.
Par ailleurs, sur décision préfectorale, [I] [R] a été admis au Centre hospitalier [6] le 23 juillet 2024 et l'avis médical du 23 juillet 2024 du Docteur [L] [W] [H], qui confirme la nécessité de l'hospitaliser pour la sûreté des personnes ou pour atteinte grave à l'ordre public, figure bien au dossier,
Enfin, la notification de ses droits à [I] [R] a été été faite dès le 24 juillet 2024 bien qu'il ait refusé de signer le document.
Si la notification des droits n'a pas été réalisée immédiatement après son admssion le 23 juillet 2024, dès le 24 juillet à 9h36, le refus de signer le document a été transmis au service administratif de l'établissement. De plus, le patient est décrit comme 'présentant un contact fuyant, un discours pauvre et des barrages' rendant d'autant plus difficile cette notification des droits. Enfin et surtout, il n'est pas justifié précisément d'un grief résultant du retard dans la notification des droits.
De même si la notification de la décision à un membre de la famille du patient ne figure pas au dossier, il n'est pas justifié d'un grief occasionné à [I] [R] résultant de cette irrégularité . Le moyen sera écarté.
Comme l'a relevé à bon droit le premier juge, le programme de soins était en cours en juillet 2024 et [I] [R] était en rupture avec le CMP avec défaut de consultation, ce qui explique le défaut de consultation en direct avec le médecin. De plus, aucune disposition légale n'impose un passage du patient devant le collège de médecins pour avis obligatoire alors que le programme de soins est en cours. La procédure suivie est donc régulière.
Le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure. Cette décisison a été notifiée à [I] [R] le 31 juillet 2024.
Les moyens soulevés devant le premier juge et dans le cadre de la déclaration d'appel seront donc écartés.
-sur les moyens nouveaux soulevés en appel par de nouvelles conclusions déposées le 14 août 2024 et celles présentées à l'audience :
-Sur le défaut de délégation de signature de l'arrêté de réintégration allégué, l'arrêté de délégation de pouvoir du Préfet de la Haute-Garonne à [O] [G], secrétaire général du préfet, avait été transmis à la cour et permet de vérifier que ce dernier était compétent pour prendre et signer l'arrêté préfectoral critiqué.
Le moyen sera écarté.
-Sur le défaut de notification au Procureur de la République, au Maire et la commission départementale des soins de la décisison de réhospitalsiation complète sous contrainte, dans la mesure où cette notification a été faite lors de l'admission en soins psychiatriques sous contrainte de [I] [R] en application de l'article L3213-9 du code de santé publique dès le 5 août 2015 et que cette mesure n'a pas été levée, une nouvelle notification ne s'imposait pas de nouveau dans le cadre du changement de régime de soins sous contrainte, enfin et surtout il n'est pas établi que ce défaut de notification porte atteinte aux droits de [I] [R].
Le moyen sera écarté.
-Sur le défaut de notification de la décision préfectorale à [I] [R], il ressort des pièces de la procédure, que la notification de la mesure de placement en hospitalisation complète a été faite dès le 24 juillet 2024 au Centre Hospitalier [6] et que [I] [R] a refusé de signer le document. Enfin, il a été entendu par le juge des libertés et de la détention et a pu relever appel par l'intermédiaire de son avocat, il a donc pu exercer ses droits.
Enfin, il n'est pas fait état d'un quelconque grief résultant de l'irrégularité soulevée.
Le moyen sera écarté.
-Sur le défaut de convocation de l'UDAF curateur de [I] [R], si la Cour de cassation a rappelé que l'omission de convocation par le greffe du curateur de la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement constitue une nullité pour irrégularité de fond, qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel (cf.1re Civ., 12 mai 2021, pourvoi n°20-13.307) , il ressort des pièces de la procédure que l'UDAF a bien été convoquée à l'audience du juge des libertés et de la détention du 30 juillet 2024
Le moyen sera également écarté.
A défaut d'autres moyens soulevés, il convient de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 30 juillet 2024 déférée.
Les dépens resteront à la charge de l'Etat.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,
- sur la recevabilité de l'appel :
déclarons l'appel de [I] [R] recevable
-sur le fond :
rejetons l'appel comme non fondé et confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 30 juillet 2024
-Laissons les dépens à la charge de l'Etat.
LE GREFFIER LE PREMIER PRESIDENT
K.MOKHTARI V. SALMERON