08/08/2024
ARRÊT N°24/533
N° RG 22/02703 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O44Q
CJ - CD
Décision déférée du 07 Juillet 2022 - Juge aux affaires familiales de TOULOUSE -
J. L. ESTEBE
[X] [N]
C/
[C] [R]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU HUIT AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [X] [N]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Valérie AMIEL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur [C] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Catherine LAGRANGE de la SELARL D'AVOCATS LAGRANGE - COURDESSES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme C. DUCHAC, Présidente et Mme M. C. CALVET, Conseiller, chargées du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. DUCHAC, présidente
C. PRIGENT-MAGERE, conseiller
M.C. CALVET, conseiller
Greffier, lors des débats : C. CENAC
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement,par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. DUCHAC, président, et par C. CENAC, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [X] [N] et M. [C] [R] se sont mariés le [Date mariage 3] 2000 à [Localité 10] (31), sous le régime de la communauté légale.
De leur union sont issus deux enfants :
[P], né le [Date naissance 1] 2006,
[Y], née le [Date naissance 7] 2009.
Le divorce a été prononcé par jugement du 3 mai 2018.
Ils n'ont pas pu partager amiablement la communauté.
Par acte en date du 11 mars 2019, Mme [X] [N] a fait assigner M. [C] [R] aux fins de partage devant le juge aux affaires familiales de Toulouse.
Par jugement en date du 13 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a notamment :
- ordonné la liquidation et le partage d la communauté,
- désigné pour y procéder Me [T], sous la surveillance du juge coordonnateur du Service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse,
- sursis à statuer sur les autres demandes et sur les dépens, dans l'attente de l'issue du travail du notaire.
Le 4 septembre 2020, le juge chargé de la surveillance du partage a désigné Me [E], notaire à [Localité 9] en lieu et place de Me [T].
Le notaire a établi un projet d'état liquidatif et de partage que les parties n'ont pas accepté.
Le 1er juillet 2021, il a dressé un PV de difficultés qu'il a transmis au juge commis.
Par jugement contradictoire en date du 7 juillet 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse a :
- dit que la communauté doit à M. [C] [R] une récompense de 12.938,70 euros au titre de l'emploi des fonds de son LEP dans l'achat du terrain,
- dit que la communauté doit à M. [C] [R] une récompense de 80.570,33 euros au titre du profit tiré par la communauté des libéralités reçues de ses parents pour les travaux d'extension de la maison,
- dit que M. [C] [R] doit une récompense de 515,70 euros au titre de la conservation des revenus de ses biens propres,
- fixé la jouissance divise à la date du présent jugement,
- rejeté les autres demandes,
- dit que les frais de partage judiciaire, qui incluent les dépens de l'instance tels qu'énumérés par l'article 695 du code de procédure civile, seront supportés par les co-partageants proportionnellement à leurs parts,
- renvoyé les parties devant le notaire pour qu'il établisse un acte de partage conforme à son projet compte-tenu du présent jugement,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration électronique en date du 18 juillet 2022, Mme [X] [N] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
' - jugé que le virement effectué du compte LEP de M. [R] vers le compte joint a permis de financer l'achat du terrain,
- jugé que le prêt des parents de M. [R] pour financer le terrain n'a été remboursé qu'à hauteur de 8 mensualités de 900 € par les époux puis qu'ils ont donné la somme de 27.000 € à leur fils,
- jugé que les libéralités des parents de M. [R] n'étaient pas destinées au bénéfice de la communauté mais uniquement au bénéfice de M. [R],
- jugé que la récompense dont bénéficie M. [R] s'élève à la somme de 80.570,33 €, Juger que le dons manuel de 27.000 € a permis de financer le terrain,
- jugé que le don manuel de 12.000 € a permis de financer les travaux,
- jugé que la communauté est redevable d'une récompense de 8.455,45 € à M. [R],
- jugé que la récompense due par M. [N] s'élève à 515,70 €,
- dit que la communauté doit à M. [R] une récompense de 12938,70 € et une récompense de 80570,33 €,
- dit que M. [R] doit une récompense de 515,70 € à la communauté.'
Suivant ses dernières conclusions d'appelante en date du 21 février 2023, Mme [X] [N] demande à la cour :
- vu les articles 815 et suivants, 1042, 1045 alinéa 2 du Code civil,
- d'infirmer le jugement rendu par le Juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Toulouse en date du 7 juillet 2022 en ce qu'il a :
jugé que le virement effectué du compte LEP de M. [R] vers le compte joint a permis de financer l'achat du terrain,
jugé que le prêt des parents de M. [R] pour financer le terrain n'a été remboursé qu'à hauteur de 8 mensualités de 900€ par les époux et qu'ils ont donné la somme de 27000€ à leur fils,
jugé que le don manuel de 27000€ a permis de financer le terrain,
jugé que le don de 12000€ a permis de financer les travaux,
jugé que les libéralités des parents de M. [R] n'étaient pas destinées au bénéfice de la communauté mais uniquement au bénéfice de M. [R],
jugé que la récompense dont bénéficie M. [R] s'élève à la somme de 80570,33€,
jugé que M. [R] doit une récompense de 515,70 €,
- de juger que la récompense due par la communauté à M. [C] [R] s'élève à la somme de 29.619,81 € au titre de l'investissement de fonds propres pour l'acquisition du terrain,
- de juger qu'aucun droit à récompense n'est dû par la communauté à M. [C] [R] du fait de l'investissement de fonds propres pour la construction de la maison en 2002,
- de juger qu'aucun droit à récompense n'est dû par la communauté à M. [C] [R] du fait de l'investissement de fonds propres pour les travaux de piscine et de garage en 2006,
- de juger qu'aucun droit à récompense n'est dû par la communauté à M. [C] [R] du fait de l'investissement de fonds propres pour les travaux d'extension en 2014 et en 2015,
- de juger que le droit à récompense due par la communauté à M. [C] [R] s'élève à : 22.270,97 €,
- de juger que les droits des parties s'établissent comme suit :
M. [R] a droit à :
la moitié du Boni net : 381.957,73 €
le montant de ces récompenses : 22.270,97 €
le montant de son compte d'administration : 3365,73 €
montant total de ses droits : 407.594,43 €
Mme [N] a droit à :
la moitié du Boni net : 381.957,73 €
le débit de son compte d'administration : 72.746,43 €
montant total de ses droits : 309.211,30 €
- de juger que le montant de la soulte dû par Mme [X] [N] à M. [C] [R] s'élève à 206.583,95€,
- de juger que les lots tel que proposés par le notaire seront homologués sauf en ce qui concerne la soulte due par Mme [X] [N] à M. [C] [R] qui s'élève à 206.583,95 €,
- de rejeter les demandes élevées par M. [C] [R],
- de dire et juger que les parties conserveront à leur charge les dépens qu'elles ont engagés.
Suivant ses dernières conclusions d'intimé en date du 13 janvier 2023 (et appel incident du même jour), M. [C] [R] demande à la cour:
- de confirmer le Jugement sur l'ensemble des dispositions et débouter Mme [X] [N] de son appel,
- de réformer le jugement dans l'hypothèse où la Cour n'ordonnerait pas le retrait de l'appel,
Et,
- d' infirmer la décision en ce qu'elle a fixé la date de jouissance divise au
7 juillet 2022,
- de dire et juger que dans cette hypothèse, la date de jouissance divise sera fixée à la date de l'arrêt à intervenir,
- de condamner Mme [X] [N] aux entiers dépens outre la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 4 mars 2024 et l'audience de plaidoiries fixée le 19 mars 2024 à 14 heures.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Suivant les articles 562 et 901 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément aux termes de la déclaration d'appel.
Suivant l'article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.
La déclaration d'appel formée par Mme [N] contient diverses énonciations qui mélangent les motifs du jugement et les demandes. Les seules dispositions du jugement expressément visées à la déclaration d'appel sont les suivantes :
- dit que la communauté doit à M. [R] une récompense de 12.938,70 € et une récompense de 80.570,33 €,
- dit que M. [R] doit une récompense de 515,70 € à la communauté.
De son côté, M. [R] forme appel incident sur la date de jouissance divise.
Ainsi, le renvoi des parties devant le notaire n'est pas soumis à la cour par la déclaration d'appel ou l'appel incident, pas plus que la disposition qui a rejeté 'les autres demandes', à savoir celles relatives :
- au remboursement du prêt consenti par les parents de M. [C] [R]
- à la détermination du bénéficiaire des donations opérées par les parents de M. [C] [R] dans le cadre de l'acquisition du terrain et de la construction de la maison,
- à l'emploi des libéralités reçues par M. [C] [R],
- aux actions [8].
Par conséquent, la cour n'est pas saisie de ces postes qui étaient contenus dans la mention du dispositif 'rejette les autres demandes'.
En ce qui concerne la récompense due par M. [C] [R] à la communauté, elle est visée dans la déclaration d'appel mais ne fait l'objet d'aucune demande de Mme [X] [N] dans le dispositif de ses écritures. La cour ne pourra donc que confirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [C] [R] doit une récompense de 515,70 euros au titre de la conservation des revenus de ses biens propres.
En définitive, le litige porte sur la date de jouissance divise ainsi que sur les seules récompenses relatives aux fonds propres du mari issus de son LEP investis dans l'achat du terrain et au financement des travaux d'agrandissement.
Sur la date de jouissance divise
Suivant les dispositions de l'article 829 du code civil, en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant.
Cette date est la plus proche possible du partage.
Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.
Les parties ne discutent pas l'évaluation des biens ni la composition et répartition des tels que proposés par le notaire. La date de jouissance divise peut donc être fixée.
Elle sera établie à la date la plus proche du partage, à savoir au jour de l'arrêt, réformant le jugement dont appel.
Sur les récompenses dues par la communauté à M. [C] [R]
Le tribunal a fixé, en faveur de M. [C] [R] :
- une récompense d'un montant de 12.938,70 € au titre de l'emploi des fonds propres dans l'achat du terrain
- une récompense d'un montant de 80.570,3 € au titre du profit subsistant pour la communauté de libéralités reçues par M. [C] [R] de ses parents, utilisées pour des travaux d'extension de la maison.
Suivant les dispositions de l'article 1433 du code civil, ' La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.
Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.
Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions.'
Suivant l'article 1469 du même code, ' La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.'
* Financement de l'achat du terrain : les sommes issues du LEP de M. [C] [R]
Les époux M. [C] [R] / Mme [X] [N] ont acquis un terrain situé à [Localité 5] le 14 septembre 2001. Ils ont payé comptant la somme de 56.550,50 €, comprenant le prix et les frais d'acte.
Devant le premier juge, M. [C] [R] a critiqué le projet établi par le notaire en ce qu'il n'avait pas pris en compte la somme de 4.573,47 € qu'il détenait avant le mariage sur son LEP et qui ont été investis dans l'achat du terrain.
Le jugement retient à juste titre que :
- le 3 juillet 2000, alors que le mariage a été célébré le [Date mariage 3] 2000, M. [C] [R] détenait sur son LEP la somme de 4.573,47 €, constitutive de deniers propres,
- ce montant a été viré le 7 septembre 2001 sur le compte-joint des époux, le terrain ayant été acquis le 14 septembre 2001, ce qui permet de considérer qu'il a bien servi à financier l'achat concomitant du terrain.
Les parties ne discutent pas la valeur finale du terrain à hauteur de 160.000 €. Le profit subsistant est donc de 4.573,47 / 56.550,50 (coût de l'acquisition) x 160.000 = 12'938,70 €. Le jugement déféré sera donc confirmé.
* Financement des travaux d'agrandissement
Ils ont été réalisés en 2014 et 2015, pour un coût de 77.410,51 €, financés en partie par les parents de M. [C] [R] à hauteur d'un montant retenu par le notaire de 57.968,35 € et par le tribunal de 64.968,65 €, ajoutant la prise en compte de deux chèques remis à M. [C] [R] par ses parents, de 4.000 € et 3.000 € établis les 9 et 14 mars 2015 .
La remise de ces deux derniers chèques est bien justifiée par M. [C] [R] , de sorte que la cour retient que le coût des travaux financé par ses parents doit être porté à 64.968,65 €.
Mme [X] [N] ne conteste pas la réalité du financement par ses beaux-parents, mais elle expose que ces libéralités ont été faites au couple ou à la communauté et non à M. [C] [R] seul.
Elle avance que lorsque ses beaux-parents ont voulu gratifier seulement leur fils, ils ont pris la peine d'établir des déclarations de dons manuels, alors qu'ils ont versé des sommes (34.200 € lors de l'achat du terrain, puis 12.000 €) sur le compte-joint des époux ou ont réglé directement des factures .
La cour s'approprie comme constituant une exacte appréciation des faits de la cause, le tableau établi par le premier juge pages 5 et 6 du jugement, qui récapitule les modalités du financement des travaux, au vu des factures, justificatifs de paiement et des remises de fonds par les parents de M. [C] [R].
Les différents dons manuels opérés par les parents de M. [C] [R] l'ont été au moyen de chèques invariablement établis au nom de leur fils, ainsi que de paiements directs de certaines factures. Les dons manuels intervenus dix ans plus tôt, déclarés comme tels à l'administration fiscale (deux chèques de 44.886 € et 40.000 € du 18 décembre 2004, déclarations dons manuels du 5 septembre 2005) l'ont aussi été à M. [C] [R] seul.
Le règlement direct par les parents de M. [C] [R] de certaines factures et la remise de chèques à l'ordre seulement de leur fils, procèdent de la même volonté de gratifier uniquement ce dernier. Le jugement retient justement qu'il ne serait pas logique que les règlements de factures et les remises de chèques qui concernent une même opération gratifient tantôt leur fils, tantôt les deux époux.
C'est donc par une juste appréciation des faits de la cause et de l'intention des donateurs que le jugement a retenu que le financement des travaux par les parents du mari constituait une libéralité destinée à M. [C] [R].
Les travaux ont donc bien été financés avec des fonds propres au mari, qui ouvrent droit à récompense.
Le montant de la récompense s'établit comme suit, le coût des travaux et la plus-value n'étant pas contestés : 64.968 € (valeur empruntée) / 77.410,51 € (coût des travaux) x 96.000 € (plus-value) = 80'570,33 €. Le jugement sera donc confirmé.
Sur les dépens et les frais
Mme [X] [N] supportera les dépens d'appel.
Au regard de l'équité, elle sera condamnée à payer à M. [C] [R] la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la date de jouissance divise,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe la date de jouissance divise au 8 août 2024,
Condamne Mme [X] [N] à payer à M. [C] [R] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [X] [N] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
C. CENAC C. DUCHAC
.