18/07/2024
ARRÊT N° 231/24
N° RG 22/03748 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PB2Q
MS/MP
Décision déférée du 20 Septembre 2022 - Pole social du TJ de MONTAUBAN (2100131)
V. LAGARRIGUE
[Y] [O] [P]
C/
S.E.L.A.R.L. [H][M] [V] & ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de la S.C.E.A [6]
MSA MIDI-PYRENEES NORD
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU DIX HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE
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APPELANTE
Madame [Y] [O] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Olivier ISSANCHOU, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/009077 du 30/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. [H][M] [V] & ASSOCIES
es qualité de liquidateur judiciaire de la S.C.E.A [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée à l'audience par Me Me Geoffroy BOGGIA du cabinet substituant Me Jean lou LEVI de la SELARL LEVI - EGEA - LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
MSA MIDI-PYRENEES NORD
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée à l'audience par Me Jean-Michel REY du cabinet substituant Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2024, en audience publique, devant M. SEVILLA, conseillère chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente
M. SEVILLA, conseillère
M. DARIES, conseillère
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière
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Le 19 juillet 2017, Mme [Y] [P], salariée de la SCEA [6] ayant pour liquidateur judiciaire Me [V], a été victime d'un accident du travail pris en charge par la mutualité sociale agricole (MSA), décrit en ces termes dans la déclaration de l'employeur: « la salariée est venue avertir le chef de station de sa blessure, elle a voulu prendre une alvéole et un gros melon de catégorie 8 lui est tombé sur sa main gauche ».
Le certificat médical initial ne mentionne pas les blessures.
Les certificats ultérieurs mentionnent un traumatisme de la main gauche.
La MSA a déclaré l'état de Mme [P] consolidé avec séquelles au 31 décembre
2019 et lui a reconnu un taux d'incapacité permanente de 45% au titre ' des douleurs de la main gauche chez une gauchère, oedème de la main, limitation des amplitudes du poignet et des possibilités de prises.'
Le 12 novembre 2018, Mme [P] a saisi la MSA d'une demande de
reconnaissance de faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 20 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Montauban a:
- dit le jugement commun à la MSA Midi-Pyrénées nord,
- débouté Mme [P] de toutes ses demandes,
- débouté Me [V], liquidateur de la SCEA [6], de sa demande au
titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [P] aux dépens.
Mme [P] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions reprises oralement, elle demande d'infirmer le jugement et de dire que l'acccident est du à la faute inexcusable de son employeur, d'ordonner une expertise médicale de lui allouer une provision de 5.000 euros et d'inscrire les dépens au passif de la société [6].
Elle soutient que son employeur connaissait son statut de travailleur handicapé et ne lui a pas fait passer la visite de prévention et d'information dans les trois mois de l'embauche. Elle ajoute qu'elle souffre d'ostéopénie et que son poste de travail n'était pas adpaté à son handicap.
Dans ses dernières écritures reprises oralement, le SCEA [6] demande confirmation du jugement outre la condamnation de Mme [P] à payer à son liquidateur Me [V] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur soutient que Mme [P] ne démontre aucun lien entre l'absence de visite d'embauche et l'accident du travail.
La MSA dans ses denrières écritures reprises oralement s'en remet à l'appréciation de la cour concernant la faute inexcusable de l'employeur et demande la condamnation de Mme [P] à lui payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Sur la faute inexcusable:
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, étant précisé que la faute de la victime, dès lors qu'elle ne revêt pas le caractère d'une faute intentionnelle, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute.
Il incombe néanmoins au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut ; il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine (et non simplement possible) de l'accident ou de la maladie.
Selon l'article R.4624-10 du code du travail , tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail .
Par ailleurs, l'article R.4624-17 du même code édicte que tout travailleur dont l'état de santé, l'âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs qui déclarent être titulaires d'une pension d'invalidité et les travailleurs de nuit mentionnés à l'article L. 3122-5, bénéficie, à l'issue de la visite d'information et de prévention, de modalités de suivi adaptées déterminées dans le cadre du protocole écrit prévu au troisième alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail selon une périodicité qui n'excède pas une durée de trois ans.
En l'espèce, l'employeur ne conteste pas qu'il était informé du statut de travailleur handicapé de Mme [Y] [P] et ne dément pas plus l'absence d'organisation d'une visite d'information et de prévention dans les trois mois de l'embauche.
Le tribunal a considéré que les circonstances de l'accident du travail n'étaient pas précises en l'absence d'identification de la cause de la chute du melon.
Il a également retenu que l'absence de visite de prévention ne suffisait pas à établir la faute inexcusable de l'employeur puisque Mme [Y] [P] n'établissait pas en quoi son poste n'était pas adapté à son handicap et présentait un danger pour elle.
Mme [P] produit aux débats son contrat de travail du 1er juillet 2017 qui mentionne une mission de 'conditionnement melons'.
Elle justifie de son admission en qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2021.
Elle produit également un rapport de densitométrie osseuse du 20 février 2013 qui indique qu'elle est considérée comme ostéopénique selon les critères de l'OMS avec un risque de fracture modéré.
Le tribunal a à juste titre retenu que l'absence de visite de prévention ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l'employeur.
En effet, Mme [Y] [P] ne démontre pas de lien causal certain entre l'absence de visite préalable et l'accident.
Elle ne démontre pas de relation causale entre les lésions dont elle a souffert, un traumatisme de la main sans fracture, et la fragilité osseuse médicalement décrite.
Mme [Y] [P] n'établit pas plus en quoi le poste de travail auquel elle était affecté n'était pas adapté à son handicap.
La cour ne peut donc que constater l'absence de lien entre le handicap établi par Mme [Y] [P] (fragilité osseuse) et l'accident, aucune lésion osseuse n'étant rapportée.
Dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Sur les autres demandes:
Mme [Y] [P] sera condamnée aux dépens.
Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées par souci d'équité.
Par ces motifs
La Cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 20 septembre 2022,
Y ajoutant
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [Y] [P] aux dépens d'appel,
Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par M. POZZOBON, greffière,
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
M. POZZOBON N. ASSELAIN.