La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2024 | FRANCE | N°24/00356

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 05 juillet 2024, 24/00356


05/07/2024



ARRÊT N°2024/206



N° RG 24/00356 - N° Portalis DBVI-V-B7I-P7HP

MD/CD



Décision déférée du 17 Janvier 2024 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Toulouse

( F22/01708)

V. ROMEU

Section Activités Diverses

















[A] [F]





C/



S.A. OLYMPIQUE DE [Localité 8]


































>

















Appel sur la compétence



INFIRMATION











Grosses délivrées



le 5/7/24



à Me DUPUY-JAUVERT,

Me MEHATS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT


...

05/07/2024

ARRÊT N°2024/206

N° RG 24/00356 - N° Portalis DBVI-V-B7I-P7HP

MD/CD

Décision déférée du 17 Janvier 2024 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Toulouse

( F22/01708)

V. ROMEU

Section Activités Diverses

[A] [F]

C/

S.A. OLYMPIQUE DE [Localité 8]

Appel sur la compétence

INFIRMATION

Grosses délivrées

le 5/7/24

à Me DUPUY-JAUVERT,

Me MEHATS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [A] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

S.A. OLYMPIQUE DE [Localité 8]

Robert Louis Dreyfus [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabrice MEHATS de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Michel KUHN de la SELARL AKHEOS, avocat au barreau de [Localité 8]

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , C. BRISSET, présidente, et M. DARIES, chargée du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de  :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

E. BILLOT, vice présidente placée

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ETPROCÉDURE

M. [A] [F] a été recruté par la SASP Olympique de [Localité 8], club de football professionnel, en qualité de recruteur sportif suivant contrat de prestations de services à durée déterminée allant du 1er mars au 30 juin 2021.

Ce contrat a été renouvelé une fois, du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.

M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 8 novembre 2022 pour demander la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail, demander la requalification de la rupture contractuelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 17 janvier 2024, a :

- jugé que la relation entre M. [F] et la SASP Olympique de [Localité 8] est exclusive de tout contrat de travail,

- jugé en conséquence que le conseil est incompétent au profit du tribunal de commerce de [Localité 8],

- réservé les dépens,

- rappelé que les parties peuvent faire appel de la décision d'incompétence devant la cour d'appel dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision.

Par déclaration du 29 janvier 2024, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.

Par requête du 31 janvier 2024, M. [F] a sollicité auprès du premier président de la cour d'appel de Toulouse l'autorisation d'assigner à jour fixe la SA Olympique de [Localité 8].

Par ordonnance du 26 février 2024, le président de chambre à la cour d'appel de Toulouse spécialement délégué à cet effet par ordonnance du premier président, a autorisé M. [F] à faire assigner la SA Olympique de [Localité 8] devant la cour d'appel de Toulouse pour l'audience du 22 mai 2024 à 14h.

M. [F] a fait délivrer assignation à la SASP Olympique de [Localité 8] par voie d'huissier le 15 mars 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 février 2024, M. [A] [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille,

- déclarer le conseil de prud'hommes de Toulouse compétent pour qualifier la relation contractuelle entre lui et la SASP Olympique de [Localité 8],

- se déclarer compétente pour connaître et évoquer l'affaire au fond.

Evoquant l'affaire au fond :

- requalifier le contrat conclu avec la SASP Olympique de [Localité 8] en contrat de travail,

- condamner la SASP Olympique de [Localité 8] à lui régler les sommes suivantes :

1 230,70 euros à titre d'indemnité de licenciement,

3.692 euros à titre d'indemnité de préavis outre 369,20 euros de congés payés y afférents,

7 384 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

51 072 euros à titre de rappel de salaire,

5 107,20 euros au titre des congés payés,

7 350 euros au titre des heures supplémentaires outre 730€ de congés payés y afférents,

5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos,

22 151 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au principe de libre exercice d'une activité professionnelle.

- condamner la SASP Olympique de [Localité 8] sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir et dire que la cour d'appel de Toulouse se réserve le droit de liquider l'astreinte à remettre les documents sociaux suivants :

* bulletins de salaire pour la période du 01/03/2021 au 30/06/2022,

* attestation Pôle Emploi,

* certificat de travail

- condamner la SASP Olympique de [Localité 8] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que les intérêts dus seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article A444-32 du code de commerce, sur les sommes n'étant pas dues en exécution du contrat de travail devront être supportées par la société défenderesse en application des dispositions de l'article R631-4 du code de la consommation en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SASP Olympique de [Localité 8] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 30 avril 2024, la SA Olympique de [Localité 8] demande à la cour de :

In limine litis,

- constater que la relation avec M. [F] est exclusive de tout contrat de travail,

- recevoir en conséquence l'exception d'incompétence soulevée et se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille,

- confirmer le jugement et,

- déclarer les demandes irrecevables,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire :

- constater le montant excessif des demandes de Monsieur [F].

- en conséquence, minimiser le montant des dommages et intérêts éventuellement alloué à M. [F].

En tout état de cause ,

- débouter M. [F] de ses demandes relatives à l'exécution provisoire et au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

L'article 79 du code de procédure civile précise que « lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ».

Selon l'article L1411-1 du code du travail le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

L'appelant conteste le jugement en ses dispositions ayant écarté l'existence d'une relation de travail salariée et par voie de conséquence la compétence du conseil de prud'hommes.

Sur l'existence d'un contrat de travail

Le contrat de travail se définit comme la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération.

L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention ni de l'existence de bulletins de paye, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail.

Il revient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail de rapporter la preuve de son existence face en l'espèce à la présomption de non salariat de l'article L 8221-6 du code du travail, selon lequel:

'I-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux (..)

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.

II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. (..)'.

M. [F] explique, qu'en tant que recruteur, il n'exerçait pas physiquement au sein de l'entreprise, se déplaçait dans toute la France à la recherche de nouvelles recrues pour le compte du club et lorsqu'il n'était pas sur le terrain, il travaillait depuis son domicile de [Localité 3].

Il expose que le club lui ayant imposé de s'immatriculer comme indépendant, il a réactivé une immatriculation en tant qu'entrepreneur individuel de 2009 ayant pour principale activité une 'agence de publicité' qui était 'en sommeil' depuis sa création.

Il affirme qu'il exerçait en fait son activité de recruteur dans le cadre d'un lien de subordination comme les autres recruteurs engagés en contrat à durée indéterminée.

Le club le conteste, objectant que l'appelant accomplissait son activité de pré-sélection au niveau local, secteur géographique dont il avait connaissance, dans le cadre de deux conventions de prestations ponctuelles, en toute indépendance d'organisation, d'horaire et de durée de travail, contrairement aux autres recruteurs salariés travaillant à [Localité 8] et qui assuraient la validation définitive du recrutement dans le cadre d'une cellule de recrutement dédiée.

Le club ajoute qu'il n'exerçait pas de contrôle du travail de M. [F] ni quantitatif ni qualitatif.

- Il convient d'analyser les conditions d'exercice de l'activité afin de déterminer les éléments relevant d'un pouvoir de contrôle et de sanction allant au-delà de celui de vérification par le client de la correcte exécution des missions et de la conformité au résultat attendu.

Il est constant que M. [F] disposait du statut d'auto-entrepreneur antérieurement à la contractualisation avec le club sur un secteur d'activité sans rapport avec celui de recruteur sportif, tel que mentionné sur l'extrait du répertoire Sirene du 12-01-2023 produit par l'intimé.

L'appelant allègue une radiation du compte Urssaf mais le seul extrait communiqué ne comporte ni le nom de l'intéressé ni le numéro Siren de l'entreprise et il ne produit aucune demande de radiation ou de réinscription.

M. [F] utilisait une adresse de messagerie à son nom personnel et non une messagerie professionnelle au nom du club.

Aux termes des deux conventions successives signées par les parties, il a été confié à M. [F] une prestation de services d'études et de conseils en vue de la sélection de jeunes joueurs de football en région Occitanie susceptibles d'intégrer les effectifs du centre de formation de la SASP OM.

Au titre des obligations du prestataire, il est précisé que:

. le format de l'étude à restituer sera ' une étude sous forme de fiches décrivant, le plus précisément possible, les caractéristiques physiques, techniques, mentales, psychologiques et sociales des joueurs et leur éventuelle situation contractuelle',

. les rapports et compte-rendus conformes seront établis, dans un souci d'efficacité et praticabilité, aux standards du club, les résultats de l'étude devant être livrés aux différentes dates préalablement arrêtées par le club.

La convention détermine donc le contenu de la demande du client et la forme des rapports destinés à la direction et à la cellule de recrutement, participe d'une volonté d'harmonisation de la présentation et de l'évaluation, ce d'autant que le club dispose de recruteurs salariés mais aussi d'autres indépendants sur les départements de l'Héraut, du Gard et du Vaucluse.

De même, le recueil par le recruteur auprès des familles d'un dossier complet sur le joueur (livret de famille, attestation de sécurité sociale, résultats scolaires) ( confer pièce 13 de l'appelant) est un élément s'intégrant à la nature de l'évaluation sollicitée par le club.

Le repérage des 'profils' correspondant à la demande du club implique que le recruteur assiste en phase d'observation à des entraînements et des matchs et soit en lien avec les clubs, les entraîneurs et les familles.

M. [F] soutient qu'il exerçait les mêmes fonctions et appliquait la même méthodologie que les recruteurs ( 'scout') salariés comme [G] [H] 'Scout OM Academy' - [K] [B]-[X] à [Localité 8] recruteur centre de formation - [S] [E] 'Scout OM Academy'- [U] [J] à [Localité 9] 'Scout'- [Y] [V] à Orléans 'Scout OM Academy', inscrits sur le registre du personnel ( pièce 5 de l'intimé).

Le club réplique que ces salariés exerçaient des missions différentes de celles de M. [F]:

. M. [H] travaillait à [Localité 8], à temps complet pour l'équipe professionnelle,

. M. [B]-[X] et M. [E], salariés à temps partiel dans le cadre d'un service organisé à [Localité 8], assuraient une mission de validation,

.M. [J], recruteur chargé de valider les profils, a été licencié, ayant refusé de travailler à [Localité 8],

. M. [V] n'était pas référent et a conclu une rupture conventionnelle.

Néanmoins, l'appelant produit en pièce 31, le programme des inter-ligues U15-2007 pour le mois d'avril 2022 mentionnant la participation de M. [V] mi-avril mais aussi celle de M. [F] du 25 au 28 avril avec M. [X] puis [S] [P].

Par ailleurs, M. [F] fait valoir qu'il devait assister aux événements choisis par le club: matchs, tournois régionaux, inter-régionaux ou nationaux, rassemblements de joueurs, journées de détection notamment celles se tenant au sein du centre de formation de l'Olympique de [Localité 8].

M. [V], que M. [F] indique être son N+1, atteste que celui-ci a travaillé sous sa responsabilité du 01-03-2021 au 30-07-2022 en qualité d'observateur recruteur sur la zone géographique Occitanie et suivait un planning établi par ses soins et lui rendait les compte-rendus sur les joueurs qui lui paraissaient dignes d'intérêt pour le centre de formation de l'olympique de [Localité 8]. Il ajoute que l'appelant avait les mêmes missions que d'autres recruteurs du club qui étaient en contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée.

Cela est corroboré par diverses pièces 3 à 10, desquelles il ressort que:

. M.[D], coordinateur sportif OM Academy, par SMS, demandait à l'appelant s'il ' pouvait aller voir [Localité 6] [Localité 10] le 28 août' , ce à quoi M. [F] répondait positivement et qu'il ferait un rapport,

. Par mail, M. [D] adressait le programme d'observation aux recruteurs salariés dont M. [V] lequel le transmettait à M. [F], comme le programme inter-ligue U15 outre les plannings pour les observations du week-end du 25 et 26-09-2021,

. M. [D], le 24-09-2021 informait le club [Localité 5] foot de ce que l'OM organisait une action le 03-10 sur les installations du club de [Localité 7] en précisant :' pour toutes informations complémentaires veuillez contacter: zone Occitanie: M.[F]',

. M. [V] transmettait le 03-10-2021 à M. [F] et M. [M] [R] (autre recruteur indépendant) l'organisation de la journée détection Occitanie-Nouvelle Aquitaine puis le 05-10 la synthèse de la journée,

. la feuille de route du rassemblement Occitanie/Aquitaine 2021/2022 pour les joueurs nés en 2009 et 2010 mentionne comme 'référent: M. [V]' et secteur Occitanie:M.[F] et secteur Aquitaine: M. [R],

. M. [V] adressait à M. [F] le planning des observations du concours pôles espoirs le 03-05-2021,

.lors des échanges transmis par l'intermédiaire de M. [V], du 08-04-2022 concernant le programme d'observation et les documents inter-ligues U15, M. [D] joignait 'un document de synthèse unique pour recenser les joueurs ' et sollicitait le renvoi du document exel avec les joueurs observés sur les secteurs.

L'appelant a même, dans le cadre des tâches exécutées, accompagné en avion des joueurs mineurs 'détectés' vers le centre de formation de l'Olympique de [Localité 8].

Au-delà du contenu de l'évaluation sollicitée par le club concernant les jeunes joueurs, l'appelant n'avait pas la maîtrise du matériel à utiliser puisqu'il devait se servir du logiciel 'director 11" comme les recruteurs salariés et il disposait à cet effet de codes de connexion et d'une fiche de renseignements (pièces 20 et 21).

M. [F] informait également préalablement M.[V] de ses déplacements concernant des matchs ou autres évènements auxquels il se rendait, ainsi le 21-02-2022 et son interlocuteur lui demandait de préciser les catégories sur les matchs pour le planning général (pièce 15).

Le 22 novembre 2021, M. [V] rappelait à Messieurs [F] et [R], que les retours des observations devaient être effectués tous les lundis car il remontait les informations sur une réunion technique ayant lieu tous les mardis.

L'intéressé a été également convoqué à participer à une réunion 'scout' le 17-05-2021 (pièce 14).

Ces process réguliers s'inscrivent pour M. [F] dans un service organisé en vue de la sélection des joueurs.

Si le club oppose que l'appelant n'était soumis à aucun horaire fixe, la cour relève à l'examen du registre du personnel que Messieurs [V], [J] et [X], étaient soumis à un forfait jours excluant tout horaire déterminé.

- S'agissant de la rémunération fixée dans la convention, alors qu'un auto-entrepreneur peut facturer en fonction des prestations accomplies, la rémunération a été définie comme une somme globale, définitive et forfaitaire de 2000€ HT, certes peu importante par rapport aux missions déterminées, mais versée de manière mensuelle (500€ HT).

- Enfin, la convention prévoit une obligation de travailler exclusivement pour la société Olympique de [Localité 8], ainsi libellée:

« Art. 3.2 : En revanche, le présent contrat a un caractère d'exclusivité vis-à-vis du Prestataire. En conséquence, le Prestataire ne peut exercer toute mission similaire ou identique qui pourrait lui être proposée par un ou plusieurs clubs de football français ou étranger ».

« Art. 5-4 : Le Prestataire garantit au Club n'avoir souscrit aucune obligation, ni engagement de quelque sorte que ce soit qui limiteraient d'une quelconque façon les obligations définies au présent contrat. En particulier, le Prestataire s'engage à organiser son agenda afin de donner la priorité de sa disponibilité au Club aux fins de bonne exécution des présentes »

Le club explique que cette clause est limitée et justifiée par le fait que le marché est très concurrentiel sur un territoire déterminé .

M. [F] déclare ne pas avoir exercé d'autre activité que celle de recruteur pour le club OM.

Il verse la déclaration de revenus pour 2021 qui mentionne des salaires pour 430 euros et autres revenus imposables: 6170 euros, ce qui est supérieur au montant perçu au titre de la prestation pour le club; de même la déclaration des revenus pour 2022 porte des salaires à hauteur de 5460 euros et autres revenus 7966 euros.

La cour constate que si la clause n'exclut pas le principe de toute autre activité par l'intéressé, ce dernier devait pour la période concernée réserver sa disponibilité au profit du club.

Il existe donc un faisceau d'indices: application des règles relevant d'un service organisé en ce qui concerne la participation à des événements en grande partie soumis par le club et l'utilisation du logiciel professionnel de ce dernier excluant une liberté de rédaction - rémunération fixe - disponibilité nécessaire pour les prestations au profit du club - tels que la cour estime qu'il existait un lien de subordination entre les parties. Peu important, dans le cadre du faisceau d'indices, l'absence d'exercice effectif du pouvoir disciplinaire.

Sur la demande d'évocation

Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de donner une solution définitive au litige au vu des observations au fond et pièces fournies par l'appelant. Il convient donc d'ordonner l'évocation du litige au fond sur les points non jugés par les premiers juges.

Sur les conséquences de l'existence d'une relation salariée

- Sur la requalification

Elle est de la compétence de la juridiction prud'homale de Toulouse. Le domicile de M. [F] est situé dans le ressort du conseil de prud'hommes de Toulouse et il travaillait hors établissement.

Le club s'oppose à la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée dans la mesure où la prestation s'exerçait sur une durée déterminée.

Néanmoins, la conclusion d'un contrat à durée déterminée n'est possible que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dans les cas énumérés par la loi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Aussi la relation contractuelle sera requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet et à défaut de respect de toute procédure de licenciement, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-Sur les demandes financières

* Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

L'appelant produit le bulletin de salaire de M. [V] de mars 2022, statut cadre pour un salaire mensuel de 3692,00 euros pour 151,67 heures.

L'intimé qui conteste les prétentions financières, n'oppose pas d'élément pertinent et notamment un bulletin de salaire d'un autre recruteur salarié.

Aussi le club sera condamné à payer les sommes réclamées par M. [F]:

. 51072 euros de rappels de salaire sur 16 mois, déduction faite de 8000 euros perçus, outre 5107,20 euros de congés payés afférents,

. 1230,70 euros d'indemnité de licenciement

. 3692,00 euros d'indemnité de préavis et 369,20 euros de congés payés afférents,

En application de l'article L 3141-3 du code du travail, le club devra verser 4922,66 euros au titre de 40 jours de congés payés ( 2,5 jours par mois ).

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l'espèce compte tenu de l'ancienneté de 16 mois, entre un et deux mois de salaire.

L'appelant ne justifie pas de sa situation depuis la rupture de la relation contractuelle.

Il lui sera alloué 3692 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande au titre de la perte de chance de bénéficier de l'assurance chômage sera rejetée, rappelant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse couvre le préjudice financier et moral.

* Sur les demandes liées à la durée de travail

M. [F] sollicite paiement de 220 heures supplémentaires de travail, sans déterminer ses horaires de travail.

Il ne produit aucun élément à ce titre ni ne fournit d'explication quant à la nécessité d'exécuter des heures supplémentaires au regard des missions accomplies et développées ci-dessus, alors même que M. [V] avec lequel M. [F] se compare et qu'il considérait comme son N+1, ne fait pas état de la réalisation d'heures supplémentaires par l'appelant.

Aussi il sera débouté de sa prétention à ce titre et donc de celle au titre du travail dissimulé.

En l'absence d'heures supplémentaires, il n'est pas établi de dépassement de la durée quotidienne ou hebdomadaire de travail et la demande de dommages et intérêts pour non respect des temps de repos sera rejetée.

* Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte au principe de libre exercice d'une activité professionnelle

La clause insérée à la convention apparaît justifiée au regard des prospectives liées au recrutement de jeunes joueurs et des enjeux financiers en découlant.

En tout état de cause, la clause n'était pas exclusive de toute autre activité dès lors qu'elle était sans lien avec les missions confiées et M. [F] était auto-entrepreneur dans le cadre d'une agence de publicité, activité compatible, qu'il pouvait exercer.

Il n'établit pas avoir subi un préjudice particulier, rappelant qu'en tout état de cause, il était tenu d'une obligation de loyauté envers le club.

Il sera débouté de sa prétention.

Sur les demandes annexes

Les intérêts au taux légal dus en application de l'article 1231-6 du code civil ( avec capitalisation sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil) sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispositif,

La SASP Olympique de [Localité 8] devra remettre les documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte,

La SASP Olympique de [Localité 8], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

M. [F] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.

La société employeur sera condamnée à lui verser une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société employeur sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Dit que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer,

Ordonne l'évocation,

Dit que la relation contractuelle s'analyse en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

Dit que la rupture de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SASP Olympique de [Localité 8] à payer à M. [A] [F] les sommes de:

- 51072,00 euros de rappels de salaire et 5107,20 euros de congés payés afférents

- 1230,70 euros d'indemnité de licenciement

- 3692,00 euros d'indemnité de préavis et 369,20 euros de congés payés afférents

-3692,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 4922,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

Dit que les intérêts au taux légal (avec capitalisation par année entière) sont dus sur la créance salariale ( rappel de salaires, indemnités de licenciement et de préavis et congés payés) à compter de la date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.

Déboute M. [F] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non respect des temps de repos et pour atteinte au principe de libre exercice d'une activité professionnelle,

Dit que la SASP Olympique de [Localité 8] devra remettre les documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte,

Condamne la SASP Olympique de [Localité 8] aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à M.[F] la somme de 2500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 24/00356
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;24.00356 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award