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05/07/2024 | FRANCE | N°22/01648

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 05 juillet 2024, 22/01648


05/07/2024



ARRÊT N°2024/207



N° RG 22/01648 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OYGR

MD/CD



Décision déférée du 14 Avril 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 19/00944)

C. LERMIGNY

Section Encadrement

















[P] [G]





C/



S.A.S. CABINET [V]








































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosses délivrées

le 5/7/24

à Me CLERC, Me OGEZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [P] [G]

[Adresse 3]

[Localité 6]...

05/07/2024

ARRÊT N°2024/207

N° RG 22/01648 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OYGR

MD/CD

Décision déférée du 14 Avril 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 19/00944)

C. LERMIGNY

Section Encadrement

[P] [G]

C/

S.A.S. CABINET [V]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le 5/7/24

à Me CLERC, Me OGEZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [P] [G]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

S.A.S. CABINET [V]

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

Représentée par Me Stéphanie OGEZ de la SELARL SO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, faisant fonction de présidente, chargée du rapport et F. CROISILLE-CABROL, conseillère. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DARIES, conseillère faisant fonction de présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice présidente placée

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, conseillère faisant fonction de présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [P] [G] a été embauché le 15 décembre 2015 par la Sas Cabinet [V] Immobilier sur l'agence de [Adresse 5] en qualité de vendeur représentant placier (VRP) suivant contrat de travail à durée indéterminée.

Par avenant du 28 avril 2017, M. [G] a été promu au poste de négociateur VRP référent.

Le 10 août 2018, M. [G] a été hospitalisé pour une fracture et a été en arrêt de travail une semaine puis de nouveau du 9 au 19 janvier 2019.

Lors d'un entretien du 28 janvier 2019, le cabinet [V] a indiqué à M. [G] qu'il ne donnait pas satisfaction à son poste, et lui a proposé un transfert au sein de l'agence de [Z] [W] à [Localité 6] en qualité de négociateur.

Par mail du 29 janvier 2019, M. [G] a indiqué refuser ce transfert, considérant qu'il s'agissait d'une rétrogradation en raison de la perte de son statut de référent.

Après avoir été convoqué par courrier du 6 février 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 février 2019, il a été licencié par courrier du 21 février 2019 pour insuffisance professionnelle.

M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 17 juin 2019 pour contester son licenciement en ce qu'il aurait été prononcé en raison de son état de santé, et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 14 avril 2022, a :

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [G] à verser à la Sas Cabinet [V] Immobilier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné M. [G] aux entiers dépens.

Par déclaration du 28 avril 2022, M. [P] [G] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 27 juillet 2022, M. [P] [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions.

A titre principal,

- condamner la société cabinet [V] Immobilier au versement de la somme de 16.579,32 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- condamner la société cabinet [V] Immobilier au paiement de la somme de 1.463,94 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence.

A titre subsidiaire,

- condamner la société cabinet [V] Immobilier au paiement de la somme de 8.289,66 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société cabinet [V] Immobilier au paiement de la somme de 1.463,94 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence.

En tout état de cause,

- condamner la société cabinet [V] Immobilier au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente procédure.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 25 octobre 2022, la Sas Cabinet [V] Immobilier demande à la cour de :

- la déclarer bien fondée.

A titre principal,

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement, et plus précisément,

- juger que le licenciement notifié à M. [G] est valable,

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- juger que la demande formulée par M. [G] au titre de la contrepartie à la clause de non-concurrence est infondée,

- en conséquence, débouter M. [G] de l'intégralité de ses demandes.

A titre reconventionnel,

- condamner M. [G] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [G] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 3 mai 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur le bien fondé du licenciement:

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail, mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations.

L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile.

L'insuffisance reprochée ne doit pas non plus être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise.

Si l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle peut toutefois fonder la rupture du contrat de travail si le fait pour le salarié de ne pas avoir atteint ses objectifs résulte soit d'une insuffisance professionnelle soit d'une faute imputable au salarié.

En principe, l'insuffisance professionnelle est non fautive et relève du non-disciplinaire. Toutefois, elle peut être fautive et relever du disciplinaire si l'employeur invoque des manquements procédant d'une mauvaise volonté délibérée de la part du salarié.

La lettre de licenciement est ainsi libellée:

« (') Nous assistons depuis plusieurs mois à la chute dramatique de vos résultats commerciaux.

Vous n'avez réalisé depuis le début de l'exercice 2018/2019, soit depuis le 1er avril 2018, qu'un CA de 22.500 en SSP, soit, en 10,5 mois à peine plus de 2.100 euros par mois.

Lors de l'exercice précédent, 2017/2018, vous n'aviez réalisé que 52.917 euros de Chiffre d'affaires, soit 4.400 euros par mois, ce qui était déjà très en deçà des objectifs de 6.000 euros mensuels que vous devez réaliser contractuellement.

Votre CA a chuté de plus de moitié !

En ce qui concerne le nombre de mandats que vous avez conquis, vous n'êtes qu'à 11 mandats en 10,5 mois, alors que vos collègues dans l'agence sont à plus de 20 !

A cela, vous argumentez en nous indiquant que l'agence est restée sans assistante pendant plusieurs semaines' Or, Madame [M] [U], assistante commerciale de l'agence [Adresse 5] a été recrutée depuis le 23 juillet 2018, et nous ne pouvons malheureusement pas constater un regain de votre activité commerciale depuis cette date.

Ainsi, vous nous indiquez que vous avez consacré beaucoup de votre temps, dans le cadre de votre mission de référent, à l'accompagnement des autres commerciaux de l'agence.

Il s'agit là encore de votre interprétation de la fonction de Référent, en effet, le négociateur référent est dans la production : il doit être sur le terrain, rentrer des mandats, effectuer des visites' Il doit être un exemple et avoir une légitimité au sein de l'agence. Or là, vous avez une moyenne de 10 rendez-vous par mois. Vous êtes en sous-activité, de laquelle découle une carence de résultats !

Face à ces résultats accablants, vous avez clairement admis que vous ne « discutiez pas vos chiffres et que vous les connaissiez ».

M. [Y] [S] vous a régulièrement alerté sur l'insuffisance de vos résultats. Voius avez également rencontré Mme [T] [H] au mois de janvier 2019, qui vous a clairement indiqué que nous ne pourrions pas accepter ce manque d'activité commerciale. Dans ces conditions et faute d'amélioration, nous nous voyons contraints de vous licencier pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats. (..) »

***

M. [G] sollicite, à titre principal, la nullité du licenciement comme étant fondé sur son état de santé et à titre subsidiaire, qu'il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur la discrimination en raison de l'état de santé

Par application de l'article L1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé.

En ce cas le licenciement est nul de plein droit.

Selon le régime probatoire de l'action en discrimination fixé par l'article L 1134-1 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [G] expose qu'il exerçait en tant que négociateur VRP référent à l'agence de [Localité 6] [Adresse 5] depuis mai 2017 et qu'il avait en fait occupé cette fonction dès son arrivée, étant le plus expérimenté. Il explique que sa tâche était complexe du fait de la présence d'une nouvelle équipe, de l'insuffisance des biens à vendre, d'un faible prix moyen de transactions et qu'ainsi les résultats obtenus étaient constants mais en déçà de ceux des grandes agences toulousaines.

Il fait valoir que malgré une hospitalisation en août 2018 pour fracture de l'extrémité distale du radius gauche, un traitement médical anti-douleurs diminuant ses capacités physiques et intellectuelles et les préconisations de repos de son médecin, il a continué à travailler.

Il verse à cet effet:

.le certificat médical du docteur [C] du 17-05-2019 selon lequel à la suite de l'hospitalisation, le patient nécessitait un arrêt de travail de 3 mois mais à la demande de M.[G] qui souhaitait reprendre son activité professionnelle, il a été prescrit un arrêt d'une semaine,

. l'attestation de Mme [J], salariée qu'il avait formée: ' (.. ) Lorsque M. [G] a enduré un accident au bras, tout le monde en a été averti dans le réseau. M. [G] aurait dû s'arrêter mais il est tout de même venu travailler. Il était en charge de toutes nos rédactions de sous-seing privé et de leur lecture. Je peux attester que durant 3 voire 4 mois M. [G] est venu au bureau en ayant très mal à son bras. (..). J 'avoue que je n'ai pas compris sa convocation préalable de licenciement. Je savais que M. [G] attendait une promotion en tant qu'animateur donc je n'ai pas du tout compris car je pensais que Mme [V] était contente des bons résultats qu'avait l'agence.' 

L'appelant indique que son état de santé lié à une algodystrophie s'est aggravé (douleurs - raidissement ), nécessitant des soins de kinésithérapie ( 3 H par semaine).

Il a été en arrêt de travail du 09 au 19 janvier 2019.

A son retour, il lui a été annoncé une rétrogradation sur un poste de négociateur immobilier non référent avec mutation sur une agence plus petite au quartier [Adresse 4], ce qui était une sanction disciplinaire.

Par courriel du 29 janvier 2019, il écrivait à l'employeur: « Les derniers mois ont été très difficiles par rapport aux évènements et à mon état de santé, mais l'agence a continué à fonctionner et à produire du CA. Je vous demande donc par ce mail de me donner une période probatoire pour mon poste de référent où je m'engage à rentrer des mandats et à produire du CA dans les objectifs que vous fixerez » .

Le 01 février 2019, il refusait de signer un avenant d'acceptation de la rétrogradation, ce qui a conduit la société à engager la procédure de licenciement 5 jours plus tard.

M. [G] argue que le motif de la rétrogradation et du licenciement est son état de santé que n'ignorait pas l'employeur, puisque ne pouvant soulever le bras, il ne pouvait plus conduire ce qui a entraîné une limitation du nombre de rendez-vous et une désorganisation de l'activité.

Pour corroborer ces allégations, il s'appuie sur le témoignage de M. [R], agent commercial, lequel atteste: « tout le monde était content de son travail mais le fait qu'il ait eu un accident a dérangé la direction, et comme son bras est resté immobilisé plusieurs semaines, son supérieur a décidé de lui diminuer sa rémunération et de le transférer dans une autre agence ».

L'ensemble des éléments présentés par le salarié laisse supposer l'existence d'une discrimination. Il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à une discrimination.

La société réfute ce moyen allégué par le salarié, lequel n'a évoqué que tardivement dans le mail du 29 janvier 2019 son état de santé ignoré de l'employeur, à la suite de la proposition de mutation.

Elle affirme que le seul motif du licenciement est l'insuffisance de résultats liée à l'insuffisance professionnelle reprochée à l'appelant à savoir:

. un chiffre d'affaires très inférieur à sa clause contractuelle de quotas et à la moyenne des réalisations des autres négociateurs immobiliers du cabinet [V],

. un nombre de mandats conquis de 11 mandats en 10,5 mois contre plus de 20 mandats pour ses collègues dans l'agence sur la même période,

. une chute vertigineuse de ses résultats par rapport à l'année précédente, déjà en baisse au regard de l'exercice 2016/2017,

. une absence d'amélioration malgré plusieurs alertes de M. [S], responsable réseau toulousain.

- Sur les objectifs

Le contrat de travail du 11-12-2015 comporte 'une clause de quota' aux termes de laquelle M. [G] s'engage à réaliser au cours de chaque mois un chiffre d'affaires minimum en sous seings privés de 6.000 euros HT (chiffre d'affaires apports et ventes cumulés) et à apporter personnellement à la société au cours de chaque mois un minimum de 4 mandats. En outre la non-réalisation de ces objectifs peut être constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement pouvant conduire à la rupture du contrat de travail, à l'initiative de la société et ces objectifs pourront être révisés par l'entreprise, compte tenu de l'évolution des prix, de la conjoncture économique et des propres objectifs de l'entreprise.

M. [G] oppose l'inapplicabilité de la clause au motif que tous les salariés de la société [V] ont des contrats dont les clauses de quotas sont identiques, quelle que soit la situation géographique de l'agence.

La qualification de quota, rejetée par l'employeur mais mentionnée comme telle dans le contrat de travail, résulte du fait que des objectifs chiffrés et précis sont à atteindre, ce qui est le cas en l'espèce.

Comme le rappelle l'appelant, aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement.

Il appartient au juge d'apprécier si les objectifs définis au contrat sont réalisables et les raisons pour lesquelles le salarié ne les a pas atteints.

La société ne conteste pas que le chiffre d'affaires mensuel à atteindre de 6000 euros HTest identique pour tous les négociateurs immobiliers du cabinet et réplique que ce chiffre est atteint par la plupart des collaborateurs de M. [G] qui ne l'a jamais remis en cause.

Il ressort de l'examen de la pièce 75 établissant un comparatif des performances des négociateurs de l'agence [Adresse 5] que les objectifs de 72000 € n'étaient pas déraisonnables, puisque en 2016-2017 M. [G] faisait un chiffre d'affaires de 68458 €, M. [N] en 2017-2018 de 71667 € et M. [R] en 2018-2019 de 71875 €.

M. [G] n'a pas discuté les objectifs fixés lors de la signature du contrat ni lors des entretiens d'évaluation. Il déclarait ainsi lors de l'entretien du 10-01-2017 qu'il voulait faire au moins 100000 € de chiffre d'affaires.

- Sur les griefs

La société reproche à l'appelant, non pas tant la non atteinte des objectifs que le salarié ne dénie pas, qu'une chute importante et constante du chiffre d'affaires sur 3 ans, tel qu'il ressort du tableau des résultats SSP (sous-seings privés) (pièce 12) de M. [G] : 68458 en 2016/2017 - 52917 en 2017/2018 et 22500 en 2018/2019, précision étant faite que l'intéressé a été licencié en février 2019.

L'appelant explique que l'agence de [Adresse 5], de [Z] [W] et [A] étaient les plus mauvaises du réseau, que l'objectif réel assigné était de redresser l'agence et non pas son chiffre d'affaires personnel et qu'étant seul manageur, il devait assurer l'administration, la gestion mais aussi la formation des nouveaux collaborateurs changeant souvent, avant de pouvoir se consacrer à son activité propre.

Il dénie toute alerte de la part de l'employeur et fait remarquer, que malgré la non atteinte des objectifs contractuels, il est devenu par avenant du 28 avril 2017, négociateur VRP référent, statut agent de maîtrise, avec de nouvelles tâches, l'agence a progressé (avec 5 salariés au lieu de 2) tel que relevé dans les entretiens et par avenant du 29 mars 2018, sa rémunération mensuelle brute est passée de 1409 à 1600 €.

Il ajoute que l'agence a subi l'impact des manifestations des 'gilets jaunes' en décembre 2018, que son accident a désorganisé son activité et que le seul reproche est intervenu le 28 janvier 2019 lors de son retour d'arrêt-maladie.

Au vu des pièces versées concernant les différents comparatifs des résultats des négociateurs au sein de l'agence de [Adresse 5] ou par rapport à d'autres agences, la cour constate que les résultats de M. [G] ( en termes de chiffre d'affaires - de nombre de mandats conquis, d'estimations et de rendez-vous mensuels) ont effectivement subi une baisse constante et significative, qui a impacté également son classement au niveau des meilleurs négociateurs du réseau [V] puisque de 10ème sur le réseau toulousain en 2016-2017, il est passé à 14ème en 2017-2018 et 30ème en 2018-2019.

Lors de l'entretien d'évaluation du 10 janvier 2017, il a été fait le bilan de 12 mois d'activité depuis son arrivée dans l'agence en décembre 2015.

M. [O], supérieur animateur, notait l'investissement de M. [G] au sein de l'agence, comme ayant compris l'importance de la prospection et la rentrée de mandat mais énonçait qu'il devait être 'plus agressif commercialement pour faire plus de volume'.

Tout en reconnaissant l'existence d'un potentiel chez l'intéressé, il était pointé la nécessité d'une progression de la prospection devant entraîner celle des mandats, ce à quoi s'engageait M. [G] avec un objectif de chiffre d'affaires supérieur qu'il considérait pouvoir réaliser (lui-même déclarant 100000€).

Ainsi: dans la partie 'axe de progrès et de développement', il était fixé: 4 mandats minimum - réussir à atteindre les 30% d'exclusivité - faire 90.000 euros.

Le 11 janvier 2018, M. [S], responsable réseau toulousain, a adressé un rapport à la direction sur les agences de [Localité 6] et écrit s'agissant de l'agence [Adresse 5]: « 55: c'est l'agence compliquée, je sais qu'ils travaillent tous mais le chiffre n'augmente pas. Il manque de malice et d'agressivité commerciale mais j'ai confiance à [P]».

Lors du deuxième entretien d'évaluation le 12-02-2018, M. [S] confirmait l'investissement de M. [G] mais relevait 'une activité trop faible par rapport à ses capacités et des points à améliorer'. Il indiquait qu'il manageait par 'l'exemple', que son équipe était à son image et devait 'être plus agressive commercialement et lui aussi', qu'il devait prendre du recul pour analyser l'activité de l'agence et être capable de mettre les actions en place pour pallier les manques.

La baisse de chiffre d'affaires était de 22%.

M. [G] explique lors de l'entretien que s'ils sont 4 salariés, trois mois ont été difficiles du fait de l'intégration des nouveaux arrivants et de ce que le stock de mandats était trop faible pour 4 personnes.

De nouveaux objectifs ont été fixés sur un délai d'un an: nombre de mandats rentrés individuellement: 40 mandats - augmentation du taux de transformation des estimations à hauteur de 30% - augmenter le CA perso en SSP à 100k€ - faire le CA d'agence à 240k€ - avoir une requalification par mois sur l'agence.

M. [G] ne contestait pas qu'il devait faire 'décoller' son chiffre d'affaires et celui de l'agence.

Il ressort de l'examen de ces éléments que les évaluations de 2017 et 2018 relèvent tant des points positifs sur la personnalité de M. [G] que des faiblesses, notamment en ce qui concerne 'un manque d'agressivité sur le plan commercial'.

Néanmoins, alors que l'employeur avait connaissance de ce point pourtant essentiel dans une activité concurrentielle immobilière, il l'a promu en avril 2017 comme négociateur référent et l'effectif de l'agence est passé de 2 à 5 personnes dont un responsable d'agence.

L'employeur énonce que sept personnes ont été intégrées au sein de l'agence pendant la période où l'appelant était référent et trois sont restées plus de quelques mois.

Si le réseau [V] propose aux nouveaux collaborateurs un parcours de formation ( confer pièce 24), tel que précisé dans ses missions de référent, M. [G] devait accompagner les nouveaux arrivants dans les premiers mois de leur intégration, ce qui impliquait un contrôle de leur activité et une minimum de disponibilité. Cela est souligné par M. [R], négociateur, Mme [F], assistante commerciale de mars 2017 à mars 2018, de même Mme [I], négociatrice. Celle-ci atteste, qu'après avoir reçu une formation théorique sur plusieurs jours, M. [G] l'a accompagnée sur le terrain et a poursuivi cet accompagnement même après la nomination de M. [O], responsable d'agence, à la demande de M. [S]. Il l'a également formée à la rédaction des sous-seings privés.

Pas plus que celui de 2017, l'entretien d'évaluation de 2018 ne caractérise une véritable alerte de l'employeur sur un défaut de capacité de l'appelant puis sur un 'problème d'organisation' alléguée entre les fonctions de négociateur et de référent', alors qu'il a été fixé des objectifs supérieurs, sans qu'un réel accompagnement ne soit mis en place par un supérieur hiérarchique, ni une formation spécifique quant aux missions de référent négociateur, induisant des capacités d'organisation, d'encadrement et de management.

Un comparatif avec les résultats d'autres référents sur d'autres agences, sans qu'il soit établi une analogie de secteur géographique, économique et d'effectif, ne présente pas de pertinence suffisante.

L'absence d'une assistante commerciale pendant trois mois entre avril et juillet 2018 (malgré une première embauche dès mars 2018 qui n'a pas perduré et une aide alléguée du cabinet de Bordeaux mais non établie) et les manifestations des 'gilets jaunes' (agence vandalisée fermée le 08-12 et ré-ouverte le 13-12) ont pu ralentir l'activité commerciale mais ne suffisent pas à expliquer une chute conséquente du chiffre d'affaires déjà engagée.

Il convient de noter néanmoins que début 2018, le contexte immobilier global sur [Localité 6] n'était pas serein puisque M. [S], dans son rapport, écrivait: ' Comme vous le voyez au niveau des chiffres, grosse baisse d'activité que ce soit en conquête qu'en SSP. (..) Je pense que nous avons une baisse d'activité car nous avons des manageurs qui ne sont pas toujours autonomes et qui ne sont pas capables d'analyser leur activité et d'anticiper les manques. Le mois de janvier repart sur la conquête mais j'espère ne pas faire un trou en SSP pour démarrer le futur exercice car notre stock mandat a réellement baissé'.

A eu lieu en août 2018 l'accident de M. [G] qui a nécessité une opération. Très investi et non contestable, il a repris son poste de sa seule décision après une semaine d'arrêt du 06 au 12-08-2018.

De l'examen des éléments médicaux, il ressort que le salarié a porté une attelle jusqu'à début octobre 2018, le chirurgien écrivant le 08-10-2018 que la cicatrisation est acquise, que le patient présente un enraidissement du poignet et des doigts et qu'il va pouvoir retirer toute immobilisation et commencer les séances de kinésithérapie. Le 08 novembre, la consolidation était acquise, le patient faisait part de douleurs à l'épaule et les séances de kinésithérapie devaient se poursuivre.

M. [G] a été en arrêt de travail du 09 au 19 janvier 2019 qu'il explique par une chute de tension.

Le 08 février 2019, le médecin indiquait que l'algodystrophie semblait en régression.

Aucun aménagement de travail n'a été préconisé pour une reprise puis poursuite du travail et si M. [G] a pu être 'ralenti' un temps, physiquement du fait du port d'une attelle, il pouvait faire appel, si nécessaire, à l'aide de ses collaborateurs pour se rendre à des rendez-vous, puisque M. [L], kinésithérapeute, atteste qu'il ne pouvait conduire un véhicule automobile.

Si l'intéressé présentait une douleur liée à l'aldodystrophie, il n'est pas justifié que le traitement suivi ait eu un impact significatif sur ses capacités intellectuelles.

Il ne peut donc être déduit de l'état de santé de l'appelant, la cause majeure d'une nouvelle baisse des résultats qui est constante depuis 2017.

Au vu des développements précédents, le cabinet [V], tout en ayant connaissance d'une absence d'atteinte des objectifs et d'une baisse de résultats engagée en 2017, a nommé M.[G] à un poste de négociateur référent puis a laissé perdurer cette baisse et sans doute des difficultés d'organisation de l'intéressé, sans accompagnement spécifique et tout en augmentant les objectifs, dans un contexte qui à certaines périodes n'était pas porteur du fait de l'absence d'une assistante commerciale, des manifestations des 'gilets jaunes 'et des suites de l'accident d'août 2018.

Aussi la cour considère que le licenciement pour insuffisance professionnelle et de résultats n'est pas suffisamment caractérisé.

L'employeur ne peut raisonnablement opposer qu'il ignorait le fait que M.[G] ait porté une attelle après son opération suite à une chute et qu'il ait suivi des soins, alors que tout le personnel de l'agence dont son responsable, devant rendre compte, en avait connaissance.

En tout état de cause, l'absence d'atteinte des objectifs et la baisse constante et significative des résultats a débuté antérieurement à l'accident de M.[G] et à une

période où il ne présentait pas de problème de santé, ce qui pouvait justifier que l'employeur propose une modification des fonctions en vue d'un retour aux seules missions de négociateur.

La cour considère donc que ces éléments objectifs sont exclusifs d'une rupture du contrat de travail pour motif discriminatoire lié à l'état de santé de M. [G].

Dés lors l'appelant sera débouté de ses demandes afférentes à un licenciement nul par confirmation du jugement déféré mais le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieure par infirmation du jugement.

S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise d'au moins onze salariés, il y a lieu de faire application d'office de l'article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.

Sur les demandes financières

- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l'espèce compte tenu de l'ancienneté d'un peu plus de 3 ans, entre 3 et 4 mois.

L'appelant sollicite sur la base d'un salaire mensuel de 2072,42 euros la somme maximale de 8289,66 euros, précisant être en situation de chômage.

Mais il ne produit pas d'élément sur sa situation alors que par mail du 20-01-2021, M. [S], président de l'agence Octoimmo, informait le cabinet [V] du dépôt de la candidature de M.[G].

Il lui sera alloué une somme de 6217,26 euros ( soit 3 mois de salaire brut) d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur la contrepartie financière de la clause de non concurrence

Selon l'article VII du contrat de travail, M. [G] était soumis à une obligation de non-concurrence et en contrepartie, la société devait verser pendant cette période une indemnité compensatrice d'un montant équivalent à 25% de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par le négociateur au cours des trois derniers mois d'activité précédant la rupture du contrat de travail.

La société a renoncé dans la lettre de licenciement à l'application de la clause de non-concurrence et a dispensé le salarié de l'exécution du préavis de 3 mois pour lequel il a perçu une indemnité compensatrice.

L'appelant argue que, bien que dispensé de l'exécution de son préavis, il ne pouvait exercer d'autres emplois concurrents avant la fin de ce dernier, soit à partir du 21 mai 2019. Aussi il réclame le versement de la somme de 25% x 1.951,91 euros x 3 soit 1.463,94 euros.

La société conclut au débouté.

Sur ce:

En cas de rupture du contrat de travail avec dispense de l'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle il est tenu de respecter l'obligation de non concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière et la date à compter de laquelle la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise.

Ainsi l'employeur qui licencie un salarié ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de la clause que s'il libère l'intéressé de son obligation de non concurrence au moment du licenciement.

Tel est le cas en l'espèce. Aussi l'appelant sera débouté de sa prétention par confirmation du jugement déféré.

Sur les demandes annexes

La SAS Cabinet [V], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé en ce qu'il a condamné M. [G] aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [G] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.

La société employeur sera condamnée à lui verser une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société employeur sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes afférentes à un licenciement nul et au versement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Cabinet [V] à payer à M. [P] [G] la somme de:

- 6217,26 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ordonne le remboursement par la SAS Cabinet [V] aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [G] dans la limite de six mois.

Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe à France Travail du lieu où demeure le salarié.

Condamne la SAS Cabinet [V] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M.[G] la somme de 2500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la SAS Cabinet [V] de sa demande au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère faisant fonction de présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/01648
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;22.01648 ?
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