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28/06/2024 | FRANCE | N°23/01974

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 28 juin 2024, 23/01974


28/06/2024



ARRÊT N°2024/198



N° RG 23/01974 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PPMF

MD/CD



Décision déférée du 05 Mai 2023 - Pole social du TJ d'AGEN (20/00337)

J.P MESLOT























S.A.R.L. [6]





C/



[D] [B]

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOT ET GARO NNE































































INFIRMATION







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.A.R.L. [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Annaïc LAVOLE, avoc...

28/06/2024

ARRÊT N°2024/198

N° RG 23/01974 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PPMF

MD/CD

Décision déférée du 05 Mai 2023 - Pole social du TJ d'AGEN (20/00337)

J.P MESLOT

S.A.R.L. [6]

C/

[D] [B]

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOT ET GARO NNE

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.R.L. [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Annaïc LAVOLE, avocat au barreau de RENNES

INTIM''S

Monsieur [D] [B]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Louis VIVIER, avocat au barreau D'AGEN

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOT ET GARO NNE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de Toulouse

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, devant M. DARIES, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 14 mai 2019, M. [D] [B], salarié de la Sarl [6] en qualité de conducteur d'autocar, a été victime d'un accident de travail: alors qu'il nettoyait le pare-brise de son car, il a glissé et chuté au sol.

Le certificat médical initial faisait état d'une tétraparésie sur décompensation de myélopathie cervico arthrosique.

Après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Lot et Garonne a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision notifiée à l'assurée et à l'employeur le 6 juin 2019.

Par décision du 18 novembre 2019, la MDPH a attribué à M. [B] un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% .

Après échec de la procédure de conciliation, M. [B] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Agen le 11 septembre 2020 pour demander la reconnaissance de la faute inexcusable de la Sarl [6], ainsi que le versement de diverses sommes.

Par décision du 5 avril 2022, le médecin conseil a fixé le taux d'incapacité permanente de M. [B] à 90%.

Lors de la visite de reprise du 1er juillet 2022, la médecine du travail a déclaré M. [B] inapte à tout poste de travail dans l'entreprise avec impossibilité de reclassement.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, M. [B] a été licencié le 8 août 2022 pour inaptitude.

Le pôle social du tribunal judiciaire d'Agen, par jugement du 5 mai 2023, a :

- dit que l'accident du travail dont M. [B] a été victime est dû à la faute inexcusable de son ancien employeur, la société [6],

- ordonné la majoration à son taux maximal de la rente servie à M. [B] par la CPAM de Lot-et-Garonne, laquelle suivra l'évo1ution de son taux d'incapacité permanente partielle de travail,

- ordonné avant-dire droit une expertise judiciaire sur l'indemnisation complémentaire des préjudices de M. [B],

- désigné pour y procéder le docteur [Y] [R] lequel aura pour mission de:

* convoquer toutes les parties en cause qui pourront se faire assister ou représenter par un médecin de leur choix,

* se faire remettre les documents nécessaires à la réalisation de sa mission,

*se faire remettre par les parties et par les services du contrôle médical de la CPAM de Lot-et-Garonne toutes pièces utiles et tous les documents médicaux en leur possession relatifs aux lésions résultant de l'accident survenu le 14 mai 2019 à M. [B], à leur traitement, à leurs séquelles,

* se faire communiquer par tous les établissements et services hospitaliers où M. [B] a pu être soigné en raison de son accident du travail, les dossiers d'hospitalisation de ce patient,

* recueillir les doléances de M. [B] et les transcrire fidèlement, l'interroger sur l'importance, la répétition et la durée des douleurs et leurs conséquences,

* procéder à l'examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par M. [B],

* caractériser les éventuels préjudices subis par M. [B] résultant de l'accident du travail survenu le 14 mai 2019, à savoir :

les souffrances physiques et morales de M. [B],

le préjudice d'agrément,

le préjudice esthétique,

le préjudice sexuel,

le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent,

le préjudice né des dépenses liées à la réduction de l'autonomie avant consolidation (besoin d'assistance d'une tierce personne),

le préjudice d'établissement,

le préjudice esthétique temporaire,

le préjudice résultant de la perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

les frais d'aménagement du logement,

les frais d'aménagement du véhicule,

les préjudices permanents exceptionnels,

* communiquer un pré-rapport aux parties et recueillir leurs observations avant de rédiger le rapport final,

- autorisé l'expert commis à se faire assister d'un spécialiste de son choix s'il le juge indispensable,

- ordonné que de ces opérations et constatations, l'expert dressera un rapport, le déposera dans le délai de trois mois à compter de sa saisine au greffe du pôle social et l'adressera aux parties,

- dit qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du Président rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,

- dit que les frais d'expertise seront avancés par la CPAM de Lot-et-Garonne,

- ordonné le versement de la somme de 20 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices subis par M. [B] dont la CPAM de Lot-et-Garonne fera l'avance,

- accueillie en son principe Faction récursoire de la CPAM de Lot-et-Garonne à l'encontre de la société [6],

- dit qu'il sera sursis à statuer sur le surplus des demandes dans l'attente du rapport d'expertise,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du lundi 4 décembre 2023 à 13h30, la présente décision valant convocation,

- réservé les dépens.

M. [B] a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge doyen du tribunal judiciaire d'Agen le 18 février 2023, après avoir déposé plainte auprès de M. le procureur de la République le 15 septembre 2022, pour coups et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité, ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 3 mois.

Par déclaration du 1er juin 2023, la Sarl [6] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 12 mai 2023, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe le 04 mai 2024, reprises oralement à l'audience, la Sarl [6] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, la déclarer recevable et bien fondée,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- juger qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable,

- débouter M. [B] de l'ensemble de leurs demandes,

Déclarer irrecevable la demande subsidiaire de sursis à statuer, le cas échéant la déclarée injustifiée et infondée,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

- débouter M. [B] de sa demande d'expertise, sauf à pouvoir justifier de son utilité et de sa compatibilité avec les termes de la loi et sous réserve de la prise en compte de l'état antérieur,

- le cas échéant, juger que la mission susceptible d'être confiée à l'expert sera la mission d'usage en la matière, limitée aux préjudices listés à l'article L452-3 du CSS et à ceux non couverts par l'article IV du même code,

- rejeter la demande tendant à intégrer dans la mission de l'expert la question relative à la perte ou la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

- sur l'évaluation du poste « déficit fonctionnel permanent », envisager comme suit la mission de l'expert :

* décrire les séquelles imputables et prises en charge par l'organisme social au titre du risque professionnel,

* fixer par référence à la dernière édition du « barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun », publié par le concours médical, le taux éventuel résultant d'une ou plusieurs atteinte(s) permanente(s) à l'intégrité physique et psychique persistant au moment de la consolidation, constitutif d'un déficit fonctionnel permanent.

- débouter M. [B] de toutes ses demandes,

- juger que la CPAM devra faire l'avance des indemnités susceptibles d'être servies à l'assuré,

- juger que l'action récursoire de la caisse ne peut s'exercer au-delà de ce que prévoit les textes en matière de réparation de la faute inexcusable sous réserve pour la caisse de justifier de la notification faite à l'employeur du taux d'IPP,

- débouter M. [B] et la CPAM de toutes leurs demandes,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe le 03 mai 2024, reprises oralement à l'audience, M. [B] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes,

- débouter la société [6] de son appel, le déclarer mal fondé,

- confirmer en conséquence le jugement en l'ensemble de ses dispositions et en ce qu'il a :

* dit que l'accident du travail du 14 mai 2019 (et non le 24 janvier 2019) est dû à une faute inexcusable de son ancien employeur, la société [6],

* ordonné la majoration au taux maximal de sa rente servie par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot et Garonne,

* ordonné avant dire droit une expertise judiciaire sur l'indemnisation de ses préjudices complémentaires,

* dit que les frais d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurances maladie de Lot-et-Garonne,

* ordonné le versement de la somme de 20 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices subis dont la caisse primaire d'assurances maladie de Lot-et-Garonne fera l'avance,

- préciser que la mission confiée à l'expert portera sur la caractérisation des éventuels préjudices qu'il a subis, résultant de l'accident du travail survenu le 14 mai 2019, à savoir:

Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :

- L'assistance tierce personne temporaire

Au titre des préjudices patrimoniaux permanents :

- Frais de logement adapté

- Frais de véhicule adapté

- L'incidence professionnelle et le préjudice résultant de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle

Au titre des préjudices extra patrimoniaux temporaires :

- Déficit fonctionnel temporaire total et partiel

- Les souffrances physiques et morales endurées

- Le préjudice esthétique temporaire

Au titre des préjudices extra patrimoniaux permanents :

- Le déficit fonctionnel permanent

- Préjudice d'agrément

- Le préjudice esthétique permanent

- Le préjudice sexuel

- Le préjudice d'établissement

- Les préjudices permanents exceptionnels.

- subsidiairement, en application des articles 4 du code de procédure pénale et 378 et suivants du code de procédure civile, ordonner qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue réservée au traitement de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 18 février 2023,

- condamner la société [6] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserver les dépens.

Par conclusions communiquées à l'audience, auxquelles elle se rapporte expressément, la CPAM de Lot et Garonne demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures,

- statuer ce que de droit sur la demande de la SARL [6],

- constater que la CPAM s'en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable,

et dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'existence d'une faute inexcusable, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

. confirmer la condamnation de la société [6] au remboursement des sommes dont la CPAM effectuera l'avance au titre de l'indemnisation complémentaire définitive des préjudices de M. [B] et au titre de la majoration d ela rente service,

. confirmer l'action récursoire de la Caisse à l'encontre de la société [6].

MOTIFS

Sur la faute inexcusable de l'employeur :

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité.

C'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d'établir que son accident du travail présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, même si d'autres fautes ont concouru au dommage.

***

- M. [B] explique que le 14 mai 2019, alors qu'il procédait au nettoyage du pare-brise de son autocar conformément à ses missions, sur l'aire de lavage mise à disposition par la société, il a glissé, chuté au sol en tombant sur le dos et sa tête a heurté le rail métallique de guidage des véhicules, implanté sur l'aire de lavage.

Il a été très grièvement blessé et est resté affecté d'une tétraparésie sur décompensation de myélopathie cervico arthrosique, tel qu'il ressort des éléments médicaux produits à la procédure.

La déclaration d'accident du travail établie le 15 mai par l'employeur mentionne:

Activité de la victime: Nettoyage du car - Nature de l'accident: la victime a glissé - Objet dont le contact a blessé la victime: Sol de l'aire de lavage.

M. [B] rappelle qu'en application des articles L 4121-1 du code du travail, l'employeur a une obligation de prévention de la santé et de la sécurité des salariés et en application des articles R 4214-17, R 4214-24 et R 4225-1 du code du travail, de les préserver notamment des risques de glissade et de chute, ce d'autant qu'une aire de lavage des autocars est un lieu humide et glissant, du fait de l'utilisation de détergents et de la présence de corps gras et d'hydrocarbures.

Il argue que la société connaissait le caractère dangereux du site et n'a pris aucune mesure de prévention; que la cause de l'accident n'est pas indéterminée en l'absence d'enquête et du fait que des travaux de transformation de l'aire de lavage ont eu lieu après le sinistre.

- La société [6] réfute tout manquement et l'existence d'une faute inexcusable au regard des circonstances indéterminées de l'accident induisant que l'employeur ne peut avoir conscience d'un danger indéterminé.

L'appelante explicite que pour procéder au nettoyage du car, le véhicule est positionné sur les rails de la station de lavage, les rouleaux ayant pour fonction de nettoyer les côtés du car, puis ce nettoyage étant fini, le salarié procède au nettoyage manuel du pare-brise à l'aide d'une brosse sur manche télescopique.

Elle réplique que la station de lavage existait au sein de l'entreprise depuis 1995 environ, soit depuis 24 ans à la date de l'accident, sans qu'aucun incident n'ait eu lieu malgré 3000 passages par an sur le site; qu'ainsi l'accident de travail de M. [B] est un fait unique; que la station de lavage faisait l'objet d'un entretien régulier hebdomadaire et a été nettoyée le 13 mai 2019, veille de l'accident de M. [B]; qu'elle était équipée d'un réseau d'évacuation avec recueil et traitement des eaux usées, permettant l'écoulement normal des eaux de lavage; que les produits détergents ne rendent pas le sol glissant et il n'est pas démontré la présence d'hydrocarbures.

L'intimée ajoute que la réalisation des travaux intervenue en novembre 2019 était prévue antérieurement à l'accident et avait pour objet une adaptation aux nouvelles normes environnementales et à la mise en 'uvre d'une fosse septique pour la vidange des toilettes des cars.

Sur ce:

Il est constant qu'aucun témoin n'était présent au moment de l'accident de M. [B].

Il n'est produit aucun élément émanant du service des pompiers intervenus en urgence sur les lieux, alors que M. [B] fait valoir qu'un des pompiers aurait glissé sur le sol.

Le compte-rendu hospitalier du 21 mai 2019 mentionne au titre 'histoire de la maladie':chute de sa propre hauteur avec réception sur l'occiput, le rachis cervical et les fesses, sans perte de connaissance initiale.

Les circonstances exactes de l'accident sont indéterminées, que ce soit la cause de la chute ou le contexte du lieu de travail.

En effet aucune enquête de police ni de l'inspection du travail n'a eu lieu à cette date ni depuis, la plainte avec constitution de partie civile étant toujours en cours, l'employeur précisant ne pas avoir été entendu sur les faits.

M. [B] ne produit aucune attestation d'autres salariés décrivant le site et les conditions d'usage, permettant d'établir quels produits de nettoyage étaient utilisés, s'ils rendaient le sol glissant ou s'il y avait de manière régulière des résidus d'hydrocarbures pouvant présenter un risque aggravé pour le personnel.

Or, il ressort des pièces versées par l'employeur que ce dernier a pris des mesures de prévention au regard d'un risque normal lié à l'activité dont il avait conscience.

En effet le planning de nettoyage de l'aire pour la période de janvier à mai 2022 ( pièce 1 employeur) confirme la régularité d'un nettoyage hebdomadaire et une intervention sur site la veille de l'accident.

La facture des établissements [8] relative à une intervention du 06 mars 2019 mentionne 'vidange séparateur hydrocarbures - pompage regard - transport et traitement des déchets liquides'.

Ces éléments corroborent que l'aire de nettoyage comportait un équipement permettant l'évacuation et la récupération des hydrocarbures, dont il n'a pas été relevé d'insuffisance et qu'un nettoyage a été effectué 2 mois avant l'accident de M. [B].

Il ne peut en être déduit que le jour de l'accident, des hydrocarbures auraient rendu le sol glissant de telle manière que M. [B] aurait chuté, pas plus que les travaux effectués plus de 6 mois après par l'entreprise [7], seraient liés à la chute. En effet, la facture concerne la pose d'une fosse sceptique avec séparateur hydraulique et regard fonte. Il n'est pas fait mention de travaux en lien avec le nettoyage des autocars, l'évacuation d'hydro-carbures ou liquides de nettoyage.

Dés lors, en l'absence de connaissance des circonstances précises de l'accident et du fait des mesures mises en place par la société au regard d'un risque dont elle avait conscience, la cour considère que la faute inexcusable n'est pas établie, sans qu'il y ait lieu à surseoir à statuer dans l'attente des résultats d'une procédure pénale initiée tardivement, plus de 3 ans après les faits.

Le jugement du tribunal judiciaire sera infirmé et M. [B] sera débouté de toutes ses demandes.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot et Garonne.

- Sur les frais et dépens :

M. [D] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération particulière d'équité ne commande en l'espèce qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL [6].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Agen le 5 mai 2023,

Y ajoutant :

Dit que l'accident du 14 mai 2019 de M. [D] [B] n'est pas dû à la faute inexcusable de la SARL [6],

Déboute M. [B] de sa demande de sursis à statuer,

Déclare le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot et Garonne,

Condamne M. [D] [B] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 23/01974
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;23.01974 ?
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