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28/06/2024 | FRANCE | N°21/01754

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 28 juin 2024, 21/01754


28/06/2024



ARRÊT N°24/462



N° RG 21/01754 - N° Portalis DBVI-V-B7F-ODLV

SC - VCM



Décision déférée du 15 Juin 2021 - Juge aux affaires familiales de Toulouse - 18/24375

JL. ESTEBE

















[A] [M]





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[X], [V] [M] veuve [F]


















































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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [A] [M]

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représenté par Me Isabelle LAPORTE de la SCP D'AVOCATS BORDES-G...

28/06/2024

ARRÊT N°24/462

N° RG 21/01754 - N° Portalis DBVI-V-B7F-ODLV

SC - VCM

Décision déférée du 15 Juin 2021 - Juge aux affaires familiales de Toulouse - 18/24375

JL. ESTEBE

[A] [M]

C/

[X], [V] [M] veuve [F]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [A] [M]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle LAPORTE de la SCP D'AVOCATS BORDES-GOUGH-GALINIE-LAPORTE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [X], [V] [M] veuve [F]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Vanessa BRUNET-DUCOS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , C. DUCHAC, Présidente et V. CHARLES-MEUNIER, Conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. DUCHAC, présidente

V. CHARLES-MEUNIER, conseiller

V. MICK, conseiller

Greffier, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

[U] [M] est décédé le [Date décès 2] 1978 laissant pour lui succéder :

- son conjoint survivant, [E] [S], avec laquelle il s'était marié sous le régime de la communauté des meubles et acquêts (ancien régime légal) le [Date mariage 1] 1950 à [Localité 13], donataire de l'usufruit de tous les biens composant sa succession, ou du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit ou de la quotité disponible des mêmes biens,

- ses enfants, nés de son mariage avec [E] [S] :

- [A] [M],

- [X] [M], donataire en avancement de part successorale de la propriété d'une parcelle de terre qui dépendait de la communauté située à [Localité 10], [Adresse 9], cadastrée B [Cadastre 5], en vertu d'un acte en date du 22 mars 1975.

Aux termes d'un acte reçu le 10 août 2006, [E] [S] a opté pour le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit des biens composant la succession.

[E] [S] est décédée le [Date décès 2] 2015, laissant pour lui succéder ses enfants :

- [A] [M], donataire en vertu d'un acte de donation-partage en date du 10 août 2006 des 6 895 833 / 13 000 000èmes (53,05%) indivis de la pleine propriété évalués à 68 958,33 euros d'une maison d'habitation cadastrée B [Cadastre 6] située à [Localité 10], [Adresse 8],

- [X] [M], donataire hors part successorale de la propriété de la parcelle du [Adresse 9] à [Localité 10] cadastrée B [Cadastre 5] sous la condition qu'elle tombe dans la communauté existant entre la donataire et son mari, [D] [F], en vertu des actes en date du 22 mars 1975 et du 10 août 2006, donataire aussi en vertu de la donation-partage du 10 août 2006 des 6 104 167 / 13 000 000èmes (46,95 %) indivis de la pleine propriété de la maison d'habitation située à [Localité 10], [Adresse 8] évalués à 61 041,67 euros.

Les héritiers n'ont pu partager amiablement la succession, sous l'égide de Maître [T] [B], notaire à [Localité 12].

Par acte d'huissier en date du 6 septembre 2018, [X] [M] a fait assigner [A] [M] devant le Tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de partage.

Par jugement contradictoire en date du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- ordonné le partage de la succession d'[E] [S],

- désigné pour y procéder Maître [G] [C], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse,

- dit que le notaire pourra :

interroger le FICOBA, le FICOVIE et le fichier de l'AGIRA,

recenser tous contrats d'assurance-vie, en déterminer les bénéficiaires, et se faire remettre l'historique de tous les mouvements de capitaux (versements, rachats) de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds, procéder à l'établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice,

procéder à l'ouverture de tout coffre bancaire, en faire l'inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l'indivision,

- rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- rappelé que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations,

- dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis, avec l'accord des parties, et qu'à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail,

- dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire,

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête,

- rejeté les demandes d'expertises,

- rejeté la demande de rapport de 26 390 euros,

- rejeté les demandes de [A] [M] relatives au rapport de la donation de la parcelle B [Cadastre 5],

- rejeté la demande relative à la valeur de la parcelle B [Cadastre 6],

- constaté que l'actif comprend la somme de 40 000 euros, qui sera attribuée par moitié à chacun des co-partageants,

- rejeté la demande relative à la créance d'assistance,

- rejeté les demandes relatives aux frais non compris dans les dépens,

- dit n'y avoir lieu de condamner l'une ou l'autre des parties aux dépens, et rappelé que les dépens sont compris dans les frais du partage judiciaire.

Par déclaration électronique en date du 16 avril 2021, M. [M] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- ordonné le partage de la succession d'[E] [S],

- rejeté les demandes d'expertises,

- rejeté la demande de rapport de 26390 €,

- rejeté les demandes de [A] [M] relatives au rapport de la donation de la parcelle B[Cadastre 5] rejeté la demande relative à la valeur de la parcelle B[Cadastre 6].

Mme [M] a formé un appel incident dans ses conclusions d'intimé en date du 6 septembre 2021 en ce que le jugement a :

rejeté la demande de Mme [M] relative à la créance d'assistance,

rejeté la demande de Mme [M] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'appelant en date du 18 octobre 2023, M. [M] demande à la cour de bien vouloir :

- vu l'article 564 in fine du code de procédure civile,

- vu l'article 815 du code civil,

- vu l'article 894 du code civil,

- vu les articles 1075 et 1076 du code civil,

- vu l'article 829 du code civil,

- vu l'article 843 du code civil,

- vu l'article 860 du code civil,

- vu l'article 1078 du code civil,

- vu l'article 922 du code civil,

- vu l'article 924-2 du code civil,

- vu la jurisprudence,

- vu le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 15 juin 2020,

- rejeter les conclusions adverses comme étant injustes et mal fondées,

- débouter Mme [F] de ses demandes,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- ordonné le partage de la succession d'[E] [S],

- rejeté les demandes d'expertises,

- rejeté la demande de rapport de 26 390 euros,

- rejeté les demandes relatives au rapport de la donation de la parcelle B[Cadastre 5],

- rejeté la demande relative à la valeur de la parcelle B[Cadastre 6],

- en conséquence,

- ordonner la requalification de l'acte du 10 août 2006 en donation simple entre vifs,

- ordonner les partages distincts des successions de [U] [M] et [E] [S],

- ordonner le rapport à la succession de [U] [M] par [X] [M] de la moitié de la parcelle B [Cadastre 5] d'après sa valeur au jour du partage et son état au jour de la donation, soit 174 200 euros,

- ordonner le rapport à la succession de la moitié du terrain de 203 m2 issu de la parcelle cadastrée B [Cadastre 6], annexé par [X] [M] d'après sa valeur au jour du partage et son état au jour de la donation, soit 13 601 euros,

- ordonner la réévaluation de la maison d'habitation sise au [Adresse 8] à [Localité 10] cadastrée B [Cadastre 6] à la date la plus proche du partage, soit 165 669 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa créance d'assistance et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- débouter Mme [F] de sa demande d'article 700 du Code de Procédure Civile, en cause d'appel,

- condamner Mme [M] à payer à M. [M] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 16 octobre 2023, Mme [M] demande à la cour de bien vouloir :

- vu les articles 724 et 815 du code civil,

- vu les articles 1303 à 1303-4 du code civil,

- vu l'article 564 du code civil,

- vu le principe d'estoppel,

- vu les articles 1383 et 1383-1 du code civil,

- vu l'aveu extrajudiciaire de M. [M],

- vu les articles 2224 et suivants du code civil,

- vu les articles 2272 et suivants du code civil,

- vu la jurisprudence,

- vu les pièces versées au débat et, notamment, l'acte de donation-partage du 10 août 2006,

- vu l'appel interjeté par M. [M],

- débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions qui seront déclarées irrecevables et infondées,

- confirmer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Toulouse, service des affaires familiales, en date du 15 juin 2020 (RG N° 18/24375) en ce qu'il a :

ordonné le partage de la succession de Mme [S] avec mission habituelle en pareille matière,

désigné pour y procéder Maître [G] [C], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse,

rejeté les demandes d'expertise,

rejeté la demande de rapport de 26.390 €, chiffrée en cause d'appel par M. [M] à la somme de 13.601 €,

rejeté les demandes de M. [M] relatives au rapport de la donation de la parcelle B [Cadastre 5],

rejeté la demande relative à la valeur de la parcelle B [Cadastre 6],

constaté que l'actif comprend la somme de 40.000 €, qui sera attribuée par moitié à chacun des copartageants,

dit n'y avoir lieu de condamner l'une ou l'autre des parties aux dépens, et rappelé que les dépens étaient compris dans les frais du partage judiciaire,

- infirmer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Toulouse, service des affaires familiales, en date du 15 juin 2020 (RG N° 18/24375) en ce qu'il a :

rejeté la demande de Mme [M] relative à la créance d'assistance,

rejeté la demande de Mme [M] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant des chefs réformés :

- fixer au passif de la succession la somme de 219.780 € (deux cent dix-neuf mille sept cent quatre-vingt euros) au titre de la créance d'aide et d'assistance de Mme [M],

- condamner M. [M] à payer à Mme [M] la somme de 5.400 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- condamner M. [M] à payer à Mme [M] la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 23 octobre 2023 et l'audience de plaidoiries fixée le 7 novembre 2023 à 14 heures.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIVATION :

Sur l'action en partage et la qualification de l'acte en date du 10 août 2006

Le premier juge a ordonné le partage judiciaire de la succession d'[E] [S], demande dont il était saisi par l'assignation en partage délivrée par Mme [F] sans tirer toutes les conséquences de la demande de M. [M], selon lui, de voir ordonner le partage de l'indivision successorale, qui incluait le partage de la succession de son père en sus de celle de sa mère.

Cette demande, formulée de façon suffisamment imprécise en première instance, ne saurait donc être considérée comme nouvelle en cause d'appel, même si des moyens nouveaux sont soulevés à son soutien, pour la partie tendant à voir ordonner le partage de la succession paternelle.

Sur le fond, [U] [M] est décédé le [Date décès 2] 1978 à [Localité 10] et par acte notarié en date du 19 septembre 1978, Mme [E] [S] a reçu avec ses deux enfants héritiers la totalité de la succession, en indivision, un acte de notoriété ayant été dressé à cette date et publié le 23 novembre 1978 au bureau des hypothèques de [Localité 11] .

Un acte de donation partage a été dressé en date du 10 août 2006 concernant la seule succession de Mme [S] laquelle est qualifiée aux termes de cet acte de 'donation-partage cumulative' en ce qu'elle procède au partage tant de ses biens que de ceux dépendant de la succession de son conjoint, ayant à cette occasion enfin opté, au titre de la donation entre époux survenue le 7 décembre 1974, pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit des biens composant la succession de son époux.

M. [M], qui ne démontre pas qu'il y aurait dans la succession de son père d'autres biens que ceux issus de la communauté de ses parents, soutient pour la première fois en cause d'appel que cette donation ne constituait qu'une donation simple entre vifs et non une donation-partage en ce qu'elle n'attribue que des droits indivis aux gratifiés.

Mme [F] fait valoir pour s'opposer à cette demande :

- qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel,

- qu'une telle action est prescrite,

- et le principe d'estoppel qui s'oppose à une telle demande devant la cour.

L'enjeu de la qualification d'un acte en donation-partage est :

- de pouvoir soustraire les biens qui en sont l'objet au rapport à la succession du donateur,

- de bénéficier d'un régime dérogatoire prévu à l'article 1078 qui permet de fixer les évaluations au jour de la régularisation de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve héréditaire, sauf convention contraire, et sous réserve que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l'ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé, l'avoir expressément accepté et qu'il n'ait pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Si M. [M] n'avait pas demandé la requalification de l'acte devant le premier juge, ses demandes tendaient à obtenir l'évaluation des biens donnés à la date du partage (ou du jour de la succession), si bien qu'en soulevant ce moyen, M. [M] tend à la même fin et cette demande sera déclarée recevable dans son principe comme ne constituant pas une demande nouvelle en appel.

Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Mme [F] soutient que le délai de 5 ans de la prescription court à compter de l'acte contesté. Pour autant la sanction de la requalification n'est encourue qu'à la demande d'un des héritiers et n'est pas opérée automatiquement. Cette possibilité ne court donc qu'à compter du décès de celui qui a donné ; en l'espèce, [E] [S] est décédée le [Date décès 2] 2015 et l'action en partage a été introduite le 6 septembre 2018 par acte extra-judiciaire par Mme [F], soit dans le délai de la prescription.

Dès lors, la prescription ne lui est pas opposable.

Enfin s'agissant du principe d'estoppel, la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne « l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ».

Au titre des incohérences, Mme [M] fait valoir que M.[M] a expressément acquiescé à l'acte de notoriété établi par Me [B] le 2 juin 1976 comme il a accepté purement et simplement la succession de son père le 19 septembre 1978. Toutefois ces actes sont des actes extrinsèques à l'instance elle-même et ne peuvent dès lors établir la fin de non-recevoir alléguée, surtout que la jurisprudence constante veut qu'en matière d'appel les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux sans se contredire au détriment d'autrui, comme ils ne permettent pas de constituer un aveu extrajudiciaire de la validité de la donation-partage comme telle, mais bien de l'existence a minima d'une donation.

Ainsi, il appartient à la cour d'apprécier la qualité de l'acte intitulé 'donation-partage' en date du 10 août 2016.

Selon l'article 1075 du code civil, la donation-partage est le fait de faire «entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ». Il résulte de cette définition que le donateur doit impérativement effectuer une répartition matérielle de ses biens entre ses donataires.

En l'espèce, l'acte établi le 10 août 2006 par Me [B], en présence de Mme [E] [S] et des deux enfants, reprend les éléments suivants :

- concernant la succession de M. [U] [M] : l'existence d'une donation entre époux reçue le 7 décembre 1974 avec possibilité d'option pour le donataire. La mutation de propriété a eu lieu aux termes d'une attestation immobilière du 19 septembre 1973 publiée le 23 novembre 1978 sans qu'il ait été précisé quelle option avait été retenue. Mme [S] y déclare donc vouloir opter pour un quart en pleine propriété et trois quart en usufruit des biens composant la succession de son époux, si bien que les biens de la communauté appartiennent pour 5/8ème en pleine propriété et 3/8ème en usufruit à Mme [S] et pour 3/16ème en nue propriété pour chacun des deux enfants.

- le rappel d'une donation : les époux [M] ont fait donation le 7 avril 1975 en avancement d'hoirie entre vifs à leur fille Mme [M] de la pleine propriété d'une parcelle en nature de terre sise à [Localité 10] [Adresse 9] cadastrée section B n[Cadastre 5] pour une contenance de 26 ares 17 centiares , dont la moitié est rapportable à la masse des biens dépendant de la succession de son père, les parties étant d'accord pour fixer au jour de l'acte de 2006 la valeur en pleine propriété de l'immeuble à la somme de 70.000 euros; le montant du rapport en moins prenant sur la succession du père est donc chiffré à la somme de 35.000 euros;

- la requalification de cette même donation pour la fraction donnée par Mme [S] en donation préciputaire, hors part avec dispense de rapport (la somme de 35.000 euros de ce chef n'est pas soumise à rapport)

- la masse à partager: à savoir la nue-propriété d'une maison à usage d'habitation sise section B[Cadastre 6] [Adresse 8] sur laquelle un droit de passage au profit de la parcelle B[Cadastre 5] a été créé au moment de la donation en 1975, ce bien étant évalué en toute propriété à la somme de 130.000 euros

- les attributions suivantes en conséquence de ces valeurs :

- les 6.895.833/13.000.000èmes indivis en pleine propriété de la maison d'habitation cadastrée B[Cadastre 6] pour M. [A] [M],

- les 6.104.167/13.000.000 èmes indivis en pleine propriété de ce même bien pour Mme [X] [F] outre le rapport en moins prenant de la moitié de la donation du 7 avril 1975.

Selon M. [M], cet acte ne procède dès lors à aucun partage puisque les parties sont restées en indivision sur le seul bien encore présent dans la succession au décès de leur mère.

Or, cette donation porte non pas sur des biens indivis mais bien sûr des droits indivis portant sur le même bien : dès lors, le copartagé prend la place du donateur dans l'indivision à son décès et le partage est parfaitement réalisé par cette opération.

Ainsi, l'acte en date du 10 août 2006 constitue bien une donation-partage et les demandes au titre de sa requalification en donation simple seront rejetées.

Il s'ensuit que cet acte portant règlement de la succession de M. [U] [M] comme il l'a été rappelé et qui a été accepté par tous, il n'y a pas lieu d'ordonner l'ouverture des opérations de compte et de partage de cette succession. La décision du premier juge sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes de rapport

M. [M] forme une demande de rapport à la succession de son père de la moitié de la parcelle B[Cadastre 5] reçue par sa soeur le 22 mars 1975 dans la mesure où elle n'a jamais été dispensée de rapporter à la succession la part issue de son père sur la moitié de la parcelle, dont la valeur sera évaluée au visa de l'article 860 du code civil, c'est à dire au jour du partage selon l'état au jour de la donation: il demande ainsi le rapport de la somme de 74.200 euros ou de recourir à une consultation d'expert ou à une expertise.

Il est constant qu'au jour de la donation-partage [U] [M] était décédé et n'a pu dès lors renoncé au rapport de sa part sur la parcelle B[Cadastre 5] qu'il avait donné à sa fille en avancement d'hoirie. Cependant l'acte du 10 août 2006 a non seulement incorporé et requalifié cette donation pour la part venant de Mme [S] mais a aussi procédé au partage de la succession de M. [M] comme rappelé ci-avant : dès lors la donation faite à Mme [F] a été évaluée au jour du partage, soit pour 35.000 euros pour la part venant de son père comme énoncé dans l'acte et cette somme a été intégrée au calcul des parts respectives. Il n'y a donc pas lieu de procéder à un nouveau rapport au jour du décès de la mère et la décision du premier juge sera confirmée de ce chef.

M. [M] forme par ailleurs une demande de rapport à la succession du père seulement de la moitié du terrain de 203m² appartenant au terrain B[Cadastre 6] que Mme [X] [F] a annexé.

Il n'est pas contesté qu'en clôturant son terrain cadastré B[Cadastre 5], Mme [F] a englobé une partie de terrain comprise dans la parcelle cadastrée B[Cadastre 6] représentant une surface de 203m² au détriment de ce fonds qui est un bien indivis entre le frère et la soeur. L'acte notarié de 2006 ne mentionne pas cet élément qui ne faisait pas partie expressément de la donation du 22 mars 1975.

Comme l'a relevé le premier juge, il ne peut y avoir de rapport que pour ce qui a été donné et qu'aucune des parties n'est en mesure de démontrer que cette annexion a été connue avant le bornage effectué en 2009.

A cette date le terrain B[Cadastre 5] avait été donné depuis 1974, donc depuis plus de trente ans, et 'l'annexion' réalisée aussi: dès lors au vu des délais relatifs à la prescription acquisitive, la valeur retenue au moment de l'acte de 2005 prend nécessairement en compte la totalité de la parcelle y compris la partie annexée sans que les pièces produites ne permettent d'établir que la valeur en 2005 aurait été profondément modifiée de façon à justifier une éventuelle indemnité de réduction pour atteinte à la réserve.

Dès lors, les demandes présentées par M. [M] de ce chef seront rejetées et la décision du premier juge confirmée de ce chef.

Sur la demande de réévaluation de la maison d'habitation indivise cadastrée section B n°[Cadastre 6]

M. [M] soutient la possibilité d'examiner cette demande exclusivement au regard de la requalification de l'acte du 10 août 2006 en donation simple: dans la mesure où il a été débouté de cette demande, la cour ne peut que constater qu'il n'oppose aucune critique aux moyens développés par le premier juge qui a rappelé que l'estimation actualisée du bien ne pourrait présenter un intérêt que pour le calcul d'une éventuelle indemnité de réduction du fait de la donation hors part de la parcelle B [Cadastre 5].

Dès lors, la décision du premier juge sera confirmée de ce chef y compris sur le recours éventuel à une consultation ou expertise.

Sur la créance d'aide et d'assistance

Le devoir moral d'un enfant envers ses parents n'exclut pas qu'il puisse obtenir indemnité pour l'aide et l'assistance apportées, dans le mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif du parent, sur le fondement de l'action de in rem verso.

Mme [F] sollicite une somme de 219.780 euros au titre d'une créance d'aide ou d'assistance envers sa mère arguant avoir hébergé sa mère pendant 38 ans, s'être investie auprès d'elle financièrement et en temps pour son bien-être, avoir du faire des choix familiaux et effectuer des travaux pour pérenniser l'accueil de sa mère dans le temps.

Le premier juge a rejeté la demande de Mme [M] pour l'essentiel 'en l'absence de preuve notamment de sacrifices professionnels pour se consacrer à sa mère, et plus généralement d'avoir subi un appauvrissement quelconque, et alors que l'aide et l'assistance qui ont pu être apportées n'ont pas été sans contrepartie.'

Il ressort des éléments du dossier que Mme [E] [S] s'est retrouvée veuve à l'âge de 55 ans et que dès septembre 1978, juste après le décès de son époux, elle est venue résider au domicile de sa fille et de son gendre jusqu'à son décès intervenu le [Date décès 2] 2015 à l'âge de 91,5 ans.

Sur le plan de la santé, Mme [S], bien qu'encore jeune au moment de son veuvage, a rencontré des difficultés de santé jusqu'à devenir totalement dépendante au moins les dix dernières années de sa vie au vu des attestations remises notamment en raison d'une arthrose sévère.

M. [M] produit de multiples attestations qui font état de la bonne santé physique de sa mère, au moins sur la période courant jusqu'à 2007, corroborée par les photos et factures de voyages au vu desquelles elle pouvait vivre une vie normale impliquée auprès de sa famille, de ses petits-enfants, sans que l'on puisse en déduire qu'elle aurait permis à Mme [F] de faire des économies au quotidien (sur le ménage, les frais de nourrice ou la cuisine!), en tout cas pas plus que ce que les liens familiaux permettent, ce dont témoignent de nombreux membres de la famille.

Néanmoins, Mme [F] produit une attestation du Dr [Y] en date du 20 février 2019 qui rappelle les antécédents médicaux de Mme [S] qui ont tous contribué à limiter son périmètre de marche dans le temps, ainsi qu'une station debout prolongée, allant jusqu'à l'assistance d'une tierce personne pour tout déplacement au moins depuis 2011. Ainsi Mme [F], qui était salariée jusqu'en 2014 (retraite), rentrait le midi régulièrement chez elle pour s'occuper de sa mère comme en atteste une collègue de travail sans préciser depuis quand. Les interventions pour des soins se sont multipliées au cours du temps et plus précisément depuis 2013 au vu des attestations des professionnels (infirmière, kiné, médecin...) sans que ces interventions n'excluent la nécessité pour les époux [F] d'être vigilants et à disposition constante.

Ces éléments établissent la réalité de l'investissement au quotidien de Mme [F] (et de son époux à la retraite depuis 2003) pour son aide pour les soins minimaux mais aussi son accompagnement auprès des différents médecins qui la suivaient.

Il n'est pas contesté que pendant les premiers mois, et alors qu'elle n'avait aucune activité professionnelle, Mme [S] était à la charge financière intégrale de sa fille dans l'attente de sa pension de réversion puis a perçu 2700 francs par trimestre à ce titre, ce montant ayant progressivement augmenté pour atteindre la somme de 700 euros/mois au cours des dix dernières années. Elle avait néanmoins conservé l'usufruit de sa maison qui a été mise en location dès novembre 1978 et ce de façon très régulière à l'exception d'une période de 6 mois à compter d'août 2003, ce bien étant notoirement entretenu par les époux [F] de façon constante au du des attestations de tous les locataires, en particulier sur tout leur temps libre qu'ils ont consacré à entretenir ce patrimoine indivis, M. [A] [M] ayant procédé uniquement à la rénovation de la toiture.

Mme [F] fait état de travaux d'agrandissement réalisés en 1988 suite à la naissance de son deuxième enfant en 1986 pour réaménager le garage existant et le transformer en chambre et salle de bains afin de pouvoir continuer à accueillir sa mère. Elle produit les factures des travaux et les emprunts contractés à hauteur de 13.000 euros pour y parvenir ainsi que le permis de construire pour changer la destination du garage. Si ces investissements coûteux ont permis non seulement le maintien à domicile de Mme [S], sous surveillance constante des siens, mais aussi d'éviter d'engager des dépenses coûteuses pour un autre type de prise en charge, ces travaux constituent nécessairement une plus-value apportée au bien immobilier des époux [F] et ne sauraient être considérés comme un appauvrissement total de leur part, étant noté toutefois que certains matériels acquis n'avaient plus d'utilité à son décès et ont été donnés à des tiers, contrairement aux allégations soutenues par M. [M].

Mme [S] a versé à compter de 2006 la somme de 200 euros/mois afin de participer aux dépenses communes, si bien qu'entre 1978 et cette date elle n'a jamais participé financièrement à son hébergement, ce qui a permis non seulement de financer pour son compte une meilleure vie, notamment de pouvoir partir en voyage, en cure thermale quand elle pouvait encore le faire mais aussi d'améliorer son patrimoine puisqu'au jour de son décès Mme [S] disposait d'une épargne de 46761 euros se répartissant entre son compte chèque, son PEL, son livret A et son LEP alors qu'elle disposait de revenus mensuels très limités.

Ainsi, au-delà des dépenses réalisées directement par Mme [F] pour prendre en charge financièrement sa mère, qui constituaient une contrepartie au devoir filial et au choix de vie faits ensemble, la durée très importante de cette aide multiforme (entretien de son bien, gestion de sa location, aide personnelle au quotidien, adaptation des lieux de vie), non compensée par les avantages accordés dans le cadre des donations faites, justifient le principe de la créance d'assistance par réformation de la décision du premier juge, Mme [S] ayant pu économiser de son côté.

Mme [F] sollicite une somme de 219.780 euros sur la base d'un taux à 70% du taux horaire du SMIC, soit une aide annuelle de 5.783,68 euros pendant 38 ans.

Néanmoins, au vu des limitations rappelées en lien notamment avec l'état de santé réel de Mme [S], seule la durée de dix ans sera retenue, sur la base d'une somme de 200 euros/mois compte tenu de la participation financière actée depuis 2006. Dès lors il sera fait droit à sa demande dans la limite de la somme de 24.000 euros.

Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [M] qui succombe principalement à l'instance.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [F] les frais non compris dans les dépens en cause d'appel : M. [M] sera condamné à lui payer la somme de 2.000 euros de ce chef sans qu'il y ait lieu de réformer la décision de première instance de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme les chefs déférés sauf en ce que la demande de créance d'assistance présentée par Mme [X] [M] veuve [F] a été rejetée,

Statuant à nouveau de ce chef,

Fixe au passif de la succession la somme de 24.000 euros au titre de la créance d'aide et d'assistance de Mme [X] [M] veuve [F],

y rajoutant,

Condamne M. [A] [M] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

M. TACHON C. DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/01754
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;21.01754 ?
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