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25/06/2024 | FRANCE | N°23/01902

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 juin 2024, 23/01902


25/06/2024



ARRÊT N°



N° RG 23/01902

N° Portalis DBVI-V-B7H-PO7W



MD/ND



Décision déférée du 15 Mai 2023

Juge de la mise en état de TOULOUSE

( 22/03223)

MME [P]

















SCI ATELIER DU GIROU





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Grosse délivrée



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



SCI ATELIER DU GIROU

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Rep...

25/06/2024

ARRÊT N°

N° RG 23/01902

N° Portalis DBVI-V-B7H-PO7W

MD/ND

Décision déférée du 15 Mai 2023

Juge de la mise en état de TOULOUSE

( 22/03223)

MME [P]

SCI ATELIER DU GIROU

C/

[O] [T]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

SCI ATELIER DU GIROU

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [O] [T]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe NEROT de la SELARL VERBATEAM TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société par actions simplifiées (Sas) Promo Team, dont le gérant est M. [O] [T], a réalisé l'aménagement d'une zone artisanale en lotissement dénommé « [Adresse 9] » située sur la commune de [Localité 8] (31).

Il s'agissait de vendre les parcelles nues que chaque acquéreur aménagerait pour les besoins de son activité artisanale ou commerciale.

Par promesse unilatérale de vente du 20 février 2017, la Sas Promo Team s'est engagée à vendre à la Sarl coopérative L'âge du bois la parcelle [Cadastre 11] et la parcelle [Cadastre 2] toutes deux grevées d'une servitude inconstructible au profit de la parcelle [Cadastre 6] où se trouve le bassin de rétention des eaux de pluie.

Par acte authentique du 23 janvier 2018, la société civile immobilière (Sci) L'atelier du Girou a acquis auprès de la Sas Promo Team lesdits lots pour un prix de 165 000 euros. Il y est stipulé que les terrains acquis sont grevés par une servitude d'écoulement des eaux pluviales et une servitude non aedificandi, le fonds dominant étant le fonds voisin appartenant à la Sas Promo Team, la parcelle [Cadastre 6]. La surface grevée de servitudes avait pour objet de constituer une zone tampon de sécurité, sur laquelle était susceptible de s'écouler le trop plein du bassin de rétention d'eau. Cette zone a été matérialisée sur des plans de vente établis le 23 novembre 2017 par le cabinet de géomètres Sompayrac Cianferani Prieu et qui ont été annexés à l'acte de vente.

La Sci L'atelier du Girou devait aménager les terrains en créant des ateliers à louer à la Sarl coopérative L'âge du Bois qui a confié la réalisation du projet à M. [W], architecte.

L'implantation du bassin de rétention d'eau a empêché la réalisation des travaux prévus au permis de construire déposé par M. [W].

Le 15 janvier 2019, la Sci L'atelier du Girou a fait constater l'existence d'un empiètement du bassin de rétention sur ses terrains sur une surface de 690m2.

-:-:-:-

Par acte d'huissier du 22 janvier 2019, la Sci L'atelier du Girou et la Scop L'âge du Bois ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise au contradictoire de la Sas Promo Team, M. [N] [W], architecte et son assureur la Maf ainsi que de la Scp Bbh Notaires.

Par acte d'huissier du 25 janvier 2019, la Sas Promo Team a appelé dans la cause la Selarl Sompayrac Cianferani Prieu et la Sarl Vectories Ingenierie.

Par ordonnance du 7 février 2019, M. [C] a été désigné en qualité d'expert judiciaire, puis a été remplacé par M. [F] [Y].

Par ordonnance du 26 septembre 2019, les opérations d'expertise ont été étendues à la société [Adresse 7].

Par acte d'huissier du 19 décembre 2019, la Sci L'atelier du Girou et la Sarl coopérative L'âge du Bois ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la Sas Promo Team, M. [W], la Maf, la Selarl Sompayrac Cianferani Prieu et la Sarl Vectories ingenieries aux fins, notamment, de condamnation de la Sas Promo Team à verser une certaine somme au titre de la diminution du prix de vente du terrain dont l'emprise a été modifiée ainsi que, de tous les défendeurs à réparer les préjudices découlant de la modification de l'emprise du terrain.

Par ordonnance du 20 octobre 2020, le juge de la mise en état a prononcé le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

L'expert judiciaire désigné a déposé son rapport le 12 novembre 2021.

Par conclusions d'incident devant le juge de la mise en état du 2 mars 2022, la Sci L'atelier du Girou et la Sarl coopérative L'âge du bois ont notamment sollicité la condamnation provisionnelle de la Sas Promo Team au titre de la garantie de contenance à une diminution du prix de vente de 67 287 euros.

Le 8 avril 2022, la Sci L'atelier du Girou portait plainte contre M. [T], ès qualités de gérant de la Sas Promo Team pour défaut de souscription d'une assurance décennale.

Par requête du 29 avril 2022, la Sci l'atelier du Girou a sollicité devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulouse l'autorisation de pratiquer une saisie-conservatoire auprès de tout établissement financier détenant des comptes pour M. [T] pour sûreté, garantie et paiement d'une créance de 50 000 euros compte tenu de la faute séparable des fonctions qu'il aurait commise et consistant dans le défaut de souscription d'une police d'assurance décennale.

Par ordonnance du 16 mai 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- constaté que la créance de la Sci L'atelier du Girou paraissait fondée en son principe et que des circonstances étaient suspectibles d'en menacer le recouvrement,

- autorisé la Sci L'atelier du Girou à pratiquer une saisie-conservatoire auprès de tout établissement financier susceptible de détenir des comptes pour M. [T] pour sûreté, garantie et paiement d'une créance de 50 000 euros.

Une saisie-conservatoire a été pratiquée le 20 juin 2022 auprès du Crédit agricole Toulouse pour la somme de 17 311,70 euros.

Le 26 août 2022, la Sci L'atelier du Girou a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. [T] pour défaut de souscription de l'assurance décennale obligatoire.

Suivant un jugement rendu le 12 septembre 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la Sas Promo Team et désigné la Selarl Benoît et associés en qualité de liquidateur.

Par jugement du 1er février 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulouse a débouté M. [T] de sa contestation de la saisie-conservatoire fondée sur la prescription de l'action.

-:-:-:-

Par acte d'huissier du 19 juillet 2022, la Sci L'atelier du Girou a fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins notamment d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 67 287 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'une faute détachable de ses fonctions commise par celui-ci en sa qualité de gérant de la Sas Promo Team, résidant dans l'absence de souscription d'une assurance décennale.

Par conclusions d'incident, M. [T] a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l'action en responsabilité personnelle dirigée à son encontre.

-:-:-:-

Par ordonnance de mise en état du 15 mai 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse, a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la Sci L'atelier du Girou en responsabilité personnelle dirigée à l'encontre de M. [T] en qualité de gérant de la Sas Promo Team,

- constaté l'extinction de l'action,

- condamné la Sci L'atelier du Girou aux dépens du présent incident,

- condamné la Sci L'atelier du Girou à payer à M. [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formée par la Sci L'atelier du Girou sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a considéré, en application des articles L.227-8 et L.225-254 du code de commerce que l'action en responsabilité personnelle dirigée contre le dirigeant de la société par actions simplifiée se prescrivait par trois ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation s'il a été dissimulé.

Il a relevé que la Sci L'atelier du Girou agissait sur le fondement de deux fautes : l'absence de souscription d'une assurance décennale, révélée lors de la conclusion du contrat de vente et la dissimulation du déplacement du bassin au moment de la vente. Il a considéré que cette dernière faute était soulevée dans les dernières conclusions d'incident devant le juge de la mise en état sans que la société n'ait notifié de conclusions au fond après l'assignation, de sorte que le tribunal n'était pas saisi de ce moyen.

-:-:-:-

Par déclaration du 25 mai 2023, la Sci L'atelier du Girou a interjeté appel de ce jugement, pris en toutes ses dispositions.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises à la cour par voie électronique le 25 mars 2024, la Sci L'atelier du Girou, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 789 du code de procédure civile, ainsi que de l'article L. 225-254 du code de commerce, de :

- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- réformer l'ordonnance prononcée par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 mai 2023 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter M. [O] [T] de ses demandes tendant à voir juger l'action introduite à son encontre comme irrecevable pour cause de prescription,

- condamner M. [O] [T] à verser à la Sci Atelier du Girou la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident, dont distraction au profit de Maître Gilles Sorel, avocat, sur son affirmation de droit.

À l'appui de ses prétentions, l'appelante soutient que :

- la Sci se prévaut contre M. [T] de l'absence de souscription de l'assurance décennale obligatoire et de la dissimulation du déplacement du bassin d'orage qui s'est retrouvé implanté en totalité sur les parcelles qui lui ont été vendues,

- le défaut de souscription d'une assurance décennale obligatoire constitue une faute séparable des fonctions du dirigeant d'une société, susceptible d'engager sa responsabilité personnelle,

- l'action en responsabilité contre les dirigeants d'une Sas se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation en cas de dissimulation,

- si elle savait que M. [T] n'avait pas souscrit d'assurance décennale, elle n'a toutefois connu l'étendue de cette faute et le préjudice subi qu'après la vente, et plus exactement lors du dépôt de son rapport par l'expert judiciaire révélant la perte de superficie due au déplacement du bassin entre la signature du compromis et de l'acte authentique, or l'absence d'assurance décennale l'empêche de faire déplacer ce bassin,

- seul le rapport d'expertise a permis à la Sci L'atelier du Girou de se rendre compte des incidences réelles du défaut d'assurance, en lui confirmant l'existence de l'empiètement ainsi que son ampleur,

- il est douteux que M. [T] n'ait pas été informé du déplacement du bassin alors qu'il détenait autant d'actions que M. [Z] qui a notamment suivi la réalisation du lotissement, outre que M. [T] a écrit un courriel avant la signature de la promesse de vente pour solliciter le dépôt d'un permis de construire modificatif relativement à l'emplacement du bassin de rétention,

- cette attitude révèle une faute détachable des fonctions du dirigeant,

- la Sci L'atelier du Girou n'a pas été informée de ce déplacement, et n'a découvert cette dissimulation que lors du dépôt du rapport définitif d'expertise le 12 novembre 2021,

- le bassin constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et son empiètement sur la propriété voisine constitue un désordre décennal,

- l'ampleur réelle de l'empiètement a été révélée par le rapport d'expertise judiciaire et est différente de celle relevée par le géomètre le 15 janvier 2019 qui est donc erronée, de sorte que cette date ne peut servir de point de départ au délai de prescription,

- l'assignation évoque clairement qu'il est reproché une faute détachable de ses fonctions à M. [T] qui puise sa source tant dans le défaut d'assurance que la dissimulation de l'implantation finale du bassin.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 mars 2024, M. [O] [T], intimé, demande à la cour, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, et de l'article L.225-254 du code de commerce, de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes ou tout le moins mal fondées,

- confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions, en ce qu'elle a :

' déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la Sci l'atelier du Girou en responsabilité personnelle dirigée à l'encontre de M. [T] en qualité de gérant de la Sas Promo team,

' constaté l'extinction de l'action,

' condamné la Sci L'atelier du Girou aux dépens outre à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700,

' rejeté la demande formée par la Sci L'atelier du Girou sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la Sci L'atelier du Girou au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens de l'appel.

À l'appui de ses prétentions, l'intimé soutient que :

- l'action en responsabilité personnelle du gérant de la société ne peut être admise qu'aux conditions très strictes posées par l'article L.223-22 du code de commerce et dans les délais de l'article L.225-254 du code de commerce,

- il est reproché au dirigeant une seule faute, visée dans le dispositif des conclusions : de ne pas avoir souscrit l'assurance décennale,

- le défaut de souscription de l'assurance décennale n'était pas dissimulé et a été porté à la connaissance de l'acquéreur lors de la signature du compromis de vente et de la réitération de la vente, outre toutes les conséquences qui s'y attachent,

- le défaut d'assurance n'a aucune répercussion sur le problème de déplacement du bassin de rétention qu'une telle assurance n'aurait pas eu vocation à garantir,

- le déplacement du bassin a été constaté dès le 15 janvier 2019, date du relevé de cotes sur terrain pour dénoncer un empiètement,

- le rapport [Y] n'a fait que confirmer les allégations de la Sci L'atelier du Girou en réduisant la surface impactée de 690,32m2 à 628m2,

- l'expert judiciaire a réduit l'ampleur de l'empiètement et n'a donc rien appris à la Sci L'atelier du Girou sur les éléments matériels pouvant caractériser une faute du dirigeant de la société venderesse.

L'affaire a été examinée à l'audience du 2 avril 2024 à 14h.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

- Sur la recevabilité de l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de M. [T] :

1. En vertu de l'article L.227-8 du code de commerce, les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.

En vertu de l'article L.225-251 du code de commerce, les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

En vertu de l'article L.225-254 du code de commerce, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ; sauf lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrivant alors par dix ans.

La date du fait dommageable ne doit pas être confondue avec celle à laquelle il a été connu ou celle à laquelle la créance est devenue certaine (Com. 21 septembre 2004,

n°01-01.263), la date du fait dommageable étant la date à laquelle le fait à l'origine du dommage a été commis (Com., 28 avril 2004, n°01-15375).

La dissimulation du fait dommageable suppose un comportement intentionnel du dirigeant et ne saurait donc se déduire du seul défaut d'information de celui qui agit en responsabilité (Com., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-13.230).

2. La Sci L'atelier du Girou se prévaut contre M. [T] de l'absence de souscription de l'assurance décennale obligatoire et de la dissimulation du déplacement du bassin d'orage qui s'est retrouvé implanté en totalité sur les parcelles qui lui ont été vendues.

Dans l'acte d'assignation, est seule visée en qualité de faute l'absence de souscription de l'assurance décennale par M. [T] pour son activité de promoteur constructeur. Néanmoins, le moyen tiré de la dissimulation du déplacement du bassin de rétention pouvait être invoqué par la Sci L'atelier du Girou dans des conclusions postérieures et en appel, les parties pouvant formuler des moyens nouveaux pour justifier des prétentions contenues dans l'acte d'assignation.

2.1. S'agissant de la non-souscription de l'assurance décennale, l'article L.241-1 du code des assurances dispose que "toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

À l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité ".

C'est donc dès l'ouverture du chantier de construction du bassin de rétention que la Sas Promo Team devait être assurée au titre de la garantie décennale en sa qualité de vendeur constructeur tel que visé par l'article 1792-1,2° du code civil.

Il ressort du rapport d'expertise (p.26) et du dire n°1 de Maître [R] pour le compte de la société Eiffage, produit en annexe du rapport d'expertise, que les travaux relatifs au bassin de rétention ont commencé le 12 janvier 2017. C'est donc à cette date que s'est produit le fait dommageable allégué par la Sci L'atelier du Girou.

Il n'est nullement démontré que M. [T] aurait intentionnellement dissimulé l'absence de souscription d'une assurance décennale à la Sci L'atelier du Girou, étant précisé qu'à cet égard, l'acte authentique de vente conclu le 23 janvier 2018 contient la clause suivante « absence d'assurance-construction pour les espaces communs » qui indique « le vendeur (') déclare ne pas avoir satisfait à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrages en tant que propriétaire ni à l'obligation de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité décennale en tant que « constructeur non réalisateur ». Il est ensuite indiqué : « l'acquéreur déclare en avoir été informé préalablement aux présentes par le vendeur et déclare faire son affaire personnelle de cette situation sans recours en garantie de ce chef à l'encontre du vendeur ni du notaire soussigné, reconnaissance qu'en cas de sinistre, il devra agir directement contre le vendeur (') et subir un risque d'insolvabilité ou de défaillance ou de disparition de la personne morale du vendeur. L'acheteur déclare acheter à ses risques et périls ».

Dès lors, le point de départ de l'action en responsabilité pour défaut d'assurance décennale doit être fixé au 12 janvier 2017. L'action contre M. [T], dirigeant de la Sas Promo team, pouvait donc être intentée jusqu'au 12 janvier 2020 inclus.

La Sci L'atelier du Girou l'ayant fait assigner par acte d'huissier le 19 juillet 2022, son action fondée sur cette faute est donc prescrite.

2.2. S'agissant de la dissimulation du déplacement du bassin de rétention, l'acte authentique de vente du 23 janvier 2018 conclu entre les parties indique l'existence d'une servitude non aedificandi et d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales au profit du terrain cadastré [Cadastre 6] à usage de rétention et resté propriété de la Sas Promo Team.

Il est précisé que les servitudes sont d'une superficie totale de 569 m² soit 302 m² pour le lot 28 et 267 m² pour le lot 8. Le plan de vente du 23 janvier 2017 réalisé par les géomètres-experts Sompayrac Cianferani Prieu, annexé à l'acte authentique de vente mentionne la présence d'une servitude d'occupation du bassin de rétention sur les lots 8 et 28 au profit de la parcelle [Cadastre 5], d'une dimension de 614 m2 au total.

Dans son rapport, l'expert judiciaire indique que le relevé effectué par le sapiteur géomètre, M. [M], fait ressortir un empiètement du bassin de rétention et de sa clôture sur les parcelles [Cadastre 11] et [Cadastre 10] vendues à la Sci L'atelier du Girou, pour un total de 628 m2.

L'expert judiciaire considère que le positionnement et les dimensions du bassin de rétention ont été modifiées, avec validation par le maître d''uvre et du maître d'ouvrage le 10 janvier 2017, et que le plan d'exécution de l'entreprise Eiffage correspond à la réalisation telle que relevée lors des opérations d'expertise.

L'expert judiciaire indique que le maître d'ouvrage a réceptionné les travaux d'aménagement le 29 juin 2017 sans aucune réserve, notamment vis-à-vis du bassin de rétention.

2.3 La société Promo Team, parfaitement informée des modifications d'implantation et de dimensions du bassin de rétention, et ayant réceptionné les travaux d'aménagement le 29 juin 2017 a donc signé l'acte authentique de vente le 23 janvier 2018 plus de six mois après la réception des travaux, sans indication de cet empiètement ni fourniture de plans de vente actualisés et sans que cet acte porte trace de la mention de cet empiètement ainsi réalisé et connu d'elle.

De la sorte, si le fait dommageable de dissimulation du déplacement du bassin de rétention a été réalisé lors de la signature de l'acte authentique de vente le 23 janvier 2018, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre M. [T] doit être reporté à la date de révélation de ce fait dommageable à la Sci L'atelier du Girou.

Il ressort des pièces du dossier qu'elle a pris connaissance du déplacement du bassin de rétention par rapport aux plans de vente fournis et de l'empiètement qui en a résulté lors du relevé de cotes qu'elle a fait réaliser le 15 janvier 2019, et qui faisait état d'une zone d'empiètement sur les parcelles 8 et 28 de 10,7 x 60,95 = 652 m². La Sci a donc su à cette date que la Sas Promo team, par l'intermédiaire de son dirigeant, lui avait dissimulé ces faits et a donc pu prendre conscience à cette date du préjudice susceptible de fonder une action en responsabilité.

C'est donc la date du 15 janvier 2019 qui doit être retenue comme point de départ de l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de M. [T].

La Sci L'atelier du Girou avait donc jusqu'au 15 janvier 2022 inclus pour faire assigner M. [T] mais n'y a procédé que le 19 juillet 2022. Son action est donc prescrite.

L'ordonnance rendue le 15 mai 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la Sci L'atelier du Girou en responsabilité personnelle dirigée à l'encontre de M. [T] en qualité de gérant de la Sas Promo Team, et constaté l'extinction de l'action.

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

3. La Sci L'atelier du Girou étant partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, l'ordonnance de mise en état sera confirmée en ce qu'elle l'a condamné aux dépens de l'incident de première instance, à payer à M. [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles qu'elle a elle-même exposés.

La Sci L'atelier du Girou sera condamnée aux dépens de l'incident d'appel et à payer à M. [T] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés lors de l'incident d'appel. Condamnée aux dépens, elle ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendu le 15 mai 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse.

Et y ajoutant,

Condamne la Sci L'atelier du Girou aux dépens de l'incident d'appel.

Condamne la Sci L'atelier du Girou à payer à M. [O] [T] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles exposés lors de l'incident d'appel.

Rejette la demande formée par la Sci L'atelier du Girou sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 23/01902
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.01902 ?
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