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25/06/2024 | FRANCE | N°21/03740

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 juin 2024, 21/03740


25/06/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/03740

N° Portalis DBVI-V-B7F-OLFO

SL/DG



Décision déférée du 23 Juillet 2021

TJ de Saint-Gaudens

15/00434

Mme [A]

















[S] [G]

[I] [T] épouse [G]



C/



[Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T]







































INF

IRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à



Me ABADIE

Me SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTS



Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me François...

25/06/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/03740

N° Portalis DBVI-V-B7F-OLFO

SL/DG

Décision déférée du 23 Juillet 2021

TJ de Saint-Gaudens

15/00434

Mme [A]

[S] [G]

[I] [T] épouse [G]

C/

[Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me ABADIE

Me SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTS

Monsieur [S] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François ABADIE, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS

Madame [I] [T] épouse [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me François ABADIE, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS

INTERVENANTE FORCEE

Madame [Z] [T] veuve [L]

En qualité de légataire universelle d'[F] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Jean-david BASCUGNANA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 29 avril 2005 reçu par Me [H] [R], notaire à [Localité 7], M. [F] [T] a vendu à M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] la nue-propriété pour y réunir l'usufruit au décès du vendeur d'une propriété située sur la commune de [Localité 8], lieu-dit [Localité 5], cadastré section [Cadastre 4] et [Cadastre 2] d'une contenance totale de 52 a 25 ca. Cette vente est intervenue pour le prix de 46.000 € converti en vente viagère d'un montant annuel de 1.800 euros révisable, payable mensuellement et d'avance le 1er de chaque mois par échéance de 150 euros.

A cet acte sont intervenus les frères et soeurs de M. [T], qui ont renoncé à leur droit de préférence.

L'immeuble se composait d'une maison individuelle avec granges attenantes.

Par jugement du 18 avril 2006, le tribunal de grande instance de Saint Gaudens a placé M. [F] [T] sous curatelle renforcée et désigné sa soeur, Mme [X] [T], en qualité de curatrice, décision renouvelée par jugement du juge des tutelles de Saint Gaudens du 18 décembre 2012.

M. [S] [G] et Mme [I] [G] se sont installés dans les lieux en octobre 2010. M. [F] [T] et sa curatrice ont sollicité le paiement d'une indemnité d'occupation de 350 euros par mois, demande à laquelle M. et Mme [G] se sont opposés.

Par acte d'huissier du 30 juin 2015, M. [F] [T] et Mme [X] [T] veuve [L], en qualité de curatrice de M. [F] [T], ont fait assigner sous le bénéfice de l'exécution provisoire, M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G], devant le tribunal de grande instance de Saint Gaudens aux fins, notamment, de les voir condamnés au paiement d'une indemnité d'occupation, au motif qu'ils étaient occupants sans droit ni titre.

Par jugement du 21 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Saint Gaudens a, eu égard à la nature du litige, au contexte et au lien de parenté entre les parties, ordonné la réouverture des débats afin que les parties se prononcent sur l'opportunité d'une médiation civile.

Par jugement du 8 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Saint Gaudens a ordonné une médiation judiciaire.

La médiation n'a pas abouti par un accord.

Par jugement du 23 juillet 2021,le tribunal judiciaire de Saint-Gaudens, a :

- débouté M. [F] [T] de sa demande d'indemnité d'occupation,

- ordonné à M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] d'enlever le cadenas, la clôture ainsi que les animaux qu'ils élèvent sur place et de quitter l'ensemble immobilier dont M. [F] [T] est usufruitier situé sur la commune de [Localité 8] cadastré section [Cadastre 4] et [Cadastre 2],

- fait défense à M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] de pénétrer dans les lieux,

- dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à

M. [F]  [T] la somme de 3.200 euros au titre de son préjudice de jouissance,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à

M. [F] [T] la somme de 44.700,95 euros au titre des travaux de remise en état,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à

M. [F] [T] la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

- débouté M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] aux dépens avec distraction au profit de la Scp Lassus-Dinguirard-Sannou conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à verser à

M. [F] [T] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que M. [F] [T], alors sous curatelle renforcé, avait signé le 18 octobre 2011 une autorisation gratuite aux époux [G] pour occuper une aile du bâtiment, soit l'ancienne étable et le garage, et d'y faire des travaux ; que ces deux corps de bâtiment ne constituaient pas le corps de bâtiment dans lequel il résidait, et qu'il pouvait signer cette autorisation comme ne concernant pas son lieu de résidence. Il a ajouté qu'aucun abus de faiblesse ne pouvait être reproché aux époux [G].

Il a relevé que les époux [G] avaient fait des travaux en réhabilitant l'étable et la grange, pour en faire leur maison d'habitation, mais qu'ensuite ils avaient commencé des travaux dans la partie habitée par M. [F] [T], le laissant vivre dans des conditions indignes. Il a estimé que les époux [G] ont failli à leur obligation en restreignant l'occupation de M. [F] [T], qui pourtant avait gardé l'usufruit de l'immeuble et qui ne pouvait plus résider à son domicile.

Il a considéré qu'aucune indemnité d'occupation n'ayant été prévue, M. [T] devait être débouté de sa demande d'indemnité d'occupation.

Il a ordonné aux époux [G] de quitter les lieux, de laisser libre accès à la propriété à [F] [B], d'enlever les animaux qu'ils élèvent, et leur a fait interdiction de pénétrer dans les lieux.

Il a estimé que M. [T] avait subi une perte de jouissance de son habitation.

Il a condamné les époux [G] à verser à M. [T] la somme de 44.700,95 euros au titre de la remise en état des lieux.

Il a estimé que M. [T] avait subi un préjudice moral.

Les époux [G] ont été déboutés de leur demande d'extinction de l'usufruit.

-:-:-:-

Par déclaration du 26 août 2021, M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] ont relevé appel de ce jugement, intimant M. [F] [T] et Mme [X] [T] en qualité de curatrice de M. [F] [T], en ce qu'il a :

- ordonné à M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] d'enlever le cadenas, la clôture ainsi que les animaux qu'ils élèvent sur place et de quitter l'ensemble immobilier dont M. [F] [T] est usufruitier situé sur la commune de [Localité 8] cadastré section [Cadastre 4] et [Cadastre 2],

- fait défense à M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] de pénétrer dans les lieux,

- dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à

M. [F] [T] la somme de 3.200 euros au titre de son préjudice de jouissance,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à

M. [F] [T] la somme de 44.700,95 euros au titre des travaux de remise en état,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à

M. [F] [T] la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

- débouté M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] aux dépens avec distraction au profit de la Scp Lassus-Dinguirard-Sannou conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à verser à

M. [F] [T] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [T] est décédé le 13 août 2022.

Il ressort d'une attestation notariée de Me [U] [D], notaire à [Localité 6] (31) que la dévolution successorale s'établit comme suit : M. [F] [T] a laissé pour légataire universelle Mme [Z] [T] veuve [L], sa soeur.

Par acte du 26 juillet 2023, Mme [Z] [T] veuve [L] a été assignée en intervention forcée devant la cour d'appel de Toulouse, en reprise d'instance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 janvier 2024, M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G], appelants, demandent à la cour de :

Réformer le jugement du 23 juillet 2021 et par voie de conséquence :

constater que les concluants se désistent de leur demande d'extinction de l'usufruit de

M. [F] [T] ainsi que de la demande subsidiaire de versement d'une indemnité annuelle à l'usufruitier,

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

condamné les concluants à ôter le cadenas, la clôture ainsi que les animaux élevés sur place et les a condamnés à quitter l'ensemble immobilier,

leur a fait défense de pénétrer dans les lieux,

les a condamnés à verser à M. [F] [T] la somme de 3.200 euros au titre du préjudice de jouissance,

les a condamnés à verser à M. [F] [T] la somme de 44.700,95 euros au titre des travaux de remise en état,

les a condamnés à verser à M. [F] [T] la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

les a condamnés aux entiers dépens ainsi qu'à une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,

mettre à néant ces dispositions,

« juger » que Mme [Z] [L], en qualité de légataire universelle de M. [F] [T], devra restituer aux concluants la somme de 44.700,95 euros qui a été versée dans le cadre de l'exécution provisoire,

débouter Mme [Z] [L] de ses prétentions d'appelante incidente,

condamner Mme [Z] [L] à verser aux concluants la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 septembre 2023, Mme [Z] [T] veuve [L], en qualité de légataire universelle d'[F] [T], intervenante forcée et formant appel incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-gaudens du 23 juillet 2021 en ce qu'il a :

débouté [S] [G] et [I] [T] de l'ensemble de leurs demandes,

leur a ordonné d'enlever le cadenas, la clôture ainsi que les animaux qu'ils élèvent sur place et de quitter l'ensemble immobilier dont [F] [T] est usufruitier situe sur la commune de [Localité 8] cadastré section [Cadastre 4] et [Cadastre 2], ordonné l'exécution provisoire de la décision,

condamné in solidum [S] [G] et [I] [T] épouse [G] aux dépens avec distraction au profit de la Scp Lassus-dinguiraiw-sannou conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

condamné in solidum [S] [G] et [I] [T] épouse [G] à payer à Mme [T] épouse [L] venant aux droits de M. [F] [T] la somme de 1.500 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté [F] [T] de sa demande d'indemnité d'occupation,

dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

condamné in solidum [S] [G] et [I] [T] épouse [G] à payer à [F] [T] la somme de 3.200 euros au titre de son préjudice de jouissance,

condamné in solidum [S] [G] et [I] [T] épouse [G] à payer à [F] [T] la somme de 44.700,95 euros au titre des travaux de remise en état,

condamné in solidum [S] [G] et [I] [T] épouse [G] à payer à [F] [T] la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

Statuant à nouveau :

- juger sans objet la demande d'extinction de l'usufruit présentée par M. et Mme [G] suite au décès de M. [T],

- débouter en conséquence ces derniers de leur demande,

Vu les articles 578 et suivants,1382 ancien, applicable en l'espèce, du code civil,

- déclarer que l'accord qu'aurait donné [F] [T] le 18 octobre 2011 a été obtenu dans le cadre d'un abus de faiblesse.

Subsidiairement,

- déclarer que cet accord qui constitue une renonciation à un droit réel d'usufruit, excède les pouvoirs d'administration reconnus à un incapable majeur placé sous le régime de la curatelle renforcée,

- le déclarer nul et non avenu,

- déclarer, en conséquence, que M. et Mme [G] sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble dont [F] [T] est usufruitier, depuis le mois d'octobre 2010,

- ordonner leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef de la totalité de l'ensemble immobilier dont [F] [T] est usufruitier sis sur la commune de [Localité 8] lieu-dit [Localité 5], y cadastré parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 2],

- déclarer que leur installation sur la propriété dont [F] [T] est usufruitier est constitutive d'une voie de fait ;

En conséquence,

- les condamner in solidum à payer à Mme [T] veuve [L] :

la somme de 38.500 euros au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle de 350 euros, liquidée pour la période du 1er octobre 2010, jusqu'à leur libération des lieux, au mois de novembre 2019,

la somme de 20.000 euros au titre du trouble de jouissance subi par [F] [T],

la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice moral de M. [F] [T],

- les condamner, in solidum, à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner, in solidum, aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2024.

L'affaire a été examinée à l'audience du 5 mars 2024 à 14h.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la saisine de la cour :

M. et Mme [G] se désistent de leur demande d'extinction de l'usufruit d'[F] [T] ainsi que de la demande subsidiaire de versement d'une indemnité annuelle à l'usufruitier.

La cour n'est donc pas saisie de ces demandes.

Sur les conséquences du décès d'[F] [T] :

Compte tenu du décès d'[F] [T] survenu le 13 août 2022, l'usufruit a été réuni à la nue-propriété.

M. et Mme [G] sont donc propriétaires du bien en pleine propriété depuis le 13 août 2022.

Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il leur a ordonné d'enlever le cadenas, la clôture ainsi que les animaux élevés sur place et de quitter l'ensemble immobilier, et leur a fait défense de pénétrer dans les lieux, disant n'y avoir lieu à astreinte.

En effet, vu qu'ils sont désormais pleinement propriétaires du bien, ces demandes sont sans objet.

Sur l'indemnité d'occupation :

La curatrice a agi en par acte d'huissier du 30 juin 2015 en paiement d'une indemnité d'occupation, au motif que M. et Mme [G] étaient occupants sans droit ni titre.

M. et Mme [G] soutiennent que par un accord verbal en 2005, puis par un accord écrit que [F] [T] aurait établi le 18 octobre 2011, ils ont été autorisés à occuper gratuitement une aile de la maison (ancienne étable et grange), ainsi qu'à faire à leurs frais tous travaux.

Ils produisent un courrier daté du 18 octobre 2011 rédigé comme suit : « Pour faire suite à votre demande, je vous confirme volontiers, comme je l'ai toujours fait depuis le 29 avril 2005, que je vous autorise à occuper gratuitement l'aile de la maison (ancienne étable et grange) pour y habiter personnellement et y recevoir qui vous voulez.

Je vous autorise également à y faire à vos frais tout travaux que vous souhaitez.

En outre, je vous remercie beaucoup pour toutes les améliorations que vous avez apportées sur la maison que j'occupe moi-même.

Je vous embrasse.

Votre oncle. »

Il s'agit d'un document dactylographié daté du 18 octobre 2011 sur lequel est apposée la signature d'[F] [T].

Il est soutenu que ce document a été obtenu par abus de faiblesse, et que M. [T] n'a pas donné son consentement.

Dans le cadre d'une sommation interpellative du 15 septembre 2015, M. [T] a déclaré : 'Oui, j'ai vendu la maison à M. et Mme [G] [S] et les ai autorisés à faire les travaux y compris dans mon habitation et les ai autorisés à s'installer dans les dépendances. C'est ma soeur qui réclame un loyer, je n'ai rien réclamé sauf l'électricité. Je ne suis pas à l'origine de ce procès, c'est ma soeur qui en est à l'origine.'

Une demande de révocation de la curatrice a été rejetée par ordonnance du 3 octobre 2016, et à cette occasion le juge des tutelles a noté : 'Ainsi et contrairement aux indications des requérants, M. [T] a donné son accord à l'action en justice actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Saint Gaudens et même signé, assisté de sa curatrice, une convention d'honoraires avec un avocat pour assurer la défense de ses intérêts à ladite procédure.

[F] [T] a réitéré d'une part sa compréhension du litige avec M. et Mme [G] et son désaccord avec l'installation à ses frais et gratuitement dans sa maison et d'autre part sa volonté d'agir en justice assisté de sa soeur Mme [X] [T], sa curatrice.'

Ainsi, M. [T] a varié dans ses déclarations, tantôt devant l'huissier, tantôt devant le juge, ce qui démontre à tout le moins qu'il était influençable. Il a été placé sous curatelle en 2006 au motif qu'il ressortait d'un certificat médical qu'il était incapable de se gérer financièrement et qu'il était dans l'impossibilité de remplir des papiers administratifs du fait d'une exogénose chronique.

En tout état de cause, sans que l'on n'ait besoin de statuer sur un éventuel abus de faiblesse qui aurait vicié son consentement, il apparaît qu'il n'avait pas la capacité de consentir un tel acte.

En effet, l'article 472 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2009 dispose :

'Le juge peut également, à tout moment, ordonner une curatelle renforcée. Dans ce cas, le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. Il assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l'excédent sur un compte laissé à la disposition de l'intéressé ou le verse entre ses mains.

Sans préjudice des dispositions de l'article 459-2, le juge peut autoriser le curateur à conclure seul un bail d'habitation ou une convention d'hébergement assurant le logement de la personne protégée.

La curatelle renforcée est soumise aux dispositions des articles 503 et 510 à 515.'

L'article 426 du code civil (anciennement article 490-2 en vigueur jusqu'au 1er janvier 2009) dispose :

'Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire, sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible.

Le pouvoir d'administrer les biens mentionnés au premier alinéa ne permet que des conventions de jouissance précaire qui cessent, malgré toutes dispositions ou stipulations contraires, dès le retour de la personne protégée dans son logement.

S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l'aliénation, la résiliation ou la conclusion d'un bail, l'acte est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens.'

En l'espèce, l'immeuble se composait d'une maison d'habitation et de granges attenantes. Le tout était d'un seul tenant, comme le montre le croquis page 6/13 de la pièce 2 de M. et Mme [G] (constat de repérage amiante). Dès lors que M. [T] habitait la ferme, qui était son logement, il ne pouvait consentir seul une jouissance même précaire à quelqu'un d'autre pour une partie de cette ferme attenante à la partie où il avait notamment sa chambre et sa cuisine.

Il ne pouvait pas non plus consentir seul une autorisation de faire tous travaux, disposition qui n'était pas limitée à l'ancienne étable et à la grange, mais portait sur la ferme en son entier. En effet, une telle autorisation ne se limitait pas à des travaux d'entretien. Ceci équivalait donc à un acte de disposition. M. et Mme [G] ont d'ailleurs démoli la partie où il avait sa chambre.

Il aurait fallu pour consentir un tel accord l'intervention du curateur, car ça ne rentrait pas dans le pouvoir d'administration du majeur en curatelle. La sanction est la nullité de cet accord faute de capacité, dans la mesure où la personne protégée a subi un préjudice (article 465 du code civil). En l'espèce, l'acte causait un préjudice à M. [G] puisqu'il installait des tiers dans son logement et leur permettait de faire tous travaux.

L'accord étant nul, M. et Mme [G], qui n'étaient alors que nu-propriétaires, étaient donc occupants sans droit ni titre.

Mme [Z] [T] veuve [L] en tant que légataire universelle d'[F] [T] est fondée à leur réclamer une indemnité d'occupation pour la période du 1er octobre 2010 jusqu'à leur libération des lieux, le 1er novembre 2019, date à laquelle ils se sont installés dans une autre maison (9 ans et un mois soit 109 mois). Compte tenu de la nature des locaux occupés, une ancienne grange et une ancienne étable, qu'ils ont transformées eux-mêmes en pièces habitables, l'indemnité d'occupation peut être fixée à 200 euros par mois, soit au total : 200 X 109 = 21.800 euros.

Infirmant le jugement, M. et Mme [G] seront condamnés in solidum à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] la somme de 21.800 euros à titre de l'indemnité d'occupation due à [F] [T] pour la période du 1er octobre 2010 au 1er novembre 2019.

Sur la demande d'expulsion de M. et Mme [G] et de tous occupants de leur chef :

Cette demande est sans objet car M. et Mme [G] sont désormais pleinement propriétaires du bien.

Sur le préjudice de jouissance de M. [T] :

M. [T] résidait certes dans un logement vétuste, la ferme n'étant pas en bon état.

Cependant, sa situation s'est encore dégradée du fait des travaux réalisés par M. et Mme [G].

Ces derniers ont rénové la partie étable et grange. Ils ont fait des travaux de toiture relatifs à la totalité de l'immeuble. Puis en février 2014, les époux [G] ont commencé des travaux dans la partie qu'il habitait. Alors qu'il avait sa chambre à l'étage, ils ont démoli l'escalier et l'étage. Il n'avait plus qu'une pièce à vivre, la cuisine, dans laquelle a été placé son lit. Les époux [G] ont aménagé un simple WC. Le seul point d'eau était celui existant, l'évier de la cuisine.

M. et Mme [G] reconnaissent la destruction de l'escalier menant à la chambre de M. [T].

Un procès-verbal de constat d'huissier du 22 juin 2016 montre que l'étage au-dessus de la cuisine de M. [T] n'existait plus, M. [T] ne bénéficiait plus que du rez-de-chaussée. Il a été contraint de vivre dans une seule pièce, la cuisine, dans laquelle a été installé son lit. Une porte donnait sur un WC. Le seul point d'eau était l'évier de la cuisine.

Un procès-verbal de constat du 26 octobre 2018 montre que l'état de cette seule pièce à vivre était encore plus dégradé. Une cloison était fissurée et éventrée sur toute la hauteur. Un trou d'assez grande taille (0,90 m X 0,70 m) était partiellement rebouché depuis l'extérieur par des planches. Les poutres au point d'ancrage de cette cloison présentaient des fissurations et étaient très fragilisées. Il était impossible de vivre dans ce corps de bâtiment.

Un troisième procès-verbal de constat a été rédigé le 15 novembre 2019. L'entrée principale de la propriété était cadenassée, obligeant M. [T] à utiliser une seconde entrée côté grange, ne lui laissant qu'un passage d'accès à la seule pièce restant à son usage. Il n'avait plus accès à son compteur d'eau. L'accès à la seule pièce restant à son usage était entouré d'un grillage l'empêchant d'aller et venir dans la propriété.

Finalement, M. [T] est allé vivre chez une de ses soeurs, ne pouvant résider à son domicile.

Son préjudice de jouissance pour restriction de la superficie qu'il occupait et le caractère incommode peut être évalué à 10.000 euros.

Infirmant le jugement, M. et Mme [G] seront condamnés in solidum à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice de jouissance d'[F] [T].

Sur les travaux de remise en état :

M. et Mme [G] ont fait appel du jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] à payer à [F] [T] la somme de 44.700,95 euros au titre des travaux de remise en état.

Dans leurs conclusions, ils demandent l'infirmation du jugement sur ce point. Mme [L] demande également l'infirmation du jugement sur ce point. Les époux [G] étant désormais propriétaires du bien immobilier, et les travaux n'ayant pas été faits avant le décès de M. [T], il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.

La demande tendant à condamner M. et Mme [G] aux travaux de remise en état est sans objet.

M. et Mme [G] demandent la restitution de cette somme par Mme [Z] [T] veuve [L], en qualité de légataire universelle d'[F] [T]. Ils font valoir qu'au décès de M. [T], les travaux de remise en état n'avaient pas été réalisés.

Le jugement étant infirmé et le présent arrêt constituant le titre exécutoire impliquant la restitution des sommes éventuellement réglées en exécution du jugement infirmé, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution par Mme [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] de la somme de 44.700,95 euros.

Sur le préjudice moral de M. [T] :

[F] [T] s'est vu privé de sa chambre depuis 2014, alors qu'il avait toujours dormi là. Il a ensuite dû aller vivre chez une soeur, perdant ainsi ses habitudes.

Son préjudice moral peut être évalué à 5.000 euros.

Infirmant le jugement, M. et Mme [G] seront condamnés in solidum à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral d'[F] [T].

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

M. et Mme [G], parties perdantes, devront supporter in solidum les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Ils se trouvent redevables d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

M. et Mme [G] seront déboutés de leur demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Constate que M. [S] [G] et Mme [I] [T] épouse [G] se désistent de leur demande d'extinction de l'usufruit d'[F] [T] ainsi que de la demande subsidiaire de versement d'une indemnité annuelle à l'usufruitier, et que la cour n'est donc pas saisie de ces demandes ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint Gaudens du 23 juillet 2021,

- sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes ;

- et sauf sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare sans objet la demande tendant à ordonner à M. et Mme [G] d'enlever le cadenas, la clôture ainsi que les animaux élevés sur place et de quitter l'ensemble immobilier, et à leur faire défense de pénétrer dans les lieux, sous astreinte ;

Condamne in solidum M. et Mme [G] à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] la somme de 21.800 euros à titre d'indemnité d'occupation due à [F] [T] pour la période du 1er octobre 2010 au 1er novembre 2019 ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'expulsion de M. et Mme [G] et de tous occupants de leur chef ;

Condamne in solidum M. et Mme [G] à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] la somme de 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance d'[F] [T] ;

Déclare sans objet la demande tendant à condamner M. et Mme [G] aux travaux de remise en état ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution à M. et Mme [G] par Mme [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] de la somme de 44.700,95 euros ;

Condamne in solidum M. et Mme [G] à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] en qualité de légataire universelle d'[F] [T] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral d'[F] [T].

Condamne M. et Mme [G] aux dépens d'appel,

Les condamne à payer à Mme [Z] [T] veuve [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Les déboute de leur demande sur le même fondement.

Le greffier Le Président

N.DIABY M. DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/03740
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.03740 ?
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