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21/06/2024 | FRANCE | N°23/04000

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 21 juin 2024, 23/04000


21/06/2024



ARRÊT N°2024/194



N° RG 23/04000 - N° Portalis DBVI-V-B7H-P2IW

CP/NO



Décision déférée du 23 Mars 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00536)

E. ROUANET

Section commerce chambre 1

















E.U.R.L. LE FAUBOURG





C/



[D] [L]

Etablissement UNEDIC DELAGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

S.A.S. BDR ET ASSOCIÉS( ME [Y] [V] )












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INFIRMATION PARTIELLE







Grosses délivrées :



le 21/06/2024



à Me CHAUVIN, Me DEDIEU,

Me SAINT GENIEST,

Me BRUNET-RICHOU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL ...

21/06/2024

ARRÊT N°2024/194

N° RG 23/04000 - N° Portalis DBVI-V-B7H-P2IW

CP/NO

Décision déférée du 23 Mars 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00536)

E. ROUANET

Section commerce chambre 1

E.U.R.L. LE FAUBOURG

C/

[D] [L]

Etablissement UNEDIC DELAGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

S.A.S. BDR ET ASSOCIÉS( ME [Y] [V] )

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées :

le 21/06/2024

à Me CHAUVIN, Me DEDIEU,

Me SAINT GENIEST,

Me BRUNET-RICHOU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

E.U.R.L. LE FAUBOURG

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric CHAUVIN de la SELARL CABINET ERIC CHAUVIN, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Nicolas MUNCK de la SELARL ALMUZARA-MUNCK, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''ES

Madame [D] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Guy DEDIEU de la SCP DEDIEU PEROTTO, avocat au barreau D'ARIEGE

Association UNEDIC DELAGATION AGS CGEA DE [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S. BDR ET ASSOCIÉS prise en la personne de Me [Y] [V] ès qualités de liquidateur de la société RDG, de [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DARIES, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [L] a été embauchée le 2 mai 2002 par la sarl Le Faubourg en qualité de serveuse suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des hôtels-cafés-restaurants.

Le 11 octobre 2017, les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle. Elle a été homologuée par l'inspection du travail le 1er décembre 2017.

A compter du 4 septembre 2017, la société RDG a pris en location-gérance l'activité de restauration traditionnelle de l'eurl Le Faubourg et repris le personnel qui y était attaché, sous le nom : « La table du Faubourg ».

Le 1er décembre 2017, la société RDG a embauché Mme [L] en qualité de serveuse par contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des hôtels-cafés-restaurants.

Par courrier du 27 juillet 2018, la société RDG a notifié à l'eurl Le Faubourg la résiliation unilatérale du contrat de location gérance sans préavis, avant l'arrivée du terme fixé au 31 décembre 2019.

Mme [L] n'a plus perçu de salaire à compter d'août 2018.

Mme [L] a saisi, une première fois, au fond le conseil de prud'hommes de Toulouse le 12 septembre 2018 aux fins de solliciter le versement de diverses sommes, notamment à titre de rappels de salaires, revalorisation et heures supplémentaires.

La société RDG a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse le 6 novembre 2018. La SCP BDR & Associés prise en la personne de Me [V] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Mme [L] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Toulouse le 6 décembre 2018 afin de demander le paiement de ses salaires impayés depuis le mois d'août 2018. Par ordonnance du 8 février 2019, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Toulouse l'a invitée à se pourvoir au fond.

Mme [L] a saisi une seconde fois au fond le conseil de prud'hommes de Toulouse le 8 avril 2019 aux fins de juger que son employeur était l'eurl Le Faubourg à compter du 1er août 2018, solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et demander le versement de diverses sommes. Elle avait attrait dans la cause, outre l'eurl Le Faubourg, la scp BDR & Associés, ès qualités de liquidateur de la société RDG et l'AGS CGEA de [Localité 7].

Des suites de la première saisine au fond de Mme [L], le conseil de prud'hommes de Toulouse, par jugement du 3 octobre 2019, a, notamment, condamné l'eurl Le Faubourg à lui payer :

- 1 210 € à titre de rappel de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle,

- 3 174,50 € à titre de rappel de congés payés,

- 250 € à titre de dommages et intérêts pour le retard dans le versement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle

- 1 800 € à titre de dommages et intérêts pour les retards systématiques dans le versement du salaire,

- 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens.

Des suites de la seconde saisine au fond de Mme [L], le conseil de prud'hommes de Toulouse, par jugement du 23 mars 2021, a :

- mis hors de cause la société RDG, représentée par Me [Y] [V] (BDR & Associés), mandataire liquidateur,

- mis hors de cause l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7],

- jugé que le contrat de travail de Mme [L] est transféré à la société Le Faubourg à compter du 1er août 2018,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] aux torts exclusifs de la société Le Faubourg,

- jugé que la résiliation judiciaire doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du présent jugement,

En conséquence,

- condamné l'eurl Le Faubourg à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

* 56 158,38 € à titre de rappel de salaire,

* 5 615,83 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

* 695 € au titre des congés payés non pris,

* 1 513,15 au titre de l'indemnité de licenciement,

* 2 287,84 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 1 500 € au titre du préjudice distinct,

* 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 079,94 €,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,

- débouté l'eurl Le Faubourg de sa demande reconventionnelle,

- condamné l'eurl Le Faubourg aux entiers dépens.

Par déclaration du 29 avril 2021, l'eurl Le Faubourg a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par ordonnance du 9 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire n° RG 21/01982 pour défaut d'exécution des causes du jugement.

L'affaire a été réinscrite au rôle sous le n° RG 23/04000.

Par conclusions du 24 avril 2024, l'eurl Le Faubourg a demandé au magistrat chargé de la mise en état d'enjoindre à Mme [L] de communiquer ses relevés Pôle Emploi à compter de septembre 2018 et ses avis d'imposition des années 2018 à 2021 et de la condamner aux dépens de l'incident.

Par courrier du 26 avril 2024, notifié par RPVA, le magistrat chargé de la mise en état a indiqué aux avocats de l'eurl Le Faubourg et de Mme [L] qu'il ne pouvait statuer utilement sur cette demande tardive, les informant que cette demande de communication de pièces pourrait être soumise à la cour également compétente pour statuer sur ce point sans que puisse leur être opposée la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 26 avril 2024.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 3 mai 2024, auxquelles il est expressément fait référence, l'eurl Le Faubourg demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* a jugé que le contrat de travail de Mme [L] lui a été transféré à compter du 1er aout 2018,

* a condamné l'eurl Le Faubourg à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

*56 158,38 € à titre de rappel de salaire,

*5 615,83 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

*695 € au titre des congés payés non pris,

*1 513,15 au titre de l'indemnité de licenciement,

*2 287,84 € au titre de l'indemnité de préavis,

*1 500 € au titre du préjudice distinct,

*1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, statuant à nouveau :

- ordonner le rabat de la clôture,

- ordonner la réouverture des débats pour communication des pièces sollicitées par l'eurl Le Faubourg à Mme [L],

- ordonner la communication par Mme [L], sous astreinte de 50 € par jour de retard, de ses relevés de situation Pôle Emploi à compter du 1er août 2018 et de ses déclarations fiscales des années 2018, 2019 et 2020,

A titre principal,

- juger que le contrat de travail de Mme [L] ne lui a pas été transféré,

- débouter Mme [L] de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- juger que le contrat de travail de Mme [L] lui a été transféré à la date du 9 novembre 2018 date de la liquidation judiciaire de la société RDG,

- juger que Mme [L] n'était pas à sa disposition en raison de son embauche par la CARSAT le 1er octobre 2018,

- juger en conséquence que le contrat de travail de Mme [L] a été rompu à la date du 1er octobre 2018,

- juger que Mme [L] ne pouvait prétendre au paiement du salaire du 9 novembre 2018 au 23 mars 2021, date du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse,

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 février 2024, auxquelles il est expressément fait référence Mme [D] [L] demande à la cour de :

- débouter l'eurl Le Faubourg de sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture du 26 avril 2024 et de sa demande de réouverture des débats et de communication de pièces à charge de Mme [L],

- subsidiairement débouter l'eurl Le Faubourg de sa demande d'astreinte,

A titre principal

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* mis hors de cause la société RDG, représentée par Me [Y] [V], mandataire liquidateur,

* mis hors de cause l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7],

* jugé que son contrat de travail a été transféré à la société Le Faubourg à compter du 1er août 2018,

* prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Le Faubourg,

* jugé que la résiliation judiciaire doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du jugement,

* condamné l'eurl Le Faubourg à lui payer les sommes suivantes :

*56 158,38 € à titre de rappel de salaire,

*5 615,83 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

*695 € au titre des congés payés non pris,

*1 500 € au titre du préjudice distinct,

*1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 079,94 €,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'eurl Le Faubourg à lui payer la somme de 1 513,15 € au titre de l'indemnité de licenciement et celle de 2 287,84 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

statuant à nouveau de ces deux chefs,

- condamner l'eurl Le Faubourg à lui payer les sommes suivantes :

*1 733,29 € au titre de l'indemnité de licenciement,

*4 159,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*415,99 € au titre des congés payés sur préavis,

A titre subsidiaire

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société BDR & Associés, ès qualités de liquidateur de la société RDG à la date du 23 mars 2001,

- fixer les créances de Mme [L] à l'encontre de la société BDR & Associés , ès qualités de liquidateur de la société RDG, aux sommes suivantes :

*56 158,38 € à titre de rappel de salaire,

*5 615,83 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

*695 € au titre des congés payés non pris,

*1 500 € au titre du préjudice distinct,

*1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*1 733,29 € au titre de l'indemnité de licenciement,

*4 159,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*415,99 € au titre des congés payés sur préavis,

- juger que le CGEA devra garantir les créances dans la limite de sa garantie légale,

En tout état de cause,

- condamner l'eurl Le Faubourg, ou tout autre succombant, à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 octobre 2021 dans le dossier 21/01982, auxquelles il est expressément fait référence, la scp BDR & Associés, ès qualités de liquidateur de la société RDG, de [Localité 7], demande à la cour de :

- débouter l'eurl Le Faubourg de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

en conséquence

- la mettre hors de cause,

statuant à nouveau,

- condamner la société Le Faubourg à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et Mme [L] à lui payer la même somme sur le même fondement.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 octobre 2021, dans le dossier 21/01982, auxquelles il est expressément fait référence, l'AGS CGEA de [Localité 7] forme les demandes suivantes :

- confirmer le jugement déféré et dire n'y avoir lieu à garantie de l'AGS,

- mettre l'AGS hors de cause,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que les salaires postérieurs à la rupture ne sont pas garantis,

- dire et juger que l'AGS ne procédera à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et s du code du travail que dans les termes et conditions visées aux articles L. 3253-17 et 19 du code du travail et D.3253-3 du code du travail,

- dire et juger que les indemnités avancées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont exclues de la garantie,

- statuer ce que de droit sur les dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 26 avril 2024.

MOTIFS

Sur les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats pour communication de pièces sous astreinte

La cour fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture destinée à lui permettre de répondre à la demande de communication de pièces formée par l'eurl Le Faubourg, sur laquelle le magistrat chargé de la mise en état n'a pu statuer eu égard à sa tardiveté, l'ordonnance de clôture étant fixée au 7 mai 2024, date de l'audience de plaidoiries.

Elle constate que cette demande de production de relevés Pôle Emploi et de déclarations fiscales par Mme [L] est destinée à faire la preuve que cette dernière aurait retrouvé du travail en octobre 2018 et ne se serait pas tenue à la disposition de son employeur à compter de cette date.

La cour rappelle qu'il appartient à l'employeur, par application de l'article L.1221-1 du code du travail, de fournir du travail au salarié qui se tient à sa disposition de sorte qu'il n'appartient pas au salarié de rapporter la preuve qu'il se tient à la disposition de son employeur.

En conséquence, la cour ne peut ordonner à Mme [L] de communiquer les pièces sollicitées par l'eurl Le Faubourg destinées à faire la preuve qu'ayant retrouvé un nouveau travail, elle n'était plus à compter d'octobre 2018 à la disposition de l'eurl Le Faubourg.

Elle rejettera en conséquence la demande de communication de pièces formée par l'eurl Le Faubourg ainsi que la demande de réouverture des débats pour communication de pièces formée par cette dernière.

Sur le transfert du contrat de travail à l'eurl Le Faubourg

Il résulte des explications des parties et des pièces versées aux débats que l'eurl Le Faubourg est propriétaire d'un fonds de commerce situé [Adresse 1] à [Localité 7] dans lequel elle exploitait plusieurs activités dans le domaine de la restauration : une activité séminaires, une activité banquets et une activité de restauration traditionnelle.

Il a été rappelé dans l'exposé du litige, que Mme [L] est devenue, à compter du 1er décembre 2017, la salariée de la société RDG, locataire-gérante de l'activité de restauration traditionnelle exploitée par l'eurl Le Faubourg. Elle y a poursuivi ses activités de serveuse après que son contrat de travail conclu le 2 mai 2002 avec l'eurl Le Faubourg a été rompu par voie de rupture conventionnelle le 11 octobre 2017.

Par lettre du 27 juillet 2018, la société RDG, locataire gérante, a notifié à l'eurl Le Faubourg la résiliation unilatérale et avant terme du contrat de location-gérance, laquelle a pris effet le 31 juillet suivant.

Par lettre du 27 juillet 2018, la société RDG a notifié à Mme [L] qu'à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance du 31 juillet 2018, son contrat de travail se poursuivait à compter du 1er août 2018 ; elle lui demandait de se présenter au siège de la société Le Faubourg.

Par lettre du 27 août 2018, Mme [L] a écrit au gérant de l'eurl Le Faubourg s'être présentée au travail le 1er août et lui avoir envoyé un mail auquel il a répondu qu'il était en congés sans préciser de date de retour ; elle lui demandait de fournir du travail ou de la licencier et de lui faire parvenir ses documents de fin de contrat sous peine de saisine de la juridiction prud'homale.

Après avoir été désigné, par jugement du 6 novembre 2018, liquidateur de la société RDG, Me [V] a notifié à l'eurl Le Faubourg, par lettre du 26 novembre suivant, qu'après avoir pris connaissance du courrier de résiliation du contrat de location- gérance, il lui rappelait ses obligations relativement aux contrats de travail des salariés 'rattachés à la location-gérance qui sont depuis le 27.07.2018 à votre charge en votre qualité de bailleur de fonds' et ce, conformément à l'article L.1224-1 du code du travail.

Il est rappelé qu'en application de l'article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Et il est constant que le transfert légal du contrat de travail s'opère de plein droit en cas de mise en location-gérance d'un fonds de commerce ainsi qu'à la fin de la location-gérance, le fonds faisant alors retour au bailleur. Le retour du fonds au bailleur suppose que le fonds soit toujours exploitable.

En l'espèce, à la date de l'expiration du contrat de location-gérance conclu entre l'eurl Le Faubourg et la société RDG, le contrat de travail de Mme [O] a été transféré de plein droit à l'eurl Le Faubourg sauf si cette dernière démontre que son fonds de commerce était devenu inexploitable, peu important que la résiliation du contrat de location-gérance soit intervenue sans préavis.

L'eurl Le Faubourg se contente d'arguer de problèmes de santé de sa gérante ne lui permettant plus l'exploitation du fonds et de la ruine du fonds de commerce illustrée par la mise en liquidation judiciaire de la société RDG sans rapporter la preuve de la disparition et de la ruine du fonds donné en location-gérance alors que Mme [L] verse aux débats les comptes sociaux de l'eurl Le Faubourg qui font état, pour l'année 2018, d'un chiffre d'affaires de 335 161 €, d'un résultat d'exploitation de 20 018 € et d'un résultat net de 4 159 € et, pour l'année 2019, de chiffres d'activité en hausse : chiffre d'affaires de 342 155 €, résultat d'exploitation de 57 150 € et résultat net de

29 841 €. Peu importe également le transfert du restaurant exploité par la société RDG sur un autre site et l'utilisation par la société RDG sur le même site internet du même logo dans la mesure où les chiffres d'activité de l'eurl Le Faubourg démontrent que le fonds de commerce a continué à être exploité et qu'aucune ruine de ce dernier n'est démontrée.

Il en résulte que le jugement entrepris qui a dit que le contrat de travail de Mme [L] avait été transféré à compter du 1er août 2018 à l'eurl Le Faubourg par application de l'article L. 1224-1 précité sera confirmé, l'eurl Le Faubourg étant également mal fondée à prétendre, à titre subsidiaire, que le transfert serait intervenu à compter du prononcé de la liquidation judiciaire de la société RDG, la date du transfert étant fixée au jour de prise d'effet de la résiliation de la location-gérance, laquelle a entraîné la modification de la situation juridique de l'employeur au sens de l'article L.1224-1 du code du travail.

Sur la demande de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail liant l'eurl Le Faubourg à Mme [L]

Il appartient à Mme [L], demanderesse au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail sur le fondement de l'article 1224 du code civil de rapporter la preuve d'un ou de plusieurs des manquements de l'employeur dont la gravité a empêché la poursuite du contrat de travail.

Mme [L] démontre que l'eurl Le Faubourg a manqué à son obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi de l'article L.1222-1 du code du travail en ne lui fournissant pas de travail alors que l'employeur avait été avisé par le locataire gérant par lettre du 27 juillet 2018, puis par le liquidateur par lettre du 26 novembre 2018, de son obligation de reprise du contrat de travail et alors que Mme [L] lui a notifié par lettre du 27 août 2018 qu'elle lui demandait de lui fournir du travail ou de la licencier.

Elle produit également un courrier du contrôleur du travail du 3 décembre 2018 qui l'informe avoir adressé à l'eurl Le Faubourg une lettre lui rappelant le transfert du contrat de travail au propriétaire du fonds et son obligation de la reprendre ou de la licencier.

Il a été déjà été indiqué qu'il n'appartient pas à Mme [L] de rapporter la preuve qu'elle s'est tenue à la disposition de l'employeur mais à ce dernier d'établir qu'il a rempli son obligation de fournir du travail, ce que l'eurl Le Faubourg ne fait pas.

Il est encore démontré que l'eurl Le Faubourg n'a pas payé les salaires dus à Mme [L] à compter du 1er août 2018, contraignant cette dernière à saisir la juridiction prud'homale pour être remplie de ses droits. L'eurl Le Faubourg a ainsi manqué à son obligation principale de s'acquitter du salaire.

Les manquements dénoncés par Mme [L] sont graves et persistants et ont empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que la cour confirmera le jugement entrepris qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date de sa décision, soit le 23 mars 2021, et a dit que cette résiliation aux torts exclusifs de l'eurl Le Faubourg emportait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'eurl Le Faubourg qui ne produit aucune pièce justifiant que Mme [L] aurait retrouvé du travail le 1er octobre 2018 et que le contrat de travail liant les parties aurait été rompu à cette date est mal fondée à voir fixer, à titre subsidiaire, la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire au 1er octobre 2018.

Sur les demandes financières de Mme [L]

La cour confirmera le jugement entrepris qui a condamné l'eurl Le Faubourg à payer à Mme [L] les salaires impayés du 1er août 2018 au 23 mars 2021 sur la base d'un salaire mensuel moyen de 2 079,94 €, outre les congés payés y afférents.

Elle infirmera le montant des sommes allouées à titre d'indemnité légale de licenciement sur la base d'une ancienneté de 3 ans, 3 mois et 23 jours et allouera à Mme [L] une somme de 1 723,07 € et, à titre d'indemnité de préavis conventionnelle, la somme de 4 159,88 € correspondant à deux mois de salaire, outre 415,99 € au titre des congés payés y afférents, Mme [L] comptabilisant au jour de la résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse une ancienneté supérieure à deux ans.

Le jugement déféré sera encore confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [L] la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de paiement de ses salaires pendant plusieurs années et la somme de 695 € au titre des congés payés acquis et non pris du 1er décembre 2017 au 1er août 2018.

Sur le surplus des demandes

L'eurl Le Faubourg qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [L] la somme de 3 000 € en remboursement des frais irrépétibles de l'instance d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu de faire plus ample application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et sa fixation au 7 mai 2024 et rejette la demande de réouverture des débats et de communication de pièces formée par l'eurl Le Faubourg,

Confirme le jugement entrepris, à l'exception du montant de l'indemnité de préavis, des congés payés y afférents et de l'indemnité de licenciement alloués à Mme [D] [L],

statuant à nouveau des chefs réformés, et, y ajoutant,

Condamne l'eurl Le Faubourg à payer à Mme [D] [L] les sommes suivantes :

- 1 723,07 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4 159,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 415,99 € au titre des congés payés sur préavis,

- 3 000 € en remboursement des frais irrépétibles de l'instance d'appel,

Condamne l'eurl Le Faubourg aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 23/04000
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;23.04000 ?
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