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21/06/2024 | FRANCE | N°22/03208

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 21 juin 2024, 22/03208


21/06/2024



ARRÊT N°2024/190



N° RG 22/03208 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O7DB

CP/CD



Décision déférée du 11 Juillet 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00526)

P. RODRIGUEZ-JAUZE

Section Encadrement

















[X] [H] EPOUSE [T]





C/



Association DOMAINE DE LA CADENE - NOTREDAME DE JOIE




























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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée

le 21/6/24

à Me SHIRKHANLOO,

Me SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

**...

21/06/2024

ARRÊT N°2024/190

N° RG 22/03208 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O7DB

CP/CD

Décision déférée du 11 Juillet 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00526)

P. RODRIGUEZ-JAUZE

Section Encadrement

[X] [H] EPOUSE [T]

C/

Association DOMAINE DE LA CADENE - NOTREDAME DE JOIE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 21/6/24

à Me SHIRKHANLOO,

Me SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Madame [X] [H] épouse [T]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Glareh SHIRKHANLOO, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

Association DOMAINE DE LA CADENE - NOTRE DAME DE JOIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Yannick LIBERI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. PARANT, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DARIES, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

C. PARANT, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [H], épouse [T], a été embauchée le 15 novembre 2010 par l'association Domaine de la Cadene en qualité d'infirmière, suivant contrat de travail à durée indéterminée.

La convention collective nationale applicable est celle de l'hospitalisation privée à but non lucratif ; l'accord de branche du 22 avril 2005 du secteur sanitaire, social et médico-social s'applique aux astreintes réalisées par le personnel.

Par avenant du 26 octobre 2013, Mme [T] a travaillé 112 h par mois jusqu'au 1er mai 2014, date à laquelle elle a repris l'exécution de son travail à temps complet.

Suite au transfert du service de soin à domicile du Domaine de la Cadene à l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene, le contrat de travail de Mme [T] a été transféré à cette dernière par avenant du 1er mai 2014.

Par avenant du 1er octobre 2014, Mme [T] a été promue au poste d'infirmière coordinatrice.

Par avenant du 1er septembre 2017, conclu à effet du 1er août 2017,Mme [T] a bénéficié du statut cadre.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 avril 2019, Mme [T] et Mme [Y], sa collègue, infirmière coordinatrice, ont sollicité de la directrice de l'association diverses régularisations sur le paiement des astreintes, celui des heures supplémentaires et de la prime complément d'encadrement.

Par lettre en réponse du 24 mai 2019, l'association Notre Dame de Joie a rejeté leurs demandes, indiquant qu'elle se conformait à ses obligations en matière d'astreinte de paiement des heures de travail et de la prime d'encadrement, les informant de la réorganisation du service et du transfert des astreintes de fins de semaine sur d'autres salariés.

Mme [T] a été placée en arrêt maladie le 5 septembre 2019, puis en congé maternité, jusqu'au mois d'août 2020.

Elle a ensuite pris ses congés payés jusqu'au 14 septembre 2020.

Par courrier du 23 septembre 2020, Mme [T] a notifié sa démission à l'association Notre Dame de Joie en ces termes :

« Monsieur,

Je vous informe de ma décision de démissionner de mon poste en tant qu'infirmière coordinatrice au sein de votre entreprise, que j'occupe depuis le 1 mai 2014 (embauche en tant qu'infirmière à la Cadène le 15 novembre 2010).

J'ai bien noté que les termes de mon contrat prévoient un préavis d'une durée de deux mois.

Avec votre accord nous pouvons convenir d'un préavis plus court.

Lors de mon dernier jour de travail dans l'entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle Emploi.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération respectueuse. »

L'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene a pris acte de cette démission par courrier du 26 octobre 2020 et a fait droit à la demande de réduction de la durée de préavis.

Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 7 avril 2021 aux fins de faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et demander le versement de diverses sommes, notamment à titre d'heures supplémentaires, rappels de salaire et indemnité de travail dissimulé.

Par jugement du 11 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- jugé que la société Domaine de la Cadene n'est débitrice d'aucun rappel de salaire, tant au titre des astreintes ou du temps de travail effectif réalisé durant les astreintes, que des heures supplémentaires ou de la prime d'encadrement et débouté à ce titre Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,

- jugé que la société Domaine de la Cadene ne s'est rendue coupable d'aucun travail dissimulé ni d'aucune dégradation des conditions de travail de Mme [T] et

débouté à ce titre Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,

- jugé que Mme [T] est impuissante à rapporter la preuve d'un quelconque manquement de la société Domaine de la Cadene à ses obligations d'une gravité telle qu'il aurait empêché la poursuite du contrat de travail et débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,

- jugé que la démission de Mme [T] est libre, claire non équivoque et qu'elle ne repose sur aucun grief justifiant qu'elle soit requalifiée en licenciement et débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,

- jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission,

- débouté Mme [T] de l'intégralité de ses prétentions,

- condamné Mme [T] aux entiers dépens de l'instance,

- débouté la société Domaine de la Cadene du surplus de ses demandes.

Par déclaration du 25 août 2022, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 11 août 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 10 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [T] demande à la cour de :

- accueillir son appel,

- la déclarer tant recevable et bien fondé en son action,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

statuant à nouveau,

- fixer la moyenne mensuelle de son salaire à hauteur de 3 260,26 €,

- juger que les astreintes qu'elle a assurées dans le cadre de l'exécution du contrat de travail qui la liait à l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene doivent s'analyser comme du temps de travail effectif,

- juger que l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene a manqué à son obligation de loyauté,

- juger que l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene a manqué à son obligation de sécurité,

- juger que l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene s'est rendue coupable de travail dissimulé,

- condamner l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene à lui payer les sommes suivantes :

*13 047,73 € de rappel de salaire au titre du temps de travail effectif improprement qualifié d'astreinte et 1 304,77 € de congés payés afférents,

*1 372,76 € de rappel de salaire au titre du rappel de RTT,

*4 224,65 € de rappel de prime d'encadrement,

*8 130,19 € de rappel de salaire au titre des pauses repas et 813,01 € de congés payés afférents,

*19 561,58 € à titre de dommages et intérêts en raison d'une exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

*19 561,58 € à titre de dommages et intérêts en raison de la violation à l'obligation de sécurité,

*19 561,58 € à titre d'indemnité de travail dissimulé,

- condamner l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 25 avril 2024, auxquelles il est expressément fait référence, l'association Notre Dame de Joie-Domaine de la Cadene demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger qu'elle n'est débitrice d'aucun rappel de salaire, et ce, tant au titre du temps de travail effectif réalisé durant les astreintes, qu'au titre des rappels de RTT, des pauses repas ou de la prime d'encadrement,

- juger qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucun travail dissimulé,

- juger qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucun manquement à ses obligations d'exécution loyale du contrat de travail et de sécurité,

En conséquence,

- débouter Mme [T] de l'intégralité de ses prétentions,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant des sommes réclamées par Mme [T] à titre de rappels de salaires sur les chefs de demande ci-dessous à 1 016,184 € bruts au titre du rappel de RTT,

A titre reconventionnel, et en tout état de cause,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 26 avril 2024.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour constate que Mme [T] ne forme plus de demande relative à la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que le jugement qui a rejeté la demande de requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes indemnitaires subséquentes est définitif.

La cour n'est saisie que de demandes relatives à l'exécution du contrat de travail liant les parties.

Sur la demande de rappel de salaire fondée sur le défaut de paiement des astreintes

Il a été rappelé dans l'exposé du litige que Mme [T] a intégré le SSIAD (service de soins infirmiers à domicile) de l'association employeur le 1er mai 2014, laquelle avait pour activité la prise en charge de divers besoins en matière de santé des personnes âgées fragiles et des personnes âgées dépendantes.

Il est constant que Mme [T] a effectué, en qualité d'infirmière coordinatrice, des astreintes à domicile dont la fréquence a varié au cours de la relation de travail :

- de 2014 à septembre 2018, 3 infirmières coordinatrices se partageaient les temps d'astreinte fixés le soir, en semaine, de 19 h à 20 h, et les temps d'astreinte des fins de semaine et des jours fériés de 7 h à 13 h et de 16 h à 20 h ;

- à compter de septembre 2018, seules 2 infirmières coordinatrices, Mme [T] et Mme [V] ont assuré la prise en charge des astreintes ;

- à la suite des réclamations effectuées par courrier, d'abord par le conseil de Mme [V] en mars 2019, puis par lettre commune de Mmes [T] et [V] du 18 avril 2019, l'association employeur a décidé de supprimer l'exécution par ces dernières des astreintes de fin de semaine, celles-ci poursuivant l'exécution des astreintes de semaine.

Mme [T] prétend démontrer qu'au cours des astreintes réalisées par elle, le soir et pendant les fins de semaine, elle a réalisé non pas du travail d'astreinte mais un temps de travail effectif, l'organisation des astreintes l'empêchant de vaquer à ses occupations personnelles ; elle explique que, pendant les temps d'astreinte elle était tenue d'assurer la continuité du service, comme pendant son temps de service ordinaire, qu'elle recevait plus d'une centaine de sms par jour d'astreinte et devait gérer les urgences et tous les événements indésirables. Elle n'a perçu que des primes d'astreinte jusqu'à son passage en qualité de cadre puis n'a été rémunérée de ses temps d'astreinte que par l'allocation de jours de RTT alors qu'il aurait dû lui être versé des salaires en paiement des heures supplémentaires réalisées pendant ces temps d'astreinte.

L'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene s'oppose aux prétentions de Mme [T] relatives aux astreintes : elle conteste que Mme [T] ait alors réalisé du travail effectif pendant toute la durée de l'astreinte ; elle n'exécutait aucun travail lors de la réception des sms des aides-soignants sur le téléphone portable professionnel et effectuait la transmission des informations urgentes émanant des familles et des aides-soignants conformément au protocole mis en place pour l'organisation des astreintes. Elle a rémunéré les astreintes réalisées conformément à l'accord professionnel en vigueur jusqu'à ce que Mme [T] devienne cadre et bénéficie de RTT lui permettant de compenser le travail réalisé au cours des astreintes.

Il est constant qu'en application de l'article L. 3121-9 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

Mme [T] démontre qu'effectivement, l'information des fins de garde des aides-soignants travaillant le soir et les week-ends se faisait par voie de sms envoyés aux infirmières coordinatrices d'astreinte et que, si elle ne contredit par aucune pièce le fait allégué par l'employeur que ce système avait été mis en place à la demande des infirmières coordinatrices, l'association était informée de ce fonctionnement, ce dernier étant mentionné dans les procès-verbaux de réunion du comité de pilotage (COPIL) versés aux débats par Mme [T].

Pour autant, elle se contente de produire quelques sms sans mention de la date de leur année d'envoi et quelques fiches de renseignements indésirables pour tenter de démontrer qu'elle était à la disposition permanente et immédiate de son employeur pendant ses temps d'astreinte sans produire d'autre pièce justifiant qu'elle ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles. Elle ne dément par aucune pièce l'assertion de l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene selon laquelle la réception sur le téléphone professionnel d'un avis de fin de garde des aides-soignants n'entraînait aucune action ou travail de la part de l'infirmière coordinatrice.

Elle ne justifie pas plus qu'elle exécutait, comme elle le soutient, pendant ses astreintes, les mêmes tâches que ses tâches habituelles alors que l'association fait justement valoir que la procédure d'astreinte Domaine de la Cadene, en vigueur pendant l'exécution de la prestation de travail de Mme [T], prévoit comme seul objectif de l'astreinte : 'assurer la continuité du service SADET-CADENNE en dehors des horaires d'ouverture du SSIAD' et que la fiche de poste de Mme [T] énumère une quinzaine de missions dont l'organisation de la continuité des soins mais aussi, notamment : les admissions des patients, l'évaluation de la dépendance et des besoins, poser le diagnostic infirmier et prévoir le matériel adapté, établir un plan de soin, évaluer les besoins des patients, gérer les plannings du personnel, planifier les interventions des aides-soignants selon la charge de travail, encadrer et animer l'équipe d'aide-soignante et contribuer à la formation du personnel, veiller au respect des protocoles d'hygiène et de sécurité.

La seule attestation produite par Mme [T] est celle de Mme [W], aide-soignante, qui ne contredit pas la situation de salariée d'astreinte de l'appelante : elle certifie que Mme [T] était joignable par téléphone les week-ends et jours fériés ainsi que les soirs en cas de problème sur la tournée ou chez un patient et que les patients ou les familles pouvaient également les contacter. L'appréciation de Mme [W] sur le fait que les infirmières coordinatrices d'astreinte étaient constamment sollicitées lors des astreintes n'engage que cette dernière et n'emporte pas la conviction de la cour, Mme [W] n'étant pas témoin des activités de Mme [T] lors de ses permanences en dehors des situations concernant Mme [W].

Les attestations produites par l'association intimée contredisent les prétentions de Mme [T] relatives au fait que les salariés d'astreinte étaient pendant les temps d' astreinte à la disposition permanente de l'employeur sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles ; Mmes [I], [F] et [O] certifient, en effet, que les astreintes n'étaient utilisées que pour régler les urgences et que les interventions du soir étaient peu fréquentes ; Mme [T] fait justement remarquer que ces salariées d'astreinte n'étaient pas infirmières coordinatrices mais la cour constate qu'aucune attestation de l'autre infirmière coordinatrice n'est versée aux débats par Mme [T].

Il résulte de l'analyse des pièces du dossier qu'il n'est pas établi que Mme [T] ait été, pendant ses périodes d'astreinte, dans l'incapacité de vaquer librement à ses occupations personnelles de sorte qu'elle est mal fondée à solliciter le paiement d'un rappel de salaire sur la base des heures de travail effectuées pendant ces périodes d'astreinte.

Elle sera déboutée de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents par confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des RTT

Il résulte des explications des parties et des pièces versées aux débats, qu'à compter du 1er septembre 2017, date de son passage à la qualification de cadre, Mme [T] s'est vue octroyer 1,5 jour de RTT par mois, l'employeur expliquant que ces jours de RTT avaient pour objet d'indemniser les astreintes effectuées par Mme [T].

La difficulté vient du fait que l'avenant au contrat de travail ne prévoit aucunement la modification de l'horaire de travail réalisé par Mme [T], à savoir 35 h par semaine, alors que l'association a fait savoir lors de la réunion du COPIL du 14 septembre 2018 que les cadres travaillaient 39 heures par semaine et bénéficiaient de jours de RTT et du fait que pendant les premiers mois de l'exécution des fonctions de cadre de Mme [T] ses bulletins de paie mentionnaient qu'elle était salariée en forfait jour, erreur que l'association employeur a rectifiée après la correction sollicitée par Mme [T].

La cour estime que l'employeur ayant reconnu que Mme [T] travaillait bien 39 heures par semaine, elle est bien fondée à solliciter un rappel de RTT sur la base du nombre de jours travaillés par an dont l'équivalent en rappel de salaire a été justement calculé à titre subsidiaire par l'association employeur à hauteur de 1 016,18 €.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de prime d'encadrement

Il est constant qu'en application de l'annexe 1 de la convention collective de l'hospitalisation privée à but non lucratif relative au classement par filières, il est attribué un complément d'encadrement de 50 points à l'encadrant d'unité de soins qui encadre au moins 7,5 infirmiers ETP ou 15 infirmiers, aides-soignants et, le cas échéant, accompagnant éducatifs et sociaux ETP.

Mme [T] soutient qu'elle a encadré plus de 15 salariés en ETP soit, en 2016, 16,1 et en 2017, 17,4 et que les rapports d'activité du SSIAD Cadene font état de 17,4 ETP en 2017 et de 17,2 en 2018 et que, sur sa demande, l'association a versé la prime à Mmes [V] et [T] à compter de juin 2019, cette dernière étant sommée de justifier le nombre exact de salariés ETP encadrés par ces dernières.

L'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene conteste que Mme [T] ait encadré le nombre de 15 aides-soignants puisque le service SSIAD ne comprenait que 17 personnes, infirmières coordinatrices inclues, et qu'il convenait de proratiser le nombre de salariés encadrés par ces infirmières coordinatrices au nombre de deux. Elle entend démontrer qu'au vu des livres de paie de l'association, l'effectif du SSIAD atteignait tout juste 15 salariés ETP, infirmières coordinatrices inclues, et soutient que les chiffres extraits du logiciel de suivi n'étaient pas fiables.

La cour constate que le chiffre des salariés en ETP figurant dans les pièces versées aux débats diffère suivant les documents produits par les parties.

Le rapport d'activité du SSIAD Le Sadet Cadene des années 2018 et 2019 comptabilise dans le personnel 17,2 aides-soignants ETP en 2018 et 2,2 infirmières coordinatrices et 17,4 aides-soignants en 2019 et 2,3 infirmières coordinatrices.

Le livre de paie de la société Domaine de la Cadene fait mention en décembre 2017 de 15,60 ETP, en mars 2018 de 15,10 ETP, en juin 2018 de 14,10 ETP en septembre 2018 de 15,30 ETP et en décembre 2018 de 15,30 ETP.

Elle constate encore que le rapport d'activité produit par Mme [T] concerne bien le service dans lequel elle travaillait alors que les extraits du livre de paie produits par l'association employeur font mention de la société Domaine de la Cadene dont il n'est pas établi qu'elle corresponde à l'association intimée et que cette dernière ne produit pas d'autre pièce justifiant le nombre d'aides-soignants encadrés par Mme [T].

Quant à la proratisation que l'association employeur demande à la cour d'effectuer en raison de la présence de deux infirmières coordinatrices au sein du service, la cour estime que l'annexe 1 de la convention collective précitée ne donne pas de précision sur ce point et que chaque infirmière coordinatrice encadrait le même nombre d'aides soignants pendant sa période de travail, chacune prenant son poste au départ de sa collègue de sorte qu'elle rejettera la demande de proratisation formulée par l'intimée.

Il en résulte qu'elle estime que la preuve est faite par Mme [T] qu'elle pouvait prétendre, en 2018 et 2019, au paiement d'une prime d'encadrement que l'employeur lui a réglée à compter de juin 2019.

Il lui sera alloué la somme de 222,35 € x 17 mois, soit 3 779,95 € à titre de rappel de prime d'encadrement de janvier 2018 à mai 2019, par infirmation du jugement dont appel.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la pause repas

Il est constant qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que son salarié a bien bénéficié du temps de pause auquel il avait droit.

En l'espèce, Mme [T] soutient dans ses conclusions d'appel qu'elle n'a pu bénéficier de sa pause repas compte tenu de sa charge de travail et verse aux débats une attestation de Mme [W] qui fait état de cette charge de travail et de la présence constante au sein du service de l'infirmière coordinatrice.

L'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene ne produit aucune pièce justifiant que Mme [T] a effectivement pu bénéficier de sa pause repas mais fait justement valoir que, devant le conseil de prud'hommes, elle avait indiqué dans ses conclusions qu'elle verse aux débats qu'elle n'avait jamais pu prendre la totalité de sa pause repas et n'avoir ainsi bénéficié que de 2,5 heures de pause repas par semaine au lieu des 5 heures dont elle aurait dû bénéficier.

Il en résulte qu'elle sera condamnée à payer à Mme [T] un rappel de salaire correspondant au salaire non versé alors qu'elle travaillait pendant sa pause repas, salaire calculé avec la majoration de 25 % pour heures supplémentaires à compter de novembre 2017 et ce, à hauteur de la moitié de la somme sollicitée, compte tenu des 2,5 heures de pause dont elle a pu bénéficier, soit 4 065,09 €, outre 406,50 € au titre des congés payés y afférents.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Mme [T] ne caractérise pas de préjudice causé par l'exécution fautive du contrat de travail qui a été réparée par l'allocation des sommes auxquelles l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene vient d'être condamnée. Elle sera déboutée de ce chef de demande par confirmation du jugement déféré.

En revanche, l'impossibilité pour Mme [T] de prendre sa pause déjeuner caractérise le préjudice subi par Mme [T] du fait du manquement de l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene à son obligation de sécurité, préjudice qu'elle est en droit de voir indemniser par l'allocation de 1 500 € à titre de dommages et intérêts par infirmation du jugement dont appel.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur  : ...

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Et, conformément à l'article L.8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La cour a rejeté les demandes d'indemnisation formées par Mme [T] au titre des astreintes.

Les pièces versées aux débats ne permettent pas de caractériser d'intention frauduleuse de l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene dans le défaut de paiement de la prime d'encadrement et le défaut de paiement du salaire lors de l'exécution du travail pendant les pauses repas de sorte qu'elle rejettera la demande en paiement d'une indemnité de travail dissimulé par confirmation du jugement entrepris.

Sur le surplus des demandes

L'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene qui perd partiellement le procès sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , le jugement déféré étant infirmé sur les dépens et confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris, à l'exception du rejet des demandes de Mme [X] [T] en paiement du rappel de RTT, de la prime d'encadrement, du rappel de salaire au titre de la pause repas et des congés payés y afférents ainsi que des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Condamne l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene à payer à Mme [X] [T] les sommes suivantes :

- 1 016,18 € à titre de rappel de salaire au titre du rappel de RTT,

- 3 779,95 € à titre de rappel de prime d'encadrement,

- 4 065, 09 € à titre de rappel de salaire au titre des pauses repas, outre 406,50 € au titre des congés payés y afférents,

- 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation de sécurité,

- 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'association Notre Dame de Joie-Le Domaine de la Cadene aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFI'RE, LA PR''SIDENTE,

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03208
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;22.03208 ?
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