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14/06/2024 | FRANCE | N°24/00087

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Recours hospitalisation, 14 juin 2024, 24/00087


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C O U R D ' A P P E L D E T O U L O U S E





DU 14 Juin 2024





ORDONNANCE



N° 2024/88



N° N° RG 24/00087 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QIU2

Décision déférée du 07 Juin 2024

- Juge des libertés et de la détention de TOULOUSE - 24/967



APPELANT



Madame [V] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assistée de Me Carole ROLLAND, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIME



C

ENTRE HOSPITALIER [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Aimé CARA de la SELARL MONTAZEAU ET CARA, avocats au barreau de TOULOUSE





DÉBATS : A l'audience publique du 12 Juin 2024 devant A. DUBOIS, assi...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ' A P P E L D E T O U L O U S E

DU 14 Juin 2024

ORDONNANCE

N° 2024/88

N° N° RG 24/00087 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QIU2

Décision déférée du 07 Juin 2024

- Juge des libertés et de la détention de TOULOUSE - 24/967

APPELANT

Madame [V] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assistée de Me Carole ROLLAND, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

CENTRE HOSPITALIER [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Aimé CARA de la SELARL MONTAZEAU ET CARA, avocats au barreau de TOULOUSE

DÉBATS : A l'audience publique du 12 Juin 2024 devant A. DUBOIS, assistée de M. QUASHIE

LE MINISTERE PUBLIC:

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a fait connaître son avis.

Nous, A.DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 20 décembre 2023, en présence de notre greffier et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :

- avons mis l'affaire en délibéré au 14 Juin 2024

- avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, l'ordonnance suivante :

Le 3 janvier 2024, Mme [V] [I] a été admise en soins psychiatriques sans consentement en raison d'un péril imminent sur décision du directeur du centre hospitalier [5].

Après avoir bénéficié d'un programme de soins à compter du 16 février 2024, elle a été réadmise en hospitalisation complète par décision du directeur d'établissement du 30 mai 2024 pour non respect de son programme de soins, troubles du comportement à domicile liés à une recrudescence délirante à thème de persécution et de préjudice de sa pathologie dissociative chronique, favorisée par sa mauvaise observance thérapeutique.

Sur requête du directeur d'établissement du 6 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a maintenu Mme [V] [I] en hospitalisation complète sous contrainte par ordonnance du 7 juin 2024.

La patiente en a relevé appel par déclaration reçue au greffe le 6 juin 2024.

Par conclusions reçues au greffe de la cour le 11 juin 2024, soutenues oralement à l'audience par son conseil et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, elle demande au magistrat délégataire de :

- à titre principal,

* Infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 7 juin 2024 en toutes ses dispositions,

* Prononcer la mainlevée de la mesure en soins psychiatriques sans consentement avec hospitalisation complète à son égard,

- à titre subsidiaire,

* Si la mesure de la mesure en soins psychiatriques sans consentement devait être maintenue,

* Dire qu'elle ne s'accompagnera pas d'une hospitalisation complète,

* Dire qu'elle s'accompagnera d'un programme de soins ambulatoires.

* Statuer ce que de droit quant aux dépens.

A l'audience, elle indique notamment :

Ma mère m'a mise en psychiatrie avec mon père car j'ai fait un burn-out parce que j'ai été abusée par mon patron à plusieurs reprises. C'est là que j'ai commencé à poser des plaintes qui ont été classées sans suite. Mon psychiatre ne m'a jamais donné mon dossier médical et mon diagnostic. J'ai profité de l'hospitalisation pour témoigner mais c'est très mal vu par les médecins le psychiatre dit que je fais une dissociation d'idées délirantes. J'ai peur et je suis tétanisée à cause des agressions sexuelles et du harcèlement que j'ai subi. Mes agresseurs sont mes voisins et mon patron. Je compte beaucoup sur la justice pour m'aider mais elle suit les médecins. J'aimerai retrouver une activité, mettre un terme à l'hospitalisation à [5]. Je fais clairement une intolérance aux piqûres. Ce n'est pas le médicament qui fait que je vais mieux mais ma volonté de vouloir sortir la tête de l'eau. Je n'en peux plus vraiment, j'aimerais que vous m'assistiez pour ne plus jamais retourner à [5] ou [6]. J'avais vu un psychiatre privé [Adresse 7] et il m'a dit que c'est tout ce que j'avais vécu et subi qui fait que je suis très malade aujourd'hui et que j'ai une réaction comme ça en fait. Je suis consciente que je ne vais pas bien. Depuis mes hospitalisations ma santé mentale et psychique s'est dégradée. J'aimerais changer de service et avoir accès à un thérapeute privé. Je voudrais que la justice me sorte de là et me donne une chance en reconnaissant les agressions et les viols que j'ai subis pour que ça m'aide à aller mieux.

Par conclusions reçues au greffe de la cour le 11 juin 2024, soutenues oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure, le centre hospitalier demande au magistrat délégataire de :

* confirmer l'ordonnance dont appel,

* autoriser le maintien de la mesure d'hospitalisation de Mme [I].

Selon l'avis motivé du médecin psychiatre du 10 juin 2024, les troubles mentaux rendant impossible le consentement de Mme [V] [I] et son état imposent encore des soins psychiatriques assortis d'une surveillance constante sous la forme d'une hospitalisation complète continue en unité d'admission ou de soins de suite du secteur.

Par avis écrit du 10 juin 2024 mis à disposition des parties, le ministère public a conclu à la confirmation de la décision entreprise.

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MOTIVATION :

Sur la délégation de signature :

Le conseil de l'appelante soulève l'irrégularité de la procédure pour absence de production au dossier de la délégation de signature permettant à Mme [N] de signer les décisions du directeur d'établissement.

Toutefois, cette pièce ne figure pas au nombre des documents que l'article R.3211-12 1°, 4° et 5° du code de la santé publique impose au directeur d'établissement de communiquer.

Elle est en outre consultable au greffe du juge des libertés et de la détention et à celui de la cour comme le précise la convocation adressée aux parties.

Et, en tout état de cause, la décision du centre hospitalier [5] portant délégation de signature du 27 septembre 2023 prévoit expressément en son article 1 que les décisions relatives aux patients en soins sans consentement sur décision du directeur d'établissement, tout acte ou document portant sur le contrôle des mesure d'isolement et de contention et les requêtes au juge des libertés et de la détention peuvent être signées entre autres par Mme [R] [N], adjoint des cadres hospitaliers.

Le moyen tiré de l'absence de délégation de signature est donc inopérant.

Sur le bien fondé de la mesure :

Aux termes de l'article L3211-2-1 I du code de la santé publique, la personne placée en soins psychiatriques sans consentement, est prise en charge :

1° Soit sous la forme d'une hospitalisation complète,

2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1.

L'article L3211-11 du code de la santé publique précise que le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne.

En l'espèce, Mme [I] a été admise en hospitalisation complète en raison de troubles du comportement liés à une décompensation aiguë sur un mode maniaque et délirant de son trouble schizo-affectif, favorisée par une interruption volontaire des soins.

La prise en charge hospitalière et la prescription d'une pharmacothérapie à visée antipsychotique et anxiolytique ont permis de stabiliser son état de santé médico-psychologique, autorisant un retour à son domicile le 16 février 2024 assorti d'un suivi régulier par l'équipe soignante du CMP urbain de secteur dans le cadre d'un programme de soins ambulatoires.

Cependant, alors qu'elle est pourtant tenue de respecter celui-ci, Mme [I] ne s'est pas présentée à la consultation médicale du 29 mai 2024. Appelée téléphoniquement par son psychiatre traitant, elle a exprimé un discours délirant et injurieux, tenant un monologue avec des propos crus et vulgaires et une opposition aux soins.

Le psychiatre a également pris contact avec la mère de la patiente qui a confirmé la dégradation de l'état de santé médico-psychologique de sa fille.

C'est pour cette raison qu'il a dressé un certificat médical circonstancié le 30 mai 2024 aux fins de réadmission en hospitalisation complète.

Le certificat médical du 3 juin 2024 confirme le non respect du programme de soins ambulatoires ainsi que de nouveaux troubles du comportement apparus au domicile liés à une recrudescences délirante à thème de persécution et de préjudice de sa pathologie dissociative chronique, favorisée par une mauvaise observance thérapeutique, le psychiatre ayant constaté ce jour là que Mme [I] restait délirante et ne critiquait pas ses troubles du comportement antérieurs malgré la prescription d'une pharmacothérapie à visée antipsychotique et anxiolytique.

Il s'évince de ces éléments que la transformation du programme de soins en hospitalisation complète était justifiée.

Le dernier avis motivé du 10 juin 2024 rappelle que jusqu'à la consultation médicale du 02 mai 2024, Mme [I] a respecté son programme de soins, mais qu'elle a progressivement arrêté le traitement médicamenteux, administré d'abord par voie injectable à action prolongée, puis par voie orale, si bien qu'elle a présenté à nouveau des symptômes dissociatifs et qu'elle n'est pas venue à la consultation médicale du 29 mai 2024.

Il constate que vue ce jour, la patiente est calme et de bon contact, mais elle reste dans le déni de ses troubles et de sa pathologie psychotique chronique. Son adhésion aux soins est très fluctuante car elle a tendance à se plaindre des effets indésirables du traitement médicamenteux pour justifier son arrêt. Le discours est toujours délirant, Mme [I] demandant à être soignée par les plantes et à ne plus être hospitalisée en psychiatrie, qui est à l'origine de tous ces maux et malheurs.

Il conclut que seuls l'instauration et l'acceptation par la patiente d'un traitement antipsychotique à action prolongée pourra être le garant d'une stabilité de son état clinique au long cours.

Ainsi, comme le souligne le centre hospitalier, en l'absence d'adhésion au soin permettant de s'assurer une prise médicamenteuse au long cours, il apparaît difficile de favoriser une levée de l'hospitalisation, seule l'acceptation du traitement permettra de retourner en programme de soins afin d'éviter les difficultés d'ores et déjà éprouvées lors de la rupture thérapeutique.

Et même si Mme [V] [I] soutient à l'audience qu'elle ira consulter un psychiatre privé, le juge ne peut pas, dans le cadre de son contrôle, se substituer à l'autorité médicale s'agissant de l'évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.

Il résulte en effet des articles L.3211-12-1, L.3216-1, L.3212-3 et R.3211-12 du code de la santé publique, que le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, sans pouvoir porter d'appréciation médicale personnelle fondée notamment sur les propos tenus par le patient à l'audience.

C'est donc à bon droit que le premier juge a ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte de l'intéressée, la mise en place d'un programme de soins étant à ce stade prématurée.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée.

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PAR CES MOTIFS

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2024,

Disons que la présente décision sera notifiée selon les formes légales, et qu'avis en sera donné au ministère public,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER LEMAGISTRAT DELEGUE

M. QUASHIE A. DUBOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Recours hospitalisation
Numéro d'arrêt : 24/00087
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;24.00087 ?
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