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14/06/2024 | FRANCE | N°22/04391

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 14 juin 2024, 22/04391


14/06/2024



ARRÊT N°2024/223



N° RG 22/04391 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PFAI

EB/AR



Décision déférée du 08 Novembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 22/00115)

Section commerce 1 - CHAPUIS A.

















S.A.R.L. DILITRANS SERVICES





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confirmation partielle











Grosse délivrée



le14/06/24



à Me Christophe BORIES

Me Olivier D'ARDALHON DE MIRAMON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

...

14/06/2024

ARRÊT N°2024/223

N° RG 22/04391 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PFAI

EB/AR

Décision déférée du 08 Novembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 22/00115)

Section commerce 1 - CHAPUIS A.

S.A.R.L. DILITRANS SERVICES

C/

[H] [D]

confirmation partielle

Grosse délivrée

le14/06/24

à Me Christophe BORIES

Me Olivier D'ARDALHON DE MIRAMON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.R.L. DILITRANS SERVICES

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe BORIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [H] [D]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier D'ARDALHON DE MIRAMON de la SELARL AUXILIUM, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E. BILLOT, Vice-présidente placée, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, Vice-présidente placée

Greffière, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [D] a été embauché selon contrat à durée indéterminée du 18 mai 2007 par la SARL Dilitrans Services, en qualité de chauffeur petits colis.

La convention collective applicable est celle des transports routiers.

Le 19 juin 2018, M. [D] a été victime d'un accident de travail et a été placé en arrêt de travail à compter de cette date.

Lors de la visite médicale de reprise en date du 2 décembre 2020, M. [D] a été déclaré inapte au poste de travail par le médecin du travail, avec possibilité de reclassement ' le salarié serait apte sur un poste de 'conduite pure' ou à une formation pour un poste de type administratif .

Par courrier du 14 décembre 2020, la société Dilitrans Services a proposé à M. [D] un poste de chauffeur-livreur de journaux avec un poids très faible et gestionnaire du parc et des plannings salariés, poste refusé par ce dernier selon courrier du 17 décembre 2020.

M. [D] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 7 janvier 2021.

Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement selon lettre du 11 janvier 2021. La société Dilitrans Services a versé à M. [D] une indemnité de licenciement de 9 074,64 euros et une indemnité compensatrice de congés payés de 654,07 euros.

Le 28 janvier 2022, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement d'un complément de salaire et d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement.

Par jugement du 8 novembre 2022, le conseil a :

- condamné la SARL Dilitrans, prise en la personne de son représentant légal, à régler à M. [H] [D] la somme de 9 074 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- condamné la société Dilitrans à remettre à M. [D] un bulletin de salaire rectifié conformément à la présente décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le 30ème jour de la notification de la présente décision,

- réservé au seul conseil la liquidation de ladite astreinte,

- rejeté les plus amples demandes de M. [D],

- rappelé que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit et fixé la moyenne des trois derniers salaires à la somme 211,29 euros,

- condamné la société Dilitrans à régler à M. [D] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à charge de la société Dilitrans,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.

Le 20 décembre 2022, la société Dilitrans Services a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 21 février 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société Dilitrans Services demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel,

- débouter M. [D] de ses demandes,

- en tout état de cause le débouter de sa demande de rappel de salaire et confirmer le jugement dont appel sur ce point,

- le condamner à payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de la procédure.

Elle fait valoir que le refus par le salarié du poste de reclassement proposé est abusif, de sorte qu'il ne peut prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L 1226-14 du code du travail.

Dans ses dernières écritures en date du 15 mai 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [D] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel.

Y ajouter :

- condamner la SARL Dilitrans Services à payer à M. [D] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il réplique n'avoir commis aucun abus en refusant la proposition de poste de reclassement.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe qu'aucun appel incident n'a été formé par le salarié suite au débouté de sa demande à titre de rappel de salaire. La cour n'est donc pas saisie de demande à ce titre et le jugement ayant débouté M. [D] de ce chef ne peut donc qu'être confirmé.

Sur le reclassement et le refus du salarié

Il est constant en l'espèce que l'inaptitude de M. [D] a une origine professionnelle.

Aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Selon l'article L 1226-12 du même code, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

En application de l'article L 1226-14, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Pour conclure à la réformation du jugement, la société Dilitrans Services invoque le caractère abusif du refus de M. [D] à la proposition de poste aux motifs que le poste de reclassement a été validé par le médecin du travail et qu'il était en adéquation avec l'état de santé du salarié, de sorte que ce refus est sans motif légitime alors qu'il n'impliquait par ailleurs aucune modification substantielle du contrat de travail. Il souligne avoir voulu créer un poste spécifique pour M. [D], parfaitement adapté à ses capacités.

Le salarié dénie tout refus abusif de sa part du poste de reclassement proposé le 14 décembre 2020. Il affirme que, malgré le caractère professionnel de son inaptitude et l'absence de refus abusif à la proposition de reclassement qui lui a été faite, il a été privé du paiement de l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de celle dont il a bénéficié.

Il considère en effet que la proposition de poste de reclassement est contraire aux prescriptions du médecin du travail et que la validation a posteriori de l'offre de reclassement par ce dernier ne lui est pas opposable, validation qui ne constitue pas, en tout état de cause, un avis officiel. Il ajoute que le poste crée de toutes pièces ne correspondait à rien de sérieux.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude du 02 décembre 2020 a été rendu après échange avec l'employeur, étude de poste et étude des conditions de travail le 25 novembre 2020. Préalablement, lors de la visite de pré-reprise du 13 novembre 2020, le médecin du travail avait mentionné que l'état de santé de M. [D] contre-indiquait les activités de manutention manuelle et les sollicitations des membres supérieurs.

Le 14 décembre 2020, la société Dilitrans Services, qui dispose d'un effectif de neuf ou dix salariés, a adressé à l'intéressé une proposition de reclassement en tant que chauffeur livreur de journaux avec un poids très faible et gestionnaire du parc et des plannings salariés.

Le même jour, l'employeur a adressé un courrier au médecin du travail en indiquant : 'lors de notre dernier échange en date du 11 décembre 2020 vous préconisiez 'si le poste concerne quelques livraisons de journaux avec un poids faible ainsi qu'un poste administratif de gestionnaire de parc et des plannings salariés, cela pourrait correspondre'. Je vous prie de bien vouloir noter qu'afin d'effectuer mon obligation de reclassement de Monsieur [D] [H], je vous informe que je propose ce jour un poste de chauffeur de chauffeur livreur et gestionnaire du parc et des plannings des salariés à Monsieur [D] [H]. Dans l'attente d'une réponse rapide de votre part, je vous prie d'agréer, Docteur, mes respectueuses salutations'.

Par courrier du 17 décembre 2020, M. [D] refusait cette proposition en considérant que celle-ci n'est ni adaptée à ses compétences et aspirations professionnelles ni compatible avec son état de santé 'concernant la livraison de journaux due à la manipulation et la manutention comme indiquait le médecin du travail : conduite pure'.

Par mail du 18 décembre 2020, le médecin du travail a répondu à l'employeur en ces termes : 'je fais suite à votre courrier du 14/12/2020 concernant votre proposition de reclassement pour M. [D] sur un poste de 'chauffeur livreur et gestionnaire du parc et des plannings des salariés'. Je vous confirme que le poste que vous lui proposé, comme vous me l'avais décrit, pourrais correspondre à l'état de santé de M. [D]'.

Le 11 janvier 2021, M. [D] a été licencié pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.

Alors que l'avis d'inaptitude préconise une activité de 'conduite pure' ou une formation pour un poste de type administratif, le salarié relève à juste titre que la proposition formulée comporte, outre des tâches certes administratives, une mission de livraison de journaux laquelle implique nécessairement des tâches de manipulation et de manutention. Aucune précision n'est d'ailleurs donnée sur la notion de poids faible mentionnée dans la proposition.

L'employeur ne justifie en outre pas du contenu de l'échange du 11 décembre 2020 avec le médecin du travail auquel il fait référence dans son courrier du 14 décembre 2020.

Compte tenu de ces éléments, il existe une ambiguïté pour le salarié entre le poste qui lui est proposé et les préconisations du médecin du travail, lequel n'a pas validé clairement et expressément la proposition de l'employeur, le mail du 18 décembre 2020 n'étant pas suffisamment explicite, notamment en ce qu'il ne fait aucune référence à l'éventualité d'un port de charges par le salarié.

Il est au surplus relevé que la proposition formulée est imprécise et ne comporte aucune offre de formation alors que les missions de gestionnaire de parc et des plannings des salariés nécessitent des compétences particulières.

Ainsi, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le refus du salarié du poste de reclassement proposé était abusif de sorte que M. [D] peut prétendre, par confirmation du jugement, à une indemnité spéciale de licenciement qui, en l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9, soit un solde de 9 074 euros, par référence au montant de l'indemnité légale déjà perçue et qui n'est pas discuté par les parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectifié. Cependant, il n'est pas nécessaire à ce stade d'ordonner une astreinte, de sorte que le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

L'appel étant mal fondé, la société Dilitrans Services supportera les dépens d'appel et sera condamnée au paiement de la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 08 novembre 2022, sauf en ce qu'il a ordonné la remise d'un bulletin de paie rectifié sous astreinte, cette disposition étant infirmée,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Rejette la demande d'astreinte,

Condamne la SARL Dilitrans Services à payer à M. [H] [D] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SARL Dilitrans Services aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière.

La greffière La présidente

A. RAVEANE C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 22/04391
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;22.04391 ?
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