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14/06/2024 | FRANCE | N°22/03774

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 14 juin 2024, 22/03774


14/06/2024



ARRÊT N°2024/188



N° RG 22/03774 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PB6S

MD/CD



Décision déférée du 04 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 22/00766)

M.G. THIOU

Section Activités Diverses

















S.A.S. NOVALYNX





C/



[V] [Z]








































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée

le 14/6/24

à Me IGLESIS, Me CHAMPOL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.A.S. NOVALYNX

[Adresse 3]

[Locali...

14/06/2024

ARRÊT N°2024/188

N° RG 22/03774 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PB6S

MD/CD

Décision déférée du 04 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 22/00766)

M.G. THIOU

Section Activités Diverses

S.A.S. NOVALYNX

C/

[V] [Z]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 14/6/24

à Me IGLESIS, Me CHAMPOL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.S. NOVALYNX

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

Madame [V] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-charles CHAMPOL de la SELARL CABINET CHAMPOL CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [V] [Z] a été embauchée du 7 janvier au 7 juillet 2020 par la Sas Novalynx en qualité d'attaché de direction suivant contrat de travail à durée déterminée régi par la convention collective nationale Syntec.

Par courrier du 23 mars 2020, la Sas Novalynx a convoqué Mme [Z] à un entretien préalable fixé au 15 avril 2020, en vue d'une rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave.

La Sas Novalynx a déplacé cet entretien au 24 avril 2020 par courrier du 15 avril 2020.

La Sas Novalynx a notifié à Mme [Z] la rupture anticipée de son contrat pour faute grave par courrier du 29 avril 2020.

Mme [Z] a contesté cette rupture par courrier du 13 mai 2020.

Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 6 octobre 2020 pour demander la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Par décision du 22 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Toulouse a ordonné la radiation de l'affaire. L'affaire a été réinscrite au rôle le 17 mai 2022.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 21 septembre 2022, a :

- requalifié le contrat de Mme [Z] à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

jugé que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée pour faute grave s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

jugé que la rupture est nulle du fait de l'état de grossesse de Mme [Z],

- condamné la Sas Novalynx à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

2 833,33 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

8 500 euros nets de CSG/CRDS au titre de l'indemnité pour la nullité de la rupture,

2 833,33 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

283,33 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

- condamné la Sas Novalynx aux entiers dépens,

- condamné la Sas Novalynx à verser à Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 26 octobre 2022, la Sas Novalynx a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 5 octobre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 mars 2024, la Sas Novalynx demande à la cour de :

- la recevoir en son appel.

Au fond,

- le dire bien fondé,

- réformer, en son entièreté, la décision entreprise,

- juger que le licenciement repose sur une faute grave,

- débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [Z] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 21 mars 2024, Mme [V] [Z] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondé en son appel incident.

Y faisant droit,

- confirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu'il a :

* requalifié son contrat à durée déterminée, en contrat à durée indéterminée,

* jugé que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée, pour faute grave s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* jugé que la rupture est nulle du fait de son état de grossesse,

* condamné la Sas Novalynx à lui payer les sommes suivantes :

2 833,33 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

283,33 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

* condamné la Sas Novalynx aux entiers dépens,

* condamné la Sas Novalynx à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 22 mars 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Sur la nature du contrat de travail

L'article L. 1242-2 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée. La réalité de ce motif s'apprécie au jour de la conclusion du contrat de travail, de sorte qu'un autre motif ne peut s'y substituer en cours d'exécution.

En vertu de l'article L. 1245-2 du code précité, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Mme [Z] explique qu'elle a répondu à une annonce de la société Novalynx proposant un poste d'attaché de direction en contrat à durée indéterminée mais la société lui a fait signer une convention de formation préalable au recrutement pour le mois de décembre 2019 puis un contrat à durée déterminée du 07 janvier au 07 juillet 2020.

Elle sollicite la requalification en contrat à durée indéterminée au motif de l'absence de mention du motif de recours.

Il n'est pas contestable que cette formalité substantielle n'est pas précisée sur le contrat versé à la procédure.

Aussi il y a lieu à requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Mme [Z] prétend à une indemnité de 3 mois de salaires.

La société sera condamnée à payer une indemnité de 2833,33 euros correspondant à un mois de salaire brut, justement estimée par le conseil de prud'hommes.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [Z] conclut à la nullité de la rupture du contrat de travail motivée par son état de grossesse déclaré et alors qu'elle bénéficiait d'une période de protection liée à son état.

- Sur la période de protection

L'article L 1225-4 du code du travail stipule:

' Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa'.

Mme [Z] invoque la protection du fait de son état de grossesse, connu de l'employeur, lequel oppose que la protection a cessé en raison d'une interruption volontaire de grossesse.

Alors que Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 25 avril 2020 en vue d'une rupture anticipée du contrat de travail, l'employeur a été informé de la grossesse de la salariée par un courriel de celle-ci du 23 avril 2020 en ces termes: « je vous prie de trouver ci-joint les résultats de mes analyses sanguines faisant foi de mon état de grossesse actuel », auquel elle a joint un test d'hormonologie (Beta HCG) du 18 avril 2020 mentionnant la date des dernières règles le 13 mars 2020.

Ce document était interprétable sans qu'il y ait lieu à certificat plus précis.

La salariée verse à la procédure des documents médicaux complémentaires desquels il résulte qu'à la date du 17-04-2020, Mme [Z] était enceinte de moins de 5 semaines et il était envisagé une interruption volontaire de grossesse, laquelle n'a pas eu lieu, puisque lors d'un nouvel examen du 04 juin 2020, l'intéressée avait subi une fausse couche spontanée à 8 semaines environ.

Celle-ci peut donc être datée vers le 10 mai, de telle sorte que tant à la date de l'entretien préalable au licenciement du 24 avril qu'à celle de la rupture du contrat de travail du 29 avril 2020, Mme [Z] bénéficiait d'un régime de protection en lien avec son état de grossesse.

De ce fait, il convient de rechercher, même si les faits reprochés étaient constitutifs d'une faute grave, s'ils sont en lien ou non avec l'état de grossesse et rendent impossible le maintien dans l'entreprise.

- Sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail

La lettre de rupture anticipée du contrat de travail par l'employeur notifiée le 29 avril 2020 pour faute grave est libellée en ces termes:

« Vous occupez au sein de notre société la fonction d'attachée de direction.

L'entreprise qui est, comme vous le savez, une structure relativement jeune, et de taille réduite, a investi dans votre personne en vous accordant immédiatement sa confiance.

Or, depuis plusieurs semaines, nous rencontrons avec vous de multiples difficultés.

En effet, refusant tout dialogue positif et constructif, vous avez catégoriquement refusé de vous inscrire dans une démarche loyale et constructive à la suite du discours prononcé par le Président [C] le 16 mars dernier.

Pourtant, face à cette situation inédite pour nous également, nous avons immédiatement pris le soin de réfléchir à la mise en place, dans l'urgence, de mesures adaptées à la poursuite de l'activité, et bien évidemment respectueuses de la santé et droit de chacun. Or, au lieu d'essayer d'y contribuer sereinement et positivement, vous vous êtes immédiatement braquée en extrapolant et déformant (dans un premier temps par SMS).

Nous avons alors immédiatement tenté de vous rassurer et avons organisé à ce titre, dès le 17 mars au matin, une réunion avec l'ensemble du personnel, ceci afin de réfléchir collectivement à la mise en place d'une organisation de travail adaptée à la situation sanitaire.

Contre toute attente, vous vous êtes violemment emportée à l'égard du soussigné, sans motif légitime, ce que vous avez expressément reconnu en entretien préalable.

Malgré ce comportement totalement déplacé et intolérable et dans un souci immédiat d'apaisement des relations sociales, nous avons proposé de recourir à la mise en place d'un télétravail intégral, ce qui ne semblait pas, là encore, correspondre à vos attentes, attentes que vous ne souhaitiez pas exprimer clairement.

Votre posture d'obstruction, clairement hostile et injustifiée, nous a placé dans une situation extrêmement délicate vis-à-vis de l'équipe et empêchait, dans l'effet d'organiser la poursuite de votre activité, de manière quelconque.

Plus encore, votre attitude agressive, contestataire et polémique, rendait tout échange constructif absolument impossible.

D'ailleurs, après nous avoir fait part de votre souhait de partir de la société, vous avez décidé de quitter brutalement cette réunion de mise au point, pourtant indispensable, puisqu'elle avait précisément pour objet de préparer la mise en place des mesures sanitaires à venir.

Puis, vous avez abandonné votre poste en emportant avec vous sans autorisation une pile entière documents appartenant à l'entreprise, dont certains étaient indispensables à la poursuite de l'activité de votre collègue de travail, Madame [P] [B].

Vous avez également refusé, là encore de manière incompréhensible, toute coopération avec cette dernière alors qu'elle vous demandait simplement si elle pouvait vous joindre ponctuellement par téléphone afin de faire un point sur les dossiers en cours.

Face à cette situation inédite pour nous, nous vous avons légitimement demandé de nous faire part de vos intentions et mise en demeure par mail, puis par courrier recommandé de nous restituer les documents que vous aviez emporté à votre domicile.

Vous nous avez alors répondu par mail du 16 avril que vous ne les restitueriez pas lors de l'entretien préalable du 24 avril, ce que vous vous êtes singulièrement dispensée de faire.

A ce jour, vous n'avez toujours pas restitué l'ensemble des documents emportés avec vous le 17 mars dernier, le pli recommandé reçu dans l'intervalle (le 28 avril précisément), ne contenant qu'une partie d'entre-eux (une quinzaine de pages environ).

Une telle attitude est frontalement contraire aux obligations contractuelles les plus élémentaires.

Par ailleurs, plusieurs autres faits là encore d'une particulière gravité ont été porté à notre connaissance dans l'intervalle.

Nous avons été informés de prise de liberté inacceptable notamment lorsque nous (le soussigné Monsieur [M] [D]) sommes à l'extérieur de l'entreprise.

Certains salariés nous ont en effet indiqué que vous persistiez à imposer à l'entreprise des retards injustifiés (ce que vous avez d'ailleurs reconnu lors de l'entretien préalable tout en minimisant) et extrêmement fréquents de vos prises de poste, contrevenant ainsi aux obligations contractuelles.

Dans un registre similaire, nous avons également appris non sans surprise que vous vous connectiez très régulièrement avec l'ordinateur mis à votre disposition par l'entreprise durant vos horaires de travail effectif et sans autorisation sur des sites internet sans lien avec vos fonctions et missions.

Pour toute réponse, vous avez indiqué lors de l'entretien préalable que toutes ces connexions d'ordre privé (et notamment les très nombreuses formations effectuées en ligne) auraient été prétendument réalisées durant vos pauses déjeuner.

Pourtant les éléments en notre possession démontrent très précisément le contraire.

A titre d'illustrations et sans que cette liste ne soit exhaustive, il est possible de citer les relevés des connexions à des fins personnelles suivants : 10 février ' (liste exhaustive des connexions du 10 février 2020 au 11 mars 2020).

Ainsi, il est question sur la seule période allant du 10 février au 11 mars 2020 de plus d'une vingtaine de sessions représentant un temps de connexions supérieur à 30 heures, ce qui est considérable et inacceptable.

Il s'agit en effet d'un usage abusif d'internet durant vos heures de travail caractérisant un manque délibéré à votre obligation contractuelle de bonne foi et de loyauté.

Au surplus, un tel manquement cause un préjudice à l'entreprise dans la mesure où vous avez été rémunérée durant ces nombreuses heures consacrées aux occupations strictement personnelles, périodes durant lesquelles vous n'avez pas réalisé le travail attendu.

En outre, nous avons appris avec stupéfaction que vous permettiez de tenir des propos totalement déplacés et désobligeants à l'égard de nombreux de vos collègues de travail et de votre hiérarchie en leur attribuant des surnoms traduisant un mépris rare et intolérable « [M] sans famille » pour désigner Monsieur [M] [D], « Jésus-Christ » pour désigner Monsieur [R] [T] et « suce boule » pour désigner Monsieur [N] [Y].

Cette attitude absolument non professionnelle et révélant de surcroit un mauvais esprit constitue un manquement grave à vos obligations surtout au vu de vos fonctions d'attachée de direction qui exige un devoir d'exemplarité.

Au-delà, compte tenu de la taille réduite de l'entreprise, nous attachons une attention toute particulière à ce que tous les salariés travaillent ensemble de façon ouverte et respectueuse.

Plus préoccupant quand nous avons également été alerté par Madame [B] qui nous a fait part d'un « manque de respect fréquent » de votre part à l'égard de vos collègues de travail.

Madame [B] nous a indiqué d'abord oralement puis par écrit que vous vous permettiez de dénigrer régulièrement son travail en rejetant systématiquement les erreurs commises par vous ou par d'autres sur elle générant ainsi une mauvaise ambiance au travail et risques psychosociaux qui y sont associés.

Nous ne pouvons tolérer ce type d'agissements, en vertu notamment, des obligations qui sont les nôtres en matière de protection de la santé et de la sécurité de nos salariés.

Vos fonctions d'attachée de direction exigent par ailleurs un devoir d'exemplarité.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave. (..) ».

***

Mme [Z] conteste les griefs qui lui sont reprochés. La société dénie tout lien entre la rupture anticipée du contrat de travail et l'état de grossesse.

Sur l'incident du 17 mars 2020

A la suite de l'annonce du confinement pour crise sanitaire, était abordée le 17 mars 2020 en réunion de service, l'organisation du travail, en alternance présentiel et télé-travail.

La société expose qu'une altercation est intervenue lors de cette réunion entre Mme [Z] et M. [X], dirigeant, lequel envisageait de maintenir le travail sur site, que Mme [Z] a quitté le bureau en indiquant qu'elle n'entendait pas travailler à partir de chez elle et qu'elle ne respecterait pas le choix de la direction. Elle est partie avec plusieurs documents, sans autorisation, a refusé de les restituer et l'employeur est resté sans nouvelles pendant plusieurs jours.

Il lui a adressé un courriel le 19 mars 2020 récapitulant la chronologie des événements et faisant état de la réception d'un certificat médical permettant à la salariée de demeurer à son domicile jusqu'au 21 mars alors même qu'un planning de télé-travail avait été convenu.

Il ressort des pièces versées que :

. les parties s'accordent sur un échange vif lors de la réunion du 17 mars, l'attitude d'emportement de Mme [Z] étant attestée par les témoignages de 3 collaborateurs,

. le même jour Mme [Z] a adressé un courriel à l'employeur en demandant si le télétravail était possible 5 jours par semaine alors que la garde des enfants était imposée par la fermeture des entreprises,

.elle reconnaît s'être emportée dans l'émotion notamment quand l'employeur lui a dit qu'il allait mettre fin à son contrat et précise que l'arrêt de travail est une protection à défaut de nouvelles de ce dernier sur le télétravail de 5 jours,

. le 20 mars, elle écrit que la crise sanitaire inédite et anxiogène les a conduit à des échanges regrettables.

La cour considère qu'il y a lieu de temporiser le caractère excessif du comportement de Mme [Z], laquelle a reconnu ses torts, au vu du contexte tant de la pandémie engendrant des craintes sur sa santé et celle de sa famille que des interrogations de l'employeur quant à une poursuite ou non d'une activité. Par la suite la salariée a été placée en activité partielle.

Si le grief est modéré par l'appréciation que la cour en fait, il demeure constitutif d'un manquement de la salariée.

-Sur les retards fréquents

Mme [Z] oppose le défaut d'élément probant.

Mme [B], collègue de travail, atteste le 14 avril 2020 d'un non respect des horaires de travail et de retards fréquents de Mme [Z], sa responsable, sans précision de date ou d'événement circonstancié.

L'employeur se rapporte également à des échanges de SMS produits en pièce 17 par Mme [Z] avec Mme [B], qui corroboreraient un retard, ainsi le 2 mars: elle est à 7h54 au métro pour une embauche à 8 heures.

Il invoque également pour le 11 février 2020, une arrivée à 8h42 au lieu de 8h, une reprise à 12h30 au lieu de 12h et une pause-café de 40 minutes à la prise de fonction.

Même s'il était retenu par la cour un retard le 02 mars, la société n'établit pas la réalité

de retards réguliers à la prise de poste ( aucun élément n'est produit quant à la journée du 11 février) ni avoir procédé à un rappel à ce titre à Mme [Z]. Ce grief sera écarté.

- Sur l'usage abusif d'internet

La société soutient que du 10 février 2020 au 30 mars 2020, Mme [Z] s'est connectée pendant son temps de travail sur la plateforme 'lecnam.net', site de formation à distance, pour une durée supérieure à 30 heures, alors que les formations nécessaires à son poste lui ont été dispensées avant l'embauche.

Mme [Z] en conteste l'effectivité et réplique avoir dû se former à ses frais par l'intermédiaire de la CNAM, hors du temps de travail et que les connexions réalisées, dont l'onglet pouvait rester ouvert, servaient à vérifier l'envoi de messages par cet organisme.

A l'examen de l'historique des connexions du poste de travail de Mme [Z] du 10 février au 11 mars (pièce 12) produit par l'employeur portant 34 heures de connexion sur le site 'lecnam', la cour relève que la grande majorité des connexions sont intervenues pendant les heures de travail ( à l'exception de celles du 18 février, 20 février et 11 mars 2020, pour quelques minutes ) pour des formations 'Moodle'.

Dans le cadre de la convention de formation avec Pôle Emploi signée le 29 novembre et versée à la procédure, la société s'engageait à dispenser à Mme [Z] 117 heures de formation du 9 décembre au 6 janvier 2020.

Il résulte des pièces versées que des démarches administratives ont été faites pour que soit effectuée la formation en interne (comptabilité-marketing-gestion de projets). M. [D], ingénieur, atteste de l'intervention d'un prestataire pour former l'équipe et notamment l'intimée à l'utilisation du logiciel comptable Sage.

Même à considérer que la formation en interne n'a pas été assurée, alors que la société a engagé à l'issue Mme [Z] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, il y a lieu de relever que la salariée n'a pas alerté l'employeur sur un manque de formation, ni sollicité d'en suivre une complémentaire.

Elle produit 2 courriers du 25 février 2020 mais sans mention du destinataire, informant du démarrage des formations 'Activités et biens de l'entreprise' le 28 février et 'droit social européen et international' le 05 mars 2020, dont il n'est pas établi le lien direct avec son poste.

L'employeur précise que les formations suivies sur www.fun-mooc.fr par l'intéressée, et non remises en cause par elle, sont les suivantes: Données et algorithmes session 2 - L'intelligence artificielle pour tous, session 2 - Eléments de santé au travail pour les ingénieurs et managers - Enjeux et bonnes pratiques de la médiation pour les territoires - Management de la diversité, sans qu'il n'en soit précisé la nécessité pour les tâches exercées, notamment de comptabilité.

L' historique de connexion en pièces 16 et 24 montre également des connexions sur des sites plus généraux ou pouvant avoir un intérêt personnel.

Aussi la cour estime que le cumul intensif des connexions par Mme [Z] pendant le temps de travail, notamment pour des formations hors la connaissance de l'employeur, constitue un abus d'usage d'internet sur le lieu de travail.

- Sur les propos déplacés et les désobligeances sur les collègues de travail

La société produit divers échanges entre le 07 janvier et le 13 mars 2020 de Mme [Z] avec des collègues, ainsi:

. avec M. [O] au cours desquels elle se moque de son supérieur [M] [D]: ' voit avec [M] sans famille',

. avec M. [A] où elle dénomme un collègue [R] [T] en ces termes: ' je n'arrête pas de me faire taxer par Jésus Christ'.

M. [M] [D] atteste que pendant le confinement et le placement de la salariée en arrêt maladie, la direction, en recherchant les messages professionnels pour prendre connaissance des dossiers à traiter, a découvert certains messages dans lesquels Mme [Z] 'utilise des propos discriminatoires et injurieux envers certains collaborateurs'. Il ajoute: 'j'ai moi-même été dénommé [M] sans famille, j'ai été bouleversé par cette découverte, je suis célibataire et sans enfant, c'est visiblement devenu un sujet de moquerie'.

Mme [B] confirme que Mme [Z] fait preuve de manque de respect envers ses collègues.

Lors de l'entretien préalable à la rupture du contrat de travail, tel que relaté dans le rapport établi par le conseiller de la salariée, celle-ci se défend en opposant que tout le monde se donnait des surnoms sur le ton de la plaisanterie et qu'elle n'en est pas à l'origine, dont celui de 'suceur de boule' de [N] [Y].

Il s'évince des échanges versés que le surnom 'Jésus Christ' de M.[T] n'était pas familier de M. [A] puisque ce dernier était interrogatif quant au nom de la personne ainsi surnommée.

En tout état de cause, l'usage reconnu de ces surnoms, dont les personnes concernées ont pu se sentir blessées, n'est pas conforme au principe de respect et de courtoisie nécessaire aux relations entre collègues au sein d'une entreprise.

Au vu des divers griefs retenus, à l'exception des retards fréquents, qui soulignent sur la durée un comportement de Mme [Z] non respectueux des personnes comme du temps de travail, la cour estime que ses manquements continus, ayant eu une incidence sur les relations de travail avec l'employeur et les collègues, caractérisent une faute grave.

Ces faits se rapportent à une période antérieure à l'état de grossesse de Mme [Z] et la procédure aux fins de rupture du contrat de travail a été engagée par une première convocation le 23 mars 2020, soit un mois avant l'annonce de la grossesse à l'employeur par l'intimée, laquelle a sollicité un report de date d'entretien.

Il n'existe pas de lien entre la rupture du contrat de travail et la grossesse de l'intimée et l'employeur était légitime à ne pas la maintenir dans l'entreprise.

Aussi le licenciement est fondé et Mme [Z] sera déboutée de ses demandes afférentes à la nullité de la rupture du contrat de travail en lien avec la grossesse par infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes annexes

La SAS Novalynx, partiellement perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Novalynx aux dépens et à des frais irrépétibles.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et condamné la SAS Novalynx à une indemnité de requalification, aux dépens et aux frais irrépétibles,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Dit que la rupture du contrat de travail pour faute grave est fondée,

Déboute Mme [Z] de ses demandes afférentes à une nullité de la rupture du contrat de travail pour raison de grossesse,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Novalynx aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière.

La greffière, P/La présidente empêchée,

La présidente,

C. DELVER C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03774
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;22.03774 ?
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