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14/06/2024 | FRANCE | N°22/02204

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 14 juin 2024, 22/02204


14/06/2024



ARRÊT N°2024/185



N° RG 22/02204 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O2VB

CB/CD



Décision déférée du 25 Mai 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00877)

P. FAROUZE

Section Encadrement

















[V] [Z] EPOUSE [W]





C/



S.A.S. BAYER HEALTHCARE






































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CONFIRMATION







Grosse délivrée

le 14/6/2024

à Me ZANOTTO, Me FICHOT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



Madame [V] [Z] épouse [W]

[Adresse 1...

14/06/2024

ARRÊT N°2024/185

N° RG 22/02204 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O2VB

CB/CD

Décision déférée du 25 Mai 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00877)

P. FAROUZE

Section Encadrement

[V] [Z] EPOUSE [W]

C/

S.A.S. BAYER HEALTHCARE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 14/6/2024

à Me ZANOTTO, Me FICHOT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Madame [V] [Z] épouse [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS

INTIM''E

S.A.S. BAYER HEALTHCARE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne FICHOT de la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , C. BRISSET, présidente, chargée du rapport et M. DARIES, conseillère. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] [Z] épouse [W] a été embauchée le 16 avril 2008 par la SAS Bayer Healthcare en qualité de déléguée médicale selon contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des entreprises du médicament.

Par courrier du 6 décembre 2018, Mme [Z] a été convoquée à un entretien disciplinaire.

Mme [Z] a été placée en arrêt de travail le 7 décembre 2018.

La société Bayer a notifié un avertissement à Mme [Z] le 21 décembre 2018, avertissement contesté par la salariée par courrier du 10 février 2019 sur le terrain d'une discrimination.

Par avis du 18 novembre 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [Z] inapte en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

La société Bayer a notifié à Mme [Z] l'impossibilité de son reclassement par courrier du 22 novembre 2019.

Par courrier du 25 novembre 2019, la société Bayer a convoqué Mme [Z] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 4 décembre 2019. Mme [Z] a été licenciée par courrier du 11 décembre 2019 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 6 juillet 2020 pour contester son avertissement et son licenciement, demander que soit constaté le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, par jugement du 25 mai 2022, a :

- jugé qu'il n'y a pas lieu à annulation de l'avertissement du 21 décembre 2018,

- jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [Z] en date du 11 décembre 2019 repose sur un motif réel et sérieux,

- jugé qu'il n'existe pas de harcèlement moral,

- jugé que l'inaptitude de Mme [Z] n'a pas d'origine professionnelle et que la société Bayer Healthcare n'a pas méconnu son obligation de sécurité,

- débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté Mme [Z] de sa demande de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Z] à verser à la société Bayer Healthcare la somme de 11 036,56 euros au titre d'un trop perçu de remboursement de frais déclarés comme professionnels,

- condamné Mme [Z] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 13 juin 2022, Mme [V] [Z] épouse [W] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 1er juin 2022, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er septembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [V] [Z] demande à la cour de :

Infirmer la décision déférée.

Statuant à nouveau,

Annuler l'avertissement du 21 décembre 2018,

Constater que la société Bayer Healthcare a méconnu son obligation de sécurité à son égard,

Constater que son inaptitude est la conséquence directe des agissements illicites de la société Bayer Healthcare.

En conséquence,

Déclarer nul et de nul effet le licenciement,

Condamner la société Bayer Healthcare au paiement des sommes suivantes :

- 18 750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 875 euros à titre de congés afférents,

- 112 500 euros nette de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

- 37 500 euros à titre d'indemnité pour non respect de l'obligation de sécurité et de résultat,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour au titre de l'annulation de l'avertissement,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Avec intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance

Débouter la société Bayer Healthcare de ses demandes,

La condamner aux entiers dépens de l'instance.

Elle invoque un harcèlement moral de surcroît discriminatoire à raison de sa situation de vulnérabilité économique et de santé. Elle conteste l'avertissement considérant qu'il n'était pas justifié, qu'il était discriminatoire et reposait sur des faits prescrits. Elle estime que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et considère que l'ensemble de ces éléments a abouti à la dégradation de son état de santé. Elle en déduit la nullité du licenciement. Elle conclut au rejet de la demande de remboursement présentée par l'employeur considérant qu'il s'agit d'une dette de nature civile et invoquant par ailleurs un dossier de surendettement.

Dans ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er décembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, la société Bayer Healthcare demande à la cour de :

- Confirmer le jugement contesté en toutes ses dispositions,

- Juger le licenciement en date du 11 décembre 2019 fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- Juger qu'il n'existe pas de harcèlement moral,

- Juger que l'inaptitude n'a pas d'origine professionnelle,

- Juger qu'elle n'a pas méconnu son obligation de sécurité.

En conséquence,

- Débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires au présent dispositif,

- Condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 11 036,56 euros au titre d'un trop perçu de remboursement de frais déclarés comme professionnels,

- Condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

Elle conteste toute prescription de l'avertissement au regard de la date à laquelle elle a été informée des faits et ajoute que les faits sont établis de sorte que la sanction, qui n'est pas discriminatoire, est justifiée. Elle conteste tout harcèlement moral et donc la nullité du licenciement. Elle soutient avoir satisfait à son obligation de sécurité. Elle fait enfin valoir que la dette au titre des dépenses personnelles réglées avec sa carte professionnelle est bien établie.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 12 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'avertissement,

Il a été notifié selon lettre datée du 21 décembre 2018.L'employeur reprochait à la salariée d'avoir signé dans l'outil informatique des documents de consentement de médecins quant à leurs données personnelles à la place de ces praticiens.

Même si la contestation n'est pas présentée dans cet ordre, il convient d'envisager en premier lieu la question de la prescription des faits fautifs.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il est exact que la lettre d'avertissement mentionne comme seule date d'exemple de fait fautif le 26 février 2018. Toutefois, il résulte des documents produits que cette date ne peut en aucun cas constituer celle de la connaissance par l'employeur des faits puisqu'il s'agissait de recueillir le consentement de praticiens dans un outil informatique et qu'il est précisément reproché à la salariée de l'avoir fait au lieu et place du médecin de sorte que l'employeur ne pouvait avoir connaissance de ce qui constituait la difficulté, à savoir le fait que le médecin n'avait pas lui même renseigné les rubriques. Il résulte des propres pièces de la salariée et en particulier de sa pièce 4 que c'est l'enquête de compliance qui a permis à l'employeur de connaître la réalité complète des faits et que Mme [Z] a été entendue le 6 décembre 2018, ce qui marque le point de départ de la prescription. La sanction ayant été prononcée le 21 décembre 2018 aucune prescription n'est encourue.

Sur le fond, la salariée soutient que les faits ne seraient pas justifiés et que l'avertissement serait discriminatoire.

Les faits ont cependant été reconnus par la salariée. Ceci procède des courriers qu'elle a adressés. Elle y présentait des explications à son comportement mais admettait avoir renseigné des données aux lieux et places des médecins tout en faisant valoir qu'elle avait obtenu leur consentement. Ceci constituait néanmoins uniquement une justification mais n'était pas de nature à retirer tout caractère fautif à ses agissements étant observé que si elle invoque des pressions de la direction l'orientant vers cette pratique, elle n'en justifie pas. Le fait que l'employeur a constaté un dysfonctionnement général dans la compréhension et l'application des nouvelles règles, celles issues du RGPD, démontre certes qu'elle n'était pas la seule salariée dans ce cas mais n'est pas de nature à ôter aux faits tout leur caractère fautif. Or, il a été prononcé une sanction mesurée sous la forme d'un avertissement.

Enfin, la salariée se place sur le terrain de la discrimination pour solliciter l'annulation de l'avertissement. Elle vise sa vulnérabilité économique comme critère de discrimination. Toutefois, si elle invoque une pratique générale, elle admet elle même que d'autres salariés ont fait l'objet d'un avertissement pour ce même motif et ne donne aucun élément permettant de déterminer que d'autres salariés ayant eu le même comportement n'auraient pas été sanctionnés, dans ce qui relèverait d'une disparité de traitement.

Il n'y a donc pas lieu à nullité de l'avertissement et le jugement sera confirmé.

Sur le licenciement,

S'il est invoqué un harcèlement moral et une discrimination procédant des mêmes faits mais également un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, il n'en demeure pas moins que seule la nullité du licenciement est sollicitée alors qu'un manquement à l'obligation de sécurité n'est pas de nature à emporter cette conséquence.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par application des dispositions de l'article L. 1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail un principe général de non discrimination qu'elle soit directe ou indirecte à raison de critères qui y sont énoncés comprenant l'état de santé et la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique.

En l'espèce, la salariée invoque de manière globale un harcèlement discriminatoire étant rappelé que pour cette dernière notion le régime probatoire défini par l'article L.1134-1 du code du travail est identique à celui du harcèlement moral.

En l'espèce, la salariée invoque ;

- un entretien du 11 janvier 2017 où sa vie privée a été abordée en termes offensants, elle justifie avoir adressé le 19 janvier 2017 un courrier électronique à son supérieur hiérarchique portant sur la teneur de cet entretien et les références faites à sa vie personnelle,

- une asphyxie salariale liée à un processus de remboursement mis en place par l'employeur, elle justifie de l'existence d'un échéancier mis en place au regard d'une dette vis à vis de l'employeur,

- des méthodes de travail anxiogènes, elle ne produit pas d'élément extrinsèque mais verse aux débats des courriers qu'elle a adressés à son employeur faisant état notamment d'une pression excessive quant aux visites à accomplir chez les médecins,

- l'avertissement du 21 décembre 2018, dont il a toutefois été jugé ci-dessus qu'il était justifié,

- le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité, ici envisagé comme élément de fait pouvant être apprécié au titre du harcèlement. Elle fait valoir qu'aucun document unique d'évaluation des risques n'a été porté à sa connaissance et qu'aucune mesure n'a été mise en place pour faire cesser les agissements qu'elle dénonçait (dans le cadre de la contestation de l'avertissement). Outre ses courriers, elle justifie d'une information du comité central d'entreprise faisant état de la saisine du CHSCT pour des risques psycho-sociaux,

- l'altération de son état de santé, elle en justifie par des certificats médicaux relatant un syndrome dépressif dans un contexte de difficultés professionnelles sans toutefois que les praticiens aient pu personnellement constater les conditions de travail.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral ou une discrimination pour un critère prohibé et il convient d'apprécier les éléments de preuve produits par l'employeur.

Or, s'agissant de l'asphyxie financière invoquée, il apparaît que celle-ci n'avait en rien été organisée par l'employeur et qu'il ne s'agissait pas d'un élément de discrimination à raison d'une vulnérabilité économique de la salariée. Cette dernière était rémunérée à hauteur de plus de 6 000 euros par mois, ce qui n'emporte pas une vulnérabilité particulière. Il résulte du protocole d'accord produit par l'employeur en pièce 3 que Mme [Z] avait reconnu avoir utilisé une carte professionnelle pour financer des besoins personnels générant une dette de plus de 22 000 euros. Les observations de la salariée selon lesquelles elle aurait dû négocier directement avec l'établissement bancaire sont sans portée puisqu'elle a bien reconnu sa dette vis à vis de l'employeur, qui avait réglé la banque, et conclu un échéancier de remboursement. Il n'est d'ailleurs pas soutenu la nullité de ce protocole d'accord. Dès lors, la mise en 'uvre du remboursement ne pouvait correspondre à une asphyxie financière de la salariée étant rappelé que l'employeur n'avait pas mis en place à cette occasion de procédure disciplinaire. Ceci constitue un élément objectif étranger à tout harcèlement et à toute discrimination.

S'il est exact que Mme [Z] s'est plainte des termes de l'entretien du 11 janvier 2017, pour lequel la cour ne dispose d'aucun élément extrinsèque permettant d'en apprécier la portée, il ne peut être retenu qu'il s'agissait pour l'employeur de la pousser au départ. En effet, c'est très peu de temps après cet entretien que les parties ont conclu le protocole de remboursement et plus précisément le 16 février 2017. Or, il n'apparaît en aucun cas cohérent que l'employeur ait pu disposer d'un tel motif sans s'en emparer s'il souhaitait mettre un terme au contrat de travail.

S'agissant de l'avertissement, il a été manifestement très mal ressenti par la salariée mais il n'en demeure pas moins que les faits étaient matériellement admis par elle et constituaient bien une faute. Il existait certes un contexte dans l'entreprise ayant donné lieu à un rappel général mais la sanction demeurait particulièrement mesurée sous la forme d'un avertissement et ne concernait pas la seule Mme [Z] ainsi qu'en justifie l'employeur, de sorte que le contexte avait bien été pris en considération.

Quant à l'obligation de sécurité, il doit être tenu compte du contexte dans lequel s'inscrivaient les revendications de la salariée qui n'apporte pas d'élément extrinsèque sur les pressions qu'elle invoque. Alors que le document unique d'évaluation des risques a bien été communiqué en cours de procédure, elle n'a formulé aucune observation à ce titre.

La saisine du CHSCT pour des risques psycho sociaux constituait certes un élément ainsi qu'il a été retenu ci-dessus mais rien ne permet de le rattacher à la situation personnelle de Mme [Z] laquelle pour l'essentiel procédait des difficultés qui étaient les siennes mais auxquelles l'employeur n'avait pas participé, acceptant même un échéancier pour ce qui relevait de dépenses personnelles payées avec la carte professionnelle.

Quant à la dégradation de l'état de santé de la salariée, la cour ne peut que constater que les praticiens ont été d'une grande prudence en rédigeant les certificats et ont fait état de difficultés professionnelles. Celles-ci étaient certainement au regard de la dette que devait rembourser Mme [Z] et alors qu'elle mettait en perspective sa souffrance avec sa situation financière. Elles ne pouvaient en revanche pas être imputées à l'employeur.

Au regard des éléments produits par l'employeur, étrangers à toute situation de harcèlement ou de discrimination, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté cette notion.

Sur la demande indemnitaire au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

Sur ce fondement, Mme [Z] sollicite la somme de 37 500 euros en visant une obligation de sécurité de résultat. La cour ne peut que rappeler que cette obligation de l'employeur résultant des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail n'est pas de résultat mais de moyens renforcés.

Mme [Z] discute tout d'abord la question du document unique d'évaluation des risques. Or, l'employeur démontre l'existence d'un DUER lequel était mis à jour annuellement (pièces 40 et 45), qui visait expressément les risques psychosociaux et qui pour la période concernée par le litige s'appuyait sur une enquête réalisée en 2018. Le contenu de ce document n'est pas discuté spécialement par l'appelante alors qu'il est également justifié qu'il était accessible pour la salariée sur le site intranet de l'entreprise. L'employeur justifie par ailleurs qu'il existait un dispositif d'alerte permettant de signaler ses préoccupations dans le cadre d'un module de compliance et que Mme [Z] a bénéficié de formations à ce titre.

Dans un second temps Mme [Z] fait valoir que suite à sa dénonciation des pressions qu'elle subissait aucune enquête n'a été mise en place par l'employeur qui n'a entamé aucune démarche. Il convient toutefois d'observer que les pièces que vise la salariée à ce titre (6, 7, 11 et 13) sont toutes postérieures à la suspension du contrat de travail pour maladie de sorte que la salariée ne pouvait être entendue, étant rappelé que la procédure disciplinaire a donné lieu à un avertissement que la cour a considéré comme justifié. Le ressenti négatif qui a pu être celui de la salariée suite à l'entretien du mois de janvier 2017, dont le contenu réel demeure ignoré, ne peut davantage constituer un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur étant rappelé qu'il n'était pas anormal pour l'employeur de solliciter des explications suite à des dépenses personnelles réglées avec une carte professionnelle.

Les difficultés de remboursement rencontrées par la salariée ne pouvaient constituer une fragilité interdisant à l'employeur de poser toute question sur les frais qu'elle exposait postérieurement.

Au regard des éléments produits par l'employeur sur les mesures mises en place, il ne peut donc être retenu de manquement à l'obligation de sécurité ayant concouru même partiellement à la dégradation de l'état de santé de la salariée.

C'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire sur ce fondement.

Sur la créance de la société Bayer,

Pour conclure à la réformation du jugement l'ayant condamnée au paiement de la somme de 11 036,56 euros et au débouté de la société Bayer de sa demande, la salariée fait valoir que la créance n'est pas de nature salariale. Toutefois, ni le conseil, ni la cour n'ont été saisis d'une exception d'incompétence.

Sur le fond, la dette existe et n'est d'ailleurs pas contestée, la salariée admettant avoir financé des dépenses personnelles avec sa carte professionnelle et faisant uniquement grief à l'employeur d'avoir réglé la banque sans la laisser convenir d'un plan de remboursement avec l'organisme financier. Ceci ne remet cependant pas en cause l'existence et le quantum de la dette retenue dans le protocole d'accord du 16 février 2017 emportant reconnaissance de dette auprès de l'employeur qui avait remboursé l'organisme financier. La salariée a d'ailleurs déclaré cette dette dans le cadre de son dossier de surendettement. L'éventuel plan ne peut avoir d'incidence qu'au stade du recouvrement et donc de l'exécution, sans priver la société Bayer de la possibilité de se faire délivrer un titre.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement en toutes ses dispositions, sans qu'il soit nécessaire, dans le cadre d'un arrêt confirmatif, à reprise au dispositif des énonciations de condamnation.

L'appel est mal fondé de sorte que Mme [Z] sera condamnée à payer à son adversaire une somme que la situation respective des parties conduit à limiter à 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 25 mai 2022 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] à payer à la SAS Bayer Healthcare la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/02204
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;22.02204 ?
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