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14/06/2024 | FRANCE | N°22/01310

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 14 juin 2024, 22/01310


14/06/2024



ARRÊT N°2024/189



N° RG 22/01310 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OWZG

MD/CC



Décision déférée du 24 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F20/00637)

DE LOYE.G

















[Y] [K] épouse [J]





C/



S.A. SOCIETE DE LA MOBILITE DE L'AGGLOMERATION TOULOUSAINE (SMAT)

































r>












CONFIRMATION PARTIELLE

















Grosse délivrée



le 14/06/2024



à

Me PERIGAULT,

Me SAINT GENIEST

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



A...

14/06/2024

ARRÊT N°2024/189

N° RG 22/01310 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OWZG

MD/CC

Décision déférée du 24 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F20/00637)

DE LOYE.G

[Y] [K] épouse [J]

C/

S.A. SOCIETE DE LA MOBILITE DE L'AGGLOMERATION TOULOUSAINE (SMAT)

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 14/06/2024

à

Me PERIGAULT,

Me SAINT GENIEST

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Madame [Y] [K] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Cyrille PERIGAULT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. LA SOCIETE DE LA MOBILITE DE L'AGGLOMERATION TOULOUSAINE (SMAT)

sous l'enseigne TISSEO INGENIERIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 1]

Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [Y] [W] a été embauchée le 28 janvier 2008 par la société de la mobilité de l'agglomération toulousaine (SMAT, désignée sous l'enseigne Tisséo-Ingénierie) en qualité de responsable de la commande publique suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale Syntec.

Mme [W] a été promue responsable juridique et de la commande publique le 1er janvier 2010, puis directrice juridique et membre du comité de direction le 1er janvier 2014.

Par courrier du 4 novembre 2019, la SMAT a notifié à Mme [W] sa mise à pied à titre conservatoire ainsi que sa convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 novembre 2019.

Mme [W] a été licenciée par courrier du 27 novembre 2019 pour cause réelle et sérieuse ( pour insubordination, refus d'autorité, contestations injustifiées des décisions de la direction, défaillances professionnelles, critiques et attitudes provocatrices et agressives génératrices de souffrance chez plusieurs de nos collaborateurs).

Par courrier du 9 janvier 2020, elle a contesté son licenciement et a sollicité le paiement d'heures supplémentaires.

Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 26 mai 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 24 février 2022, a :

-jugé que le licenciement de Mme [W] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

-débouté Mme [W] de toutes ses demandes,

-débouté les parties du surplus de leur demande,

-condamné Mme [W] aux dépens.

Par déclaration du 4 avril 2022, Mme [Y] [W] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 16 mars 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 4 juillet 2022, Mme [Y] [K] épouse [J] demande à la cour de :

réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

-déclarer que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

-juger qu'elle n'a pas été réglée de l'intégralité de ses congés payés,

-juger qu'elle a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

-écarter des débats les pièces 29, 42, 43, 44, 45, 54, 55 et 67 produites par la société SMAT.

En conséquence de ce qui précède,

-condamner la SMAT exerçant sous l'enseigne Tisséo Ingénierie à lui régler les sommes de :

67.118,70 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

21.712,87 euros au titre des heures supplémentaires pour les années 2017 à 2019,

2.171,29 euros au titre des congés payés y afférents,

2.440,68 euros à titre de rappel de salaire sur congés payés,

36.610,20 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

-condamner la SMAT exerçant sous l'enseigne Tisséo Ingénierie à rembourser Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois,

-condamner la SMAT exerçant sous l'enseigne Tisséo Ingénierie à lui régler la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile première en instance ainsi qu'à la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile d'appel,

-condamner la SMAT exerçant sous l'enseigne Tisséo Ingénierie aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 8 septembre 2022, la SA Société de la mobilité de l'agglomération toulousaine demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [K] [J] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

-débouté Mme [K] [J] de toutes ses demandes,

-condamné Mme [K] [J] aux dépens,

-débouter Mme [K] [J] de sa demande visant à voir écarter des débats les pièces 29, 42, 43, 44, 45, 54, 55 et 67 produites par la Société de la Mobilité de l'Agglomération Toulousaine,

-dire irrecevable comme prescrite la demande de Mme [K] [J] à titre de rappel de salaire au titre de la période allant du mois de janvier au mois d'avril 2017,

-débouter Mme [K] [J] des fins de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions,

-condamner Mme [K] [J] à lui payer une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner Mme [Y] [K] [J] tous les dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 12 avril 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

I/ Sur le licenciement

Aux termes de l'article L1235-1 du code du travail, pour apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

" Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements fautifs.

Vous êtes directrice juridique de TISSEO INGENIERIE et membre du Comité de Direction depuis 2014. Les missions qui vous sont confiées à ces deux titres sont essentielles à l'atteinte des objectifs poursuivis par l'entreprise et à l'efficacité de la direction ; nous attendons de vous la délivrance de conseils pertinents et un éclairage juridique utilisable au service des décisions de la direction.

Compte tenu de votre positionnement, il vous incombe d'agir avec une part d'initiative et en autonomie sur les sujets qui concernent les questions juridiques ; cet aspect de votre mission comporte aussi un rôle d'alerte et de suggestion sur les thèmes qui vous apparaissent importants.

En revanche, une fois les choix stratégiques arrêtés, il est impératif que vous les mettiez en 'uvre loyalement et sans arrière pensée, tout en respectant la ligne hiérarchique dans laquelle vous vous inscrivez.

Cette façon d'agir est la seule qui permette la constitution d'une équipe cohérente et solidaire des décisions dès lors qu'elles ont été arrêtées.

Or, nous avons constaté depuis plusieurs mois de graves défaillances de votre part, ce qui nuit au bon fonctionnement de l'entreprise, de sa direction et de ses services.

Ces comportements divergents se sont aggravés depuis l'été dernier, au moment du changement d'organisation de la direction générale, au point que vous avez exprimé à plusieurs reprises votre refus de vous inscrire dans l'organisation hiérarchique de TISSEO INGENIERIE.

Vous ne m'avez pas caché, au début du mois de juillet 2019, vos réticences quant à l'organisation dans laquelle vous deviez vous inscrire ; je vous avais alors expliqué les raisons de ce choix dont l'entreprise attendait que vous le respectiez et que vous le mettiez en 'uvre.

Certes, le 5 juillet, vous n'aviez pas hésité, au moment même où j'allais annoncer aux équipes la nouvelle organisation décidée, à m'annoncer que vous vous refuseriez à l'avenir à toute coopération loyale avec la directrice générale adjointe, dont vous entendiez limiter le rôle à la validation de vos dates de congés. Je vous avais alors fermement rappelé vos obligations et je vous avais invitée à vous reprendre, dans l'espoir sincère que, les vacances passées, vous auriez réalisé l'impasse dans laquelle une telle attitude vous conduisait inéluctablement.

Hélas, vous n'avez pas cessé de provoquer des incidents et vous avez refusé de collaborer avec la directrice générale adjointe sous l'autorité de laquelle vous êtes pourtant placée.

Les insubordinations, les refus d'autorité, les désolidarisations et les manifestations blessantes de votre part se sont multipliés.

A titre d'exemples,

- Les Codir et les Comités de déontologie des achats constituent des lieux d'échanges et de débats entre membres de la direction, mais vous préférez y adopter une attitude humiliante et méprisante et, en définitive, stérile, puisque si vous êtes prompte à critiquer, vous ne proposer pas de solution constructive de rechange, rendant vos interventions inutiles.

- La diffusion d'un questionnaire annuel individuel soumis à l'ensemble du personnel a été décidée par la direction à la suite du contrôle de la Chambre Régionale des Comptes ; vous n'y avez pas répondu et vous avez exprimé votre refus et votre désaccord devant un membre de la direction.

- Alors qu'une réunion de travail importante était programmée le 2 juillet 2019 avec l'un de nos avocats, vous avez fait le choix de ne pas y participer. Ce même jour, des rencontres des salariés avaient été programmées avec ce même avocat. Vous avez décidé de ne pas y participer non plus, alors que votre mission aurait dû vous l'imposer.

- D'autres directions, notamment la Direction communication et la Direction des opérations sont amenées à vous solliciter, mais vous refusez, parfois même de façon offensante, brutale et méprisante, de leur prêter l'assistance requise, en mettant, sans explication un terme final à la discussion et en abandonnant vos interlocuteurs ; ces comportements sont néfastes, au point que certains collaborateurs de l'entreprise ont choisi d'éviter au maximum les occasions de contacts avec vous/

- Alors qu'il vous a été demandé de vous placer clairement dans une hiérarchie, vous décidez délibérément et unilatéralement de passer autre, en diffusant des mails sous votre signature, y compris en dehors de l'entreprise, sans mettre en copie votre n+1, interdisant à cette dernière de connaître vos positions et l'avancée de votre travail.

- Pour répondre aux recommandations de la Chambre Régionale des Comptes, la Direction de TISSEO INGENIERIE s'était engagée à la mise en 'uvre de plusieurs démarches, de façon à résoudre les difficultés soulignées et à ne plus encourir ses critiques au titre de nos pratiques en termes d'attribution de marchés publics et de prévention des conflits d'intérêts ; s'agissant de sujets juridiques, il vous incombait de vous en emparer, de prendre des initiatives et de conseiller à l'entreprise les solutions ad hoc. Vous ne vous êtes pas impliquée dans ce travail pourtant crucial et ressortant directement de vos responsabilités. De cette négligence découle une situation non maîtrisée dans son ensemble et un risque demeure pour TISSEO INGENIERIE. Nous comprenons d'autant moins votre défaillance et votre désengagement sur ce sujet que, régulièrement, vous ne ménager pas vos jugements négatifs à l'égard de certains membres de votre environnement professionnel.

Le 2 octobre 2019, vous avez pris l'initiative de diffuser à l'ensemble des collaborateurs de TISSEO INGENIERIE un mail mettant ouvertement en cause le fonctionnement de l'entreprise. Vous avez qualifié celui ci d'imprécis à l'occasion de la préparation des Comités Syndicaux et vous n'avez pas reculé devant les qualificatifs les plus dévalorisants : manque de planification, mauvaise maîtrise des sujets, erreurs matérielles, invitant les intéressés à " se relire "

Votre initiative est, en elle même, constitutive d'une faute tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, rien ne justifiait d'adresser votre mail à tous les collaborateurs de l'entreprise, alors que nombre d'entre eux ne sont pas concernés.

Et il est inconcevable que vous n'ayez pas préalablement évoqué l'opportunité de cet envoi avec les autres membres de la direction, singulièrement avec la DGA.

En agissant de la sorte, vous déstabilisez inutilement la direction à de multiples égards.

Sur le fond, vous vous bornez à demander qu'il vous en soit désormais référé, mais sans donner de précision pratique, ni de conseil utile portant sur la détection des problèmes que vous soulevez, ni sur la façon de les résoudre. Pourtant, une réflexion préalable aurait permis de donner à votre " retour des derniers CS " une véritable portée, tout en soudant les équipes et la direction autour de solutions permettant d'éviter les difficultés alléguées.

La directrice générale adjointe, dans l'objectif de rétablir un fonctionnement apaisé, vous en a fait l'observation légitime ; elle vous a aussi fait part de son souhait de pouvoir collaborer normalement avec vous, et d'anticiper, afin d'éviter la répétition, à l'avenir, de tels messages sans la moindre concertation. Vous lui avez répondu en confirmant votre mise en cause de votre positionnement hiérarchique, en insistant sur le caractère " temporaire " de l'organisation et en discutant insolemment de l'opportunité de l'échange demandé par la DGA.

Finalement, le 16 octobre en début d'après midi, à l'occasion du rendez vous que la directrice générale adjointe vous avait demandé afin d'améliorer votre collaboration, vous avez adopté une attitude vindicative et totalement étrangère aux valeurs de l'entreprise, en mettant lourdement et gravement en cause votre n+1 : une nouvelle fois, vous avez effrontément refusé de collaborer avec elle, l'invitant à se " débrouiller " toute seule, puisqu'elle avait " accepté le poste de DGA ", en affirmant que ce serait une " perte de temps " pour vous de lui remonter les sujets et finalement en répétant qu'à vos yeux, la DGA ne connaissait rien aux sujets et qu'elle n'était pas capable.

Ces faits constituent une agression caractérisée et s'analysent en une insubordination qui met en cause l'exécution loyale et de bonne foi de la relation contractuelle.

Votre comportement est aggravé en raison de la réitération des faits et de votre entêtement à refuser de vous inscrire dans le pouvoir d'organisation qui caractérise le contrat de travail.

Pourtant, le 20 juillet 2019, je vous avais rappelé par mail que je voulais que la voie hiérarchique soit respectée ; en vain.

Votre comportement professionnel ne permet plus à l'équipe de direction de fonctionner.

En outre, plusieurs collaborateurs de l'entreprise subissent durement ces attitudes, au point que nous avons été saisis de problèmes de souffrance au travail auxquels nous devons répondre par une attitude très vigilante.

Je souligne également, en dépit de l'opinion très flatteuse que vous semblez avoir de votre travail, que celui-ci laisse à désirer sur le plan technique.

TISSEO INGENIERIE attend d'une directrice juridique une implication sans faille et la réalisation d'un travail qui puisse être utilisé en cohérence avec les options envisageables. Or,

nous avons constaté :

-non seulement que vous négligiez certaines de vos missions (l'exemple des préconisations de la Chambre Régionale des Comptes cité plus haut est très révélateur),

-mais aussi que vous vous satisfaisiez trop souvent d'une opinion péremptoire et unique,

- ou que vos réponses étaient très éloignées des demandes qui vous étaient légitimement faites ; les exemples en sont nombreux :

-Le 25 juillet 2019, la DAF vous demande comment améliorer l'approche de l'entreprise en matière de sécurité au travail, mais vous lui répondez en soulignant tous les éléments juridiques de nature à exclure la mise en cause de sa responsabilité, ce qui est directement l'inverse de ce qui vous a été demandé, votre réponse étant, dès lors, totalement inutile.

-Le 26 septembre 2019, interrogée par votre hiérarchie sur l'opportunité d'être entourée de conseils d'avocats en matière de gouvernance, de déontologie et de compliance, vous assénez une réponse docte et vous demandez à votre supérieure de se rapprocher de vos services, si elle le souhaite, justifiant, une nouvelle fois, votre mépris pour les obligations contractuelles qui sont les vôtres et un refus de collaboration loyale.

Pour conclure, je ne peux pas omettre votre implication très défaillante et constitutive de manquements professionnels en termes de présence au travail : lors de la semaine du 28 octobre notamment, plusieurs collaborateurs de l'entreprise ont, en vain, cherché à vous rencontrer, mais vous étiez absente sans explication.

Par ailleurs, nous avons appris que vous vous dispersiez pendant les heures de travail dans des occupations de nature personnelle dans des proportions incompatibles avec les responsabilités qu'il vous est demandé d'assumer (recherches internet, occupations personnelles ).

Nous aurions voulu recueillir vos explications lors de l'entretien auquel nous vous avions convoquée le 19 novembre dernier, mais vous ne vous y êtes pas présentée, sans nous fournir la moindre explication, ni la moindre justification.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour insubordination, refus d'autorité, contestations injustifiées des décisions de la direction, défaillances professionnelles, critiques et attitudes provocatrices et agressives génératrices de souffrance chez plusieurs de nos collaborateurs.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, j'ai longuement pensé à retenir un licenciement pour faute grave, mais eu égard à votre ancienneté, j'ai finalement renoncé à vous priver des indemnités prévues par la loi et par l'accord d'entreprise.

Vous cesserez donc de faire partie des effectifs de l'entreprise à l'issue de la période de préavis de trois mois qui vous est applicable ; cette période débutera à la date de première présentation de cette lettre.

Nous vous dispensons de toute activité pendant cette période qui sera normalement rémunérée aux échéances de la paie.

La période de mise à pied conservatoire sera, compte tenu, de ce qui vient d'être indiqué, rémunérée. A l'issue du préavis, nous vous ferons parvenir les documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation Pôle Emploi), ainsi que les sommes vous restant dues à titre de solde de tout compte.

A la même date, vous devrez restituer le véhicule de fonction (avec ses clés, l'ensemble des documents administratifs), la carte de carburant, le badge d'accès aux locaux, la tablette, le téléphone portable, ainsi que les éléments périphériques (chargeurs, notamment) que vous resteriez détenir. "

L'employeur reproche à Mme [K] divers griefs relevant de l'insubordination, d'une attitude de mise en cause des décisions de la direction et de dénigrement des collègues participant d'un refus constant et déloyal de s'inscrire dans le fonctionnement des équipes et de l'entreprise.

Mme [K] conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Elle conteste les griefs reprochés, comme étant prescrits ou non établis et remet en cause les attestations versées par l'employeur qu'elle demande d'écarter, comme étant tardives, partiales et sans force probante.

Elle rappelle qu'elle n'a fait l'objet d'aucun reproche pendant 12 ans de relations contractuelles et a bénéficié de promotions jusqu'à être membre du CODIR.

Sur la prescription des griefs

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Un fait antérieur à 2 mois peut être pris en compte si le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

En l'espèce, l'employeur reproche à Mme [K] divers griefs relevant de l'insubordination, d'une attitude de mise en cause régulière des décisions de la direction et de dénigrement des collègues participant d'un refus qui s'inscrit dans la durée de participer au bon fonctionnement des équipes et de l'entreprise.

Ainsi peuvent être pris en compte des faits antérieurs à 2 mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Avant examen au fond, l'appelante sollicite le rejet des pièces n°29, 42, 43, 44, 45, 54, 55 et 67 produites par la SMAT, ce à quoi celle-ci s'oppose.

Mme [K] fait valoir que les attestations communiquées doivent être écartées des débats du fait qu'elles ont été établies par l'employeur ou des salariés en lien de subordination et rédigées en janvier et février 2021 soit postérieurement au licenciement.

Or la preuve est libre en matière prud'homale et les attestations conformes au regard de l'article 202 du code de procédure civile ne peuvent être écartées du seul fait qu'elles sont rédigées par des personnels en lien de subordination avec l'entreprise, peu important qu'elles l'ont été postérieurement au licenciement dès lors que le litige est toujours en cours. La valeur probante de leur contenu sera appréciée par la cour. Il n'y a pas lieu à écarter ces pièces.

Sur le contexte et la modification de l'organisation de la direction générale

La SMAT est constituée de 4 directions indépendantes.

Mme [K], directeur de service et bénéficiant de la délégation de certains pouvoirs, était placée sous l'autorité du Directeur général de la société, M. [E] lequel était assisté d'une adjointe Mme [P], également directrice de la direction des ressources humaines et des performances.

A la suite de la démission de M. [E] en juillet 2019, une organisation temporaire a été mise en place à l'initiative de M. [U], Président directeur général de la société:

Mme [H] (DRH) et M. [R] (directeur des opérations) ont été nommés directeurs généraux adjoints pour assurer en partenariat la direction technique de la société et la gestion des services.

Contrairement à ce que prétend Mme [K], elle était placée sous l'autorité de Mme [P], tel qu'il ressort des pièces 12 à 16:

.à compter du 11 juillet au 31 juillet 2019 par délégations de pouvoir et de signatures de M. [E] pour assurer la direction technique de la société et la gestion des services,

.à compter du 16 août 2019 par délégation de pouvoir et signatures du PDG de la société pour assurer la direction technique de la société et la gestion des services, en partenariat avec M. [R] et par avenants signés ultérieurement.

Sur les griefs

-Sur le droit d'alerte

La société reproche à Mme [K] de remettre en cause la décision de la direction générale de mise en place d'une nouvelle organisation de l'entreprise et la compétence des deux directeurs adjoints désignés, ce dans le cadre d'échanges de mails avec M. [U], PDG, des 03 et 04 juillet 2019, dont un extrait est retranscrit en ces termes:

'(..) En 2015, à mon retour de congé maternité le choix avait été fait d'envoyer auprès de Tisseo Collectivités les missions confiées à Tisséo-Ingénierie deux directeurs dont aucun n'avait les compétences juridiques spécifiques pour réaliser un projet de l'envergure de TAE, ni la sensibilité à ces matières. La suite nous a montré la nécessité de disposer de ces compétences non assujetties et indépendantes même quand il s'est agi d'affaires internes.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il me semble de mon devoir de vous alerter. (..) Sans volonté partisane de ma part et pour le bon fonctionnement de TI, je me permets donc de vous suggérer de conserver la direction juridique indépendante dans votre présentation de vendredi, ceci n'empêchant en aucun cas que vos demandes et les réponses que je pourrai y apporter transitent par un directeur de votre choix. Ceci permettrait de montrer aux équipes que vous avez pris toutes mesures des événements passés y compris des intervenants. L'indépendance que vous saurez conserver en la matière éviterait tout dérapage critique ou « laisser faire ».'

L'appelante réplique qu'elle a seulement exprimé un devoir d'alerte et de conseil, dans les limites de la liberté d'expression.

La cour considère que du fait de son statut de directrice de service, membre du comité de direction, Mme [K] pouvait émettre un avis différent sur l'organisation de l'entreprise qui avait un impact sur l'exercice de ses fonctions. S'il transparait des termes employés qu'elle souhaitait le maintien d'une direction juridique indépendante, ils ne sont pas injurieux et sont demeurés dans le cadre du seul échange avec le PDG. L'appelante ne refuse pas expressément de se conformer à la nouvelle organisation.

Par ailleurs, M.[U] répondait, sans relever un caractère inapproprié, avoir lu avec attention son message et que l'organisation ne créait aucun assujettissement et était basée sur la responsabilité de tous.

Aussi, Mme [K] n'ayant pas outrepassé son droit d'expression, le grief sera écarté.

La société indique également que préalablement à l'annonce publique aux collaborateurs le 05 juillet, le PDG, tel qu'il le relate, a reçu la salariée en entretien avec Mme [H] et qu'elle a 'proclamé son hostilité' à celle-ci.

Mme [H] atteste que Mme [K] déclarait qu'elle n'avait pas les compétences nécessaires.

A cette date, Mme [H] n'avait pas encore reçu délégation et il n'est pas produit de courrier de rappel à l'ordre pouvant corroborer les dires de la direction. Ce grief ne sera pas retenu.

-Sur l'attitude fautive de remise en cause des décisions de la direction et de dénigrement avant la réorganisation de la société

La société allègue de circonstances, au cours desquelles Mme [K] aurait remis en cause les décisions de la direction et fait preuve d'un comportement de dénigrement envers ses collègues, ce qui constitue un refus de s'inscrire dans une collectivité de travail organisée. Ainsi:

.en adoptant lors des CODIR une attitude méprisante par des critiques stériles,

.en refusant depuis juillet 2019 de mettre en oeuvre une démarche d'intelligence collective décidée par la direction ,

.en refusant de répondre en mai-juin 2019 à un questionnaire annuel individuel soumis à l'ensemble du personnel décidé par la direction et en ne participant pas à des réunions de travail importantes le 02 juillet 2019 avec un avocat à la suite d'un contrôle de la Chambre régionale des comptes,

.en refusant de collaborer avec la Direction communication et la Direction des opérations,

Mme [K] réfute toute opposition fautive et les attestations produites.

Pour corroborer les griefs, la société verse les attestations de:

.Mme [Z], Directrice communication, reprochant à l'appelante d'avoir au cours de CODIR contré ses initiatives sur un ton de dénigrement dont elle a fait preuve également à l'égard d'un autre collègue M. [T], directeur (pièce n° 43),

.M. [B], nouveau directeur environnement arrivé en janvier 2018, faisant part d'une première réunion au cours de laquelle Mme [K] a remis en cause l'intégrité de M. [T],

.M. [R], directeur adjoint, lequel confirme une attitude de dénigrement de la part de Mme [K] envers les membres des CODIR, notamment M. [T] et Mme [Z], ainsi le 16-09-2019 lors d'une discussion entre cette dernière et l'appelante pour trouver une solution.

Il énonce: « J'ai pu également depuis le premier trimestre 2019 constater la non-implication de [Y] [W] dans les démarches d'amélioration du processus achats engagé par la direction notamment suite à l'audit de la CRC en n'y contribuant pas activement ou en indiquant explicitement qu'elles n'étaient pas pertinentes à ses yeux. C'était le cas par exemple du processus de formalisation des validations des documents produits dans le cadre des achats. Elle a clairement indiqué son rejet de ce caractère prioritaire lors d'une réunion interne le 15 mars 2019 en présence de collaborateurs qui ont pu m'exprimer leur incompréhension face à cette posture. (..). Elle n'a pas assisté à une réunion du CODIR le 02-07-2019 en présence de notre avocat ayant pour objectif de faire un point sur les enjeux pour l'entreprise des conclusions de cet audit; elle a prétexté une réunion interne de service préférant demander à son adjointe de la remplacer. (..)».(pièce 44).

Il s'évince de la lecture des attestations ne pouvant émaner que des collaborateurs en contact direct de Mme [K], une concordance dans la description d'un comportement non complaisant de l'appelante lors des réunions notamment du CODIR envers les directeurs et collègues.

Néanmoins, Mme [K] produit des témoignages d'anciens collaborateurs et tiers louant ses qualités humaines et la cour ne peut que constater l'absence de réaction de l'employeur qui a donc laissé perdurer ces difficultés relationnelles sans justifier d'une intervention auprès de la directrice juridique, au-delà de solliciter lors des entretiens d'évaluation des 19 février 2019 et 08 août 2019, 'une progression dans les relations inter-direction ' 'pour une vision partagée et un mode plus collaboratif' .

L'appelante ne justifie d'aucun élément objectif permettant de remettre en cause son retrait dans la démarche dite 'd'intelligence collective' précisément décrite suite à l'audit de la chambre régionale des comptes ou son absence de réponse au questionnaire (pièce 41) sur la prise de connaissance de la charte de déontologie et les questions afférentes à l'indépendance personnelle (situation de conflit d'intérêt) et professionnelle et le secret professionnel, qui sont en lien avec ses fonctions et son statut de directrice.

Contrairement à ce que l'appelante indique sur son absence à la réunion du 02 juillet comme étant comprise par son supérieur hiérarchique, M. [E] lui a rappelé le 09 août 2019 que 'tous les directeurs doivent s'inscrire dans la trajectoire qui fonde notre réponse à la CRC [cour régionale des comptes] ' et que 'la posture doit être exemplaire'. Il ajoutait: 'j'ai pu regretter que tu ne participes pas à la réunion de travail du Codir animée par Me [S] le 02 juillet dernier. Alors que nous devions travailler des sujets juridiques importants pour la société. De la même façon j'aurais apprécié que tu sois présente lors des groupes de travail avec nos collaborateurs et Me [S]. Je compte sur toi pour mettre en avant cette intention du collectif et de la solidarité sans réserve au sein du Codir'.

Ces éléments soulignent une distanciation dans l'attitude de Mme [K] à une participation à une organisation collective et participative du travail voulue par la société.

-Sur l'insubordination après l'annonce de la réorganisation du 05 juillet 2019

La société affirme que Mme [K] a fait preuve d'un refus persistant des décisions de la direction et de son rattachement à Mme [H] ayant autorité sur la direction juridique à la suite des délégations de pouvoir et qu'elle dénigre, alors que les cadres ont une obligation de loyauté et de réserve renforcées. Elle fait état des situations suivantes:

-le 17 juillet 2019, Mme [W] a transmis directement une lettre « d'importance » de la préfecture en indiquant préparer une « réponse à vous soumettre », à M. [U], PDG, lequel lui a demandé de respecter la voie hiérarchique par retour de courriel du 20 juillet, avec en copies les directeurs concernés dont M. [E], toujours en poste,

-le 13 septembre 2019, un point a été fait sur le fonctionnement de la direction juridique avec Mme [H], laquelle atteste que Mme [K] a répondu à l'ensemble des questions que tout allait bien, alors que des difficultés existaient.

Néanmoins la cour constate l'absence de justification des dysfonctionnements que l'appelante n'aurait pas communiqués.

-la société invoque 'la faiblesse technique' d'une réponse faite le 26 septembre 2019 par Mme [K] à une demande de Mme [H] d'un accompagnement par un avocat au niveau de la gouvernance et de la déontologie, mais cette réponse ne peut s'apprécier qu'au niveau des compétences juridiques de l'appelante et non de son insubordination.

-le 02-10-2019, l'appelante a adressé à tous les collaborateurs et sans copie à Mme [H], un mail critiquant 'la préparation des derniers comités syndicaux' ( instance de prise de décisions de Tisséo-Collectivités composée d'élus et autorisant notamment la signature de marchés, objets de délibérations), en écrivant qu'elle n'a pas été optimale et que le risque était que Tisséo-Collectivités ne soumette pas certains points aux élus (pièce n° 28). Elle ajoutait que 'l'ordre du jour des CS n'est pas un pense-bête ».

La société argue qu'en procédant ainsi, sans autorisation et sur un périmètre allant au-delà de ses compétences, l'intéressée a commis un abus de pouvoir.L'appelante réplique qu'elle a toujours agi ainsi et que Mme [H] l'a félicité pour son 'engouement'.

La cour constate que si Mme [H] débute son courriel du 08-10-2019 avec cette formulation à double interprétation, elle rappelle la ligne hiérarchique à respecter en précisant s'agissant d'un problème de gouvernance/pilotage: 'je suis un peu gênée qu'un message sorte ainsi des équipes que je manage sans que nous en ayons au préalable discuté de la forme ou du contenu qui impacte bien au-delà de la direction juridique . Il est vraiment indispensable pour moi (..) que nous puissions échanger avant l'envoi de messages à l'ensemble de la société (..) J'espère honnêtement que nous arriverons à collaborer ensemble'.

Ainsi par cette diffusion générale, sans discussion et prise de connaissance par la directrice adjointe, Mme [K] a de fait outrepassé ses compétences et mis en difficulté le positionnement de Mme [H] à l'égard de ses équipes et des tiers.

-Celle-ci proposait ensuite pour une stratégie concertée un entretien fixé au 16-10-2019. Mme [H] atteste que Mme [K] a remis en cause ses compétences particulièrement sur la conduite des projets et a dit ne pas vouloir collaborer. L'appelante s'inscrit en faux et affirme avoir fait part de sa volonté de travail en commun, sans opposition.

La société verse le témoignage ( pièce 29) de Mme [M], RRH, déclarant que le 16 octobre 2019, elle a échangé avec Mme [H] suite à son entretien avec Mme [K] et avoir constaté qu'elle était bouleversée et très affectée par les propos tenus lors de ce rendez-vous. Elle ajoute lui avoir proposé de retracer immédiatement par écrit et le plus exhaustivement possible l'intégralité des échanges, ce qui a été fait le lendemain.

Si la 'retranscription' versée en pièce 30 est précise sur les thèmes dits abordés et les propos dits tenus, dès lors qu'elle est remise en cause par la salariée, en l'absence de témoin direct des échanges, elle ne présente pas un caractère probant suffisant. Ce grief ne peut être retenu.

-La diffusion à nouveau de mails, y compris en dehors de l'entreprise, sans mettre en copie sa hiérarchie directe:

le 16 octobre 2019, la direction juridique a adressé au service Tisséo-Collectivités un mail portant sur des analyses juridiques relatives à des sujets majeurs (pièce n° 56), sans diffusion auprès de Mme [H], alors que les réponses pouvaient avoir pour conséquence la remise en cause de projets avec les services de l'Etat.

Cette diffusion est attestée par M. [R] qui en avait reçu copie: ' dans le courant des mois de septembre et octobre dernier, [Y] [K] a plusieurs fois transmis par messagerie électronique des informations ayant un enjeu important pour la société en ne mettant pas en copie sa responsable hiérarchique . Elle a pris des initiatives dans le cadre du projet M3 (3ème ligne du métro) auprès de la direction générale de Tisséo-Collectivités sans en avertir au préalable sa hiérarchie' (pièce n° 44).

Mme [H] confirme que Madame [W] adressait à M. [R] des mails dont elle n'était pas en copie, malgré sa qualité de N+1.

Ainsi malgré le rappel fait par le PDG en août 2019 et la tentative de collaboration de Mme [H], l'appelante s'inscrit dans le refus d'une reconnaissance de celle-ci en tant que son supérieur hiérarchique direct et de ce fait dans celui du respect de la nouvelle organisation mise en place par la société.Au vu du statut à responsabilités de Mme [K] et des développements précédents qui

démontrent un comportement délibéré réfractaire à une nécessaire collaboration et au respect de l'organisation notamment hiérarchique de la société, ayant une incidence sur son bon fonctionnement, la cour considère que si tous les griefs énoncés à la lettre ne sont pas établis, certains sont caractérisés et le comportement fautif réitéré de l'intéressée justifie son licenciement pour cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement déféré. Mme [K] sera déboutée de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse de même à un licenciement vexatoire, la mise à pied à titre conservatoire étant justifiée par la nature des griefs reprochés par l'employeur.

II/ Sur les heures supplémentaires

L'article L 3171-4 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Sur la prescription des demandes de rappel de salaires et de congés payés

Aux termes de l'article L3245-1 du Code du travail, "l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat'.

Mme [K] réclame un rappel d'heures supplémentaires sur 3 ans à compter du 19-11-2016 jusqu'au 19-11-2019, date du licenciement.

La société soulève la prescription de la demande pour la période antérieure à mai 2017, l'action ayant été intentée le 26 mai 2020.

Mme [K] a agi dans le délai de l'action de 3 ans à compter de la rupture, date à laquelle les salaires auraient dû être versés au plus tard et peut réclamer les salaires dus pour une période de 3 ans précédant cette rupture soit jusqu'au 19-11-2016.

Dès lors la demande est recevable.

Sur le fond

Sur les heures supplémentaires

L'appelante expose que si elle était cadre soumis à un horaire hebdomadaire de 35 heures ( 8H30-12H30/ 14H-18H), elle a accompli de nombreuses d'heures supplémentaires dont l'employeur est redevable comme d'un rappel de congés payés annuels.

Les parties s'accordent sur le fait que la durée hebdomadaire du travail de Mme [K] selon accord d'entreprise du 06 mai 1999 sur l'aménagement et la durée du travail est basée sur 40 heures et que de ce fait les heures supplémentaires n'interviennent qu'au-delà de cette durée.

Mme [K] soutient qu'elle exerçait ses fonctions régulièrement au-delà de 40 heures par semaine jusqu'à 50 heures certaines semaines, travaillant jusqu'à 20H30 et même des jours fériés avec l'envoi de documents sur sa boîte personnelle, participant à des réunions en fin de journée.

Elle prétend au paiement de 21712,87 euros d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents, pour les heures accomplies à compter de la 41ème heure.

Elle verse :

des mails: un du mardi 29-10-2019 adressé à 20h33 et un du samedi 04-05-2019 à 22h33,

un mail du 31-10-2019 à 13h29,

un calendrier portant le nombre d'heures hebdomadaires de janvier 2017 à octobre 2018,

un décompte par semaine du nombre d'heures supplémentaires avec majorations pour la période du 02-01-2017 au 20-10-2019( pièce 19).

L'ensemble des éléments présentés par la salariée est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

La société conclut au débouté. Elle rappelle que Mme [W] en tant que cadre disposait d'une grande autonomie dans l'organisation de son travail et n'a pas au cours de la relation contractuelle réclamé paiement d'heures supplémentaires accomplies au-delà de la 40ème heure.

Elle conteste le caractère probant des pièces et réplique que le calendrier et le décompte de la salariée ne mentionnent pas les heures de début et de fin d'activité ni les temps de pause, ni les arrêts maladie, jours de congés et RTT, ni les activités non professionnelles pendant les horaires de travail.

L'intimée communique à cet effet les plannings prévisionnels de 2017 à 2019 comportant les arrêts maladie et congés et précise que pour la période de septembre à décembre 2017, l'appelante a regroupé les heures de réduction de la durée de travail les vendredis après-midi.

La société liste les incohérences relevées sur le nombre d'heures dites accomplies certaines semaines en 2017-2018 et 2019 alors que la salariée était absente.

Elle produit également les "agendas personnels démasqués" (pièce 68) de 2017 à 2019 comportant des rendez-vous professionnels positionnés tôt le matin ou tard le soir mais aussi des rendez-vous privés liés à des activités personnelles et un décompte récapitulatif journalier des heures de travail établi à partir des dits agendas (pièce 64).

Enfin elle fait valoir que Mme [K] effectuait de nombreuses connexions internet sur des thèmes personnels pendant le temps de travail (pièces 52 et 70).

Aussi la société conclut que Mme [K] a pu seulement le mois de novembre 2018, travailler 160 heures et que le surplus a été récupéré en décembre 2018.

Sur ce:

S'il appartient à l'employeur de vérifier l'effectivité des heures accomplies par un salarié, les pièces versées par la société présentent une pertinence certaine quant à l'appréhension de la durée de travail de l'appelante au-delà de 40 heures.

Mme [K] explique que les agendas outlook étant partagés au sein de la société auxquels accèdent tous les collaborateurs, des rendez-vous professionnels peuvent être 'masqués' au regard de certaines fonctions et que les 'rendez-vous privés'étaient pour la majorité des 'pense-bêtes' quant à une gestion familiale.

Si ces agendas n'établissent pas la réalité d'absences régulières de Mme [K] pour des raisons privées pendant les horaires de travail, ils permettent de vérifier que peu de réunions professionnelles à part des Codir sont programmées à 18 heures ( heure de fin de journée), ce qui en ce cas impliquerait un dépassement horaire. De même il ne ressort pas des agendas que la salariée a travaillé régulièrement pendant les heures de pause, pas plus des quelques mails communiqués qu'elle a accompli régulièrement des horaires de travail tardifs depuis son domicile. De même les autres pièces communiquées par l'employeur (plannings mentionnant les congés et RTT - les consultations sur des thèmes personnels sur internet à plusieurs reprises pendant les heures de travail - les incohérences relevées) contredisent les allégations de la salariée.

Aussi au vu des pièces et explications des parties, la cour estime que Mme [K] n'a pas accompli d'heures supplémentaires non rémunérées ou non compensées au-delà de 40 heures.

Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre par confirmation du jugement déféré de même qu'au titre du travail dissimulé.

Sur les congés payés

Selon l'accord d'entreprise, la durée du travail basée sur 40 heures par semaine ouvre compensation à 5 jours de congés supplémentaires par an et le salarié bénéficie de 23 jours de RTT par an (soit 2 jours par mois).

L'appelante indique que la convention Syntec octroie 30 jours de congés par an et des jours supplémentaires suivant l'ancienneté ( 1 jour après 5 ans d'ancienneté et 2 jours près 10 ans d'ancienneté).

Elle soutient qu'elle aurait dû bénéficier de 36 jours de congés payés par an jusqu'en 2017 puis 37 jours à compter de 2018 outre 23 jours de RTT par an, au lieu de 34 jours de congés payés depuis 2017, tel qu'il résulte des bulletins de salaire et plannings.

Elle réclame donc paiement de 8 jours de congés payés par an sur les 3 dernières années pour 2440,68 euros.

La société conclut au débouté et énonce que selon l'accord d'entreprise (article 26 B), plus favorable que la convention Syntec, les salariés ont droit à un congé annuel de 34 jours ouvrés plus les 23 jours de RTT, soit 57 jours de congés annuels rémunérés (outre 3 possibles jours de fractionnement).

La cour considère qu'en tout état de cause la société ne démontre pas que la salariée a été remplie de ses droits au regard de son ancienneté depuis 2018, puisqu'elle avait plus de 10 ans d'ancienneté.

Aussi il sera fait droit à la demande de rappel de congés payés à hauteur de 2440,68 euros par infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes annexes

La SA SMAT Société de la mobilité de l'agglomération toulousaine, partie partiellement perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a implicitement retenu que la demande de Mme [K] au titre d'heures supplémentaires pour la période antérieure à mai 2017 est prescrite et l'a déboutée de sa demande de rappel de congés payés,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à écarter les pièces n°29, 42, 43, 44, 45, 54, 55 et 67 produites par la SA SMAT,

Déclare recevable comme non prescrite la demande de Mme [K] épouse [J] au titre d'heures supplémentaires pour la période antérieure à mai 2017,

Au fond, déboute Mme [Y] [K] épouse [J] de sa demande,

Condamne la SA SMAT Société de la mobilité de l'agglomération toulousaine à payer à Mme [Y] [K] épouse [J] la somme de:

- 2440,68 euros au titre de rappel de congés payés,

Condamne la SA SMAT Société de la mobilité de l'agglomération toulousaine aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière.

La greffière La présidente

A. RAVEANE C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/01310
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;22.01310 ?
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