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13/06/2024 | FRANCE | N°23/02665

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 13 juin 2024, 23/02665


13/06/2024



ARRÊT N°24/405



N° RG 23/02665 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PTEH

CJ - CD



Décision déférée du 29 Juin 2023 - Juge de la mise en état de TOULOUSE - 21/03425

Mme TRUFLEY

















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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



Madame [L] [J]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocat au barreau de TO...

13/06/2024

ARRÊT N°24/405

N° RG 23/02665 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PTEH

CJ - CD

Décision déférée du 29 Juin 2023 - Juge de la mise en état de TOULOUSE - 21/03425

Mme TRUFLEY

[L] [J]

C/

[Y] [K]

[N] [K]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

Madame [L] [J]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Laura SOULIER de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Frederic SIMONIN de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [N] [K]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. DUCHAC, présidente

V. CHARLES-MEUNIER, conseiller

V. MICK, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [J] et [T] [F] se sont mariés le [Date naissance 1] 1970 sous le régime de la séparation des biens.

Sur requête de Mme [J], une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 1er mars 2001 par le tribunal de grande instance de Toulouse, avant qu'elle n'assigne son époux en divorce le 16 juillet 2002.

Le 2 août 2002, une maison dont le couple était propriétaire en indivision à [Localité 7] (64) a brûlé, des suites d'un incendie criminel et certains des biens meubles qui se trouvaient dans l'habitation, ont ensuite été vendus par M. [F] aux enchères, les 13 novembre 2002, 13 avril 2003 et 19 mai 2003. Les ventes des 13 novembre 2002 et 19 mai 2003 ayant rapporté une somme de 353 106,67 euros.

[T] [F] s'était, durant le premier semestre 2002, installé chez sa nouvelle compagne, [D] [M] , mère d'[Y] [K] et [N] [K].

Le divorce des époux [T] [F] / Mme [L] [J] a été prononcé le 23 juin 2005 et par arrêt du 19 septembre 2006, la cour d'appel de Toulouse a réduit le montant des dommages et intérêts et fixé la prestation compensatoire allouée à Mme [L] [J] à une somme de 1.100.000 euros.

Le 29 avril 2008, un procès-verbal d'ouverture des opérations de liquidation de régime matrimonial a été dressé, suivi d'un procès verbal de difficultés le 6 juillet 2010.

[D] [M] est décédée le [Date décès 4] 2016.

Par acte du 10 juillet 2017, Mme [L] [J] a fait assigner [T] [F] devant le juge aux affaires familiales aux fins de liquidation du régime matrimonial et de partage des biens indivis.

Par jugement réputé contradictoire du 22 décembre 2017, le juge aux affaires familiales a dit que [T] [F] était débiteur de 400 000 euros envers l'indivision au titre des ventes aux enchères des 13 novembre 2002, 13 avril et 19 mai 2003, avec intérêts de retard à compter du 13 avril 2003, chiffré la part de l'actif net revenant à Mme [J] au titre de ces meubles à 200 000 euros, outre intérêts de retard et sursis à statuer sur les autres demandes et les dépens.

[T] [F] est décédé en [Date décès 8] 2019.

Par acte du 13 juillet 2021, Mme [L] [J] a fait assigner M. [Y] [K], M. [N] [K] et Me [S], commissaire-priseur, devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Le juge de la mise en état a été saisi de fins de non recevoir tenant à la qualité à agir contre Maître [Z] [S] et à la prescription concernant M. [Y] [K] et M. [N] [K].

Par ordonnance contradictoire en date du 29 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté [N] [K] de ses demandes visant à vouloir déclarer nulle l'assignation qui lui a été délivrée le 13 juillet 2021,

- déclaré Mme [L] [J] irrecevable à agir à l'encontre de Me [S] en son nom personnel,

- déclaré que les actions exercées par Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] sont irrecevables comme prescrites,

- déclaré que l'action paulienne exercée par Mme [L] [J] à l'encontre d'[Y] [K] est irrecevable comme prescrite,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité ou d'intérêt à agir soulevée par [Y] [K] s'agissant des autres actions exercées par Mme [L] [J] à son encontre,

- condamné Mme [L] [J] au paiement des dépens engagés pour attraire M. [S] et M. [N] [K],

- condamné Mme [L] [J] à verser une indemnité de 3000 euros à M. [S] et de 3000 euros à M. [N] [K] au titre de leurs frais irrépétibles.

Par déclaration électronique en date du 21 juillet 2023, Mme [L] [J] a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré que les actions exercées par Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] sont irrecevables comme prescrites,

- déclaré que l'action paulienne exercée par Mme [L] [J] à l'encontre d'[Y] [K] est irrecevable comme prescrite,

- condamné Mme [L] [J] au paiement des dépens engagés pour attraire M. [S] et M. [N] [K],

- condamné Mme [L] [J] à verser une indemnité de 3000 euros à M. [S] et de 3000 euros à M. [N] [K] au titre de leurs frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 23 novembre 2023, Mme [L] [J] demande à la cour :

- de réformer la décision rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de TOULOUSE le 29 juin 2023 sous le numéro RG 21/03425 en ce qu'elle a :

* déclaré que les actions exercées par Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] sont irrecevables comme prescrites,

* déclaré que l'action paulienne exercée par Mme [L] [J] à l'encontre d'[Y] [K] est irrecevable comme prescrite,

* condamné Mme [L] [J] au paiement des dépens engagés pour attraire M. [S] et M. [N] [K],

* condamné Mme [L] [J] à verser une indemnité de 3000 euros à M. [S] et de 3000 euros à M. [N] [K] au titre de leurs frais irrépétibles.

La confirmer pour le surplus,

- de débouter M. [Y] [K] de son appel incident et de ses demandes formées à ce titre,

Et statuant à nouveau,

- de rejeter les fins de non-recevoir invoquées par M. [Y] [K],

- de rejeter les fins de non-recevoir invoquées par M. [N] [K],

- de débouter M. [N] [K] et M. [Y] [K] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- de condamner [Y] et [N] [K] à payer à Mme [L] [J] la somme de 6.000 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'incident.

Suivant ses dernières conclusions d'intimé en date du 4 janvier 2024, M. [Y] [K] demande à la cour :

En ce qui concerne l'action en revendication engagée par Mme [L] [J],

A titre principal,

- de se déclarer non saisie d'un appel tendant à l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle aurait déclarée irrecevable l'action en revendication de Mme [L] [J],

A titre subsidiaire,

- de déclarer irrecevable l'action en revendication exercée par Mme [L] [J] contre M. [Y] [K] comme prescrite,

En ce qui concerne l'action paulienne engagée par Mme [L] [J],

A titre principal,

- de confirmer l'ordonnance rendue le 29 juin 2023 par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'elle a déclaré l'action paulienne exercée par Mme [L] [J] contre M. [Y] [K] irrecevable comme prescrite,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour jugerait l'action paulienne de Mme [L] [J] recevable car non prescrite,

- de déclarer Mme [L] [J] dépourvue de qualité à agir à l'encontre de M. [Y] [K],

- de déclarer Mme [L] [J] dépourvue de qualité à agir

- de déclarer Mme [L] [J] dépourvue d'intérêt à agir à l'encontre de M. [Y] [K],

- de déclarer le Tribunal judiciaire, saisi de la demande de Mme [L] [J], dépourvu de pouvoir juridictionnel pour connaître des demandes de cette dernière,

Par conséquent,

- de déclarer irrecevable l'action paulienne de Mme [L] [J] contre M. [Y] [K],

En ce qui concerne l'action oblique engagée par Mme [L] [J],

A titre principal,

- de déclarer irrecevable l'action oblique exercée par Mme [L] [J] contre M. [Y] [K] comme prescrite,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour jugerait l'action oblique de Mme [L] [J] contre M. [Y] [K] recevable car non prescrite,

- déclarer Mme [L] [J] dépourvue de qualité à agir à l'encontre de M. [Y] [K],

- déclarer Mme [L] [J] dépourvue d'intérêt à agir à l'encontre de M. [Y] [K],

Par conséquent,

- de déclarer irrecevable l'action oblique de Mme [L] [J] contre M. [Y] [K],

En tout état de cause,

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 29 juin 2023 par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'elle a débouté M. [Y] [K] de sa demande d'article 700 du Code de procédure civile,

Statuer à nouveau,

- de condamner Mme [L] [J] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'incident de première instance,

- de condamner Mme [L] [J] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions d'intimé en date du 26 octobre 2023, M. [N] [K] demande à la cour :

A titre principal,

- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 29 juin 2023 en ce qu'elle a jugé :

* déclaré les actions exercées par Mme [L] [J] à l'encontre de M. [N] [K] irrecevables comme prescrites,

* condamné Mme [L] [J] au paiement des dépens engagés pour attraire M. [N] [K],

* condamné Mme [L] [J] au paiement de la somme de 3000 euros à M. [N] [K] au titre des frais irrépétibles.

- de rejeter la demande de Mme [L] [J] tendant à la réformation de l'ordonnance quant à la recevabilité de l'action directe en revendication,

A titre subsidiaire,

S'agissant de l'action paulienne,

- de déclarer l'action paulienne de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable pour défaut de qualité à agir de Mme [L] [J],

- de déclarer l'action paulienne de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable pour défaut da qualité à agir de M. [N] [K],

- de déclarer l'action paulienne de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,

S'agissant de l'action oblique,

- de déclarer l'action oblique de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable pour défaut de qualité à agir de Mme [L] [J],

- de déclarer l'action oblique de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable pour défaut de qualité à agir de M. [N] [K],

- de déclarer l'action oblique de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir de Mme [L] [J],

S'agissant de l'action en revendication,

- de déclarer l'action en revendication de Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] irrecevable car prescrite,

A titre infiniment subsidiaire,

- de limiter la recevabilité de l'action oblique de Mme [L] [J] intentée à l'encontre de [N] [K] concernant les bien immatriculés M32 et M33,

En tout état de cause,

- de débouter Mme [L] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner Mme [L] [J] au paiement de la somme de 3.000 euros à [N] [K] au titre des frais irrépétibles,

- de condamner Mme [L] [J] aux entiers dépens.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 6 février 2024 et l'audience de plaidoiries fixée le 6 février 2024 à 14 heures.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur l'existence d'une action en revendication

Mme [L] [J] avance avoir engagé contre M. [N] [K] et M. [Y] [K] une action en revendication des meubles dont elle est propriétaire indivise, tant directement qu'indirectement au titre de l'action oblique et qu'à ce titre l'action est imprescriptible. M. [N] [K] et M. [Y] [K] contestent que le tribunal ait été saisi d'une action en revendication.

L'assignation introductive d'instance en date du 13 juillet 2021 énonce dans son dispositif :

' Vu les dispositions de l'article 1341-2 du code civil

- déclarer inopposable à Mme [L] [J] la 'cession'des biens meubles, objets mobiliers, oeuvres d'art et meubles meublants ci-dessous désignés (suit la liste des biens)

- condamner Messieurs [Y] et [N] [K] à représenter les biens meubles, objets mobiliers, oeuvres d'art et meubles meublants ci-dessus désignés sous astreinte de 500 € par jour de retard courant un mois après la signification du jugement à intervenir,

- ordonner leur vente par un commissaire priseur local choisi par Mme [L] [J]

- dire et juger que Mme [L] [J] percevra le prix de vente des biens ainsi vendus à due concurrence de ses droits indivis pour les biens meubles indivis et à concurrence de sa créance en exécution du jugement du 22 décembre 2017,

Vu les dispositions de l'article 1341-1 du code civil

- condamner Messieurs [Y] et [N] [K] à représenter les biens meubles, objets mobiliers, oeuvres d'art et meubles meublants ci-dessous désignés sous astreinte de 500 € par jour de retard courant un mois après la signification du jugement à intervenir et ordonner leur vente par un commissaire priseur choisi par Mme [L] [J] (suit la liste des biens),

- dire et juger que Mme [L] [J] percevra le prix de vente des biens ainsi vendus à due concurrence de ses droits indivis pour les biens meubles indivis,

- condamner Messieurs [Y] et [N] [K] à représenter les biens meubles, objets mobiliers, oeuvres d'art et meubles meublants ci-dessous désignés sous astreinte de 500 € par jour de retard courant un mois après la signification du jugement à intervenir et ordonner leur vente par un commissaire priseur choisi par Mme [L] [J] : (suit la liste des biens)

- dire et juger que Mme [L] [J] percevra le prix de vente des biens ainsi vendus à due concurrence de ses droits indivis pour les biens meubles indivis

- déclarer Maître [S] responsable de la non restitution de la totalité des biens meubles et objets mobiliers déposés entre ses mains sur le fondement des articles 1927 et 1928 du code civil,

- le condamner au paiement de dommages et intérêts (...)

- condamner Messieurs [Y] et [N] [K] et Maître [S] à lui payer la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.'

Il résulte du dispositif de cette assignation, qui est en outre en cohérence avec les moyens exposés, que l'action de Mme [L] [J] contre Messieurs [Y] et [N] [K] se fonde exclusivement :

- sur l'action paulienne (article 1341-2 du code civil), visant à lui rendre inopposable un acte (une ou des ventes) de son débiteur ([T] [F] ) réalisé en fraude de ses droits,

- sur l'action oblique (article 1341-1 du code civil), par laquelle elle exerce les droits et actions de son débiteur ([T] [F]).

Aucune de ses actions ne porte directement sur la revendication du droit de propriété de Mme [L] [J].

Les demandes tendant à la 'représentation' des biens ne constituent dans ce contexte que la conséquence de la reconnaissance des actions pauliennes et obliques intentées par la demanderesse.

Dans le cadre de l'action oblique, Mme [L] [J] entend revendiquer non pas son droit de propriété mais celui de son débiteur, [T] [F]. Cette action qui n'est pas celle de Mme [L] [J] mais celle de son débiteur est enfermée dans les délais de l'action oblique.

Par conséquent, la cour constatera que le tribunal n'a pas été saisi par Mme [L] [J] d'une action en revendication de son droit de propriété sur les biens objet du litige. Par conséquent, la cour statuant en appel de l'ordonnance du juge de la mise en état, n'est pas saisie de l'appréciation de l'imprescriptibilité du droit de propriété.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de sa déclaration d'appel qui opère effet dévolutif, Mme [L] [J] fait porter l'objet de son recours sur les dispositions de l'arrêt qui ont :

- déclaré que les actions exercées par Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] sont irrecevables comme prescrites,

- déclaré que l'action paulienne exercée par Mme [L] [J] à l'encontre d'[Y] [K] est irrecevable comme prescrite,

- les dépens et les frais de procédure.

S'agissant des dépens et indemnité au titre de l'article 700 relatives à Maître [Z] [S] qui n'est pas intimé, la cour n'est pas saisie de ces demandes.

M. [Y] [K] quant à lui soulève la prescription de l'action oblique de Mme [L] [J] contre lui, demande qu'il n'avait pas formulée devant le juge de la mise en état, mais qui, s'agissant d'une fin de non recevoir peut être présentée en tout état de cause, y compris donc en cause d'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur les prescriptions.

La cour est donc saisie des prescriptions des actions paulienne et oblique formées contre M. [N] [K] et M. [Y] [K], outre les dépens et les frais.

Sur la prescription de l'action paulienne dirigée contre M. [N] [K] et M. [Y] [K]

Suivant les dispositions de l'article 2224 du code civil, 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

Par son action paulienne, Mme [L] [J] entend lui voir déclarer inopposable la cession (à titre gratuit ou onéreux) à [D] [M], compagne de [T] [F], de divers meubles de valeur qu'elle liste dans son assignation, en fraude de ses droits dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial.

Le point de départ de la prescription est le jour où Mme [L] [J] a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la fraude alléguée, c'est-à-dire le moment où elle s'est trouvée en situation de prendre conscience de la cession des biens à [D] [M].

La décision dont appel retient à juste titre que :

- le 13 septembre 2002, quelques semaines après l'incendie survenu le 2 août 2002 dans la maison appartenant aux ex-époux située à [Localité 7], un inventaire des biens meubles s'y trouvant a été dressé. Le premier juge a par ailleurs justement précisé que Mme [L] [J] ne démontre pas que [T] [F] aurait déclaré détruits des biens qu'il aurait en réalité conservés chez sa compagne. Mme [L] [J] était donc en mesure dès le 13 septembre 2002, de déterminer les biens qui ne se trouvant pas dans la maison et n'ayant pas été déclarés détruits, étaient nécessairement en possession de [T] [F] qui résidait déjà chez [D] [M] ;

- le 6 juillet 2010, le notaire chargé de la liquidation du régime matrimonial des ex-époux a dressé un procès-verbal de difficultés, faisant figurer en annexe une liste de meubles 'appréhendés' par [T] [F]. De plus à cette occasion, Mme [L] [J] a procédé à un recollement entre le mobilier qui se trouvait dans la maison de [Localité 7] et celui concerné par les ventes aux enchères de 2002 et 2003. Ces deux actes, associés à l'inventaire du 13 septembre 2002 devait lui permettre de connaître quels étaient les biens qui se trouvaient au domicile de [D] [M] et [T] [F] ;

- Ces événements sont intervenus dans le contexte d'un divorce très contentieux, à l'occasion duquel les juges ont retenu que [T] [F] minorait son patrimoine afin de limiter le montant des pensions alimentaires et de la prestation compensatoire.

Au regard de cet ensemble d'éléments, le premier juge a justement retenu que le 6 juillet 2010 au plus tard, lors du procès-verbal de difficultés, Mme [L] [J] devait avoir conscience de la potentialité de la fraude dont elle se plaint.

C'est vainement que Mme [L] [J] expose qu'elle n'a eu connaissance de la cession des biens litigieux qu'au décès de [T] [F], par des photographies dont on ignore la provenance, au dos desquelles figurent des mentions manuscrites de [T] [F] attribuant la propriété des objets à [D] [M].

Ainsi, le point de départ de la prescription doit être fixé au 6 juillet 2010. L'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans après cette date, le 13 juillet 2021.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action paulienne de Mme [L] [J] contre M. [N] [K] et M. [Y] [K].

Sur la prescription de l'action oblique dirigée contre M. [N] [K] et M. [Y] [K]

Vu les dispositions de l'article 2224 ci-dessus.

Par son action oblique, Mme [L] [J] entend exercer les droits de [T] [F] contre M. [N] [K] et M. [Y] [K], reprochant à ces derniers de détenir des biens meubles de valeur appartenant soit à [T] [F] personnellement soit à l'indivision entre les ex-époux.

Le point de départ de la prescription est le jour où Mme [L] [J] a eu ou devait avoir connaissance de ce que les biens recherchés, appartenant en propre à [T] [F] ou dépendant de l'indivision entre les ex-époux pouvaient avoir été appropriés par M. [N] [K] et M. [Y] [K], enfants de [D] [M] au domicile de qui ils se trouvaient.

C'est par une juste appréciation des faits de la cause que le juge de la mise en état a retenu que Mme [L] [J] avait nécessairement cette connaissance lorsqu'elle a appris le décès de [D] [M] survenu le [Date décès 4] 2016. En effet, l'inventaire du 13 septembre 2013, le procès-verbal de difficultés du 6 juillet 2010 portant en annexe la liste des meubles 'appréhendés' par [T] [F] et le recollement qu'elle a opéré, lui permettaient de savoir quels biens se trouvaient à son décès au domicile de [D] [M] , susceptibles d'appropriation par ses héritiers.

Faute d'élément contraire, la date du décès sera retenue comme celle à laquelle Mme [L] [J] l'a appris.

Ainsi, le point de départ de la prescription doit être fixé au [Date décès 4] 2016.

L'assignation a été délivrée plus de cinq ans après cette date, le 13 juillet 2021.

Mme [L] [J] invoque une interruption de la prescription sur le fondement de l'article 2240 du code civil, résultant d'un courrier de M. [N] [K] en date du 4 janvier 2017, qui selon elle vaut reconnaissance d'une possession précaire de deux montres concernées par l'action oblique.

Or si ce courrier mentionne que M. [N] [K] détient les deux montres en cause, il précise que [T] [F] était informé de cette détention, afin d'éviter toute perte ou vol. Cette correspondance ne vaut pas reconnaissance par M. [N] [K] et M. [Y] [K] d'une appropriation indue du bien de [T] [F] au nom de qui est exercée l'action oblique, puisqu'au contraire l'avocat expose que ses clients n'ont cessé, directement ou par son intermédiaire, de proposer à [T] [F] de les lui restituer et qu'ils avaient écrit dès l'origine à ce dernier pour lui indiquer qu'ils les mettaient en sécurité pour éviter toute perte ou vol, qu'ils ont tenté de les remettre au notaire qui n'a pas souhaité les recevoir en dépôt.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action oblique de Mme [L] [J] contre M. [N] [K]. Ajoutant à l'ordonnance, la cour déclarera prescrite cette action contre M. [Y] [K].

Les irrecevabilités au titre des prescriptions étant acquises, il n'y a pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Sur les dépens et les frais

Mme [L] [J] supportera les dépens d'appel et de première instance, y compris pour M. [Y] [K] ajoutant de ce chef la décision.

Au regard de l'équité et de la situation des parties, Mme [L] [J] sera condamnée à payer à M. [Y] [K] et M. [N] [K] pris ensemble la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme allouée en première instance étant en outre confirmée pour M. [N] [K].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dans la limite de sa saisine,

Constate que le tribunal n'a pas été saisi par Mme [L] [J] d'une action en revendication de son droit de propriété sur les biens objet du litige et que par suite la cour n'est pas saisie de l'appréciation de l'imprescriptibilité du droit de propriété,

Dit que la cour n'est pas saisie des dépens et de l'indemnité au titre de l'article 700 relatives à Maître [Z] [S],

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a :

- déclaré que les actions exercées par Mme [L] [J] à l'encontre de [N] [K] sont irrecevables comme prescrites,

- déclaré que l'action paulienne exercée par Mme [L] [J] à l'encontre d'[Y] [K] est irrecevable comme prescrite,

- condamné Mme [L] [J] à verser une indemnité de 3000 euros à M. [N] [K] au titre de ses frais irrépétibles,

- condamné Mme [L] [J] aux dépens engagés pour attraire M. [N] [K],

Y ajoutant,

Déclare prescrite l'action oblique engagée par Mme [L] [J] contre M. [Y] [K],

Condamne Mme [L] [J] à payer les dépens de première instance engagés pour attraire M. [Y] [K],

Condamne Mme [L] [J] à payer à M. [Y] [K] et M. [N] [K] pris ensemble, la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [L] [J] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

M. TACHON C. DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 23/02665
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.02665 ?
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