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07/06/2024 | FRANCE | N°22/03857

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 07 juin 2024, 22/03857


07/06/2024



ARRÊT N°2024/182



N° RG 22/03857 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCI7

MD/CD



Décision déférée du 06 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00647)

P. MONNET DE LORBEAU

Section Commerce chambre 2

















S.A.R.L. SW DIFFUSION





C/



[R] [F]




































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 7/6/24

à Me JAZOTTES,

Me AGBOTON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.A.R.L. SW DIFFUSION...

07/06/2024

ARRÊT N°2024/182

N° RG 22/03857 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCI7

MD/CD

Décision déférée du 06 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00647)

P. MONNET DE LORBEAU

Section Commerce chambre 2

S.A.R.L. SW DIFFUSION

C/

[R] [F]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 7/6/24

à Me JAZOTTES,

Me AGBOTON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.R.L. SW DIFFUSION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''

Monsieur [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anicet AGBOTON de la SELARL AGBOTON BISSARO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C.BRISSET, présidente, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [R] [F] a été embauché le 5 avril 2018 par la Sarl SW Diffusion en qualité d'attaché commercial région sud ouest, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des commerces de gros.

A l'occasion de l'entretien annuel d'évaluation de M. [F] en date du 7 janvier 2020, la Sarl SW Diffusion lui a proposé la signature d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Par courrier du 20 janvier 2020, la Sarl SW Diffusion a notifié à M. [F] sa mise à pied à titre conservatoire ainsi que sa convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 janvier 2020.

M. [F] a été licencié par courrier du 3 février 2020 pour faute grave.

M. [R] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 27 mai 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, par jugement du 6 octobre 2022, a :

- requalifié le motif de licenciement pour faute grave en motif réel et sérieux,

- condamné la Sarl SW Diffusion à payer à M. [F] :

1 711,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

3 572,42 euros au titre du préavis,

357,24 euros au titre des congés payés afférents,

959 euros au titre de la mise à pied,

95,90 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné M. [F] à rembourser 53,60 euros à la Sarl SW Diffusion au titre d'une amende,

- débouté les parties du surplus,

- condamné la Sarl SW Diffusion aux dépens.

Par déclaration du 2 novembre 2022, la Sarl SW Diffusion a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 octobre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er février 2023, la Sarl SW Diffusion demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* a requalifié le motif de licenciement pour faute grave en motif réel et sérieux,

* l'a condamné à payer à M. [F] :

1 711.36 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

3 572.43 euros au titre du préavis,

357.24 euros au titre des congés payés afférents,

959 euros au titre de la mise à pied,

95.90 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, le réformer et :

- rejeter la demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- affirmer que le motif de licenciement constitue une faute grave,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes au titre de l'indemnité de l'indemnité de licenciement, du préavis, des congés payés afférents, de la mise à pied et des congés payés afférents ainsi que ses demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En tout état de cause :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. [F] à lui rembourser 53,60 euros au titre d'une amende.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 11 avril 2023, M. [R] [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société SW Diffusion à lui payer :

1 711,36 euros nets d'indemnité légale de licenciement,

3 572,42 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

357,24 euros de congés payés sur préavis,

959 euros bruts au titre du rappel de salaires pour la période du 20 janvier 2020 au 5 février 2020,

95,9 euros bruts au titre des congés payés afférents,

10 717,26 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- ordonner la compensation entre les 53,6 euros réclamés par la société SW Diffusion, et sa créance au titre de l'utilisation de son domicile privé à des fins professionnelle.

En tout état de cause,

- ordonner à la société SW Diffusion de lui délivrer :

un bulletin de paie récapitulatif des condamnations prononcées,

une attestation Pôle emploi rectifiée,

un certificat de travail rectifié.

- condamner la société SW Diffusion à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- ordonner la capitalisation des intérêts.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 22 mars 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement est ainsi libellée:

' (..) Nous sommes contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les raisons suivantes :

Après contrôle qui a été réalisé par notre expert-comptable, un nombre important d'anomalies ont été relevées telles qu'une utilisation de manière abusive du véhicule, de la carte essence, du télépéage le week-end et avons même constaté des achats d'alcool excessifs de votre part.

Ainsi à titre d'exemples, pendant plusieurs lundi (journées administratives), vous avez fait vos courses personnelles au Leclerc [Localité 3] et sollicité ensuite le remboursement de ces dites courses.

En outre, vous avez fait, pas moins de quatre allers retours durant le mois de mars sur [Localité 5] les week-ends.

En date du 9 avril, vous avez déclaré avoir eu six rendez-vous ce qui est impossible en raison du fait que vous avez également annoncé six heures de route ce même jour.

Par ailleurs le 26 avril, vous avez mentionné avoir réalisé 7h40 de route pour un rendez-vous et avez effectué un retour par un trajet complètement opposé.

Nous avons multiplié les exemples incohérents de votre part, tout comme l'invitation pour un montant de 79.00€ de restaurant dont 30.00€ d'alcool de « Monsieur [X] [F] '' contre hébergement.

En sus de ces énumérations, le 29 août 2019, vous vous êtes rendu à cinq rendez-vous dans le GERS, n'avez pas eu de frais de repas ni de commande et à 17h00 -vous étiez à [Localité 3] en train de vous servir de l'essence alors que le trajet, en sortant du dernier rendez-vous, aurait dû durer 1h30.

Mais surtout vous avez bénéficié de règlement de frais qui n'ont pas été réalisés sans compter que vous avez fait preuve d'actes déloyaux à notre égard puisque vous n'avez pas hésité à remettre le fichier client à des concurrents ce qui est totalement illicite.

Les fausses déclarations de visites sont nombreuses et le remboursement de frais non justifiés dans leur destination au regard des rapports d'activités constituent des fautes graves empêchant votre maintien au sein de l'entreprise.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement et nous tenons à votre disposition les sommes qui vous restent dues ainsi que vos documents de fin de contrat à partir du mardi 11 février 2020.

Dès la présentation de ce dit courrier, je vous demande de restituer sous 48 heures le véhicule de fonction, double des clés, assurance et accessoires carte essence, télépéage, téléphone portable+ chargeur, ordinateur plus chargeur, échantillons de la société, divers documents (plaquettes, tarifs...). (...).'

***

- Sur la prescription des griefs

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Un fait antérieur à 2 mois peut être pris en compte si le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Le point de départ du délai de prescription est le jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la faute du salarié, c'est à dire de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.

La société argue qu'elle a eu connaissance de la fraude fin 2019, concomittament à la préparation de l'entretien annuel d'évaluation prévu début janvier 2020, soit un mois avant la procédure de licenciement et à la suite d'une alerte de l'expert-comptable, de telle sorte qu'a procédé à un contrôle approfondi.

M. [F] soulève la prescription des griefs reprochés antérieurs au 20 novembre 2019.

Les contrôles des frais étant effectués dans le mois suivant leur établissement, ceux des mois de novembre et décembre 2019 n'ont donné lieu à contrôle que fin 2019 et début 2020, soit dans le délai de prescription de deux mois d'engagement de la procédure de licenciement.

Certaines anomalies alléguées découvertes dans cette période de deux mois (s'agissant notamment de l'utilisation du véhicule à titre personnel, du remboursement des courses personnelles) permettent à l'employeur de faire référence à des faits plus anciens.

En effet, les griefs allégués participent d'un même comportement reproché sur la durée au salarié, d'utilisation abusive du véhicule de fonction, de la carte essence et de la carte de télépéage pour des déplacements personnels (notamment en week-end), de remboursement d'achats personnels et de fausses déclarations de rendez-vous professionnels. Il est en outre fait grief de comportements de déloyauté.

- Sur l'utilisation abusive du véhicule professionnel

Le contrat de travail stipule qu'un véhicule de fonction est mis à disposition du salarié, attribué pour l'exercice de ses fonctions et utilisable à titre personnel; les frais d'essence et entretien seront remboursés sur présentation de factures à l'exclusion des frais générés par l'usage privé du véhicule qui resteront à la charge du salarié.

La société expose que M. [F], a utilisé à diverses reprises, la carte essence et la carte autoroute de la société pour ses frais personnels (tel qu'il ressort des factures télépéage pièce 1 de l'employeur), ce dont elle s'est aperçue ponctuellement et ce qui a donné lieu à déduction par le comptable (confer la pièce 5 du salarié: messages du comptable des 15 avril pour frais de péage personnels- 6 septembre pour frais d'essence pendant les congés et 19 septembre 2019 pour frais de péage personnels).

Elle précise que le salarié a excédé le barème des frais de déplacements fixant l'utilisation pour déplacements privés dans une limite de 5000 km par an, en réalisant près de 10000 kms, soit le double, sans aucune autorisation.

M. [F] objecte que les contrôles comptables comme les remboursements de frais étaient mensuels sur la base des justificatifs fournis dont les factures de frais de péage outre qu'il établissait des rapports hebdomadaires des déplacements (visites terrain); qu'ainsi les 4 déplacements allers et retours personnels notamment reprochés à [Localité 5] en mars 2019 étaient connus. Il ajoute qu'il n'avait pas connaissance du barème des frais de déplacements.

Sur ce:

Le contrat de travail stipule que les frais professionnels engagés seront, sur justificatifs, pris en charge ou remboursés aux conditions et selon les modalités en vigueur dans l'entreprise.

M. [F], engagé depuis avril 2018, ne peut invoquer le défaut de connaissance du barème (pièce 3 de l'employeur) à tout le moins sur les frais de déplacement, alors même qu'il n'a pas contesté les courriels du comptable qu'il produit ayant entraîné des déductions de frais de péage personnel et qu'il est mentionné 'un avantage en nature' sur les bulletins de salaire pour usage d'un véhicule de fonction.

La société produit les relevés professionnels de carte de télépéage de l'année 2019 concernant M. [F], sur lesquels sont annotés les déplacements 'perso' effectués en week-end ou jours fériés ou de congés payés (en corrélation avec le calendrier kilométrique des déplacements -pièce 18), sur plusieurs mois, notamment en novembre ( 3 déplacements à [Localité 5] des jours fériés) et décembre 2019 (1 déplacement un jour férié), ce qui corrobore une utilisation régulière du véhicule professionnel hors cadre contractuel.

- Sur les achats d'alcool excessifs

La société allègue que lors des déplacements de plus de 100 kms, le salarié consommait de l'alcool dont le coût était intégré aux factures des nuitées à charge de l'employeur. Ainsi le coût était de 114,72 € pour le 1er semestre 2019, de nouveaux frais ont été décomptés sur le second semestre (notamment les 12 et 20 novembre) et M.[F] a invité des personnes au restaurant, sans autorisation, aux frais de la société (en mai 2019, pour 79 €, dont 29 € d'alcool, contre hébergement par son fils, ce sans préciser le nom de la personne invitée).

M. [F] réplique que les achats d'alcool étaient isolés et que la société n'établit pas avoir payé le coût du repas offert à son fils de 24,50 euros en contrepartie de son hébergement.

Sur ce

La société produit diverses notes de frais et factures de nuitées. Ces dernières au nom de M. [F] étaient nécessaires quelque soit leur montant pour permettre une prise en charge dans la limite du forfait accordé. L'appelante ne communique pas de document récapitulatif justifiant qu'elle aurait payé au-delà du forfait du barème outre les frais de restauration pour le fils hébergeant. Le grief, insuffisamment caractérisé, sera écarté.

- Sur le remboursement des courses personnelles

La société reproche à M. [F], sur les périodes de télé-travail le lundi du fait que les entreprises sont fermées, d'avoir demandé le remboursement de courses personnelles (notamment pour le repas de midi) en remettant des tickets du magasin Leclerc situé près de son domicile, alors que les frais afférents au repas du midi ne sont pris en charge qu'en déplacement selon le barème de l'entreprise.

M. [F] reconnaît qu'il travaillait au domicile le lundi en télé-travail pour lequel il ne percevait pas de contrepartie. Il estime n'avoir commis aucune faute à défaut de connaissance du barème et la société ne sollicite aucune rétrocession.

Sur ce:

La cour constate que malgré les diverses notes produites d'achats auprès du magasin Leclerc, la société ne justifie d'aucune remarque du comptable pendant l'année 2019 rappelant les modalités de remboursement des repas. Dès lors le grief ne sera pas retenu.

- Sur les fausses déclarations de rendez-vous professionnels

La société dénonce, qu'à la suite d'un contrôle précis, il a été mis en exergue un non-respect des plannings de visites annoncés et donc l'existence de journées de travail fictives au regard d'incohérences constatées entre le nombre de visites, les temps de trajets, les temps de rendez-vous, l'absence de commandes, comme:

. le 29 mars 2019, M. [F] a mentionné deux rendez-vous en Dordogne sans commande, il est rentré de Dordogne le 28 mars et le 29 mars, il rentrait au domicile à 11h29 avant de prendre la route pour [Localité 5] où il passait le week-end,

. le 9 avril, il déclarait sept rendez-vous (pour 468 kms soit au moins 7H40), incompatibles avec le nombre d'heures de route le même jour (6h), de même le 26 avril et le 29 août ( 5 rendez-vous notés dans le Gers mais pas de frais de repas - ni commande - plein essence à [Localité 3] sur Garonne, lieu de domicile à 17H), et en décembre (3 et 17 décembre).

L'intimé rétorque qu'il n'avait pas de secteur de prospection défini et se déplaçait librement pour optimiser ses tournées, que la durée des rendez-vous n'est pas connue et s'agissant du 29 août, il précise qu'il avait effectué les 2 jours précédents des visites non contestées dans le Gers et le Lot et Garonne.

Sur ce

Les journées des 09 avril, 26 avril et 29 août 2019 sont seules expressément mentionnées dans la lettre de licenciement et la société verse les rapports d'activité, notes de frais et plans des itinéraires avec des annotations de l'employeur.

Si l'appelante a pu s'interroger sur la chronologie de ces journées, le grief est insuffisamment caractérisé, à défaut de vérification auprès des clients cités d'une visite effective de M. [F], des heures de visite ( non précisées) et de ce que la société n'a pas, à défaut d'élément en ce sens, interpelé le salarié sur les résultats de son activité, alors qu'il percevait des commissions et primes d'objectifs.

- Sur les actes déloyaux

Le contrat de travail comporte:

. en son article 12 une clause ' obligation d'exclusivité et de loyauté' interdisant au salarié de « s'intéresser, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit et à quelque titre que ce soit, à toute autre activité professionnelle »,

. en son article 11 une clause sur la ' discrétion' dont doit faire preuve le salarié « sur toutes les informations, connaissances et techniques qu'il aurait connues à l'occasion de son travail », étant précisé que « compte tenu de la nature de ses fonctions, ces dispositions concernent plus particulièrement les éléments relatifs aux politiques et pratiques commerciales, aux prix et conditions générales de vente, ainsi que l'identité des clients / des partenaires de la Sarl SW Diffusion, points sur lesquels le salarié devra garder une discrétion absolue ».

La société énonce que selon extrait du site 'societe.com' ( pièce 5), M. [F] cumulait avec son activité salariée, une activité commerciale similaire, en tant qu'entrepreneur individuel inscrit auprès de l'INSEE, ce qui constitue une violation de son obligation d'exclusivité et de loyauté.

En outre, le salarié, avant la rupture du contrat de travail, a transmis le fichier clients de son employeur à des entreprises concurrentes, qui ont pris contact avec les clients de la société SW Diffusion pour leur présenter leurs propres produits, « sur la recommandation de M. [F] », tel qu'il ressort du courriel du 31 janvier 2020 de la société Forez Développement ('Mes champignons à domicile') à la société Le Pélerin des saveurs' en ces termes: 'proposition de partenariat': ' Je me permets de vous contacter sur la recommandation de M. [F]. Nous élaborons et commercialisons une gamme complète de produits à base de champignons (..)'.

Le 03 février, la société SW Diffusion adressait une lettre recommandée à l'entreprise 'Mes champignons à domicile' en lui demandant de cesser toute démarche concurrentielle à la suite de la remise du fichier client par M. [F].

L'appelante conclut que M. [F] a contrevenu à l'interdiction de divulguer les clients et partenaires de la société SW Diffusion et ajoute qu'il a également, après le licenciement, démarché un autre client pour lui présenter ses produits dans le cadre de sa nouvelle structure par mail du 25 février 2020 ( pièce 5).

Le salarié s'inscrit en faux contre les affirmations de l'employeur, contestant toute démarche de concurrence ou de déloyauté.

Sur ce

L'entreprise créée par M. [F], spécialisée dans le secteur d'activité des autres intermédiaires du commerce en produits divers, l'a été en 2005 soit 13 ans avant son engagement par la société SW Diffusion et a été radiée le 06 juillet 2020 soit 3 mois après le licenciement .

Le courriel de démarchage en vue d'un partenariat, transmis par la société Le Pélerin et précisant, sans qu'un doute ne puisse être élevé, que le contact a été pris du fait de l'intervention active de M. [F], caractérise un acte de déloyauté de la part du salarié dont il se déduit qu'il avait communiqué le nom de ce client à un concurrent antérieurement à l'engagement de la procédure de rupture du contrat de travail.

Cet acte est conforté par la démarche effectuée, juste après le licenciement, par M. [F] même, auprès d'un autre client à savoir 'la Maison Alex' à [Localité 6] ( qu'il avait visité pour son employeur en septembre 2019) auquel il proposait des produits à base de champignons.

Aussi, les manquements répétés de M. [F] à ses obligations contractuelles tels que retenus par la cour: usage abusif du véhicule professionnel et acte de déloyauté, justifient l'impossibilité de maintien du salarié dans l'entreprise et donc un licenciement pour faute grave, par infirmation du jugement déféré.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement d'une amende

M. [F] ne conteste pas la demande de remboursement de l'employeur d'une amende de 53,60 euros pour stationnement irrégulier mais sollicite la compensation avec une créance pour avoir utilisé une partie de son domicile à des fins professionnelles (soit 5 euros par mois).

La société demande la confirmation de la condamnation du salarié par le conseil de prud'hommes à remboursement de l'amende.

L'employeur ne conteste pas que M. [F] travaillait régulièrement le lundi à son domicile, ce qui implique une indemnisation de la part de la société.

Aussi il sera fait droit à sa demande de compensation.

Sur les demandes annexes

M.[F], partie principalement perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL SW Diffusion aux dépens.

La SARL SW Diffusion est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.

M. [F] sera condamné à lui verser une somme de 600,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La SARL SW Diffusion sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné M. [F] à rembourser une amende,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Dit que le licenciement pour faute grave est fondé,

Déboute M. [F] de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne la compensation entre le montant de l'amende de 53,60 euros et la créance de M. [F] au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles,

Condamne M. [R] [F] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SARL SW Diffusion la somme de 600,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et C. DELVER, greffière de chambre.

La greffière, P/La Présidente empêchée,

La Présidente,

C. DELVER C. BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03857
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.03857 ?
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