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28/05/2024 | FRANCE | N°22/03456

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 28 mai 2024, 22/03456


28/05/2024



ARRÊT N°



N° RG 22/03456

N° Portalis DBVI-V-B7G-PAQA

MD/DG



Décision déférée du 10 Septembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE

18/01707

Mme MARTIN DE LA MOUTTE

















[V] [A]





C/



S.C.I. [R] ET FILS















































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à



Me MOHR

Me MANELFE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [V] [A]

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représenté par Me Marloes MOHR de la SELARL ...

28/05/2024

ARRÊT N°

N° RG 22/03456

N° Portalis DBVI-V-B7G-PAQA

MD/DG

Décision déférée du 10 Septembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE

18/01707

Mme MARTIN DE LA MOUTTE

[V] [A]

C/

S.C.I. [R] ET FILS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me MOHR

Me MANELFE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [V] [A]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Marloes MOHR de la SELARL MOHR AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.C.I. [R] ET FILS

Prise en la personne de sa gérante, Madame [Z] [R] épouse [E]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Nathalie MANELFE de la SCP DESERT-MANELFE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE ET PROCÉDURE

M. [V] [A] est propriétaire à [Localité 7] (31) d'une parcelle avec maison d'habitation, cadastrée section AS n° [Cadastre 4] qui, selon acte notarié du 14 décembre 1967, bénéficie d'une servitude de passage de 6 mètres de large permettant d'accéder à [Adresse 9] et, selon acte notarié du 21 avril 1969, d'une servitude de réseaux souterrains pour l'eau et l'électricité sur le fonds de la Sci [R] et Fils, propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 6] avec accès à [Adresse 9] et cadastré section AS n° [Cadastre 5], [Cadastre 2], [Cadastre 1] et [Cadastre 3].

Il a fait réaliser divers aménagements sur la servitude de passage suivant constat d'huissier du 4 mai 2016 et notamment en réalisant un chemin bétonné, en installant des gaines d'alimentation du portail électrique, plusieurs luminaires, jardinières, socles pour chaînes, clôture le long de la servitude et une enseigne.

M. [A] a été vainement mis en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception du 25 juillet 2016 et du 1er août 2016 de remettre les lieux en l'état.

La Sci [R] et Fils a fait assigner M. [A] devant le juge des référés qui, par ordonnance du 10 novembre 2016, a prescrit une mesure d'expertise confiée à M. [F] qui a déposé son rapport le 30 janvier 2018.

Par acte d'huissier du 4 mai 2018, la Sci [R] et Fils a fait assigner M. et

Mme [A] devant le tribunal de grande instance de Toulouse au visa des articles 544 et 702 du code civil pour voir constater l'aggravation de la servitude et ordonner la remise en l'état initial, sous astreinte.

Par jugement du 10 septembre 2019 cette juridiction a :

- mis hors de cause Mme [H] épouse [A] et dit n'y avoir lieu à application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- enjoint à M. [A] de :

* supprimer la dalle béton qu'il a fait réaliser sur l'emprise du chemin comprise entre les points D et E sur le schéma réalisé par l'expert puis de remettre la voie en l'état par empierrement de 50 cm d'épaisseur avec un matériau composé de 0/20 conformément aux préconisations expertales dans les six mois de la présente décision,

* supprimer les réseaux souterrains électriques et téléphoniques implantés hors l'emprise de la servitude de passage, les gaines d'alimentation du portail électrique les supports de chaînes, monolithes, panneau d'indication, bacs à fleurs, dans les six mois de la présente décision,

- débouté la Sci [R] et Fils de l'ensemble de ses plus amples demandes,

- condamné M. [A] aux entiers dépens en ce compris le coût de la mesure d'expertise,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 23 septembre 2019 M. [A] a interjeté appel de cette décision en intimant la Sci [R] et Fils et en critiquant l'ensemble de ses dispositions hormis celles relatives au rejet des prétentions plus amples de cette société.

Par arrêt du 10 mai 2021, la cour d'appel de Toulouse a confirmé la condamnation du propriétaire du fonds dominant à la suppression des réseaux, mais a rejeté la demande de démolition de la dalle en béton, infirmant le jugement de ce chef.

Sur pourvoi formé par la Sci [R] et Fils, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 7 septembre 2022 (n° 21-18.399), cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société civile immobilière [R] et Fils en suppression de la dalle en béton, et a remis, sur ce point, l'affaire et les parties en l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, les renvoyant devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.

La Sci faisait grief à l'arrêt d'appel de rejeter sa demande de suppression de la dalle en béton, alors « qu'en retenant que la réfection du chemin constituant l'assiette de la servitude de passage ne pouvait s'analyser en une aggravation et qu'aucune donnée de la cause ne permettait d'affirmer qu'elle dénaturait le chemin, sans répondre aux conclusions d'appel de la SCI [R] et fils faisant valoir que la pose de la dalle sur ce chemin en zone boisée avait sectionné les racines des arbres et causé la mort de sept des treize arbres qui se trouvaient depuis des décennies autour du chemin', et avait soutenu que la cour d'appel avait ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation a accueilli le pourvoi pour défaut de réponse à conclusions reprochant à la cour d'appel de n'avoir seulement retenu que, dans son état antérieur, le chemin, dégradé, était difficilement praticable et que l'aménagement réalisé rendait possible l'usage de la servitude, sans aggravation de celle-ci, tout en prévenant la dégradation future de la voie de passage sans pour autant se prononcer sur le moyen tiré de l'imputation au bétonnage du chemin en zone boisée de la perte de plusieurs arbres.

Par acte électronique du 26 septembre 2022, M. [A] a saisi la cour d'appel de renvoi.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions déposées le 30 novembre 2023, M. [V] [A], appelant, a demandé à la cour, au visa des articles 697 du Code civil et 564 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse en ce qu'il lui a enjoint de supprimer la dalle béton qu'il a fait réaliser sur l'emprise du chemin comprise entre les points D et E sur le schéma réalisé par l'expert, puis de remettre la voie en l'état par empierrement de 50 cm d'épaisseur avec un matériau composé de 0/20 conformément aux préconisations expertales dans les 6 mois de la présente décision.

Statuant à nouveau :

- débouter la Sci [R] et Fils de sa demande de mise en place aux frais des 'consorts [A]' d'un empierrement de 50 cm d'épaisseur du point D au point E,

- déclarer irrecevable la demande de la Sci [R] aux fins de voir condamner M. [A] au paiement de 1 630 euros au titre des factures pour l'abattage des arbres ;

Subsidiairement, si par impossible la cour estimait recevable la demande de la Sci [R] et Fils aux fins de voir condamner M. [A] au paiement de 1 630 euros au titre des factures pour l'abattage des arbres,

- débouter la Sci [R] et Fils de cette demande

À titre infiniment subsidiaire :

- condamner M. [A] à supprimer la seule portion bétonnée excédant l'assiette de la servitude de passage ;

En tout état de cause :

- condamner la Sci [R] et Fils à payer à M. [A] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci [R] et Fils au paiement des entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions déposées le 22 novembre 2022, la Sci [R] et Fils, intimée, demande, au visa des articles 544 et 702 du code civil, de :

- débouter M. [V] [T] [A] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse en ce qu'il a enjoint M. [A] de supprimer la dalle béton qu'il a fait réaliser sur l'emprise du chemin comprise entre les points D et E sur le schéma réalisé par l'expert, puis de remettre la voie en l'état par empierrement de 50 cm d'épaisseur avec un matériau composé de 0/20 conformément aux préconisations expertales dans les six mois du jugement,

- condamner M. [A] à verser à la Sci [R] et Fils, prise en la personne de son représentant légal, une somme d'un montant de 1 630 euros au titre du remboursement des factures réglées pour l'abattage des arbres morts,

- condamner M. [A] à verser une somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Dans son rapport établi le 30 juillet 2018, l'expert judiciaire a constaté que, pour accéder au fonds de M. [A] depuis [Adresse 9], il a emprunté un chemin en enrobé de six mètres de largeur dont l'assiette traverse les parcelles AS [Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 1] et sert de chemin d'accès commun aux deux propriétés puis se divise au bout de 13 mètres pour desservir les maisons respectives des parties. La partie commune de ce chemin en pente de 7 % vers la voie publique est en état d'usage 'voire dégradé par endroit du fait du ravinement des eaux pluviales venant' des deux terrains. L'ensemble du chemin est situé en zone boisée.

2. Examinant la partie desservant uniquement la propriété de M. [A] et s'étendant sur une longueur de 40 m environ et une largeur de chaussée minimale de 4,15 m, l'expert a relevé divers aménagements (supports de chaînes, monolithes, support béton de bac à fleurs, support de candélabre avec lanterne,...). Il note, à la lumière de ses constatations et de la lecture des actes authentiques instituant les servitudes dont bénéficie le fonds appartenant à M. [A], que le chemin existant ayant été refait en béton sur 33 m entre les points D et E est bien stitué dans l' 'emprise notariée de 1967" concédant à M. [P], un des précédents propriétaires du fonds de M. [A], une 'servitude réelle et perpétuelle' de passage sur le fonds de M. [R], le dit acte précisant : 'le tout à charge de prendre les précautions utiles pour empêcher tout empiètement sur la parcelle de M. [R], mais sans pouvoir établir quelque clôture séparative que ce soit, sur ladite parcelle, en bordure dudit droit de passage. M. [P] s'engage à entretenir en bon état de viabilité l'ensemble de l'assiette de ce droit de passage à frais communs avec M. [R], tous dégâts qui seraient causés par de gros engins ou toute autre cause excédant un usage domestique restant à la charge exclusive de l'utilisateur'.

3. Il n'est pas discuté que sans aucune demande ni aucune information portée à la Sci [R] et Fils, actuelle propriétaire du fonds servant, le chemin a été refait par une entreprise choisie par M. [A] par coulage sur 33 m d'une dalle en béton armé de 15 cm d'épaisseur entre les points D et E.

4. Il sera rappelé que la saisine de la cour de renvoi ne porte que sur la demande d'enlèvement de la dalle de béton à laquelle a été ajoutée depuis une demande d'indemnisation du préjudice lié à la perte d'arbres imputée à la dalle litigieuse.

5. Il doit être rappelé que le tribunal a ordonné la suppression de la dalle béton au motif que celle-ci ne présente, selon les estimations de l'expert, aucun caractère d'utilité et n'apparaît pas adaptée à l'environnement boisé et qu'il s'agissait, toujours selon l'expert, de travaux d'amélioration justifiés par des dégradations imputées à M. [A] devant dès lors être tenu à l'enlèvement de la dalle sur la partie du chemin entre D et E et son remplacement par un empierrement de 50 cm d'épaisseur avec un matériau composé de 0/20 conformément aux préconisations de l'expert judiciaire.

La Sci [R] et Fils qui avait sollicité en première instance le remplacement du chemin entre A et B d'une part et entre D et E d'autre part, demande la confirmation du jugement. M. [A], pour sa part, maintient notamment sur la base d'un rapport d'un expert conseil, que la rénovation du chemin comme le choix de son bétonnage s'imposaient d'autant plus que la configuration de celui-ci, sa déclivité et l'absence de fossé exigeaient un revêtement pérenne. Il a opposé l'absence de démonstration que la dalle de béton était à l'origine de la mort des arbres abattus.

6. L'acte authentique du 14 décembre 1967 instituant cette servitude conventionnelle prévoit un entretien du chemin à frais communs mais ne définit pas le type de revêtement devant être effectué pour cet entretien.

Le juge du fond apprécie souverainement la nature et l'importance des ouvrages et travaux de même que leur caractère nécessaire au sens des article 697 et 698 du code civil et il est ainsi tenu de rechercher si l'aménagement litigieux constitue un ouvrage nécessaire à l'exercice de la servitude. Le propriétaire du fonds dominant doit, en l'absence de titre contraire, réaliser à ses frais les travaux nécessaires à l'exercice et à la conservation de la servitude dont il bénéficie. En l'espèce, il existe une convention liant les parties et prévoyant le partage des frais.

Par application des articles 697, 698, 801 et 1382, ancien, du code civil en sa rédaction applicable au litige, le propriétaire, dont le fonds est grevé d'une servitude de passage, n'est pas tenu d'améliorer ou d'entretenir l'assiette de la servitude, mais seulement d'observer une attitude purement passive, en ne faisant rien qui tende à diminuer l'usage de la servitude ou à la rendre plus incommode. En tout état de cause, le propriétaire du fonds servant doit supporter les travaux qui, par sa faute, seraient rendus nécessaires à l'exercice de la servitude, le propriétaire du fonds dominant devant pour sa part répondre des dommages causés au fonds servant par lesdits travaux.

7. En l'espèce, il sera relevé que la réfection du chemin a été réalisée courant 2016 à la seule initiative de M. [A] et à ses frais exclusifs. Selon un constat d'huissier dressé le 4 mai 2016 à la requête de la Sci [R] et Fils, il est indiqué que le chemin de servitude d'accès au fonds dominant est 'constitué d'un sol à l'état brut de terre et de cailloux' et 'présente un aspect général plane' avec 'des nids de poules et des ornières'. L'huissier instrumentaire a constaté la 'présence de traces de passages d'engins à chenilles' à divers endroits de ce chemin et la présence visible de l'extérieur de deux engins de chantier de type 'tractopelle' sur la propriété de M. [A]. La gérante de la société requérante indique à l'huissier que selon ses informations, leur voisin avait l'intention de procéder à la réalisation d'une chape béton sur ce chemin. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 juillet 2016, la gérante a écrit à M. et Mme [A] pour se plaindre des travaux effectivement réalisés dont la construction d'une allée carrossable malgré son désaccord précédemment exprimé et une rencontre des parties chez le notaire de M. [A].

Le litige ainsi né entre les voisins portait sur un ensemble d'aménagements (luminaires, jardinières, socles de chaînes, clôtures, enseigne, réseaux enfouis dans une tranchée parallèle) dont la cour de renvoi n'est pas saisie et le bétonnage du chemin.

8. Certes, sur ce dernier point qui reste en débat, l'expert judiciaire a considéré que les travaux réalisés à l'initiative de M. [A] constituaient une amélioration par la pose de la dalle en béton armé entre D et E et ne correspondaient pas aux travaux nécessaires en ce genre de situation, précisant qu'un empierrement en calcaire ou avec un matériau composé de 0/20 assurant une portance suffisante 'semble acceptable'.

Outre le fait que la préférence exprimée par l'expert [F] est enoncée en des termes dubitatifs, son avis ne repose sur aucune considération technique démontrant que le dallage réalisé était dommageable pour l'éco-système ambiant ni n'ait pour conséquences d'aggraver la servitude, ayant constaté sans être démenti que les frais en ont été totalement assumés par le propriétaire du fonds dominant qui avait précédemment dégradé l'état du chemin.

Il ressort d'ailleurs des constatations qui précèdent, que, dans son état antérieur, le chemin était difficilement praticable, car dégradé par des rigoles dues au ruissellement des eaux pluviales, des nids-de-poule et des ornières.

La réalisation de la dalle litigieuse ne peut donc constituer en soi un motif d'enlèvement forcé de cet ouvrage.

9. Il convient donc de répondre au moyen tiré de l'atteinte aux arbres bordant le chemin, imputée par la Sci [R] et Fils au bétonnage de l'assiette de la servitude de passage.

La société intimée, répondant le 9 octobre 2018 à une demande d'abattage d'arbres morts dont une de leurs branches avait endommagé un câble téléphonique alimentant la propriété de M. [A], a notamment affirmé : 'les arbres se meurent le long du chemin parce ce que vous avez creusé une tranchée à leurs bases détruisant les racines et ceux qui sont encore vivants vont probablement mourir dans les années qui suivent'. Suivant constat dressé le 30 avril 2020 à la requête de la Sci à la suite de chute d'un arbre entravant la servitude de passage, l'huissier indique : 'je constate un alignement d'arbres, à droite du chemin desservant le portail soit côté route du chateau d'eau. Il s'agit d'arbres hauts. Sept d'entre eux sont morts. Seuls les troncs et branches principales subsistent. Je note l'absence de branchage ou feuillage. Trois sont peu fournis en feuillage, cinq sont en bon état apparent'. Relatant les dires de M. et Mme [E] présents lors du constat, l'huissier précise :'ils ajoutent que leurs voisins, en bitumant ce chemin et surtout en creusant une tranchée sans autorisation afin d'enfouir un réseau électrique, ont détérioré le système racinaire des arbres et entraîné leur mort, ces arbres étant en parfait état antérieurement aux travaux'.

Chaque partie a produit un ou des rapports d'expertise, unilatéralement établis et soumis à la libre discussion des parties, sur l'incidence des travaux réalisés sur la mortalité des arbres. Dans celui réalisé par un expert forestier, par ailleurs expert près la cour d'appel de Toulouse, à la demande de la Sci, il est souligné que l'imperméabilisation des sols est défavorable à la survie des arbres et a constaté que sur les 13 arbres situés à moins de six mètres du bord sud entre le chemin bétonné et la tranchée, 7 d'entre eux sont morts au printemps suivant les travaux et que sur les six encore vivants, un se trouve en mauvais état sanitaire et 4 penchent fortement à l'opposé du chemin. Il est ajouté que 8 autres sont implantés à moins de 3 mètres du chemin bétonné et que deux d'entre eux présentent une faible vigueur avec de nombreuses branches mortes.

Il n'est toutefois évoqué que l'incidence du revêtement du chemin sans s'expliquer sur celle de la tranchée de 40 à 50 cm de large et de 60 à 80 cm de profondeur creusée pour le passage de l'électricité et du téléphone dont la photographie issue du constat d'huissier réalisée pendant les travaux et reproduite dans ce rapport montre de manière éloquente la proximité des arbres, ce que n'avait d'ailleurs pas manqué de souligné Mme [E] dans ses écrits et dires précités.

Dans les rapports établis par un écologue, par ailleurs expert près la cour d'appel de Toulouse et le tribunal administratif de Toulouse, et notamment son dernier rapport, il est opposé le fait que les constatations du rapport de son confrère ne portent que sur les arbres situés du côté du chemin concerné par la tranchée et non de l'autre côté où des arbres bien plus proches voire à un mètre ou quelques centimètres de la partie bétonnée ne présentent pas de signes de dépérissement. M. [B], l'entrepreneur ayant réalisé les travaux en 2016, atteste dans les formes régulières, que le chemin d'accès était, avant son intervention, 'par endroit recouvert de plaques de béton rongées par la pluie et le gel'. Reprenant les observations d'un autre expert conseil de l'appelant, M. [G], il était relevé que ce chemin avait été 'repetassé au fil du temps en comblant les ornières et autres désordres au moyen de béton pour finir par se présenter comme un mélange', l'ensemble confortant les précédentes constatations déjà faites plus haut. Enfin, l'enrobage litigieux des abords d'arbres, n'a jamais été présenté comme étant en soi un facteur de mortalité des arbres.

10. Demeure la question de la pertinence du choix du béton pour assurer la pérennité de la rénovation du chemin. La Sci oppose, sur la foi du rapport d'un expert conseil et de constats d'huissier, le fait que des fissures apparaîtraient déjà laissant augurer de la nécessité d'une réparation plus coûteuse que le remblai par ajout de cailloux. Elle évoque aussi des empiètements du revêtement sur sa propriété hors assiette de la servitude, l'exposition des lieux aux phénomènes naturels 'retrait-gonflement' des sols argileux susceptibles de fragiliser l'ouvrage et l'inadaptation de celui-ci à 'l'espace boisé classé à conserver'

Outre le fait que la Sci n'a jamais dénoncé les empiètements liés à la dimension de la dalle devant l'expert géomètre désigné en référé qui n'a d'ailleurs rien relevé de tel, il sera rappelé que le titre constituant la servitude ne mentionne rien sur la nature du revêtement du chemin et que le litige s'inscrit dans un contexte conflictuel entre les parties ne laissant guère de place au dialogue (plainte déposée à la gendarmerie déposée par Mme [E] pour dénonciation calomnieuse suite à une histoire de colis non reçu par M. [A] - pièce n° 14 du dossier de l'intimée -, vaines propositions de solutions au litige formulées par M. [A] - pièces n° 5, 19, 23 du dossier - multitude de constats d'huissiers entre 2016 et 2023,...). Ainsi que l'a relevé le notaire de M. [A] dans un courriel adressé à ce dernier le 27 juillet 2016, 'je disais que j'ai rencontré vos voisins et je pense qu'une grande partie du problème est culturel : ils se sentent inférieurs à vous et sentent que vous voulez imposer vos solutions' (pièce n° 6 du dossier de l'appelant) auquel fait écho un courrier de Mme [E] le 1er juin 2023 réceptionnant une proposition réitérée d'acquisition du terrain supportant la servitude et moyennant diverses contreparties, par lequel il n'est donné d'autre réponse qu'une demande de plus amples informations et ajoutant 'Nous profitons de l'occasion pour répondre aussi à votre courrier du 28 octobre 2022 afin de sensibiliser du contenu de votre courrier, que nous qualifions de grotesque et insultant à notre encontre et nous vous demandons à l'avenir de faire preuve d'un minimum de réserve et de correction envers nous. Salutations' (pièce n° 20 de l'appelant). Ce courrier du 28 octobre 2022 n'est pas produit par la société intimée.

Il suit de ces éléments que, dans un tel contexte, l'appréciation de la nécessité de l'ouvrage et du coût futur de l'entretien de la servitude doit être exclusivement faite sur la base des éléments techniques produits au dossier. L'expert judiciaire qualifie le revêtement comme étant une amélioration de l'existant sans aucunement apporter de précisions sur son entretien.

Le rapport de l'expert conseil de M. [A] (M. [G] - ingénieur conseil), relève que la solution de simple empierrement expose le chemin à des dégradations récurrentes par l'absence de fossés latéraux pour l'écoulement des eaux pluviales justifiant un entretien régulier alors que la solution appliquée par M. [A] est une solution ne nécessitant pas d'entretien et permettant d'éviter la création de fossés latéraux dont le litige a mis en évidence la complexité pour les arbres les plus proches.

Pour répondre à cet avis technique, la Sci oppose des passages d'un rapport d'évaluation de sa propriété par une autre expert conseil, par ailleurs également inscrite sur la liste de la cour d'appel de Toulouse dans la spécialité estimations immobilières, évoquant les risques de réfection de cette dalle liées aux épisodes de retrait-gonflement des argiles estimant en des termes dubitatifs que la 'solidité de l'ouvrage sera sans doute régulièrement compromise', l'essentiel de ses autres remarques étant consacrées aux effets sur la valeur de l'immeuble de la partie du litige définitivement jugée par la cour d'appel de Toulouse.

Il n'est établi aucune méconnaissance des contraintes d'urbanisme en vigueur et liées à la réalisation de cet ouvrage qui est le seul point du litige dont la cour est saisie sur renvoi de cassation. La consolidation pérenne du chemin est une condition de facilitation de l'accès aux propriétés par les services de secours et la préservation de l'espace boisé n'est pas en cause comme il vient de l'être précédemment constaté.

Il n'est enfin aucunement démontré par un avis technique pertinent que les micro-fissures constatées à certains endroits du chemin, peu nombreuses, soient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à entraîner avant un terme raisonnable une réfection complète et coûteuse du chemin.

11. Il suit du tout que la preuve du lien de causalité entre la mort des arbres longeant un des bords du chemin de servitude d'une part, et les travaux de construction d'un dallage en béton sur ce même chemin,du point D à E, d'autre part n'est nullement rapportée. Ces travaux qui ont été motivés par une obligation de réparer des dommages causés à ce chemin par le propriétaire du fonds dominant et par une volonté d'assurer une solution pérenne et par voie de conséquence moins coûteuse à terme pour les deux parties tenues conventionnellement d'un entretien à frais partagés, ne sauraient donc être détruits et refaits selon la préconisation de l'expert judiciaire. Le jugement entrepris sera donc réformé en sa partie soumise à l'examen de la cour de renvoi à savoir celle portant injonction à M. [A] de supprimer la dalle béton et à remettre le chemin en l'état par son empierrement. La Sci [R] et Fils sera ainsi déboutée de sa demande à ce titre.

12. La Sci [R] et Fils sollicite devant la cour d'appel de renvoi et pour la première fois depuis l'assignation introductive d'instance, la condamnation de M. [A] à lui payer la somme de 1 630 euros au titre du remboursement des factures réglées pour l'abattage des arbres morts. L'appelant s'oppose à cette demande pour être irrecevable en raison de sa nouveauté en cause d'appel.

13. L'article 564 du code de procédure civile dispose qu' 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

14. En l'espèce, la question des arbres morts du fait des travaux réalisés par

M. [A] était connue dès avant le 23 septembre 2019, date de l'appel de la décision du tribunal judiciaire de Toulouse puisque par le courrier de M. [A] lui-même, daté du 24 septembre 2018, mentionnait l'existence de 7 arbres morts autour du chemin d'accès (pièce n° 11 de la société intimée) et que par le courrier du 9 octobre 2018 déjà cité, la gérante de la Sci répondait que les arbres se meurent le long de ce chemin en raison de la tranchée ayant coupé leurs racines à leur base.

La demande actuelle, présentée après le délai initial imparti à l'intimé pour conclure dans le cadre de la procédure d'appel et dont la présente instance n'est que la suite de celle-ci sur la disposition cassée, ne comporte aucune précision de nature à identifier les arbres morts et démontrer que leur mort est postérieure à l'expiration de ce délai pour conclure. La facture d'abattage établie le 26 juin 2020 ne situe pas exactement les arbres enlevés et n'est pas de nature à établir la nouveauté du fait pour lequel elle a été réglée.

La cour ne peut que déclarer irrecevable cette demande.

15. La Sci [R] et Fils, partie ayant échoué dans sa prétention concernée par la cassation, sera tenue des dépens d'appel exposés devant la cour de renvoi, les dépens précemment exposés avant cassation ayant été définitivement jugés.

16. Il n'est nullement inéquitable de laisser à la charge de M. [A] les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés devant la cour de renvoi.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 7 septembre 2022 ;

Statuant dans les limites de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 mai 2021,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 10 septembre 2019 en sa disposition ayant enjoint à M. [A] de supprimer la dalle en béton réalisée sur l'emprise du chemin comprise entre les points D et E et de remettre la voie en l'état par empierrement conformément aux préconisations de l'expert.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la Sci [R] et Fils de sa demande en suppression de la dalle en béton et aux fins de remise en état selon les préconisations de l'expert.

Déclare irrecevable la demande présentée par la Sci [R] et Fils en remboursement des factures réglées pour l'abattage des arbres.

Condamne la Sci [R] et Fils aux dépens exposés devant la cour d'appel de renvoi.

Déboute M. [V] [A] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 alinéa 1er, 1° du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N.DIABY M.DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03456
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.03456 ?
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