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17/05/2024 | FRANCE | N°22/03852

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 17 mai 2024, 22/03852


17/05/2024



ARRÊT N° 2024/166



N° RG 22/03852 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCIT

MD/CD



Décision déférée du 28 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01096)

M. [O]

Section Activités Diverses

















[J] [N]





C/



S.A.S. MAIN SECURITE





























































INFIRMATION







Grosse délivrée

le 17/5/24

à Me DARRIBERE, Me BAYSSET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [J] [N]

[Adresse 2]

[Adresse ...

17/05/2024

ARRÊT N° 2024/166

N° RG 22/03852 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCIT

MD/CD

Décision déférée du 28 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01096)

M. [O]

Section Activités Diverses

[J] [N]

C/

S.A.S. MAIN SECURITE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 17/5/24

à Me DARRIBERE, Me BAYSSET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [J] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Agnès DARRIBERE de la SCP CABINET DARRIBERE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

S.A.S. MAIN SECURITE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Isabelle BAYSSET de la SCP SCP INTER-BARREAUX D'AVOCATS MARGUERIT - BAYSSET - RUFFIE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [J] [N] a été embauché du 21 mars au 31 mars 2019 par la Sas Main Sécurité en qualité de chef d'équipe des services de sécurité incendie suivant contrat de travail à durée déterminée, régi par la convention collective nationale des entreprises de sécurité.

Un contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé entre les parties le 1er avril 2019.

Le salarié a été affecté au centre de rétention administrative de [Localité 3].

Lors de la visite d'information et de prévention du 6 novembre 2019, la médecine du travail a déclaré M. [N] apte mais a contre-indiqué un travail de nuit régulier et/ou répété.

M. [N] a été placé en arrêt de travail du 8 au 30 novembre 2019.

Par courrier du 3 décembre 2019, la Sas Main Sécurité a indiqué ne pas pouvoir répondre aux aménagements de poste préconisés. Elle a sollicité l'avis de la médecine du travail sur l'aptitude de M. [N] à son poste de travail.

A la suite des visites des 6 et 17 janvier 2020, la médecine du travail a déclaré le salarié inapte au travail de nuit mais apte au poste de travail occupé en journée.

La médecine du travail a maintenu cet avis par courriers des 12 et 21 février 2020.

Après avoir été convoqué par courrier du 23 avril 2020 à un entretien préalable au licenciement fixé au 7 mai 2020, M. [N] a été licencié le 13 mai 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [N] a contesté son licenciement le 25 mai 2020.

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 12 août 2020 pour obtenir le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 28 septembre 2022, a :

- jugé que le licenciement de M. [N] est justifié par un motif réel et sérieux, son inaptitude d'origine non professionnelle, et n'est pas entaché de nullité,

- jugé que la Sas Main Sécurité n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité,

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la Sas Main Sécurité de sa demande reconventionnelle de versement par M. [N] de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné M. [N] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 2 novembre 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 octobre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er février 2023, M. [J] [W] [N] demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- juger que la Sas Main Sécurité a manqué à son obligation de sécurité,

- en conséquence, condamner la Sas Main Sécurité à lui payer la somme de 10 833 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

- juger que son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner la Sas Main Sécurité à lui payer les sommes suivantes :

3 666 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 833 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

183 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

- condamner la Sas Main Sécurité aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 25 avril 2023, la Sas Main Sécurité demande à la cour de :

- fixer le salaire de M. [N] à la somme de 1779.40 euros,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire

- limiter à la somme de 1779,40 euros le quantum des éventuels dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit 1 mois de salaire,

- juger que M. [N] ne saurait prétendre à une somme supérieure à 1779.40 euros au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 177.94 euros de congés payés afférents.

En tout état de cause,

- débouter M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Reconventionnellement, le condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 23 février 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur l'obligation de sécurité et la visite médicale d'information et de prévention

En vertu des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

L'article R 4624-10 du code du travail dispose que tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

Aux termes des articles R3l22-18 et suivants du code du travail, les travailleurs de nuit bénéficient d'une surveillance médicale renforcée qui a pour objet de permettre au médecin du travail d'apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit pour leur santé et leur sécurité et d'en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale.

Un travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d'aptitude atteste que son état de santé est compatible avec une telle affectation.

Selon l'article 6 de son contrat de travail, M. [N], affecté sur le centre de rétention administrative de [Localité 3], pouvait être amené à travailler de jour comme de nuit, ainsi que les samedis, dimanches et jours fériés (artícle 7-01 de la convention collective).

L'appelant soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en lui faisant passer tardivement la visite d'embauche devenue visite médicale d'information et de prévention en novembre 2019, soit plus de 3 mois après son engagement et à la suite de ses sollicitations.

Or il a alerté la société des conséquences négatives du travail de nuit sur son état de santé par:

. courriel du 23-09-2019 en rappelant sa préférence de travailler de jour comme précisé lors de l'entretien d'embauche et en révélant qu'il est atteint d'une discopathie dont les douleurs sont aggravées par une position assise prolongée,

. courriel du 18-10-2019, l'informant de douleurs au niveau du dos et se réservant le droit de ne pas assurer des vacations de nuit jusqu'à la visite médicale prévue le 06 novembre.

Préalablement, le 27-09-2019, M. [N] a écrit au médecin du travail pour l'alerter sur l'absence de visite médicale, ses conditions de travail et leur incidence sur sa santé au vu de sa pathologie.

La société dénie tout manquement. Elle réplique que l'appelant ne s'est pas présenté à la visite médicale prévue au 15 juillet 2019, qu'il n'avait pas la qualité de travailleur de nuit et n'était pas affecté exclusivement à un travail de nuit tel que défini par l'avenant du 25 septembre 2001 de la convention collective; ainsi il ne relevait pas d'une surveillance médicale renforcée.

Sur ce:

La visite d'information et de prévention a pour but d'évaluer l'aptitude du salarié à l'exercice de ses fonctions et de proposer d'éventuelles adaptations du poste ou une affectation à un autre poste.

Selon les articles L 3122-2 et L 3122-5 du code du travail ( modifiés par la loi du 08-08-2016), tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit, la période de travail de nuit commençant au plus tôt à 21 heures et s'achevant au plus tard à 7 heures.

Le salarié est considéré comme travailleur de nuit dès lors que :

1° Soit il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;

2° Soit il accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 3122-2, fixé par une convention ou un accord collectif.

L'article L 3122-23 dispose qu' à défaut de stipulation conventionnelle, le nombre minimal d'heures entraînant la qualification de travailleur de nuit est fixé à deux cent soixante-dix heures sur une période de référence de douze mois.

En l'espèce, selon la convention collective au visa de l'avenant du 25 septembre 2001 sur la durée du travail et le travail de nuit, la durée des vacations, y compris celles effectuées la nuit, peut atteindre l'amplitude de 12 heures et la durée hebdomadaire moyenne sur une période de 12 semaines consécutives pour les travailleurs de nuit peut atteindre 44 heures. Une majoration de 10% est versée pour les heures réalisées entre 21h et 6h.

Il ressort des plannings versés que M. [N] a accompli des heures de nuit sur les temps de travail de 19 heures à 07 heures, en 2019, 5 fois en avril - 1 fois en mai et juin - 3 fois en juillet - 9 fois en août - 4 fois en septembre et 5 fois en octobre.

Les heures prévues en novembre n'ont pas été effectuées du fait de l'arrêt maladie du 07 au 30 novembre et il n'a pas été affecté de nuit en décembre.

Il a réalisé une fois des heures de nuit en janvier 2020 puis aucune en février 2020.

Si le nombre de vacations de nuit est variable selon les mois, l'appelant a accompli au moins 270 heures de nuit sur la période d' avril à octobre 2019. Dès lors il peut prétendre à la qualité de travailleur de nuit et à une surveillance médicale renforcée, impliquant une visite médicale préalable à la prise de poste.

Il convient de relever que l'employeur indiquera au médecin du travail, à la suite de l'étude de poste lors de la procédure d'examen de l'aptitude du salarié, par courrier du 24 janvier 2020, que l'intéressé est amené à effectuer 50% de son temps de travail en vacation de nuit et 50% en vacation de jour, ce qui va donc au-delà de 'vacations occasionnelles'.

La société produit une convocation du 09 juillet 2019 de la médecine du travail, à une visite médicale d'embauche fixée au 15 juillet 2019.

L'appelant conteste en avoir été informé ce d'autant qu'il était en congés au Cameroun jusqu'au 14 juillet et ne travaillait pas le 15 juillet.

La société ne justifie pas de l'information de cette convocation à l'appelant.

Par courrier du 24 juillet 2019, le salarié a sollicité que l'employeur prenne en compte son souhait de travailler en journée, n'ayant pas souvent travaillé la nuit et ayant des enfants en bas âge.

Par courriel du 23 septembre 2019, M.[N] a informé l'employeur de sa pathologie non compatible avec un travail de nuit prolongé et de ce qu'il n'avait pas rencontré le médecin du travail depuis son embauche.

La cour relève que la société n'a pas fait procéder à la visite médicale initiale, ne s'est pas inquiétée de l'absence du salarié à la visite fixée au 15 juillet et malgré le second courrier du salarié du 18 octobre 2019, faisant part de douleurs au niveau du dos suite au travail de nuit, lui a demandé d'attendre les conclusions du médecin de travail lors de la visite à venir du 6 novembre 2019.

A cette date, il n'était pas conclu à une inaptitude du salarié mais à «une contre-indication médicale au travail de nuit régulier et/ou répété: il est nécessaire qu'une réflexion sur le poste soit menée de façon à privilégier les vacations de jour et limiter au maximum les vacations de nuit répétées ».

Le lendemain M. [N] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 30 novembre 2019.

La société a donc manqué de diligences pour mettre en oeuvre une visite d'embauche nécessaire à la mise en place du travail de nuit, ce qui aurait permis de déterminer dès avant la prise de poste, la compatibilité et les limites d'exercice d'un travail de nuit par l'intéressé.

Aussi l'intimée sera condamnée à payer à M. [N] une somme de 2000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée:

' Par la présente, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les raisons suivantes:

Le 06/11/2019, vous avez passé une visite médicale initiale au cours de laquelle le médecin du travail vous a déclaré apte à votre poste de travail actuel tout en proposant des mesures d'aménagement telles qu'énoncées ci-après: «Contre-indication médicale au travail de nuit régulier et/ou répété: il est nécessaire qu'une réflexion sur le poste soit menée de façon à privilégier les vacations de jour et limiter au maximum les vacations de nuit répétées ''.

A la suite de cet avis, nous avons aménagé temporairement votre planning de travail afin de respecter les préconisations du médecin du travail.

Le 03/12/2019, nous avons écrit au médecin du travail afin de l'informer que I'aménagement de votre poste de travail en vacation de jour uniquement ne pouvait pas se pérenniser au regard du cahier des charges auquel nous sommes tenus vis-à-vis de notre client du Centre de Rétention Administrative, site sur lequel vous êtes affecté.

Suite à la demande du médecin du travail, vous avez passé deux visites médicales espacées de quinze jours maximum , en date des 06 et 17 janvier 2020. Le médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste de travail, le 17 janvier 2020. Le docteur [R] a précisé que : « inapte au poste de nuit. Apte au poste occupé en poste en journée uniquement ''.

A la suite de cet avis d'inaptitude, nous avons maintenu l'aménagement temporairement en vacation de jour uniquement de votre poste de travail mis en place, conformément aux préconisations du médecin du travail dans I'attente d'un avis définitif sur le poste occupé.

Nous avons adressé un nouveau courrier à destination du médecin du travail le 24/01/2020 afin qu'il statue définitivement sur votre aptitude ou non à occuper votre poste de travail actuel, à savoir vacation de jour et de nuit.

Vous avez été déclaré inapte définitivement à votre poste de travail, lors de la visite médicale en date du 12/02/2020, au cours de laquelle le médecin a indiqué « inapte au poste de travail occupé et à tout poste comportant du travail de nuit. Apte à un poste comportant uniquement des horaires en journée ''.

Par courrier en date du 20/02/2020, nous avons demandé au médecin du travail des précisions quant à cet avis d'inaptitude afin d'orienter nos recherches de reclassement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20/02/2020, nous vous avons informé que compte-tenu de votre inaptitude totale à votre poste de travail, nous ne pouvions plus vous maintenir à votre poste actuel et qu'il ne nous était pas possible à cette date de vous reclasser provisoirement.

Nous vous avons également informé que nous procédions à une procédure de recherche de reclassement sur un poste susceptible d'être en adéquation avec les prescriptions du médecin du travail au sein de l'agence et au sein de l'ensemble des entités du groupe.

De ce fait, afin de vous impliquer dans cette démarche, nous vous avons proposé de nous rencontrer le 28/02/2020, entretien auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Nous avons procédé à une recherche de reclassement au sein de notre groupe parmi les emplois existants correspondant à vos compétences professionnelles et répondant aux critères définis par le médecin du Travail.

Les membres du Comité Social et Economique d'établissement ont été régulièrement consultés sur ce point au cours d'une réunion extraordinaire le 16/04/2020.

Ainsi, comme nous vous l'avons indiqué par courrier en date du 20/04/2020, aucun autre poste compatible avec vos aptitudes médicales n'étant disponible au sein de notre groupe, votre reclassement s'avère impossible, de même que votre maintien dans I'entreprise.

C'est pourquoi, nous sommes au regret de vous notifier ce jour votre licenciement motivé par l'impossibilité de procéder à votre reclassement en raison de votre inaptitude médicalement constatée ainsi qu'exposé ci-dessus. Cette décision prendra effet dès la première présentation de ce courrier.

Compte tenu du fait qu'il vous est impossible d'exécuter un quelconque préavis, celui-ci ne vous sera pas rémunéré. Votre solde de tout compte sera donc arrêté à la date de la première présentation de ce courrier. (...)'

***

A titre principal, l'appelant conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement du seul fait que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité pour visite d'embauche tardive serait la cause de la déclaration de son inaptitude.

A titre subsidiaire, il argue que la société ne pouvait fonder le licenciement sur une inaptitude partielle révélée tardivement alors qu'elle avait la possibilité d'aménager le poste et outre qu'elle n'a pas procédé à des recherches sérieuses de reclassement.

Sur ce:

* Le manquement à l'obligation de sécurité lié à la visite d'embauche tardive n'a pas entraîné une déclaration d'inaptitude mais d'aptitude avec des réserves, puisqu'à la suite de la visite du 06 novembre 2019, le médecin du travail n'a pas interdit tout travail de nuit mais a préconisé de limiter au maximum les vacations de nuit au profit de celles de jour.

Dès lors le licenciement ne peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse du seul fait du manquement lié à la visite médicale tardive.

* A la suite de l'avis médical non contesté du 06 novembre 2019, la société a mis en place un aménagement du poste de M. [N], lequel a occupé un poste en journée (de 7H à 19H) au sein du centre de rétention administrative jusqu'au mois de février 2020.

L'appelant soutient que la société a dénaturé le contenu du contrat de travail et il remet en cause les affirmations de l'employeur émises lors d'échanges avec le médecin du travail dont il a eu connaissance tardivement:

- un courriel du 3 décembre 2019 aux termes duquel la société fait part de l'impossibilité de poursuivre l'aménagement de poste au motif que :

' Le cahier des charges établi par notre client, le CRA [Localité 4] 31, ne permetpas de répondre à l'aménagement de poste demandé compte tenu que les prestations doivent être effectuées essentiellement de nuit au regard du poste occupé par M. [N]. En effet, à ce jour, nous n'avons qu'un seul poste non tournant de jour uniquement, et ce poste est actuellement occupé par un autre salarié qui est chef

d'équipe des services de sécurité incendie. Nous ne pouvons pas affecter M. [N] sur un poste uniquement ou essentiellement de jour comme préconisé dans votre avis médical.'

- le 24 janvier 2020, l'employeur demandait au médecin du travail de se positionner sur 1'aptitude ou l'inaptitude du salarié à son poste de 50 % en vacation de nuit et 50 % en vacation de jour.

M. [N] verse le témoignage de M. [F], ancien collègue de travail au centre de rétention, ayant quitté l'entreprise en mai 2020, selon lequel l'appelant pouvait travailler sur son poste en journée, car il existait à son arrivée sur le site, un aménagement d'horaires au choix des salariés.

La société le réfute en opposant que M. [D], en sa qualité de chef de site, était le seul à assurer uniquement des vacations en journée.

A l'examen des plannings versés ( pièce 26) pour la période de avril 2019 à décembre 2019 et de janvier et février 2020, la cour constate que M. [D], chef de site, a uniquement exercé des vacations en journée.

Un autre salarié, M. [Z] assurait presque exclusivement des vacations en journée d'avril à août 2019, puis il a été remplacé par M.[A] qui progressivement, à compter de novembre 2019, période d'arrêt maladie de M. [N], a été positionné de plus en plus sur des vacations de nuit.

Deux autres salariés, Messieurs [F] et [V] réalisaient en majorité des vacations de nuit.

Il s'en évince que les affectations jusqu'au mois de novembre 2019, présentaient une certaine constance corroborant l'existence de 'deux équipes'.

Si le contrat de travail à temps complet de l'appelant mentionne qu'il serait amené à assurer des vacations de jour comme de nuit, en tout état de cause, il n'était stipulé, ni qu'il serait employé uniquement pour un travail de nuit, ni que la répartition des vacations se ferait à tout le moins à mi-temps sur la journée et la nuit, ce qui n'est pas corroboré par celles effectivement réalisées.

Or, c'est face à cette présentation suivie d'une étude de poste que le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude le 12 février 2020: ' Inapte au poste de travail occupé et à tout poste comportant du travail de nuit. Apte à un poste comportant uniquement des horaires en journée.'

Si le secteur de la sécurité implique des contraintes organisationnelles, l'intimée ne produit pas le cahier des charges du centre de rétention imposant que M. [N] en qualité de chef d'équipe, ne pouvait être affecté qu'à une répartition mi-temps de jour et de nuit, alors même qu'un aménagement en journée est intervenu pendant 4 mois.

De ce fait, l'employeur ne démontre pas l'impossibilité de poursuivre la mise en place de l'aménagement du temps de travail sur la journée de M. [N] qui a conduit au prononcé de l'inaptitude.

Aussi le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement déféré.

Sur l'indemnisation

L'appelant réclame paiement de:

. une indemnité de 1.833 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 183 € au titre des congés payés afférents,

.3666 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [N], âgé de 57 ans, n'a pas retrouvé d'emploi et a bénéficié des allocations chômage. Il disposait d'une ancienneté d'un peu plus d'un an et d'un salaire moyen de 1779,40 €.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l'espèce compte tenu de l'ancienneté de M. [N], entre un et deux mois.

Il sera alloué au salarié les sommes de 1779,40 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 117,94 € de congés payés afférents et 3559,00 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes annexes

La SAS Main Sécurité,partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement de première instance sera réformé en ce qu'il a condamné M. [N] aux dépens.

M. [N] est droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.

La SAS Main Sécurité sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La SAS Main Sécurité sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Main Sécurité à payer à M. [J] [W] [N] les sommes de:

- 1779,40 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 117,94 €de congés payés afférents,

- 3559,00 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS Main Sécurité aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [N] la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Main Sécurité de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée et par C. DELVER, greffière de chambre.

La greffière, P/La présidente empêchée,

La conseillère,

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/03852
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;22.03852 ?
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