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17/05/2024 | FRANCE | N°22/03809

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 17 mai 2024, 22/03809


17/05/2024



ARRÊT N°2024/188



N° RG 22/03809 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCEQ

FCC/AR



Décision déférée du 20 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montauban ( F19/00163)

section commerce - Coste A

















S.A.R.L. DP MONTAUBAN





C/



[O] [W]










































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confirmation partielle







Grosse délivrée



le 17 05 24



à Me Catherine PLAINECASSAGNE VENTIMILA Me Amarande-julie GUYOT

1CCC AJ



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***...

17/05/2024

ARRÊT N°2024/188

N° RG 22/03809 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCEQ

FCC/AR

Décision déférée du 20 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montauban ( F19/00163)

section commerce - Coste A

S.A.R.L. DP MONTAUBAN

C/

[O] [W]

confirmation partielle

Grosse délivrée

le 17 05 24

à Me Catherine PLAINECASSAGNE VENTIMILA Me Amarande-julie GUYOT

1CCC AJ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.R.L. DP MONTAUBAN

prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 2]

Représentée par Me Catherine PLAINECASSAGNE VENTIMILA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIME

Monsieur [O] [W]

[Adresse 1]

Représenté par Me Amarande-julie GUYOT, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/001808 du 06/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [W] a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (34,76 heures par mois soit 8 heures par semaine) à compter du 22 décembre 2017 par la SARL DP Montauban, exerçant sous la franchise Domino's Pizza, en qualité d'employé polyvalent.

Des avenants ont été établis les 27 décembre 2017, 27 janvier, 24 février, 27 mars et 21 avril 2018, modifiant les durées hebdomadaires de travail sur les semaines 1 à 21 de l'année 2018 (respectivement 14, 11, 10, 15, 14, 10, 16, 9, 9, 19, 20, 17, 25, 13, 20, 11, 14, 15, 16, 20 et 26 heures).

La convention collective nationale de la restauration rapide est applicable.

Le 10 août 2018, M. [W] a été victime d'un accident du travail lors d'une livraison de pizzas en scooter ; il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 14 octobre 2018.

Par LRAR du 22 octobre 2018, la SARL DP Montauban a envoyé à M. [W] un courrier de confirmation d'une mise à pied conservatoire notifiée verbalement le 20 octobre 2018. La société dit lui avoir dans le même pli également adressé une convocation à un entretien préalable au licenciement du 13 novembre 2018. Par LRAR du 10 décembre 2018, la SARL DP Montauban a licencié M. [W] pour faute grave, pour absences injustifiées des 16, 17, 18 et 19 octobre 2018.

Le 20 août 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban aux fins notamment de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de paiement de rappels de salaires à temps plein de janvier à juillet 2018, de rappels de salaires pendant l'arrêt pour accident du travail, du coût de réparation de son smartphone, de salaires pendant la mise à pied conservatoire d'octobre à décembre 2018, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Par jugement du 20 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Montauban a :

- dit que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SARL DP Montauban à verser à M. [W] les sommes suivantes :

* 5.762,16 € au titre de rappels de salaires de janvier à juillet 2018, outre 576,21 € au titre des congés payés afférents,

* 1.348,65 € bruts au titre de rappels de salaires durant la période d'accident du travail du 10 août au 10 septembre 2018, outre 134,86 € au titre des congés payés afférents,

* 1.048,95 € au titre de rappels de salaires durant la période d'accident du travail du 10 septembre au 10 octobre 2018 outre 104,89 € au titre des congés payés afférents,

Sauf à déduire les indemnités journalières versées par la CPAM,

* 499,52 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire d'octobre 2018, outre 49,95 € au titre des congés payés afférents,

* 1.498,50 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire de novembre 2018, outre 149,84 € au titre des congés payés afférents,

* 1.498,49 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 149,84 € au titre des congés payés afférents,

* 374,62 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1.498,49 € au titre de dommages-intérêts en réparation (pour licenciement abusif),

* 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [W] du surplus et autres demandes,

- débouté la SARL DP Montauban de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens de l'instance à la charge de la SARL DP Montauban.

La SARL DP Montauban a relevé appel de ce jugement le 28 octobre 2022, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 7 septembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL DP Montauban demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué des sommes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande en remboursement de frais de réparation de son téléphone portable,

Et, statuant à nouveau,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, sur les seuls dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- limiter l'indemnisation octroyée à M. [W] à titre de dommages et intérêts sur la base de son temps effectif de travail à temps partiel et dans les limites des barèmes Macron, soit à la somme de 728,74 €,

En tout état de cause,

- condamner M. [W] à verser à la SARL DP Montauban la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers frais et dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, sur le rappel de salaire durant la période d'accident du travail du 10 août au 10 octobre 2018, et en ce qu'il a jugé abusif le licenciement et jugé irrégulière la procédure de licenciement en l'absence de convocation à l'entretien préalable,

- réformer le jugement sur le montant de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts, et en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande au titre du smartphone,

- condamner la SARL DP Montauban au paiement des sommes suivantes :

* un rappel de salaire de janvier à juillet 2018 de 5.762,16 € bruts outre congés payés de 576,21 €,

* 1.348,65 € bruts outre congés payés de 134,86 € au titre du rappel de salaire du 10 août au 10 septembre 2018,

* 1.048,95 € bruts outre congés payés de 104,89 € au titre du rappel de salaire du 10 septembre au 10 octobre 2018,

(sauf à déduire les indemnités journalières versées par la CPAM),

* 109,90 € au titre de la réparation du smartphone,

* 499,52 € au titre de la mise à pied conservatoire du mois d'octobre 2018, outre congés payés de 49,95 €,

* 1.498,50 € au titre de la mise à pied conservatoire du mois de novembre 2018, outre149,84 € au titre des congés payés afférents,

* 499,52 € au titre de la mise à pied conservatoire du 1er au 10 décembre 2018, outre 49,95 € au titre des congés payés afférents,

* 1.498,49 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés de 149,84 €,

* 749,24 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 9.000 € de dommages et intérêts (L 1226-15),

* 1.400,98 € de dommages et intérêts en réparation du licenciement irrégulier,

* 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

outre les dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 5 mars 2024.

MOTIFS

1 - Sur la requalification de contrat de travail à temps partiel à temps complet :

En application de l'article L 3123-7 du code du travail, le salarié à temps partiel bénéficie d'une durée minimale de travail hebdomadaire déterminée selon les modalités fixées aux articles L 3123-19 et L 3123-27 ; une durée de travail inférieure peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même premier alinéa ; cette demande est écrite et motivée.

La convention collective nationale de la restauration rapide prévoit une durée minimum hebdomadaire de 24 heures.

M. [W], qui demande la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, expose notamment que le contrat a été conclu pour une durée hebdomadaire de travail inférieure au minimum de 24 heures, alors qu'il n'y a pas eu de demande écrite régulière du salarié en vue de déroger à ce minimum.

Il est exact que ni le contrat de travail initial ni les avenants successifs n'ont respecté la durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures.

La SARL DP Montauban produit un document daté du 22 décembre 2017, portant la signature '[W]', demandant une dérogation à la durée minimale de 24 heures par semaine 'pour des raisons personnelles'. M. [W] nie en être l'auteur et la SARL DP Montauban a fait réaliser une expertise privée en écritures par M. [E], expert judiciaire, lequel dans un rapport du 4 décembre 2020 estime que la signature est bien celle de M. [W]. Il s'agit néanmoins du seul élément produit par l'employeur, or une expertise en écritures privée n'est pas suffisante en l'absence d'autres éléments. La cour ne peut en effet procéder à une vérification d'écritures puisque la société ne produit pas l'original du document du 22 décembre 2017 mais uniquement une copie.

Par ailleurs, la volonté de M. [W] était incertaine au vu des attestations produites par la société ; en effet, Mme [Y], ancienne manager au sein de l'entreprise, indique par le biais d'une attestation dactylographiée du 20 mai 2020 ensuite refaite de manière manuscrite le 2 janvier 2021, que lors de son embauche M. [W] souhaitait être à temps partiel afin de garder du temps libre pour poursuivre ses recherches en écoles de mannequinat mais qu'il voulait travailler plus de 34,67 heures par mois, Mme [Y] lui ayant répondu que ce n'était pas possible pour l'instant et qu'en fonction des besoins la durée pourrait être augmentée ultérieurement.

Ainsi, le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps plein, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens tendant à la requalification.

M. [W] réclame un rappel de salaire de 5.762,16 € bruts outre congés payés, sur la période de janvier à juillet 2018, correspondant à la différence entre le salaire à temps plein (1.498,49 € par mois) et les salaires versés, calcul que le conseil de prud'hommes a retenu et que la société ne conteste pas.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2 - Sur l'indemnisation complémentaire de l'accident de travail :

En application de l'article 20 de la convention collective nationale de la restauration rapide, le salarié victime d'un accident du travail ou du trajet reconnu comme accident du travail, ou d'une maladie professionnelle, alors qu'il était au service de l'employeur au moment de l'événement, bénéficie des garanties d'emploi telles que prévues par la législation en vigueur. Il bénéficie en outre de l'indemnisation légale ce, à compter de 6 mois de présence continue dans l'entreprise.

En application des articles L 1226-1 et D 1226-1 du code du travail, le salarié en arrêt pour accident du travail bénéficie d'une indemnité complémentaire à l'allocation versée par la sécurité sociale, égale à 90 % de la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler, pendant les 30 premiers jours, et aux 2/3 pendant les 30 jours suivants.

M. [W] et le conseil de prud'hommes se sont référés à tort au régime applicable en cas de maladie ordinaire.

De son côté, la SARL DP Montauban se borne à indiquer que M. [W] a été rempli de ses droits car il a été indemnisé par la CPAM sur la base du salaire de juillet 2018 supérieur au salaire prévu dans le contrat de travail, sans toutefois détailler son calcul. En tout état de cause, le calcul doit s'effectuer sur la base du salaire à temps plein.

Compte tenu d'un salaire dû à temps plein de 1.498,49 € et de l'attestation de la CPAM du 14 septembre 2018, le salaire dû par l'employeur est donc de :

- du 11 août au 7 septembre 2018 : (49,94 € x 28 jours x 90 %) - 300,72 € d'indemnités journalières versées = 957,76 €

- du 8 septembre au 10 octobre 2018 : (49,94 € x 33 jours x 2/3) - 56,04 € d'indemnités journalières versées du 8 au 11 septembre 2018 = 1.042,64 € ;

soit un total de 2.000,40 €, sauf à déduire les indemnités journalières versées du 12 septembre au 10 octobre 2018 d'un montant inconnu faute de production d'attestation sur cette période ;

outre congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur le montant.

3 - Sur le remboursement du téléphone portable :

M. [W] expose que, lors de son accident de travail en scooter le 10 août 2018, l'écran de son téléphone portable personnel s'est cassé, et que ce téléphone lui permettait de recevoir les instructions de commandes et de livraison par son employeur.

Or, M. [W] ne justifie ni de la dégradation de son téléphone lors de cet accident ni de l'usage de son téléphone personnel à des fins professionnelles, alors que Mme [Y] atteste que les salariés devaient laisser leurs effets personnels dans leur casier et qu'elle a constaté, le 10 août 2018 en début de service (soit avant l'accident du travail ) que le téléphone de M. [W] était déjà fissuré ; de plus, la SARL DP Montauban produit un ticket de commande mentionnant toutes les informations nécessaires aux livreurs qui n'avaient donc pas à utiliser leur téléphone personnel.

Ainsi, la cour par confirmation du jugement déboutera M. [W] de sa demande de ce chef.

4 - Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise, d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.

Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d'en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, M. [W] a été licencié dans les termes suivants :

'Nous vous avons convoqué à un entretien préalable prévu le 13 novembre 2018 à 9h00 en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.

Nous sommes aujourd'hui contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave lié aux motifs suivants :

Vous vous êtes présenté dans nos locaux le 15/10/2018, lendemain de la fin de prolongation de votre arrêt de travail, pour connaître vos jours et horaires de reprise. Il vous a alors été communiqué ces informations. Malgré cela, et sans nous en aviser, vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail le 16/10/2018 de 19h00 à 21h00, le 17/10/2018 de 19h00 à 21h00 et le 18/10/2018 de 19h00 à 21h00 et le 19/10/2018 de 19h à 21h00.

Nous vous rappelons les termes de l'article 7 de votre contrat de travail :

En cas d'absence prévisible, l'employé(e) devra solliciter l'autorisation préalable de la Direction. 'En cas d'absence imprévisible, l'employé(e) devra prévenir son employeur dans les plus brefs délais. Si l'absence résulte de la maladie ou d'un accident, la justification devra avoir lieu dans les deux jours par l'envoi d'un arrêt de travail précisant également la durée probable de l'arrêt; la même formalité étant requise en cas de prolongation de l'arrêt initial'.

La violation de cet article et vos manquements professionnels ont causé une désorganisation et une dégradation du fonctionnement de notre activité commerciale, tant au niveau de nos clients que de nos autres salariés.

Par conséquent, nous n'avons pas d'autre choix que de procéder à la rupture définitive de votre contrat de travail pour faute grave.'

Ainsi, il est reproché à M. [W] une absence injustifiée du 16 au 19 octobre 2018.

Il soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse aux motifs qu'il n'a pas passé de visite de reprise après la fin de son arrêt pour accident du travail au 14 octobre 2018 et qu'il n'a pas reçu son planning de la semaine du 15 octobre 2018.

Or, tout salarié victime d'un accident de travail placé en arrêt de travail de plus de 30 jours doit bénéficier dans les huit jours de son retour d'une visite de reprise. A défaut, son contrat de travail demeure suspendu et la protection contre le licenciement reste applicable.

En application des articles L 1226-7 et L 1226-9 du code du travail, au cours de la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave soit une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident du travail ; en cas de faute grave, l'employeur peut seulement reprocher au salarié un manquement à l'obligation de loyauté.

M. [W] a manifesté, par l'envoi d'un mail à l'employeur le 14 octobre 2018, sa volonté de reprendre son emploi le 15 octobre 2018 à l'issue d'un arrêt de travail de plus de 30 jours consécutif à l'accident du travail survenu le 10 août 2018. Si l'employeur démontre qu'il a demandé à la médecine du travail l'organisation d'une visite de reprise par mail du 14 octobre 2018 avec relance par mail du 15 novembre 2018, et qu'une convocation n'a été adressée par la médecine du travail, encombrée, que le 20 novembre 2018 en vue d'une visite du 7 décembre 2018, à laquelle M. [W] ne s'est pas présenté, il demeure qu'au jour de la notification du licenciement du 10 décembre 2018 aucune visite de reprise n'avait eu lieu de sorte que le contrat de travail était toujours suspendu.

Dès lors, la SARL DP Montauban ne pouvait pas reprocher à M. [W] une absence injustifiée, sans viser un manquement à l'obligation de loyauté.

Ainsi, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse - M. [W] n'alléguant pas la nullité du licenciement.

5 - Sur la procédure de licenciement :

M. [W] soutient ne pas avoir reçu de convocation à un entretien préalable au licenciement car la LRAR du 22 octobre 2018 ne contenait selon lui que la notification de la mise à pied conservatoire et non la convocation.

Or, la lettre de convocation à l'entretien préalable datée du 22 octobre 2018 mentionnait le numéro de la LRAR qui est jointe et M. [W] ne produit pas l'original de la notification de la mise à pied qui selon l'employeur était agrafée à la convocation.

L'irrégularité de la procédure de licenciement n'est donc pas établie ; au demeurant, M. [W] ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure lesquels ne pourraient se cumuler avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [W] ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef, par confirmation du jugement.

6 - Sur les conséquences financières du licenciement :

Sur la mise à pied conservatoire :

Le salarié réclame un rappel de salaire sur la période du 20 octobre au 10 décembre 2018 à temps plein ; dans les motifs du jugement, le conseil de prud'hommes a fait droit à ses demandes et, dans le dispositif, a condamné au paiement des sommes pour octobre et novembre 2018 (499,52 € et 1.498,50 €) mais a omis de condamner pour décembre 2018.

Le jugement sera donc confirmé sur ces sommes et il sera ajouté la somme de 499,52 € au titre de décembre 2018 outre congés payés de 49,92 €.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Compte tenu de l'ancienneté de M. [W], il lui sera alloué une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire soit 1.498,49 € bruts outre congés payés de 149,84 € bruts, le jugement étant confirmé.

Sur l'indemnité de licenciement :

M. [W] réclame l'application de l'article L 1226-14 du code du travail prévoyant une indemnité de licenciement doublée.

Toutefois, ce texte concerne le salarié licencié pour inaptitude d'origine professionnelle, ce qui n'est pas le cas de M. [W] licencié pour faute grave.

Seul s'applique l'article L 1234-9 du code du travail, prévoyant une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année au-delà de 10 ans d'ancienneté.

Compte tenu du salaire de 1.498,49 € et d'une ancienneté d'un an et 20 jours calculée à la fin du préavis, il sera alloué à M. [W] une indemnité de licenciement de 395,14 €, le jugement étant infirmé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. [W] demande des dommages et intérêts égaux à 6 mois de salaire en application de l'article L 1226-15 du code du travail ; or ce texte concerne le salarié licencié non réintégré à l'issue de l'arrêt pour accident du travail ou le salarié licencié pour inaptitude après un avis d'inaptitude du médecin du travail en méconnaissance de l'obligation de reclassement, ce qui n'est pas le cas de M. [W].

De son côté, la SARL DP Montauban entend voir appliquer le barème de l'article L 1235-3 du code du travail prévoyant une indemnité maximale d'un mois de salaire brut.

Or, est applicable l'article L 1235-3-1 du code du travail sanctionnant le licenciement en méconnaissance de l'article L 1226-13 renvoyant à l'article L 1226-9, par un minimum de dommages et intérêts de 6 mois.

M. [W], né le 29 septembre 2000, était âgé de 18 ans lors du licenciement ; il ne justifie pas de sa situation.

Il lui sera alloué des dommages et intérêts de 8.991 €, le jugement étant infirmé.

7 - Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La SARL DP Montauban qui succombe au principal sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et supportera ses propres frais irrépétibles et ceux exposés par le salarié soit 1.200 € en première instance ; l'intimé qui est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale en appel et ne demande pas l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de son conseil sera débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf sur les montants des rappels de salaires pendant la période d'arrêt pour accident du travail, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces dispositions étant infirmées,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la SARL DP Montauban à payer à M. [O] [W] les sommes suivantes :

- 2.000,40 € bruts au titre du maintien de salaire du 11 août au 10 octobre 2018, sauf à déduire les indemnités journalières versées par la CPAM pour la période du 12 septembre au 10 octobre 2018, outre congés payés de 10 % afférents,

- 499,52 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire du 1er au 10 décembre 2018, outre congés payés de 49,95 € bruts,

- 395,14 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 8.991 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SARL DP Montauban aux dépens d'appel, avec application des règles relatives à l'aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 22/03809
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;22.03809 ?
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