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17/05/2024 | FRANCE | N°22/02978

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 17 mai 2024, 22/02978


17/05/2024



ARRÊT N°2024/165



N° RG 22/02978 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O6CJ

MD/CD



Décision déférée du 11 Juillet 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/01128)

P. MONNET DE LORBEAU

Section Encadrement

















[H] [S]





C/



S.A.S. ALTRAN TECHNOLOGIES





































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée

le 17/5/24

à Me L'HOTE, Me JAZOTTES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [H] [S]

[Adress...

17/05/2024

ARRÊT N°2024/165

N° RG 22/02978 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O6CJ

MD/CD

Décision déférée du 11 Juillet 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/01128)

P. MONNET DE LORBEAU

Section Encadrement

[H] [S]

C/

S.A.S. ALTRAN TECHNOLOGIES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 17/5/24

à Me L'HOTE, Me JAZOTTES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Véronique L'HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

SAS ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, conseillère, S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] [S] a été embauché le 12 juin 2002 par la société Logiqual devenue Altran Technologies en qualité d'ingénieur consultant suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques.

M. [S] a fait l'objet d'un premier avertissement le 9 avril 2015 pour avoir précipitamment quitté des réunions et d'un second avertissement le 31 janvier 2017 suite à une altercation avec l'un de ses collègues. Il a contesté ces deux avertissements.

M. [S] a été placé en arrêt de travail du 19 mars au 19 avril 2019 pour syndrome anxio-dépressif, puis du 7 mai au 28 juin 2019.

Lors de la visite de reprise du 08 juillet 2019, le médecin du travail préconisait: « Reprise à mi-temps thérapeutique. Travaille une demi-journée et le matin si cela est possible ».

Par avenant du 10 juillet 2019, M. [S] est placé en temps partiel thérapeutique.

Après avoir été convoqué par courrier du 4 mars 2020 à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 mars 2020, finalement reporté au 27 mars 2020, il a été licencié par courrier du 17 juin 2020 pour 'causes sérieuses'.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 27 juillet 2020 pour contester son licenciement, demander la reconnaissance d'un manquement de l'employeur à son obligation de santé au travail et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 11 juillet 2022, a :

- jugé que le licenciement de M. [S] n'est pas nul et qu'il est fondé sur un motif réel et sérieux,

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les parties du surplus,

- condamné M. [S] aux dépens.

Par déclaration du 2 août 2022, M. [S] a interjeté appel de ce jugementdans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 04 mars 2024, M. [H] [S] demande à la cour de :

- prononcer le rabat de la clôture intervenue le 23 février 2024,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté :

* de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul,

* de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement nul,

* de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

Statuant à nouveau,

- juger que son licenciement est nul,

- condamner la Sas Altran technologies au paiement de la somme de 120 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul,

- condamner la Sas Altran technologies au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la Sas Altran technologies au paiement de la somme de 15 000 euros à titre des dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

Subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté :

* de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Sas Altran technologies à lui régler la somme de 58 637,17 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- condamner la Sas Altran technologies à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la Sas Altran technologies de l'intégralité de ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 février 2024, la Sas Altran technologies demande à la cour de :

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 23 février 2024,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* jugé que le licenciement de M. [S] n'est pas nul et qu'il est fondé sur un motif réel et sérieux,

* débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné M. [S] aux dépens.

Et par conséquent,

- débouter M. [S] de toutes ses prétentions,

-condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 23 février 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Sur accord des parties, l'ordonnance de clôture a été révoquée et une nouvelle clôture a été prononcée au 06 mars 2024, date à laquelle l'affaire a été plaidée, les parties ayant expressément renoncé à son renvoi.

Sur le licenciement

M. [S] sollicite à titre principal le prononcé de la nullité du licenciement pour avoir subi un harcèlement moral de son employeur et à titre subsidiaire que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur le harcèlement moral:

En application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L 1152-3 et L1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Aux termes des articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail, l'employeur doit mettre en oeuvre des mesures de prévention pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1.

***

M. [S] expose qu'à compter de 2015, date à laquelle il a saisi la juridiction prud'homale dans le cadre d'un contentieux collectif aux fins d'obtenir paiement d'heures supplémentaires, il a subi des pressions de la part de son employeur qui ont dégradé ses conditions de travail et son état de santé.

Ainsi alors qu'il bénéficiait de bonnes appréciations de son employeur, il a fait l'objet de deux avertissements injustifiés ( dont il n'est pas demandé l'annulation) le 09 avril 2015 (au motif qu'il aurait quitté prématurément les réunions organisées par le client) puis le 31 janvier 2017 ( pour être à « l'origine d'une altercation houleuse avec un de ses collègues»), qu'il a contestés respectivement par courriers des 29 avril 2015 et 24 février 2017 qu'il verse à la procédure.

A la suite de ce second avertissement, M. [S] a fait part à l'employeur d'un 'traumatisme psychique' et il a consulté un psychiatre le 06 avril 2017 puis le médecin du travail le 28 avril 2017.

L'appelant se plaint d'un manque de considération et d'une mise à l'écart.

Ainsi, lors du courrier de contestation de l'avertissement du 29 avril 2015, il a fait part de propos injurieux de la part de son supérieur hiérarchique M. [R] (« tu n'as rien branlé et tu te fous de notre gueule »).

Le 25 avril 2017, il demandait à être réintégré en copie des mails concernant les projets « G1 » et « KPIs old » rédigés par [T] [K] qui s'y refusait.

Par courriel du 01 mars 2019, il faisait grief à M. [Z], responsable technique du projet Siemens Mobility débuté en mars 2018, de ses demandes répétées de lui communiquer des informations qu'il avait déjà transmises.

M. [S] a été placé en arrêt de travail à compter du 19 mars 2019 pour syndrome anxiodépressif.

Il indique qu'à la suite de la reprise de son activité en temps partiel thérapeutique à compter de juillet 2019, il a débuté le projet DO200 en septembre 2019 et a été en contact avec [D] [E], consultant en charge du projet, lequel lui a fait régulièrement des remarques désobligeantes et ne souhaitait pas collaborer.

Le 25 novembre 2019, lors d'une présentation sur la DO178, alors qu'il s'informait sur l'ordre du jour, M. [E] lui répondait: « ce n'est pas important » avant de lui demander de quitter la réunion sous prétexte qu'il « tapait sur son clavier ».

Le 7 janvier 2020, alors qu'il effectuait des contrôles pour le service QIG d'Airbus, il prenait attache pour une information sur un problème qualité auprès de M. [E], lequel lui répondait: « tu n'es pas autonome ».

Le 24 janvier 2020, ce dernier tenait des propos injurieux (« fuck ») et M. [S] a été retiré du projet DO200 pour « incompatibilité avec [D] [E] » par Mme [V], manager, auprès de laquelle l'appelant a fait part des difficultés vécues.

L'appelant ajoute qu'il n'a bénéficié d'aucun accompagnement de son manager M. [G] [A], lequel lui a proposé les projets Siemens Mobility ou DO200 ne correspondant pas à ses compétences; il n'avait pas d'expérience en matière de développement de lot mécanique et d'un métro; il n'est pas ingénieur en génie mécanique mais ingénieur en mécatronique, domaine alliant l'électronique, l'automatique et l'informatique appliquée à la mécanique.

Après avoir été retiré du projet DO200, il ne lui a plus été proposé de projet et il a dû utiliser son propre réseau interne à Altran Technologies pour trouver une nouvelle mission. Le 18 février 2020, il a rencontré [U] [N], chef de projet Armada et lui a demandé à participer à ce projet de recherche, ce dont il a informé M. [A].

Puis rapidement il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement.

M. [S] fait valoir que par ses manquements, l'employeur a contrevenu à son obligation de sécurité, ce qui a entraîné un grand stress à l'origine de ses arrêts de travail.

Les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Il appartient à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société Altran s'inscrit en faux contre les allégations de M. [B], contestant tout manquement et objectant que les avertissements parfaitement justifiés ne participent d'aucun harcèlement moral.

Sur ce:

- Sur l'avertissement du 28 avril 2015

M. [S] intervenu du 02-03 au 13-03-2015 pour le client Airbus sur des activités au forfait, explique avoir assisté à une dizaine de réunions.

La société lui reproche d'avoir quitté 2 réunions avant la fin de celles-ci et d'en avoir annulé une sans justification.

Elle produit un courriel du 16 mars 2015 de M. [R], team manager à M. [X], supérieur hiérarchique, faisant le point suite à un retour dit insatisfait du client:

« Sur le peu de temps qu'il a interagi avec [H], (le client) l'a trouvé « léger » sur son

comportement :

. 1ère réunion ensemble, à 12h30 [H] dit qu'il s'en va (alors que visiblement [L] avait encore des choses à lui montrer)

. 2ème réunion, idem mais cette fois-ci à 17h30, [H] dit qu'il est l'heure pour lui de

partir.

. 3ème réunion, le vendredi 6 mars, juste avant de démarrer il dit à [L] qu'il doit

rentrer à Synapse parce qu'il y a « un problème avec Altran » réunion annulée ».

Or, la cour relève que la société ne produit pas d'écrit du client pour corroborer ces éléments qui restent imprécis quant aux dates des 'premières' réunions contrairement au courrier de contestation de l'appelant, qui oppose que le vendredi 06 mars, aucune réunion de coordination n'a eu lieu 'car toutes les tâches avaient été éclairées avant grâce aux réunions précédentes'.

Aussi la cour considère que le grief est insuffisamment caractérisé.

- Sur l'avertissement du 31 janvier 2017

Il est rédigé en ces termes: « Le lundi 16 janvier 2017 en début de journée, vous avez été à l'origine d'une altercation houleuse avec un de vos collègues. Le point de départ de cette querelle résidait en un projet de déménagement de bureau afin de vous positionner dans un open-space adjacent avec un autre collègue afin de faciliter votre collaboration. Vous avez alors imposé votre choix de place de bureau mais également la place de votre collègue ('). Devant votre entêtement, il a tenté de vous raisonner. Vous lui avez alors répondu « [D], tu veux qu'on aille dehors pour que je te casse la gueule '!.

Le projet leader est alors rentré dans la pièce. Comprenant rapidement la situation, il vous a demandé si vous aviez bien menacé votre collègue. Vous lui avez confirmé la menace et lui avez alors proposé de descendre sur le parking pour vous expliquer avec lui ( en sous-entendant d'en venir aux mains) (..) ».

Les noms des personnes concernées, non citées dans l'avertissement, sont M. [P] (collègue de bureau) et M. [M] (team leader).

M. [S], dans son courrier de contestation, répond avoir, face à l'entêtement de son collègue ne comprenant pas qu'il n'avait pas fait son choix, 'utilisé son franc-parler'

( 'un peu à la coluche'), qu'il ne s'agissait que de paroles et qu'il n'avait pas l'intention d'en venir aux mains. Il réfute avoir menacé le team leader ( en l'occurrence M. [W]) qui n'était pas présent.

L'intimée verse des attestations de:

. M. [P] lequel confirme la teneur des propos, précisant que ce comportement agressif, limite dangereux, lui est apparu choquant autant par la soudaineté que le contenu sur un sujet anodin;

. M. [M], cadre, lequel indique être arrivé sur les lieux, avoir entendu les propos de M. [S] et lui avoir demandé à 2 reprises s'il avait bien menacé son collègue; ce dernier l'a confirmé et lui a aussi proposé de descendre sur le parking pour s'expliquer; il lui a demandé d'arrêter ses menaces et l'incident a été clos.

. M. [F], ingénieur, explique qu'étant présent, il a assisté aux échanges, M. [S] voulant imposer son placement à son collègue qui souhaitait en discuter, puis il l'a menacé et M [M] est arrivé et a interrogé M. [S] sur les menaces faites qu'il a confirmées.

Au vu de ces témoignages circonstanciés, l'avertissement est fondé.

- Sur les échanges de mails et propos inappropriés

Ils ne corroborent pas le prononcé de mots déplacés par des collègues ni d'abus de pouvoir.

Par ailleurs, s'agissant du mot' fucks' prononcé par M.[E] alors que les intéressés n'avaient aucun échange, l'employeur explicite que ce dernier 'râlait' seulement contre son ordinateur et que la remarque était de frustration, sans être à l'adresse de qui que ce soit.

- Sur l'adéquation des missions avec les compétences de M. [S]

La société rétorque que le projet Siemens était dans ses compétences et que si le projet DO200 en était plus éloigné, un accompagnement a été mis en place pour permettre au salarié d'acquérir les compétences nécessaires.

A la lecture du bilan de compétence 2018-2019, la cour constate que si l'appelant a déclaré que le projet Siemens Mobility présentait une charge de travail importante dans un nouveau secteur ferrovière, le manager a mentionné comme point fort 'coordination technique: PMO' et une adaptabilité à de nouveaux projets. Le salarié n'a pas sollicité d'être écarté du projet pour non conformité à ses compétences.

S'agissant du projet DO200, son travail et sa montée en compétences ont été jugés satisfaisants, tel que souligné par Mme [V], team manager, le 14-02-2020, ainsi que précédemment par M. [A], dans le compte-rendu 'point avancement' du 25-09-2019, trois semaines après le début du projet DO200:

« NB : contribution à la montée en compétences de [H] sur projet (...) En phase de montée en compétences. (..). Pas de difficultés particulières. Souplesse dans la gestion du mi-temps thérapeutique ».

Le retrait du projet est lié à un problème de communication entre M.[S] et M. [E], responsable du projet, tel que précisé par Mme [V], laquelle écrit: '[H] a relevé plusieurs événements sur lesquels il se dit avoir été humilié et insulté.Une forte incompréhension est soulevée par [D] ([E]) qui n'a jamais été confronté à ce type de situation. Je ne doute pas de la bonne volonté de l'ensemble des parties. Toutefois cette situation ne permet pas à chacun de travailler dans de bonnes conditions et de mener le projet de manière efficace'.

- Sur l'accompagnement pour trouver une nouvelle mission

La société explicite que les consultants expérimentés et ayant de l'ancienneté activent leur propre réseau pour trouver des missions mais que dès le 18 février 2020, M. [A], responsable hiérarchique, a demandé à M. [O], responsable des projets de recherches, d'intégrer M. [S] sur un projet recherche.

A la lecture des pièces versées par les parties, la cour relève :

. au vu des horaires des échanges le 18-02-2020 que M. [A], à 08h34, a fait une demande en ces termes: ' le projet de [H] vient de s'arrêter: il est disponible immédiatement . Peux-tu prévoir une intégration Asap sur projet de recherche' [H] est en copie pour faciliter l'échange',

. Le même jour, à 11h55, M. [S], lequel avait rencontré M. [N], chef de projet, informait qu'il était intégré au projet Armanda.

Si l'appelant a trouvé de lui-même une nouvelle mission, l'employeur n'a pas été inactif et le 25 février, alors qu'il était en inter-contrat, il lui conseillait de « relancer les contacts avec les managers et lui demandait s'il avait besoin de support.'

De même les échanges de mars 2020 concernaient pour partie la recherche de missions.

Sur l'état de santé

L'appelant ne remet pas en question la mise en place de l'aménagement thérapeutique par la société, laquelle fait remarquer qu'elle a précédemment pris en considération l'état de santé de l'appelant.

Ainsi, la visite auprès du médecin du travail le 28-04-2017 a été sollicitée par l'employeur, tel que précisé sur la fiche de visite.

L'employeur est également intervenu pour analyser la situation de difficultés de communication entre le salarié et le chef de projet de la mission DO200.

La société a répondu favorablement à la demande du 06-09-2019 de l'appelant de flexibilité sur les horaires de travail dans le cadre du mi-temps thérapeutique et a sollicité l'avis du médecin du travail.

Il ressort des développements précédents que M. [S], investi depuis 15 ans auprès de la société, exprime un fort ressenti d'incompréhension et de remise en cause dans les rapports avec ses supérieurs hiérarchiques et collègues de travail, tel qu'il est en difficulté de positionnement et de communication.

L'employeur justifie d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral sauf pour le 1er avertissement mais le seul fait que l'avertissement de 2015 ne soit pas fondé ne permet pas de caractériser un harcèlement moral de la part de l'employeur, ce d'autant qu'il est antérieur de 5 ans à la date du licenciement.

Le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur n'est pas plus caractérisé.

M. [S] sera donc débouté de ses demandes au titre d'un licenciement nul, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, par confirmation du jugement déféré.

Sur la procédure de licenciement

L'appelant invoque en application de l'article L 1332-2 du code du travail, le non respect de la procédure disciplinaire au motif que l'employeur n'a pas notifié le licenciement dans le délai d'un mois après la date prévue pour l'entretien préalable.

Le 6 mars 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 mars 2020 mais le 18 mars 2020, la société l'a informé du report de l'entretien.

Le 12 mai 2020, il a été convoqué à un nouvel entretien préalable qui est intervenu le 27 mai 2020.

Le licenciement a été notifié par lettre du 17 juin 2020.

M. [S] conclut que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, étant intervenu plus d'un mois après l'entretien préalable prévu le 19 mars et que la procédure de licenciement n'entre pas dans le cadre juridique des dispositions des ordonnances du 25 mars 2020 de prorogation du délai, invoquées par la société du fait de la période de crise sanitaire.

Sur ce:

La cour constate que le report de l'entretien préalable est intervenu à l'initiative de l'employeur et non du salarié.

Le délai entre l'entretien et la notification est un délai de réflexion et non de prescription.

Il résulte des articles 1 et 2 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 que tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

L'ordonnance modificative du 15 avril 2020 a complété l'article 2 de l'ordonnance délai et précisé : 'le présent article n'est pas applicable aux délais de réflexion, rétractation ou de renonciation (..).'

Aussi compte tenu que le licenciement a été notifié plus d'un mois après la date du premier entretien, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise d'au moins onze salariés, il y a lieu de faire application d'office de l'article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.

Sur l'indemnisation

L'appelant fait valoir qu'il est resté de nombreux mois au chômage et a subi un préjudice moral important.

Il produit une attestation Pôle emploi pour une inscription du 18-09-2020 au 02-09-2021.

Il ne précise pas sa situation depuis.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l'espèce compte tenu de l'ancienneté de 15 ans de M. [S], entre 3 et 13 mois.

Au regard de la situation de l'appelant, la société sera condamnée à lui verser une somme de 39091,40 euros ( soit 10 mois de salaire brut).

Sur les demandes annexes

La SAS Altran Technologies, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement de première instance sera réformé en ce qu'il a condamné M. [S] aux dépens.

M. [S] est droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.

La SAS Altran Technologies sera condamnée à lui verser une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La SAS Altran Technologies sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Révoque l'ordonnance de clôture et fixe la clôture au 06 mars 2024,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes au titre d'un licenciement nul, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et débouté la SAS Altran Technologies au titre des frais irrépétibles,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Altran Technologies à payer à M. [H] [S] la somme de:

- 39091,40 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne le remboursement par la SAS Altran Technologies aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [S] dans la limite de six mois.

Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe à l'organisme France Travail du lieu où demeure le salarié.

Condamne la SAS Altran Technologies aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [S] la somme de 2500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Altran Technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre.

La greffière, P/La Présidente empêchée,

La conseillère,

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/02978
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;22.02978 ?
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