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07/05/2024 | FRANCE | N°21/00362

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 07 mai 2024, 21/00362


07/05/2024



ARRÊT N°



N° RG 21/00362

N° Portalis DBVI-V-B7F-N55E

SL/FS/ND



Décision déférée du 13 Novembre 2020

TJ de TOULOUSE - 18/01896

Mme [S]

















[B] [V]





C/





S.A. IFB FRANCE







































INFIRMATION







Grosse délivrée

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le



à



Me VILLARD

Me HEIL-NUEZ

Me SPINAZZE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [B] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Cécile VILLARD, avocate au barreau de TOULOUSE





INTIMEE



S.A. IFB ...

07/05/2024

ARRÊT N°

N° RG 21/00362

N° Portalis DBVI-V-B7F-N55E

SL/FS/ND

Décision déférée du 13 Novembre 2020

TJ de TOULOUSE - 18/01896

Mme [S]

[B] [V]

C/

S.A. IFB FRANCE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me VILLARD

Me HEIL-NUEZ

Me SPINAZZE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [B] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Cécile VILLARD, avocate au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. IFB FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. ROUGER, président

A.M. ROBERT, conseiller

S.LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La Sa IFB France s'est chargée de la commercialisation d'un ensemble immobilier situé [Adresse 5] (09) et formant la résidence Le Cosilodge du Château.

Par acte sous seing privé du 16 août 2006, M. [B] [V] a conclu avec la Sci Le Cosilodge du Château un contrat de réservation portant sur un appartement de type 2 et un parking situés au sein de la résidence Le Cosilodge du Château.

Par acte authentique en date du 22 décembre 2006, la Sccv Le Cosilodge du Château a vendu à M. [B] [V] en l'état futur d'achèvement dans un ensemble immobilier sur la commune de [Localité 6] (09) lieudit [Adresse 7], le lot n°5 (un appartement T2) et le lot n°54 (un parking extérieur) au prix acte en mains et taxe sur la valeur ajoutée incluse de 108.000 euros .

L'achat était financé intégralement au moyen d'un prêt d'une durée de 20 ans conclu suivant offre préalable du 9 novembre 2006 acceptée le 22 novembre 2006, auprès du Crédit Mutuel du Centre Ouest.

Par contrat du 25 mars 2007, M. [B] [V] a confié la gestion locative de ses biens à la société Kapital Immobilier, en souscrivant des garanties locatives.

Les biens devaient être livrés au cours du quatrième trimestre de l'année 2007.

Le 23 octobre 2017, les biens ont été estimés par une agence immobilière, la Sarl L'agence (Century 21 L'agence) à une valeur vénale entre 50.000 et 55.000 euros, frais d'agence inclus.

Par acte du 16 mai 2018, M. [B] [V] a fait assigner la Sarl Cailleau Promotion, désignée comme étant le promoteur de la résidence Le Cosilodge du Château, et la Sa IFB France devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Par jugement du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré prescrite l'action introduite par M. [B] [V] à l'encontre de la Sa IFB France et de la Sarl Cailleau Promotion, tant sur le fondement du dol que d'un manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil, a rejeté les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [V] aux dépens ainsi qu'autorisé Me Spinazze à recouvrer directement contre M. [V] ceux des dépens dont il a eu à faire l'avance sans avoir reçu provision.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé qu'en présence d'un dol, le point de départ du délai de prescription de l'article 2224 du code civil et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 était retardé jusqu'au jour où l'investisseur avait été mis en mesure de prendre conscience des mensonges. Il a estimé que la fixation du point de départ du délai de prescription à la date d'estimation du bien ne serait possible qu'à condition de démontrer qu'aucun autre événement n'avait mis M. [V] en mesure de se rendre compte des mensonges et réticences dolosives alléguées, ce que ce dernier ne faisait pas. Il a considéré qu'ayant eu librement accès au bien à compter de sa livraison, laquelle est intervenue au plus tard le 31 décembre 2007, et disposant dès cette date d'une connaissance du marché dans lequel celui-ci s'inscrivait, M. [V] a été mis en mesure à ce même moment de se rendre compte des mensonges et réticences invoqués, et que le point de départ du délai de prescription est donc au plus tard le 31 décembre 2007.

Sur la prescription de l'action fondée sur un défaut de conseil, il a considéré que le manquement se situait nécessairement au plus tard au moment de la conclusion du contrat de vente, à moins que le cocontractant ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage, lequel se caractérise par une perte de chance de ne pas contracter. Il a considéré que M. [V] ne démontrait pas en quoi il pouvait légitimement ignorer son dommage au moment de la signature de l'acte, compte tenu de son devoir de vigilance l'obligeant à faire preuve d'une certaine curiosité au moment de la vente. Il a jugé que l'action fondée sur le défaut de conseil était prescrite le 19 janvier 2013, soit 5 ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi de 2008.

Entre-temps, par acte authentique du 19 mars 2020, M. [V] a vendu à Mme [L] [X] le lot n°5 et le lot n°54 au prix de 56.000 euros.

Par déclaration d'appel en date du 20 janvier 2021, M. [V] a relevé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement, intimant la Sarl Cailleau promotion et la société IFB France.

-:-:-:-

Suivant conclusions déposées par la Sarl Cailleau Promotion le 5 janvier 2022 devant le conseiller de la mise en état, il était principalement soulevé l'irrecevabilité des demandes de M. [V] formées contre cette société et, subsidiairement, la confirmation en toutes ses dispositions du jugement frappé d'appel ainsi que la condamnation de M. [V] à verser à la société Cailleau une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Heil Nuez.

Par conclusions déposées le 10 janvier 2023, M. [B] [V] a demandé "de prendre acte" de son désistement d'instance à l'égard de la société Cailleau Promotion, en déclarant maintenir ses demandes formées à l'endroit de la société IFB France. Il a demandé de dire "n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile" et que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu'elle aura engagés dans le cadre de la présente instance.

Par ordonnance du 16 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a constaté le désistement partiel de l'appel formé par M. [V] en ce qu'il est dirigé contre la Sarl Cailleau Promotion ainsi que l'extinction de l'instance en ce qui concerne de la Sarl Cailleau Promotion, dit que les dépens resteront à la charge de M. [V] et autorisé conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Heil-Nuez, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Par une ordonnance du 15 juin 2023, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a ordonné la radiation d'un incident en omission de statuer qui avait été fixé par erreur.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 11 avril 2023, M. [B] [V], appelant, demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

« Déclare prescrite l'action introduite par M. [B] [V], tant sur le fondement du dol que d'un manquement à l'obligation d'information et au devoir de conseil, à l'encontre de la Sa IFB France» ;

En statuant à nouveau

- le recevoir en ses demandes et les dire bien fondées.

- débouter la société IFB France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- 'dire et juger' que le consentement de Monsieur [V] a été vicié par des man'uvres dolosives de la société IFB France ;

- 'dire et juger' que la société IFB France a manqué à ses devoirs d'information et de conseil;

En conséquence,

- condamner la société IFB France à lui payer la somme de 52.000,00 € à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

En tout état de cause,

- condamner la société IFB France à lui payer la somme de 6.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient que le bien était surévalué dès l'origine. Il soutient qu'il a perdu une chance de ne pas contracter cet investissement.

Il agit sur le fondement du dol et du manquement à l'obligation d'information et de conseil.

Il fait valoir que son action n'est pas prescrite. Il invoque l'article 2224 du code civil s'appliquant aux instances introduites après le 19 juin 2008. Il fait valoir que le point de départ de la prescription est glissant en fonction de la connaissance du titulaire du droit. Il soutient que ce n'est au bout du délai de 10 ans prévu pour l'opération qu'il pouvait connaître son dommage, en se rendant compte de la valeur réelle du bien acquis. Il soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de l'estimation du bien, soit le 23 octobre 2017.

Sur le fond, il fait valoir que la société IFB France, conseiller en gestion de patrimoine, qui a proposé un investissement de défiscalisation, a manqué à son obligation d'information et de conseil, et a commis un dol, portant sur la présentation du package, les risques inhérents à l'opération, le prix d'acquisition du bien et la possibilité de le revendre pour le montant investi.

Il estime que son préjudice est égal à la différence entre la valeur d'achat du bien et le prix de revente effective.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, la Sa IFB France, intimée, demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

A titre principal :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

En conséquence :

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [V] à son encontre,

A titre subsidiaire :

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes,

En toutes hypothèses :

- condamner M. [V] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître Mathieu Spinazze, avocat de son affirmation de droit.

Elle soutient que l'action étant une action en responsabilité extracontractuelle fondée sur le dol ou le manquement au devoir de conseil et d'information, pour perte de chance de ne pas contracter, le point de départ du délai de prescription de l'article 2224 du code civil est le jour de la signature de l'acte authentique de vente ; que c'est à cette date que l'acquéreur connaissait le prix du bien vendu ; qu'il avait une obligation de se renseigner sur le prix moyen du m² dans le secteur. Elle soutient que l'estimation réalisée plusieurs années après la vente ne peut constituer le point de départ du délai de prescription car elle ne permet pas de démontrer une surévaluation ab initio.

Sur le fond, elle soutient qu'elle n'est pas un conseiller en gestion de patrimoine, et que le statut de conseiller en investissement financier lui est inapplicable.

Elle soutient que son obligation d'information et de conseil, portant sur les caractéristiques essentielles du bien, a été parfaitement respectée. Elle soutient que M. [V] avait connaissance des risques inhérents à l'opération.

Elle considère que la simulation n'était pas contractuelle, et que le seul fait de vendre un bien à un prix supérieur au marché local n'est pas en soi constitutif d'un dol. Elle estime d'ailleurs que la surévaluation du prix de vente n'est pas démontrée.

Elle conteste le préjudice, estimant qu'il faut tenir compte des loyers perçus et de la défiscalisation opérée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2023.

L'affaire a été examinée à l'audience du 15 janvier 2024.

Motifs de la décision :

Sur la saisine de la cour :

La société Cailleau Promotion n'est plus dans la cause, par suite de l'ordonnance du 16 février 2023 par laquelle le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse a constaté le désistement partiel de l'appel formé par M. [V] en ce qu'il est dirigé contre la Sarl Cailleau Promotion ainsi que l'extinction de l'instance en ce qui concerne de la Sarl Cailleau Promotion.

La cour n'est donc pas saisie des dispositions du jugement dont appel qui la concernent.

Sur la recevabilité de l'action de M. [B] [V] contre la société IFB France :

Selon l'article 122 code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Pour analyser la prescription, il faut apprécier la nature exacte de l'action susceptible d'être invoquée.

En l'espèce, la cour constate qu'elle est saisie d'une action en responsabilité extra-contractuelle fondée sur le dol (au visa de l'article 1116 ancien du code civil) et le manquement au devoir d'information et de conseil (au visa article 1382 ancien du code civil)

L'acte authentique de vente a été passé le 22 décembre 2006. L'instance a été introduite par acte du 16 mai 2018.

Avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivaient par dix ans, selon l'article 2270-1 ancien du code civil qui dispose « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation », de même que celles dirigées contre des commerçants, selon l'article L.110-4 ancien du code de commerce qui dispose : « I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ».

Depuis cette réforme, l'action soit en responsabilité délictuelle, dirigée contre des commerçants ou non, se prescrit par cinq ans. Ainsi, l'article 2224 du code civil dispose « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». L'article L. 110-4 du code de commerce dispose : « I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ».

La loi du 17 juin 2008 a réglé dans son article 26 la question de l'application des règles nouvelles dans le temps et prévu que « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ».

En revanche, les dispositions qui modifient le point de départ de la prescription extinctive ne sont pas concernées par ces dispositions transitoires et ne peuvent disposer que pour l'avenir.

Dès lors, le point de départ du délai de prescription d'une action en responsabilité extra-contractuelle demeure déterminé en application des dispositions de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 lorsque le délai a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de ce texte.

Il en résulte que lorsqu'une telle action en responsabilité prend sa source dans un contrat conclu avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le point de départ du délai de prescription est déterminé conformément aux dispositions de l'article 2270-1 ancien du code civil (3e Civ., 16 septembre 2021, pourvoi n° 20-17.625).

Sur le point de départ du délai de prescription :

L'action en responsabilité prend sa source dans un contrat conclu le 22 décembre 2006. C'est donc l'article 2270-1 ancien du code civil qui s'applique pour déterminer son point de départ.

Selon cet article, la prescription court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Ainsi, la prescription de l'action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Le dispositif de faveur dit «de Robien» permet d'opérer une réduction d'impôt sur les revenus, calculée sur le prix d'acquisition du bien immobilier à concurrence d'un pourcentage évolutif dans le temps, au cours des neuf années suivant l'acquisition, et sous condition de location non meublée du bien immobilier pendant cette durée.

La rentabilité d'une opération de défiscalisation type de Robien est basée sur trois éléments:

- la valeur initiale du bien immobilier ;

- la location de ce bien dans les conditions fixées par la loi ;

- la perception de l'avantage fiscal.

Il en résulte que les variables fondamentales dans le cadre de ce mécanisme d'optimisation fiscale sont d'une part le prix d'acquisition du bien immobilier, qui détermine le montant de la réduction d'impôt sur le revenu, et la mise en location qui à la fois conditionne le bénéfice de la réduction d'impôt mais également complète le gain fiscal réalisé par l'acquéreur afin, notamment, de financer le remboursement du crédit immobilier souscrit pour le paiement du prix d'acquisition. Si l'un de ces éléments fait défaut, la rentabilité de l'opération est altérée.

M. [V] a eu accès à son bien à compter de la livraison, qui est intervenue fin 2007

Le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter ne se manifestait pas dès l'établissement de l'acte authentique de vente. S'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour l'acquéreur ne pouvait résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat.

Or le bien a été mis en location, et la défiscalisation a commencé à s'opérer. Il n'est pas allégué des faits qui seraient survenus en cours de location et de défiscalisation, de nature à alerter l'acquéreur sur l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat. C'est au moment où il était en mesure de revendre le bien que M. [V] était à même d'apprécier la valeur réelle du bien et la rentabilité de l'opération dans son ensemble, c'est-à-dire au terme du délai de location obligatoire.

La manifestation du dommage pour l'acquéreur ne pouvant résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat (Civ. 2, 5 octobre 2023, n°23-13.104), les juges du fond doivent donc rechercher, lorsque cela leur est demandé, si les acquéreurs n'ont pas découvert l'erreur sur le prix lors de l'estimation effectuée à leur demande (Civ. 3, 15 juin 2022, n° 21-15.726).

La date de réalisation d'une estimation de la valeur de bien litigieux ne résulte pas de la volonté arbitraire de l'acquéreur mais est liée à l'obligation de conservation du bien pendant une certaine durée, étant relevé qu'il s'agit d'une opération globale intégrant un prêt immobilier dont la durée de remboursement excède la durée de la défiscalisation et s'inscrit dans une relation née entre un professionnel et un consommateur.

L'estimation a été réalisée à la demande de l'acquéreur le 23 octobre 2017, un an environ après le terme de la période de location obligatoire, alors que le prêt courait encore pour environ 9 années.

La date de cette estimation doit donc être retenue comme le point de départ du délai de prescription.

Sur le délai de prescription :

Selon l'article 2224 du code civil en vigueur depuis le 19 juin 2008, le délai de prescription est désormais de 5 ans.

Le délai de 5 ans qui a couru à compter du 23 octobre 2017 n'était pas expiré lors de l'assignation du 16 mai 2018.

L'action de M. [V] est donc recevable et le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

Selon l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

La cour n'entend pas évoquer le fond.

Il appartiendra donc au tribunal de statuer sur le fond des prétentions ainsi jugées recevables.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société IFB France, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance, le jugement dont appel étant infirmé sur ce point, et les dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer à M. [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 13 novembre 2020 ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare recevable l'action de M. [B] [V] à l'encontre de la Sa IFB France ;

Ordonne le renvoi de l'affaire devant la juridiction de première instance ;

Condamne la société IFB France aux dépens de première instance et d'appel ;

La condamne à payer à M. [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

La Greffière La Présidente

N. DIABY C. ROUGER

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00362
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.00362 ?
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