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03/05/2024 | FRANCE | N°22/00967

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 03 mai 2024, 22/00967


03/05/2024



ARRÊT N°2024/152



N° RG 22/00967 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OVDQ

MD/CD



Décision déférée du 14 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CASTRES

( F 21/00017)

D. COHEN

Section Activités Diverses

















[O] [N]





C/



Association SAINTE MARIE




































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Grosses délivrées :

le 3/5/24

à Me PERES, Me ROQUEFORT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [O] [N]

[Adresse 1]

[Locali...

03/05/2024

ARRÊT N°2024/152

N° RG 22/00967 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OVDQ

MD/CD

Décision déférée du 14 Février 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CASTRES

( F 21/00017)

D. COHEN

Section Activités Diverses

[O] [N]

C/

Association SAINTE MARIE

CONFIRMATION

Grosses délivrées :

le 3/5/24

à Me PERES, Me ROQUEFORT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [O] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Philippe PERES de la SCP ALRAN PERES RENIER, avocat au barreau de CASTRES

INTIM''E

Association SAINTE MARIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Jade ROQUEFORT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S. BLUM'', présidente, et M.DARIES, conseillère, chargée du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [N] a été embauché le 22 mars 2014 par l'association Sainte Marie, gestionnaire d'une MECS (maison d'enfants à caractère social) en qualité de moniteur éducateur d'internat ( SAU [Localité 4]) suivant contrat de travail à durée déterminée de remplacement régi par la convention collective nationale de travail des Etablissements et Services pour personnes inadaptées et handicapées.

Le contrat s'est poursuivi à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014.

Depuis le mois de février 2019 et jusqu'à la fin de la relation de travail, M. [N] exerçait en qualité d'éducateur spécialisé, coefficient 517.

A la suite du courrier de M. [N] du 20 janvier 2020 dénonçant une dégradation de ses conditions de travail, une procédure de médiation sur proposition de l'association Sainte Marie a été mise en oeuvre.

M. [N] a été placé en arrêt de travail à compter du 10 février 2020.

Lors de la visite médicale du 3 août 2020, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste mais apte à travailler en dehors de l'entreprise.

L'association Sainte Marie a informé M. [N] de l'impossibilité de son reclassement par courrier du 17 septembre 2020.

Par courrier du 18 septembre 2020, l'association Sainte Marie l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er octobre 2020.

M. [N] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 5 octobre 2020.

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Castres le 14 février 2022 pour contester son licenciement, faire reconnaître une situation de harcèlement moral et un manquement de l'employeur à son obligation de formation, et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Castres, section activités diverses, par jugement du 14 février 2022, a:

- jugé que le licenciement de M. [N] est de cause réelle et sérieuse,

- de recevoir l'association défenderesse en ses écritures,

- l'y déclarer bien fondée,

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté les deux parties, M. [N] et l'association Sainte Marie de leurs demandes en application du fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 8 mars 2022, M. [N] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 février 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 30 mai 2022, M. [O] [N] demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- juger le licenciement notifié par l'Association Sainte Marie le 5 octobre 2020 sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'Association Sainte Marie à lui payer :

une indemnité de 15 712 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

la somme de 23 568 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte au droit à la formation,

- juger que sa classification doit être effectuée au coefficient 615 avec effet au 1er février 2018,

- condamner en conséquence l'Association Sainte Marie à la somme de 11 544, 40 euros bruts de rappels de salaires, outre 1154, 40 euros de congés payés afférents,

- condamner l'Association Sainte Marie à une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 17 août 2022, l'Association Sainte Marie demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et l'y déclarer bien fondée,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance,

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre reconventionnel,

- condamner M. [N] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 23 février 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1/ Sur la reclassification conventionnelle

En cas de différend sur la catégorie professionnelle d'une convention collective qui doit être attribuée à un salarié, il convient de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'elle requiert. En outre, il appartient au salarié d'apporter la preuve qu'il exerce effectivement les fonctions correspondant à la qualification qu'il revendique.

- M. [N] expose qu'étant moniteur éducateur d'internat, il encadrait des jeunes en difficultés et effectuait occasionnellement du travail de nuit.

Il a obtenu en 2017 le diplôme d'éducateur spécialisé et exercé des fonctions de coordinateur. Il assurait également des astreintes relevant des fonctions de cadre pour les besoins du service.

Depuis février 2019, il est classé aux fonctions d'éducateur spécialisé coefficient 517.

Invoquant que ses fonctions d'éducateur coordinateur implique notamment une mission d'encadrement, il revendique l'application du coefficient 615 de la convention collective des établissements sociaux du 15 mars 1966.

Aussi il prétend à un rappel de salaires pour la période de février 2018 à octobre 2020, date de la rupture du contrat de travail, de 11 544.40 € bruts, outre 1154, 44 € au titre des congés payés afférents, calculé sur un écart de salaire de base de 372,40 € entre le coefficient 517 attribué et celui de 615 revendiqué.

L'association s'oppose à la reclassification, objectant que:

. selon la convention collective applicable, concernant l'éducateur spécialisé, il existe un coefficient de base qui évolue seulement en fonction de l'ancienneté et le coefficient 615 correspond à celui d'un éducateur spécialisé après 14 ans d'ancienneté,

. la coordination n'est pas une fonction à part entière mais une mission confiée pour laquelle M. [N] a perçu tous les mois une indemnité spécifique en plus de son salaire de base.

Sur ce:

Les parties s'accordent sur le fait que la convention collective nationale applicable ne comporte pas de classification propre aux éducateurs spécialisés coordinateurs.

La grille de classification ne mentionne pas spécifiquement de mission de coordination, l'évolution de coefficient étant dépendante de l'ancienneté.

Une mission de coordination n'implique pas par nature des fonctions d'encadrement au-delà d'un travail en équipes.

La polyvalence de ses fonctions est évoquée lors de l'entretien d'évaluation de 2019 par M. [N], qui les définit, sans mentionner un encadrement des équipes.

Le courrier du 15 janvier 2020 intitulé 'point de situation' rappelle que M. [N] exerce une mission de coordinateur en appui du chef de service et participe à l'organisation du service.

Il ressort des bulletins de salaires que M. [N] a perçu une indemnité spécifique pour la mission de coordination.

Aussi, les éléments versés sont insuffisants pour permettre une reclassification conventionnelle au coefficient 615. M. [N] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'obligation de sécurité

En vertu des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Il en résulte que l'employeur est tenu de mettre en 'uvre les mesures adéquates permettant d'éviter la réalisation des risques, notamment en assurant un suivi de la charge de travail, laquelle doit être compatible avec la durée du travail et ne pas porter atteinte à la santé du travailleur.

M. [N] soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité à savoir qu'il a dû faire face à une surcharge de travail, outre à un comportement hostile de la hiérarchie à savoir de M. [R].

* L'appelant expose qu'il exerçait des fonctions de coordination, sans avenant et sans qu'un contingent d'heures ne soit attribué et que par courriel du 14 novembre 2019, il alertait sur la multiplication des heures supplémentaires réalisées et l'incidence de la surcharge de travail sur son état de santé, en ces termes : ' ci-dessus en pièce jointe, mon planning annualisé sur l'année 2019. Sauf erreur de ma part, en décembre 2019, je totalise un surplus de 100,75 heures ( en trop, sans prendre en compte les temps de formation ...risques sociaux ..., de réunions bilans, éthique et stratégie, réunions cadres-coordinateurs). Que convient-il de faire''.

Il précise qu'il était conduit à travailler au milieu de la nuit et il verse un courriel du 27-11-2019 à 01h16 par lequel il adresse à divers interlocuteurs ( dont le directeur M. [D]) une note d'incident concernant l'agression d'une éducatrice par un jeune.

Il énonce que le litige relatif au décompte et au paiement des heures supplémentaires a été traité par un accord de règlement avec l'employeur.

Ainsi, par courriel du 26 novembre 2019 (pièce 10), l'association lui confirmait la décision de prise en compte de 50 heures réalisées en plus que les plannings collectifs, 20 heures étant payées en heures complémentaires majorées en décembre 2019 et 30 heures devant être récupérées au cours du premier trimestre 2020.

Par courrier du 3 janvier 2020, le secrétaire du CSE alertait la direction sur 'une forte dégradation des conditions de travail au sein du SAU de [Localité 4] et un nombre important d'arrêts maladie et accidents du travail qui semblent être directement liés aux conditions de travail au sein de service. Il ressort des entretiens que nous avons avec le personnel un fort sentiment d'épuisement et d'insécurité dans l'équipe qui peut retentir négativement sur l'accompagnement des enfants recueillis'.

L'appelant soutient que les mesures de prévention correspondant à des mesures imposées par le code du travail et mises en place par l'association étaient insuffisantes, ainsi:

- le DUP document unique de prévention liste les risques psychosociaux, au titre des dangers, le harcèlement moral, la surcharge de travail et ses conséquences et des mesures de prévention sont fixées à savoir: la formation des salariés - l'organisation du temps de travail à l'écoute des besoins des salariés - les plannings remis avec délai de prévenance - le dialogue et le soutien des cadres - l'affichage d'un protocole relatif à la maltraitance.

Mais si une formation a été organisée en novembre 2019 sur les risques psychosociaux, l'association ne justifie pas de l'application des autres mesures ( absence de logiciel de planification alors que l'établissement compte plus de 50 salariés et délai de prévenance des plannings),

- les entretiens professionnels de 2015 et 2019 prévus à l'article L 6315-1 du code du travail sur les perspectives d'évolution professionnelle du salarié, sont sans rapport avec les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité du salarié.

L'appelant conteste en outre l'authenticité de l'entretien professionnel de 2020 produit par l'employeur (pièce n°34), alléguant que celui-ci a accolé en page 4 les signatures des parties de l'entretien réalisé en 2019.

- la mesure de médiation avait une portée limitée, ayant pour seul objet de répondre aux comportements hostiles de M. [R].

L'appelant allègue en outre que les courriels de l'employeur (du 09-01-2020 de M. [R] sur une démarche à effectuer concernant la situation d'un jeune et du 15-01-2020 'point de situation') visaient à exercer une forte pression et montrent une absence de soutien de l'employeur.

M. [N] ajoute que l'excédent de travail a eu des conséquences sur sa santé psychologique, telles que constatées:

. par certificat du médecin généraliste du 7 février 2020, écrivant que le sujet présente un état anxieux du fait d'un conflit professionnel avec un supérieur et ne souhaite pas retourner à son poste,

. par certificat d'arrêt de travail prescrit par le Docteur [G], psychiatre, pour un épisode dépressif à compter du 10 février 2020,

. par l'attestation d'entretien avec le service prévention Astia du 28-02-2020,

Aussi, l'appelant réclame une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 8 mois de salaire soit 15 712,00 €.

* L'association s'inscrit en faux, répliquant que l'établissement d'un DUP, la formation sur les risques psycho-sociaux, les entretiens professionnels réalisés à plusieurs reprises pour évoquer les besoins de formation du salarié, la mise en oeuvre d'une médiation n'ayant pu être menée à terme du fait de l'arrêt-maladie de l'appelant, caractérisent la prise de mesures pour sauvegarder la santé et la sécurité de M. [N].

L'intimée répond également que le calcul des heures supplémentaires, dans le cadre d'une annualisation du temps de travail, s'effectue en fin d'année, qu'il existe une note de service précisant que les dépassements horaires sont soumis à l'accord de la Direction et qu'elle a été surprise de la demande de M. [N] au titre des heures supplémentaires en l'absence de réclamation jusqu'alors.

Elle explique qu'elle a pris en compte 50 heures supplémentaires car il n'existait aucune preuve de la réalisation de 100 heures (ce qui sur 11 mois, correspond seulement à 9 heures par mois) et pour agir dans un souci d'apaisement, ce qui a été estimé par M. [N] comme 'un arbitrage juste'.

Sur ce:

- Sur la charge de travail

Il résulte des éléments de la procédure que la charge de travail était importante, inhérente à la nature même des missions de l'association devant prendre en charge des enfants en difficultés et donc à celles d'un éducateur spécialisé, étant amené à intervenir dans l'urgence et à répondre à divers incidents émanant des jeunes et à assurer une coordination des équipes.

En effet, tel que précisé dans le compte-rendu de la médiation, l'employeur a reconnu que le contexte du SAU de [Localité 4] était depuis plusieurs mois, d'une grande complexité suite aux nombreux passages à l'acte des jeunes accueillis dans le service qui ont entraîné de nombreux arrêts de travail des éducateurs titulaires et un roulement important des remplaçants, outre que le poste de chef de service a été occupé par 3 personnes dont M. [R] est le troisième.

Néanmoins, il n'est pas établi par M. [N], une surcharge de travail, même s'il avait été retenu 100 heures supplémentaires sur l'année 2019, équivalant à 2 heures supplémentaires par semaine.

L'employeur a pris en compte immédiatement la demande du salarié, un entretien est intervenu le 26 novembre qui a donné lieu à un accord des parties.

- Sur les mesures mises en place

L'employeur a mis en place les mesures de prévention prévues par les textes, ainsi un DUP définissant des classes de risques notamment les risques psycho-sociaux identifiés de surcharge de travail et harcèlement moral et l'appelant reconnaît avoir bénéficié d'une formation sur les risques psycho-sociaux.

L'appelant a produit les plannings annualisation 2019 pouvant être modifiés au regard de l'urgence des situations à traiter et lors de la réunion de service du 03 décembre 2019, il a été rappelé de 'bien visualiser les plannings à l'avance pour ne pas se retrouver seul ou sans éducateurs'.

M. [N] n'était pas soumis à un forfait en heures ou en jours auquel s'appliqueraient des entretiens spécifiques sur la charge de travail et le rapport à la vie personnelle.

En l'espèce des entretiens professionnels ont eu lieu, non seulement sur les perspectives d'évolution professionnelle, mais sur les éléments de satisfaction du salarié sur ses fonctions.

Si la photocopie incomplète de la dernière page signée de l'entretien professionnel de 2020 donne lieu à une contestation sur l'authenticité de la signature, il est noté que M. [N] fait part de ce qu'il travaille beaucoup et s'agissant des relations de travail: ' soucis de posture: du côté de l'équipe ou de la direction' Limites de la loyauté' .

A tout le moins, ces réponses sont en cohérence avec l'état d'esprit de M. [N].

De plus, l'association n'est pas restée taisante aux reproches faits par l'appelant puisqu'elle a proposé une médiation qui a été mise en oeuvre dans le cadre de 3 rencontres en février 2020, sous l'égide de la médiatrice souhaitée par le salarié lui-même.

Il ne peut être fait grief à l'employeur de son absence d'aboutissement , tel qu'il s'évince des conclusions du compte-rendu: 'malgré à la fois la capacité de Messieurs [N] et [R] à comprendre le positionnement de l'une et l'autre des parties, et malgré l'approfondissement des perceptions de chacun, la médiation n'a pas permis aux différentes parties de lister des solutions de travail communes.'

Lors la médiation, M. [N] a fait part de sa plainte liée à 3 événements intervenus entre novembre 2019 et janvier 2020 lors des entretiens du 26-11-2019 concernant les heures supplémentaires, du 03 janvier 2020 avec M. [R] sur les attentes sur le poste de coordinateur et du 15 janvier 2020 avec le directeur et M. [R] sur la formation Caferius sollicitée.

L'intéressé se plaint que son professionnalisme et sa loyauté ont été injustement remis en cause et il a évoqué des menaces de la part de M.[R] lors de l'entretien du 15 janvier.

Sur ce point précis, M. [R] s'est excusé de s'être emporté mais estime que les propos

tenus à son encontre portaient atteinte à sa loyauté envers la direction pendant la période d'essai.

La démarche entreprise et les points abordés montrent une volonté de l'employeur d'analyser la situation de manière complète.

- Sur le comportement hostile de la hiérarchie

L'association le conteste, tel qu'elle l'a exprimé préalablement à la médiation, en réponse au courrier du 20 janvier 2020, en précisant que M. [R] a souhaité faire part de dysfonctionnements du service dont M.[N] est le coordinateur.

Elle dénie toute 'convocation au pied levé' pour se voir formuler des griefs de façon agressive et toute menace de suppression de son poste, faisant valoir que plusieurs points ont dû être abordés lors d'entretiens en vertu du pouvoir de direction, s'agissant de la consultation de la messagerie professionnelle et du non respect du délai de rédaction de rapports éducatifs.

L'employeur invoque s'inscrire dans un devoir d'accompagnement dans les difficultés de M.[N] dans le respect de son obligation de sécurité.

Au regard des éléments versés, la cour ne relève pas d'abus par l'employeur de son pouvoir de direction, ce dernier étant seul à même d'apprécier l'exécution des missions par le salarié.

Le comportement de M. [R] lors de l'entretien du 15 janvier s'avère isolé, dont il s'est excusé et qu'il explique par une remise en cause injustifiée par M. [N].

Ainsi, lors des échanges de courriels du 09 janvier 2020, il écrivait : ' ne prends pas la mouche, je sais que tu as du travail; Mon SMS était bienveillant, justement pour te faire des rappels sans alerter les collègues ou le directeur (..) N'hésites pas à t'appuyer sur les référents en effet c'est collectivement que l'on arrivera à mieux rendre le service'.

Par courriel du 15 janvier 2020 intitulé 'point de situation', en tant que chef de servie, il précisait les points de dysfonctionnement du service évoqués lors de l'entretien du 02 janvier et indiquait : ' j'attends que tu deviennes moteur dans la conception et la conduite des actions éducatives (..) L'équipe de direction ne doute pas de ton engagement mais il est important de réajuster certaines pratiques de l'équipe (..)'.

Les éléments médicaux et les échanges lors de la médiation expriment un fort ressenti de M. [N], ne comprenant pas la remise en cause de son travail par l'employeur, dans un contexte difficile et malgré son investissement.

S'il existe un 'conflit professionnel' lié à une mésentente entre M. [N] et son supérieur hiérarchique, il n'est pas démontré des manquements de l'employeur à l'origine des arrêts de travail ayant conduit à l'inaptitude.

Aussi M. [N] sera débouté de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Le licenciement est fondé.

Sur le harcèlement moral

En application de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L 1152-3 et L1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [N] se fonde sur des griefs déjà évoqués au soutien d'un manquement à l'obligation de sécurité, à savoir:

. des convocations au pied levé sans aucun cadre formel pour se voir formuler des griefs sur un ton agressif,

. des menaces de M. [R], de suppression de sa fonction de coordinateur,

. des pressions morales par la remise d'un courrier intitulé « Point de situation », donnant l'apparence d'une sanction disciplinaire sans en observer les conditions de fond ou de procédure.

Ces éléments écartés lors des développements précédents ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

M. [N] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur le droit à la formation

L'article L 6314-1 du code du travail stipule que tout salarié a droit à la qualification professionnelle de pouvoir suivre à son initiative une formation lui permettant, quel que soit son statut, de progresser au cours de sa vie professionnelle.

En application de l'article L 6312-1- 2° du code du travail, M. [N] a demandé lors de l'entretien professionnel de 2019 à suivre la formation Caferius pour accéder au statut de cadre.

Il a été admis à la formation le 22 novembre 2019 tel qu'il résulte du courrier du centre de formation CRFPRF , le début de la formation étant prévue au 20 avril 2020.

La Caisse d'Epargne par courrier du 10 janvier 2020 indique financer la formation à hauteur de 9000 €.

Il indique que les épreuves de sélection sont des actes préparatoires aux mesures de formation ne nécessitant pas l'accord de l'employeur, sauf en cas d'absence pendant les horaires de travail, ce qui n'était le cas.

Il argue que le refus de l'employeur est injustifié car:

. la formation se déroule en alternance de 24 mois sous forme de sessions de 2 à 4 jours par mois, plus les stages,

. elle ne génère pas une indisponibilité totale du salarié pendant son déroulement,

. le refus est intervenu sans consultation du CSE en contrevenance des articles R 6323-

10 et suivants du code du travail sur la transition professionnelle.

Il réclame 15000 € de dommages et intérêts.

L'association réplique qu'elle a donné toutes explications utiles à M. [N] après divers échanges.

Sur ce:

Le 26 novembre 2019, l'association avait répondu que le projet de formation était impossible pour 2020 mais qu'elle était disposée à étudier une solution décalée.

Par courriel du 9 janvier 2020, elle refusait le projet après étude des implications budgétaires et sur le fonctionnement du service, même si la formation était financée par un prêt. Elle explicite qu'il existe des coûts indirects pour remplacement de 820 heures d'absence pour 23000€ et frais supplémentaires de 12000€, outre que la formation implique environ 6 mois d'absence de service.

Elle verse à cet effet en pièce 25, un tableau d'évaluation des coûts annexes à la formation.

L'association proposait au salarié de réfléchir à une formation plus compatible avec son activité.

M. [N] n'établit pas que sa demande s'inscrivait dans un projet spécifique de transition professionnelle impliquant un congé.

Au vu des éléments objectifs opposés par l'association, la demande de dommages et intérêts de M. [N] sera rejetée.

Sur les demandes annexes:

M. [N], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [O] [N] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFI'RE LA PR'SIDENTE

C. DELVER S. BLUM''

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/00967
Date de la décision : 03/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-03;22.00967 ?
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