30/04/2024
ARRÊT N°24/282
N° RG 22/03941 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCWE
CJ - VM
Décision déférée du 14 Septembre 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 19/26224
J. L. ESTEBE
[R] [S]
C/
[D] [X]
[B] [X]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [R] [S], en son nom personnel et es-qualité d'ayant droit de sa mère [O] [X], décédée.
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/001212 du 30/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉES
Madame [D] [X]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/002443 du 13/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Madame [B] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
V. MICK, conseiller
M.C. CALVET, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
De l'union de Mme [J] [Y] et M. [Z] [X], dissoute par le décès de l'époux, sont nées trois enfants :
- Mme [D] [X],
- Mme [O] [X],
- Mme [B] [X].
Mme [Y] était propriétaire de divers lots dépendant d'un ensemble en copropriété situé au [Adresse 6] à savoir :
- un premier appartement à usage privatif constituant sa résidence en rez de chaussée identifié sous le lot n°11 ;
- un garage et ancien atelier situé au rez de chaussée identifié sous les lots n°8,9 et 10 ;
- un ensemble de six garages avec jardin attenant aménagés en espaces habitables sous les lots n°2 à 7.
Mme [D] [X] a acquis en 1981 un appartement dans cet ensemble correspondant au lot n°1.
Suivant acte notarié en date du 24 mai 2011, Mme [Y] épouse [X] a consenti une donation à sa fille Mme [O] [X], qui vivait depuis plusieurs années dans l'immeuble, les lots n°2 à 7 de l'ensemble précité.
Mmes [D] et [B] [X] ont saisi le juge des tutelles de Toulouse lequel, par jugement en date du 21 mai 2012, a placé Mme [Y] sous tutelle.
Par acte d'huissier en date du 17 avril 2013, Mme [Y], représentée par son tuteur, a fait assigner Mme [O] [X] devant le tribunal de grande instance de Toulouse sur le fondement des dispositions des articles 414-1, 464, 504 alinéa 2 et 1304 du Code civil, en annulation de la donation et des libéralités qui lui avaient été consenties et afin de la voir condamner à rembourser les sommes de 10 500 €, correspondant à des retraits en espèces effectués sur son compte personnel, 123 981,44 € correspondant au montant de contrats d'assurance vie ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 19 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- prononcé la nullité de la donation consentie en date du 24 mai 2011 sur le fondement de l'article 464 du code civil,
- débouté Mme [Y] de ses demandes en condamnation de Mme [O] [X] au remboursement de sommes qui auraient été prélevées sur le compte de la demanderesse ou aux rachats de contrat d'assurance vie,
- débouté Mme [O] [X] de l'intégralité de ses demandes.
Mmes [D] et [B] [X] ont repris au décès de leur mère survenu à Toulouse le 13 octobre 2014 l'action en annulation de la donation et en remboursement de sommes, interjetant appel de la décision précitée.
Suivant arrêt contradictoire en date du 20 avril 2017, cette cour a confirmé le jugement mais, par subsitution de motifs, prononcé l'annulation de la donation sur le fondement de l'article 901 du Code civil.
Aux termes d'un procès-verbal de description et de dépôt en date du 13 novembre 2017, le notaire en charge de la succession de Mme [Y] a enregistré un testament olographe établi par Mme [Y] en date du 1er mai 2010, à la requête de Mme [R] [S] lequel instituait :
- Mmes [D] et [B] [X] légataires particuliers du lot n°11 ;
- Mme [O] [X] légataire particulier des lots n°2 à 7 du même ensemble, objets de la donation annulée ;
- Mme [R] [S], fille de Mme [O] [X], légataire particulier des lots n°8 à 10.
Les héritiers n'ont pu partager amiablement la succession.
Par acte d'huissier en date du 14 octobre 2019, Mmes [D] et [B] [X] ont fait assigner Mme [O] [X] en partage de la succession de leur mère devant le tribunal judiciaire de Toulouse.
Mme [O] [X] est décédée le [Date décès 2] 2019, laissant sa fille unique, Mme [S], héritière laquelle a repris l'instance en cours.
Par jugement contradictoire en date du 15 septembre 2021, le tribunal judiciaire a :
- ordonné le partage de la succession de [J] [Y],
- rejeté la fin de non-recevoir de Mme [S] portant sur l'autorité de la chose jugée de la validité du testament querellé,
- ordonné une expertise médicale avec notamment pour mission de dire si l'affection mentale dont souffrait [J] [Y] à l'époque de l'établissement du testament du 1er mai 2010 était suffisamment grave pour altérer ses facultés au point de la priver de sa capacité de discerner le sens et la portée de son testament,
- sursis à statuer sur les autres demandes et sur les dépens dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- ordonné l'exécution provisoire,
- renvoyé l'affaire à la mise en état.
Le rapport d'expertise médicale a été déposé le 21 décembre 2021.
Par jugement contradictoire en date du 14 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- ordonné le partage de la succession de [A] [Y],
- désigné pour y procéder Me [K], sous la surveillance du juge du tribunal judiciaire de Toulouse en charge des partages,
- rappelé que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveille ces opérations,
- constaté la nullité du testament établi le 1er mai 2010 par la défunte,
- dit qu'[O] [X] a reçu les libéralités suivantes :
* une donation indirecte constituée par le paiement des droits afférents à la donation annulée, d'un montant de 3 016,36 €,
* une donation de 111 022 €,
* une donation indirecte résultant des rachats partiels à son profit de l'assurance-vie de la défunte aux mois de mars et mai 2011,
- dit que ces libéralités seront réunies à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de [J] [Y],
- dit que [R] [S] doit une indemnité pour son occupation privative des lots n°8 à 10 de l'immeuble dépendant de la succession, depuis le décès jusqu'à la libération effective des lieux,
- rejeté les autres demandes,
- sursis à statuer sur les dépens et frais non compris dans les dépens, dans l'attente du partage.
Par déclaration électronique en date du 10 novembre 2022, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- ordonné le partage de la succession de [A] [Y],
- désigné pour y procéder Me [K], sous la surveillance du juge du tribunal judiciaire de Toulouse en charge des partages,
- constaté la nullité du testament établi le 1er mai 2010 par la défunte,
- dit qu'[O] [X] a reçu les libéralités suivantes :
* une donation indirecte constituée par le paiement des droits afférents à la donation annulée, d'un montant de 3 016,36 €,
* une donation de 111 022 €,
* une donation indirecte résultant des rachats partiels à son profit de l'assurance-vie de la défunte aux mois de mars et mai 2011,
- dit que ces libéralités seront réunies à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de [J] [Y],
- dit que [R] [S] doit une indemnité pour son occupation privative des lots n°8 à 10 de l'immeuble dépendant de la succession, depuis le décès jusqu'à la libération effective des lieux,
- rejeté le surplus des demandes.
Dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 8 février 2024, Mme [S] demande à la cour de bien vouloir :
- réformer la décision entreprise en son intégralité et de premier chef en ce qu'elle a prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 9 mai 2022,
- rejeter toute demande adverse en ce qu'elles sont couvertes par la prescription, à titre subsidiaire par l'autorité de la chose jugée en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 20 avril 2017,
- à titre subsidiaire, rejeter toute demande en ce qu'elles sont infondées,
- constater l'absence d'insanité d'esprit de [J] [Y] lors de la rédaction du testament olographe en date du 1er mai 2010 en ce sens,
- prononcer la validité du testament olographe établi le 1er mai 2010 par [J] [Y],
- rejeter les demandes de rapport de libéralités,
constatant qu'il y a un bail, constatant que les demanderesses ne rapportent ni la preuve des frais d'obsèques, du coût de la donation des aménagements et de la créance des occupants ayant amélioré le bien et que les assurance-vie ne sont pas rapportables à la succession, constatant qu'il n'existe aucun élément sur le recel successoral, à titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes concernant : l'indemnité d'occupation des lots 2 à 7, l'indemnité relative aux dégradations, la licitation et le recel successoral,
- condamner les requérantes au paiement de la somme de 4 000 € en application des dispositions 31 et 75 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle,
- les condamner également aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions d'intimées en date du 9 mai 2023 (et appel incident du même jour), Mmes [D] [X] et [B] [X] demandent à la cour de bien vouloir :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* ordonné le partage de la succession de [A] [Y],
* désigné pour y procéder Maître [T] [K], sous la surveillance du juge du tribunal judiciaire de Toulouse en charge des partages,
* dit que le notaire pourra :
- interroger le FICOBA et le FICOVIE,
- recenser tous contrats d'assurance-vie et en déterminer les bénéficiaires,
- procéder à l'établissement des actes de notoriété,
- procéder à l'ouverture de tout coffre bancaire, en faire l'inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l'indivision,
* rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
* rappelé que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations,
* dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis, avec l'accord des parties, et qu'à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail,
* dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire,
* dit qu'en cas d'empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête.
sur l'appel principal,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, la cour n'étant valablement saisie d'aucune demande à ce titre,
subsidiairement,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture à défaut de cause grave qui aurait justifié cette révocation,
- constater que le délai quinquennal courant à compter du décès de Mme [Y] survenu le 13 octobre 2014 a été valablement interrompu par l'assignation délivrée le 14 octobre 2019, le délai ayant été prorogé au premier jour ouvrable suivant le dimanche qui marquait son expiration,
- constater que Mmes [X] n'ont eu connaissance du testament litigieux que le 13 novembre 2017,
- constater que l'ensemble des demandes de Mmes [X] ont été formées en un temps non couvert par la prescription, laquelle a été valablement interrompue par l'assignation délivrée le 14 octobre 2019,
et dès lors,
- débouter Mme [S] de sa demande tendant à voir rejeter « toute demande adverse en ce qu'elles sont couvertes par la prescription »,
- constater que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée selon jugement du 15 septembre 2021,
- constater que la cour n'est pas saisie d'un appel à l'encontre de cette décision,
en tout état de cause,
- constater que les demandes formées par Mmes [X] ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Toulouse aux termes de son arrêt en date du 20 avril 2017 ;
et dès lors,
- débouter Mme [S] de sa demande tendant à voir rejeter « toute demande adverse en ce qu'elles sont couvertes par l'autorité de la chose jugée en vertu de l'arrêt de la CA de Toulouse du 20/4/2017 »,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que [R] [S] doit une indemnité pour son occupation privative des lots n° 8 à 10 de l'immeuble dépendant de la succession, depuis le décès jusqu'à la libération effective des lieux,
au besoin, y ajoutant,
- condamner [R] [S] au paiement d'une indemnité pour son occupation privative des lots n° 8 à 10 de l'immeuble dépendant de la succession, depuis le décès jusqu'à la libération effective des lieux, dont le montant sera fixé à dire d'expert,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'[O] [X] a reçu les libéralités suivantes :
* une donation indirecte constituée par le paiement des droits afférents à la donation annulée réalisée au bénéfice de Mme [O] [X], d'un montant de 3 016,36 €,
* une donation de la somme de 111 022 €,
* une donation indirecte constituée par les rachats partiels à son profit de l'assurance-vie de la défunte aux mois de mars et mai 2011,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que ces libéralités seront réunies à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de [J] [Y],
y ajoutant,
- ordonner le rapport à la succession de Mme [J] [Y] des donations en avancement d'hoirie dont a bénéficié Mme [O] [X],
- condamner en tant que de besoin Mme [R] [S], qui vient aux droits de Mme [O] [X], au rapport des libéralités en avance de part reçues par sa mère,
sur l'appel incident,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de Mmes [X] tendant à voir :
* constater que Mme [O] [X] a occupé à titre privatif les lots n°2 à 7 de l'immeuble dépendant de la succession sis [Adresse 6]),
* condamner Mme [R] [S], qui vient aux droits de Mme [O] [X], à verser à l'indivision une indemnité d'occupation dont le montant sera fixé à dire d'expert, jusqu'au complet partage,
* condamner en tant que de besoin Mme [R] [S] à verser à l'indivision une indemnité correspondant à la moins-value subie par l'immeuble en raison des dégradations ou du défaut d'entretien du bien, de son chef ou de celui de Mme [O] [X] aux droits de laquelle elle vient à la succession,
* ordonner la réunion à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de Mme [J] [Y] des libéralités dont a bénéficié Mme [R] [S], et notamment de la donation de la somme de 36 000 €,
* condamner Mme [R] [S], qui vient aux droits de Mme [O] [X], aux peines du recel successoral, et constater qu'elle sera privée et déchue de tout droit sur les sommes recelées au préjudice de la succession,
* ordonner la licitation des lots n°2 à 11 dépendant de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 7], cadastré section AC, n°[Cadastre 1], le montant de la mise à prix étant réservé dans l'attente de l'estimation actualisée du bien,
et statuant à nouveau,
- constater que Mme [O] [X] a occupé à titre privatif les lots n°2 à 7 de l'immeuble dépendant de la succession sis [Adresse 6]),
- condamner Mme [R] [S], qui vient aux droits de Mme [O] [X], à verser à l'indivision une indemnité d'occupation dont le montant sera fixé à dire d'expert, jusqu'au complet partage,
- condamner en tant que de besoin Mme [R] [S] à verser à l'indivision une indemnité correspondant à la moins-value subie par l'immeuble en raison des dégradations ou du défaut d'entretien du bien, de son chef ou de celui de Mme [O] [X] aux droits de laquelle elle vient à la succession,
- ordonner la réunion à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de Mme [J] [Y] des libéralités dont a bénéficié Mme [R] [S], et notamment de la donation de la somme de 36 000 €,
- condamner Mme [R] [S], qui vient aux droits de Mme [O] [X], aux peines du recel successoral, et constater qu'elle sera prive et déchue de tout droit sur les sommes recelées au préjudice de la succession,
- ordonner la licitation des lots n°2 à 11 dépendant de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 7], cadastré section AC, n°[Cadastre 1], le montant de la mise à prix étant réservé dans l'attente de l'estimation actualisée du bien,
- condamner Mme [R] [S] à verser aux concluantes la somme de 9 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme [R] [S] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de première instance, d'appel et d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de l'avocat constitué sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 12 février 2024 et l'audience de plaidoiries fixée le 27 février 2024 à 14 heures.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la qualification de prétentions des parties :
Les demandes constituant de manifestes rappels de moyen de droit, de fait ou d'une pure application des effets de la loi ne dépendant pas des parties, visant notamment au cas d'espèce à voir 'constater', ne qualifient pas des prétentions cernant l'objet du litige au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile dès lors qu'elles n'ont vocation à conférer ni ne confèrent aucun droit à celui qui la requiert.
La cour, qui n'est tenue que de répondre aux prétentions énoncées au dispositif en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, n'a donc pas à statuer dessus.
Ainsi en est-il des formules suivantes des intimées :
- constater que le délai quinquennal courant à compter du décès de Mme [Y] survenu le 13 octobre 2014 a été valablement interrompu par l'assignation délivrée le 14 octobre 2019, le délai ayant été prorogé au premier jour ouvrable suivant le dimanche qui marquait son expiration,
- constater que Mmes [X] n'ont eu connaissance du testament litigieux que le 13 novembre 2017,
- constater que l'ensemble des demandes de Mmes [X] ont été formées en un temps non couvert par la prescription, laquelle a été valablement interrompue par l'assignation délivrée le 14 octobre 2019,
- constater que le Tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tiré de l'autorité de la chose jugée selon jugement du 15 septembre 2021,
- constater que la cour n'est pas saisie d'un appel à l'encontre de cette décision,
- constater que les demandes formées par Mmes [X] ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Toulouse aux termes de son arrêt en date du 20 avril 2017,
- constater que Mme [O] [X] a occupé à titre privatif les lots n°2 à 7 de l'immeuble dépendant de la succession sis [Adresse 6]),
et de celle des appelantes :
- constater l'absence d'insanité d'esprit de [J] [Y] lors de la rédaction du testament olographe en date du 1er mai 2010 en ce sens,
Sur l'étendue de l'appel :
Aux termes des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La cour n'est donc saisie que par les chefs critiqués dans l'acte d'appel ou par voie d'appel incident.
Si les intimés demandent confirmation d'un certain nombre de chefs de dispositif, ceux-ci n'ont été frappés ni d'un appel principal ni d'un appel incident de sorte que la cour n'en est pas saisie, la demande de 'réformation en intégralité de la décision déférée' formulée par l'appelante ne pouvant s'éclairer qu'à la lumière de son acte d'appel originel.
Il n'y a donc pas lieu de confirmer les chefs de dispositif suivant comme revendiqués par les intimées :
-- dit que le notaire pourra :
* interroger le FICOBA et le FICOVIE,
* recenser tous contrats d'assurance-vie et en déterminer les bénéficiaires,
* procéder à l'établissement des actes de notoriété,
* procéder à l'ouverture de tout coffre bancaire, en faire l'inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l'indivision,
- rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- rappelé que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations,
- dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis, avec l'accord des parties, et qu'à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail,
- dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire,
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête.
Sur la portée de l'appel :
Si Mme [S] a frappé d'appel le chef de dispositif portant sur le rejet de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, demande qu'elle avait formulée devant le premier juge, elle revendique, aux termes de ses dernières écritures, 'réformation de la décision de premier chef en ce qu'elle a prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 9 mai 2022".
Or, d'une part, le jugement déféré n'a précisément pas ordonné le 'rabat' de ladite ordonnance de clôture, ce qui peut néanmoins s'entendre d'une erreur matérielle, mais surtout il n'est formulé aucune demande particulière en suite de sa demande de réformation. Mmes [X] demandent par ailleurs confirmation de ce chef de dispositif.
Dans ces conditions, ce chef de dispositif sera confirmé.
Si Mme [S] a frappé d'appel les chefs de dispositif portant sur le partage de la succession, la désignation d'un notaire en suite ainsi que du principe d'une indemnité d'occupation à sa charge, elle n'en dit plus mot dans ses écritures dispositives, nonobstant des contestations dans sa discussion en invoquant une prescription quinquennale s'agissant en particulier de l'indemnité d'occupation des lots n°8 à 10, et à tout le moins ne formule aucune demande contraire dans son dispositif, s'en tenant à revendiquer initialement 'réformation de la décision entreprise en son intégralité'. Mmes [X] demandent confirmation de ces chefs de dispositif.
Ces chefs de dispositif seront également confirmés.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du testament :
Mme [S] soulève la prescription de l'action en nullité du testament sur le fondement de l'article 2284 du code civil. Elle expose que le point de départ de ladite prescription a été le décès de s a grand-mère soit le 13 octobre 2014 alors que l'assignation introductive n'a été délivrée que le 14 octobre 2019 de sorte qu'elle en déduit que celle-ci a été nécessairement enrôlée postérieurement, seule la saisine du tribunal interrompant ledit délai.
Mmes [X] revendiquent quant à elles le rejet de cette fin de non-recevoir. Elles exposent dans un premier temps que leur action s'inscrit pour partie dans des opérations de partage qui répondent chacune à des prescriptions spécifiques alors que l'action en partage elle-même est quant à elle imprescriptible. Pour le reste, si elles admettent la prescription quinquennale pour l'action en nullité du testament querellé, elles indiquent en premier lieu que le délai de cinq années expirait un dimanche de sorte qu'il était reporté au jour suivant soit le lundi 14 octobre 2019. Elles ajoutent que seule compte la date de l'assignation si celle-ci est régulièrement déposée de sorte que nulle prescription n'était donc encourue de ce chef. En toutes hypothèses, elles font valoir qu'elles ignoraient l'existence dudit testament à la date du décès n'en ayant connaissance qu'au moment du procès-verbal d'ouverture et de description en date du 13 novembre 2017.
Aux termes non de l'article 2284 du code civil, mais 2224 du code civil et 1304 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est exact qu'a minima, l'existence du testament litigieux a été portée à la connaissance des intimées le 30 septembre 2016 par Mme [O] [X] elle-même, celui-ci étant évoqué lors de l'établissement de l'acte de notoriété par le notaire et autorisant les intimés à agir pour en avoir une parfaite connaissance et teneur dès lors.
Pour le reste, rien n'établit que les intimés en aient eu connaissance avant, en particulier au décès de Mme [Y]. Mme [S] ne l'allègue au demeurant pas, se bornant à indiquer, faussement, que le délai de prescription court nécessairement à compter du décès du testateur en la matière alors qu'encore faut-il logiquement qu'à cette date, les héritiers, pour introduire leur action en nullité d'un testament au demeurant olographe, en ait eu connaissance.
Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité, laquelle comme toute fin de non-recevoir peut être opposée en toute hypothèse en tout état de cause, ce qui rendait incidemment relatif le débat autour de la révocation de l'ordonnance de clôture en première instance, sera rejetée.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :
Mme [S] affirme que l'existence dudit testament ayant été évoquée dans le cadre de la précédente instance portant sur l'annulation d'une donation de la défunte, ce, sans être contesté par les intimés, il y a lieu d'en tirer l'autorité de chose jugée rendant leur action 'impossible'.
Les intimées s'opposent à un tel argumentaire au motif que la question de la validité dudit testament n'a jamais été débattue de sorte que les dispositions de l'article 1355 du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer. Dans leurs seules écritures dispositives, elles revendiquent toutefois de voir constater que cette fin de non-recevoir a déjà été rejetée par le premier juge dans un jugement en date du 15 septembre 2021 dans le cadre de la première instance, faisant valoir 'que la cour n'est pas saisie d'un appel de cette décision', ce qui constitue donc un raisonnement distinct.
Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Mme [S] expose elle-même que le testament litigieux a été uniquement 'évoqué' dans le cadre d'une précédente instance portant sur l'annulation d'une donation, sans être contesté par les intimés. Cette même cour a indiqué dans le cadre de ce litige ne pas avoir à 'constater l'existence dudit testament' pour n'être saisie logiquement de rien à ce sujet.
L'autorité de la chose jugée ne s'appliquant par définition qu'à ce qui a été tranché, une telle fin de non-recevoir sera rejetée précision faite en toutes hypothèses qu'elle avait déjà été rejetée par une décision, dont nul ne discute du caractère définitif, par le premier juge en date du 15 septembre 2021, de sorte qu'elle se heurtait pour le coup à l'autorité de chose jugée à titre surabondant.
Sur l'action en nullité du testament pour insanité d'esprit :
Aux termes de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle en cas d'insanité.
La charge de la preuve de l'insanité d'esprit, fait matériel dont la preuve est libre et peut être administrée dès lors par tout moyen, incombe à celui qui agit en annulation.
Le trouble mental au moment de l'acte est suffisamment établi s'il est justifié d'une démence constante du donateur ou s'il est démontré que le disposant avait été frappé d'insanité d'esprit dans la période immédiatement antérieure et celle immédiatement postérieure à la passation de l'acte incriminé, ou, enfin, si les facultés mentales du disposant avaient connu depuis plusieurs années une dégradation progressive et constante dont procédait son état inéluctable d'insanité d'esprit à l'époque de l'acte contesté.
Mme [S] demande réformation du chef de dispositif ayant annulé le testament litigieux. Elle expose que le juge n'est jamais tenu de suivre les conclusions expertales qu'elle critique en toutes hypothèses pour ne pas suffisamment tenir compte des effets d'une maladie de la testatrice expliquant ses tremblements ainsi qu'un faible niveau scolaire expliquant une écriture malhabile. Elle reconnaît certes une lourde dépression de la testatrice, dans le cadre d'une brouille familiale importante, à compter de l'année 2008 avec des troubles anxio-dépressifs et des insomnies subséquentes mais insiste sur le fait que le maladie d'Alzheimer, qui ne serait pas suffisante en soi pour établir une insanité d'esprit, n'est apparue qu'en fin d'année 2010 de sorte qu'elle considère que Mme [Y] 'était loin d'être folle au moment de la rédaction du testament le 1er mai 2010". Pour établir l'intervalle de lucidité, elle se prévaut de la parfaite qualité scripturale du testament ne supportant aucune rature, surcharge, faute ou élément intrinsèque laissant penser à un infléchissement particulier de la pensée, ce qui constituerait la meilleure preuve du consentement et du caractère sain de son esprit. Elle soutient que ledit testament a bien été écrit de la main de la testatrice sans discussion possible.
Les intimés demandent confirmation. Elles font valoir qu'il résulte clairement du rapport d'expertise médicale que Mme [Y] était atteinte d'importants troubles cognitifs depuis de nombreuses années relevant de pathologies mentales et déficiences cérébrales courant 2008/2009 ainsi que de troubles anxio-dépressifs importants liés à des problèmes familiaux. Elles ajoutent qu'il est établi par ce même rapport que les troubles de Mme [Y] de type démence Alzheimer étaient bien installés en 2010 de sorte que l'insanité d'esprit de celle-ci était acquise à la date de rédaction du testament querellé.
Il ressort des pièces produites que :
- dès août 2008, Mme [Y] a été admise en clinique pour asthénie d'origine plurifactorielle (surmenage, insomnie, gonalgies invalidantes), celle-ci présentant suivant le bilan médical d'entrée, des troubles anxio-dépressifs «liés à des problèmes familiaux» avec une difficulté majorée à se concentrer, discours confus sur fond de pathologie psychiatrique type bipolarité, une altération de l'orientation temporelle (2/5) et un déficit en mémoire de travail (1/5), le test de l'horloge tenté trois fois à sa demande n'étant pas réalisé alors que Mme [Y] ne réalisait pas les chiffres ;
- le 20 février 2010, un médecin examinant Mme [Y] a relevé encore par voie de certificat des «troubles du comportement et troubles cognitifs» nécessitant de consulter un spécialiste ;
- le 28 octobre 2010, un autre médecin a établi la détérioration cérébrale de Mme [Y] avant que ne soit confirmé dans les mois qui ont suivi, en particulier en mai 2011, un diagnostic de maladie d'Alzheimer évoluant en réalité à bas bruit avec un MMS de 15/30 et un déficit fort ('+++') de la mémoire de rappel.
L'expert mandaté par le premier juge a conclu que Mme [Y], en date du 1er mai 2010, était atteinte d'une maladie d'Alzheimer installée, majorée par des troubles psychiatriques, dûment étayée par divers comptes-rendus médicaux et tests d'évaluation, la pathologie étant suffisamment grave pour altérer ses facultés au point de la priver de sa capacité de discerner le sens et la portée de son testament.
Si le juge n'est jamais lié par la teneur de conclusions expertales, encore faut-il que des éléments contraires fondés lui permettent de s'en détacher avec pertinence.
L'argument opposé par l'appelante visant, pour l'essentiel, à se prévaloir de la bonne qualité graphistique et rectitude syntaxique du document qui serait signe tout au contraire d'une détermination non affaiblie est, d'une part, très criticable dès lors que le testament en question, écrit d'une main peu assurée, contient plusieurs fautes d'orthographe ou de grammaire ('je vai très bien', 'la répartition de mes biens soient faite', 'mon plain grès', 'achuré'...) sans qu'il ne soit connu le niveau d'éducation exact de Mme [Y], d'autre part, et en toutes hypothèses, très insuffisant à combattre les éléments médicaux convergents, précis, nombreux et circonstanciés analysés par l'expert pour conclure à une insanité d'esprit.
Le chef de dispositif attaqué ayant déclaré nul le testament pour cause d'insanité d'esprit sera dans ces conditions confirmé.
Sur la demande d'expertise quant à la fixation d'une indemnité à la charge de Mme [S] pour l'occupation privative des lots n°8 à 10 :
Les intimés entendent voir consacrer 'au besoin, [en] y ajoutant, de condamner [R] [S] au paiement d'une indemnité pour son occupation privative des lots n° 8 à 10 de l'immeuble dépendant de la succession, depuis le décès jusqu'à la libération effective des lieux, dont le montant sera fixé à dire d'expert'.
L'appelante ne dit rien sur l'option d'une expertise pour fixer cette indemnité dont le principe a été consacré définitivement, précision faite que cette occupation privative n'a jamais été contestée.
Bien que nul n'en parle, il résulte des pièces produites par les intimées que le juge commis a finalement autorisé le 29 décembre 2022 le notaire, à sa requête, à s'adjoindre un sapiteur afin d'évaluer la valeur vénale et locative du bien.
La demande d'expertise formulée en toutes hypothèses 'au besoin' est donc désormais nécessairement sans objet et sera à ce titre rejetée.
Sur la demande d'indemnité d'occupation à la charge de Mme [S], venant aux droits de sa mère, pour l'occupation des lots n°2 à 7 :
Les intimées font valoir que Mme [O] [X] a occupé de façon privative les lots n°2 à 7, à tout le moins depuis le décès de sa mère de sorte que Mme [S] est redevable à ce titre d'une indemnité d'occupation à déterminer, en sa qualité d'ayant droit.
L'appelante n'en dit rien, se bornant à dire que sa mère était titulaire d'un bail, comme elle l'a d'ailleurs été elle-même au demeurant pour les lots n°8 à 10.
Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
Ayant pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère, elle doit dès lors notamment être déterminée au regard de la valeur locative du bien.
Le premier juge a rejeté cette demande au motif qu'avant le décès de Mme [Y], Mme [O] [X] a certes occupé privativement un bien mais celui-ci appartenait à sa mère à la suite de l'annulation de la donation de sorte qu'il n'existait aucune indivision, partant aucune indemnité de privation de jouissance. Il n'était pas fait état en première instance d'une demande portant sur une période postérieure au décès de Mme [Y], la demande des intimées en première instance paraissant exclusivement porter sur la période antérieure à son décès des suites de l'annulation de la donation.
Il y a lieu dans ces conditions de confirmer ce chef de dispositif mais par voie d'ajout de dire Mme [S], en sa qualité d'héritière de sa mère, redevable d'une indemnité au bénéfice de l'indivision à la suite de l'occupation privative des lots n°2 à 7 par Mme [O] [X] jusqu'à son décès, c'est à dire du 13 octobre 2014 au [Date décès 2] 2019, le montant étant à soumettre au notaire.
Sur la demande d'indemnité relative aux dégradations à la charge de Mme [S], venant aux droits de sa mère, pour l'occupation des lots n°2 à 7 :
Les intimées estiment que la succession de Mme [O] [X] est comptable, 'en tant que de besoin', des éventuelles moins-values survenues au bien indivis par son fait ou par sa faute, exposant que Mme [O] [X] avait opéré à son retour de l'étranger de nombreux travaux sur l'immeuble entre 1996 et 2005 transformant les garages en espaces habitables sans aucune autorisation.
L'appelante indique qu'il n'existe aucune preuve de dégradation du bien, les travaux opérés l'ayant tout au contraire amélioré de sorte qu'elle serait titulaire d'une créance à l'encontre de la succession en réalité.
Les dégradations en question reposant sur des éléments de nature purement hypothétique comme en témoigne d'ailleurs la formulation même de la demande effectuée 'en tant que de besoin', une telle prétention a été à juste titre rejetée par le premier juge, le chef de dispositif étant confirmé.
Sur les demandes de rapport de libéralités :
Aux termes de l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.
* de la donation indirecte des droits sur la donation annulée à hauteur de 3 016,36 € au profit de Mme [O] [X] :
Mme [S] demande réformation indiquant que la preuve d'une telle libéralité n'est pas rapportée.
Les intimés demandent confirmation, rappelant que ce montant correspond au paiement par la défunte des droits de la donation finalement annulée, le tout s'analysant donc comme une donation indirecte au profit de Mme [O] [X] à l'époque.
Le chef de dispositif ayant conclu à donation indirecte et rapport à la masse sera confirmé en ce que le règlement de ces droits, réalisé dans le même esprit libéral que la donation finalement annulée dont ils ont été la conséquence, a nécessairement conduit à appauvrissement de la défunte et enrichissement de Mme [O] [X].
* de la donation d'une somme de 111 022 € au profit de Mme [O] [X] :
Mme [S] demande réformation indiquant que la preuve d'une libéralité n'est pas rapportée. Elle y ajoute que cette donation a été écartée par l'arrêt de cette cour en date du 20 avril 2017.
Les intimés demandent confirmation, rappelant que cerre donation résulte de la déclaration de succession.
Cette cour dans son arrêt en date du 20 avril 2017 n'a rien dit d'une telle somme ni de son sort étant uniquement saisie d'une demande de condamnation de Mme [O] [X] à payer aux appelantes et pour le compte de l'indivision successorale les sommes de 10 500€ et 123 981,44€, sans préjudice des sanctions applicables en matière de recel, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et avec capitalisation de ceux échus depuis plus d'un an.
Les parties n'ont fourni aucune précision sur le détail de cette somme ni à l'époque ni maintenant et la cour n'en disait pas plus ni mieux dans sa motivation de rejet qui était la suivante : 'Le seul fait que Mme [J] [Y] ait détenu des fonds en divers placements qui ne se retrouveraient plus au jour de son décès alors que Mme [O] [X] épouse [N] bénéficiait d'une procuration, que les retraits d'argents aient été nettement plus fréquents en 2010 et 2011 ou que des opérations de retraits aient pu être effectuées à partir d'un téléphone mobile, dont l'intéressée n'était pas en mesure de se servir, ne saurait suffire à établir que ces prélèvements ont été effectués par Mme [O] [X] épouse [N] dans le cadre de la procuration dont elle disposait ou par sa fille'.
La somme précise évoquée par les intimés ne figure pas dans la pièce n°4 appelée 'déclaration de succession' alors qu'il ne s'agit manifestement que d'un projet de déclaration, ce document n'ayant été signé de personne. Figure dans cette pièce, manifestement rédigée par un notaire, uniquement une ligne dans les imputations faisant état d'une 'donation au profit d'[O] [O] [X] ainsi que les frais notariés d'un montant de 114 038,36 €' (page 9).
Pour autant, il résulte du procès-verbal du 29 novembre 2018 établi par le notaire en charge, signé de toutes les parties, que Mme [S] indiquait 'accepter de signer la déclaration de succession préparée par l'étude sans être d'accord sur les estimations des biens immobiliers qui y ont été indiquées'.
Il doit donc en être déduit que le montant de la donation figurant dans le projet de déclaration au profit de sa mère a été acceptée par l'intéressé.
Dans ces conditions, le chef de dispositif sera confirmé, la somme étant limitée pour un motif ignoré à 111 022 € alors que le fait que cette libéralité doive être réunie à la masse de calcul ne résulte que d'une pure application de la loi.
* de la donation de sommes correspondant à des rachats partiels d'une assurance vie Cardiff en date des mois de mars et mai 2011 au profit de Mme [O] [X] :
Mme [S] demande réformation indiquant que ces rachats, dont les montants ne sont précisés de personne, ne sont pas rapportables à la succession en application de l'article L.132-13 du code des assurances.
Les intimés demandent confirmation. Elles indiquent que la défunte avait souscrit auprès de Cardiff une assurance vie qui a fait l'objet de rachats en mars et mai 2011 et que si cette cour, dans son arrêt en date du 20 avril 2017, a considéré que le caractère frauduleux d'un détournement de fonds par Mme [O] [X] n'était pas établi, il n'en demeurait pas moins que les opérations de rachat avaient été réalisés à son bénéfice.
Cette cour n'a jamais indiqué dans son arrêt précité que ces sommes, dont les montants sont ignorés, qui ne sont au demeurant ni le capital au dénouement du contrat, ni des primes versées par le souscripteur mais des rachats partiels de sorte qu'il n'est nulle question de l'application de l'article L.132-13 du code des assurances, n'aient pas fait l'objet d'un 'détournement frauduleux', et ce pour ne jamais évoquer expressis verbis de tels rachats.
Pour autant, il ne résulte d'aucune pièce produite devant la cour l'existence tant du contrat d'assurance vie évoqué par les parties ainsi que par le premier juge, encore moins par définition de rachats dont les montants sont au demeurant ignorés de sorte qu'il n'existe aucune preuve ne serait-ce que d'un transfert de patrimoine.
En l'absence de tout élément, le chef de dispositif déféré sera infirmé dans le sens d'un débouté.
* de la donation d'une somme de 36 000 € au profit de Mme [O] [X] :
Les intimées expliquent dans leurs écritures que 'les justificatifs sont en cours de reconstitution' pour démontrer l'existence de cette donation au profit de Mme [S].
Aucune pièce justificative n'a été in fine produite, ce que souligne Mme [S].
Le chef de dispositif ayant conclu à débouté de cette demande, faute déjà en première instance de tout justificatif, sera dans ces conditions confirmé.
* des donations en avancement d'hoirie dont a bénéficié Mme [O] [X] de façon générale :
Formulée 'dans l'hypothèse où', à raison d'un pressentiment des intimées quant à l'existence d'autres donations non encore découvertes, cette demande purement hypothétique, rattachée à celle d'une condamnation de Mme [S] à ce titre pour venir aux droits de sa mère, sera rejetée alors qu'elle ne fait que rappeler les principes généraux posés par la loi.
Sur le recel successoral :
Les intimés affirment la tentative de dissimulation des libéralités précitées et demande réformation du chef de dispositif les ayant déboutées de la demande de recel successoral.
L'appelante rappelle que le recel successoral se prouve pour conclure à confirmation.
Aux termes de l'article 778 du Code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.
Rien n'établit la dissimulation des libéralités précitées et les intimés se bornent à l'affirmer précision faite que la donation de la somme de 111 022 € résulte du projet de déclaration de succession et que le règlement des frais d'acte procédait d'une donation déclarée par acte notarié de sorte que la dissimulation n'est convaincante dans aucun de ces cas, encore moins la volonté d'une frustration du partage.
Le chef de dispositif déféré sera confirmé.
Sur la demande de licitation des lots n°2 à 11 :
Les intimés revendiquent infirmation du débouté d'une telle demande, soulevant moins l'impossibilité d'un partage en nature que celle du maintien d'une si grande proximité au sein de la copropriété demeurant leurs relations extrêmement conflictuelles, Mmes [R] [S] et [D] [X] résidant dans le même immeuble.
L'appelante n'en dit rien mais rappelle longuement les altercations familiales aggravées depuis le décès de la de cujus évoquant des menaces de mort et des intimidations continuelles.
Il résulte des articles 826 et 827 du code civil que le partage en nature est la règle, la licitation ne devant être ordonnée que si les immeubles ne peuvent être commodément partagés.
Si la mésentente grave des héritiers peut suffire à commander la licitation du bien, s'agissant d'un obstacle psychologique recevable à un partage en nature commode, encore faut-il qu'il ne constitue que la seule option envisageable alors qu'il résulte des déclarations de Mme [S] devant le notaire commis que celle-ci ne s'est pas opposée à la vente du bien de gré à gré, indiquant seulement qu'elle souhaitait rester 'si possible'.
Aucun obstacle matériel n'existant par ailleurs au partage en nature des différents lots, il y a lieu de confirmer le chef de dispositif déféré.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dépens d'appel seront partagés de façon égalitaire entre les parties, sans qu'il y ait lieu à distraction et sans qu'il y ait lieu non plus de modifier la charge de ceux de première instance.
L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant dans les limites de sa saisine :
- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :
- dit qu'[O] [X] a reçu une donation indirecte résultant des rachats partiels à son profit de l'assurance-vie de la défunte aux mois de mars et mai 2011,
statuant à nouveau du chef de jugement infirmé :
- déboute Mmes [X] [D] et [X] [B] de leur demande de rapport de libéralité suite aux rachats partiels de l'assurance vie de la défunte aux mois de mars et mai 2011,
- confirme le jugement attaqué pour le reste ;
y ajoutant :
- fixe une indemnité d'occupation à la charge de Mme [R] [S], venant aux droits de Mme [O] [X], à verser à l'indivision suite à l'occupation privative des lots n°2 à 7 par Mme [O] [X] entre le 13 octobre 2014 et le [Date décès 2] 2019,
- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;
- dit que les dépens d'appel seront partagés de façon égalitaire entre les parties.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
M. TACHON C. DUCHAC